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dimanche 06 novembre 2022 12:53
Phoenix en interview : "On n'avait pas envie de donner du confort aux gens"
Cinq ans après "Ti Amo", Phoenix est de retour dans les bacs avec le formidable "Alpha Zulu". Dans les allées du Musée des Arts Décoratifs, où l'album a été enregistré, Thomas Mars et le guitariste Christian Mazzalai se confient sur la conception à distance de ce projet électro-pop, l'une des plus belles réussites de cette fin d'année. Interview !
Crédits photo : Shervin Lainez
C'est peu dire qu'on attendait avec impatience le retour de Phoenix, qui s'est fait très long ! Si "Ti Amo" avait été la bande-son de notre été 2017, "Alpha Zulu" mettra un peu de soleil dans l'hiver qui se profile. Fin août, avant de partir en tournée aux Etats-Unis, le groupe versaillais nous a accueilli dans une partie en travaux du somptueux Musée des Arts Décoratifs de Paris. Le quatuor a totalement transformé le premier étage en studio d'enregistrement, dont le chanteur Thomas Mars nous a fait faire le tour du propriétaire. Et c'est dans ce lieu chargé d'histoire que sont nées ces 10 nouvelles chansons somptueuses. Propos recueillis par Théau Berthelot. Votre nouvel album "Alpha Zulu" sort cinq ans après "Ti Amo". Sur les réseaux sociaux, vous postez des vidéos mystérieuses dessus depuis un an et demi : pourquoi a-t-il mis autant de temps à sortir ? Thomas Mars : En fait, on ne le teasait pas vraiment, on partageait des moments de studios sans savoir quand ça allait sortir (sourire). C'est pas comme si l'album était déjà fini et qu'on lançait un compte à rebours, qu'on tendait l'arc... La façon dont on se sert des réseaux est assez chaotique, c'est ça qu'on aime bien. Il n'y a pas trop de "master plan". Christian Mazzalai : Ce n'était pas calculé ! On savait pas quand on allait finir l'album. On ne sait jamais comment ça va se finir. Thomas Mars : C'est compliqué parce qu'on vit des trucs un peu spontanés qu'on a tout de suite envie de partager. A un moment, quand il n'y avait pas les échafaudages, on avait la vue sur les Tuileries. Et tous les jours il se passait des trucs incroyables et surréalistes, dont les gens ne se doutent pas. Un jour, il y avait un groupe de vieilles dames qui faisaient du yoga, d'artistes du cirque qui dansaient... Et nous on faisait de la musique. A un moment j'ai filmé, et tout ce que les gens faisaient dehors était exactement synchro avec le morceau. On s'est dit qu'on allait poster ça maintenant, car c'était en hiver et ça se voyait... Je pense que les gens voient ça comme du teasing, ou que quelque chose va bientôt sortir, alors que c'est juste quelque chose qui se passe et qu'on a envie de partager. On est dans un studio, on voit un truc bizarre, on partage une démo d'une chanson qui n'a pas fini sur l'album... Et puis aussi, on était vachement isolés ici, entre la pandémie et l'isolement, on avait envie de lâcher quelques trucs pour avoir un tout petit peu de contact. Vous êtes habitués à enregistrer à la Gaité Lyrique mais cette fois-ci, c'est le Musée des Arts Décoratifs. Pourquoi cet endroit ? Thomas Mars : On nous a proposés ce lieu et c'était irrésistible. Un studio dans tout le palais du Louvre, c'est un truc dont on rêve depuis qu'on est jeunes. Ados, on passait devant et on se disait "un jour on sera ici". Il y a tellement de pièces vides, on se demandait ce qu'il y avait dedans, on voulait regarder sous les mansardes... On pensait qu'on allait avoir 10 mètres carrés pour faire un studio et en fait ils nous en ont donné une belle surface, mais dure à utiliser... Le Musée des Arts Décoratifs, c'est irrésistible Pourquoi dure à utiliser ? Thomas Mars : Parce que ça ne s'y apprête pas... Christian Mazzalai : L'acoustique est traitée là-haut [au premier étage, ndlr]. On a mis des panneaux acoustiques. Ici, on a enregistré un ou deux trucs [il tape dans ses mains] pour avoir ce genre de réverbération. Thomas Mars : Quand tu vas réécouter l'interview t'entendras le petite réverb' (rires). Donc imagine sur disque ! Que vous inspire ces lieux peu communs pour enregistrer ? C'est autre chose qu'un studio classique... Thomas Mars : Exactement ! Christian Mazzalai : On cherche des terrains vierges. Déjà, d'un point de vue égoïste, c'est pour vivre une expérience entre potes. Chaque album est une nouvelle aventure... Si par exemple, on savait qu'on ferait le prochain album ici, on serait contents, mais on ne sait pas où on va aller la prochaine fois... Ça, ça n'a pas de prix. Thomas Mars : C'est un peu notre côté Nouvelle Vague. A l'époque, quand ils filmaient dans les studios, ils se disaient que tout se ressemblait. Déjà, c'était une structure lourde, c'était contraignant et cher, il fallait plein de machinaux. Ils se disaient que tous les films se ressemblaient donc ils ont pris leurs caméras et ils sont allés filmer dans les vrais appartements, dans la vraie vie, et ça a créé un truc génial. Nous on a envie de fuir les choses qui peuvent nous faire faire les mêmes albums. Comment s'est déroulée la composition de cet album ici au Musée des Arts Décoratifs ? Thomas Mars : C'était un peu chaotique car il y a eu la pandémie. On est arrivés à l'automne 2019. Christian Mazzalai : Et après il y a eu les confinements successifs, donc on a dû improviser de nouvelles stratégies de travail et profiter quand Thomas pouvait venir parce qu'il était bloqué aux Etats-Unis. On a eu des sessions très différentes, soit quand il était là c'était très très intense. On a tout enregistré vite fait quand il était là. Et quand il n'était pas là, on travaillait tout le temps mais avec Thomas en Zoom. Ça nous a permis d'aller dans des nouveaux domaines. Chaque album est une nouvelle aventure Le fait d'être dans un musée vous a donné envie d'avoir cette pochette d'album avec un tableau ?Thomas Mars : La pochette, c'est la vraie version du tableau. Sur le single il y a un gradient. La pochette du single, elle tease pour le coup (sourire). C'est jamais la même histoire avec les pochettes pour nous. Là pour le coup, c'est le seul truc où on cherche à avoir une recette pour être sûr de l'avoir au bon moment mais on n'y arrive jamais. Et puis là, on a demandé à Pascal Teixeira, qui travaille avec nous depuis "Wolfgang Amadeus Phoenix", on lui a demandé plein de trucs. Il y a une pochette que j'adore de mon enfance qui est le "Three Imaginary Boys" des Cure où chaque membre du groupe est représenté par un frigo ou un aspirateur. Je lui ai demandé de chercher des trucs où il y a quatre choses. Peut-être qu'un jour on mettra sur Instagram toutes les versions des pochettes où il y avait quatre, car il y en avait pas mal (sourire). Il a trouvé le tableau, et ce qui nous a vachement plu c'est qu'il l'a croppé, une toute petite section, un peu comme Richard Prince quand il prend des pubs Marlboro, il enlève tout ce qui est cigarette et il garde juste un tout petit bout. Quand l'art existe là où ne s'y attend pas. Et là c'est l'inverse car c'est de l'art même et c'est ultra méta. Tu prends une partie infime... Et on a tous aimé le fait que ces quatre personnages regardent le livre mystique. Ça ressemblait beaucoup à notre première photo de presse, où on était tous les quatre en train de lire un livre. C'était irrésistible pour nous. "Alpha Zulu" est un premier choix de single assez déroutant... Christian Mazzalai : C'est le premier morceau qu'on a vraiment fini et c'est celui qui nous a suivis tout le long du disque. Ça s'est fait de manière organique. Et c'est le premier morceau qu'on faisait écouter à nos amis à chaque fois. Chaque morceau est au même niveau dans l'album, mais c'est juste que ça s'est fait comme ça. Thomas Mars : Et puis changer l'orientation de la boussole un peu. On n'avait pas envie de donner du confort aux gens qui nous connaissent directement. On voulait un petit peu bousculer l'ordre établi. Et puis quand on faisait venir des amis en studio, on voyait qu'ils avaient une réaction qui était intéressante, donc on voulait partager ça finalement. Avec "Alpha Zulu", on voulait un peu bousculer Finalement, je trouve que s'il est déroutant à la première écoute, c'est un bon aperçu du reste de l'album !Christian Mazzalai : Tu trouves ? Thomas Mars : C'est pour ça qu'on l'a choisi ! (rires) Tu nous confortes dans ce choix. Et puis c'est le premier, donc le premier c'est le mètre-étalon de l'album, celui qui donne la référence. Après on base tout, musicalement, la palette, il y a plein de choses en commun... Si on devait choisir un morceau sans les connaître et les écouter, la logique serait de prendre le premier à chaque fois. On l'a souvent fait : "J-Boy", "Entertainement"... "Lisztomania" c'était pas le premier. (Il réfléchit) On va refaire toute notre discographie (rires) "If I Ever Feel Better" c'était pas le premier, c'était "Too Young". Là on va partir dans nos pensées pendant que tu nous poses d'autres questions (rires). Justement, depuis votre premier album, chacun contient 10 titres : c'est une constante à laquelle vous tenez ? Christian Mazzalai : C'est un peu la seule règle qu'on a. Thomas Mars : Faut au moins une règle ! Celle-là elle est basique, elle est simple. Branco [le guitariste Laurent Brancowitz, ndlr] compare ça à la Pléiade, même si c'est un peu prétentieux et il le sait aussi (sourire). Il dit que quand t'as tous les livres de la Pléiade, tu vas pas faire un livre qui a un centimètre de plus ou de moins. Là c'est un peu pareil. Un cadre, c'est important pour le création, pour s'imposer des limites. Et c'est une constante que vous aurez aussi dans le futur ? Thomas Mars : On se laisse le choix, sinon c'est pas fun. Mais c'est possible qu'il y ait 10 albums de 10 chansons, ça ferait un carré parfait. J'aime bien parce que ça me fait penser à la musique classique, quand la 10ème Symphonie, c'est toujours une symphonie inachevée ou maudite. On dit ça et puis on va arriver au dixième en se disant qu'on ne va pas s'arrêter à dix. Ça dépend quel âge on aura au dixième ! Christian Mazzalai : Il n'en reste plus que trois ! Thomas Mars : Si on prend assez de temps par album, huit ans par album, ça fera 24 ans... Le player Dailymotion est en train de se charger... Vous proposez un duo avec Ezra Koenig de Vampire Weekend sur "Tonight" : comment est née cette collaboration ? Christian Mazzalai : Elle est née de manière extrêmement naturelle. On avait le morceau et on avait une partie qu'on appelait "la partie Ezra", parce que ça nous faisait penser à lui, au niveau de la mélodie. On l'imaginait le chanter, et au bout d'un moment on a senti qu'on pouvait lui demander. On n'avait jamais fait ça. On le connaît bien, c'est un ami. Et on s'est dit allons-y ! Il a tout de suite dit oui ? Christian Mazzalai : Il l'a fait des Etats-Unis. On a eu des allers-retours à chaque fois. Thomas Mars : Je me rappelle, au tout début on avait fait un concert à San Diego en 2009, à la sortie de "Wolfgang Amadeus Phoenix". C'était des tous petits festivals de radio... Christian Mazzalai : C'était sur un terrain de basket d'une université je m'en rappelle ! Thomas Mars : Et Vampire Weekend, ils étaient là, ils venaient de sortir leur disque. Notre batteur est en retard, il était bloqué dans un avion, et le batteur de Vampire Weekend est venu et il a fait le soundcheck. Christian Mazzalai : On a demandé "We need a drummer". Et il a levé la main, tu te rappelles ? Thomas Mars : C'était marrant. On l'a regardé en même temps... Et donc là c'était pas vraiment une collaboration mais on a vu que c'était génial, qu'ils étaient fait du même bois que nous. Parce que les Américains c'est compliqué. Soit le store est baissé et tu es un dans un truc ultra professionnel où il manque un peu de saveur pour nous Européens et où c'est dur de pénétrer. Soit t'as des mecs comme ça qui sont hyper curieux, francophiles, assez ouverts sur le monde... Ils sont déments, ils ont les mêmes références. Nos playlists doivent se ressembler pas mal ! Notre guitariste compare notre discographie à la Pléiade Surtout qu'Ezra Koenig, c'est quand même quelqu'un d'assez occupé donc c'était pas forcément évidemment !Thomas Mars : C'est vrai ! Ça, on ne le savait pas vraiment. Sur son dernier album, il a un morceau où il sample Haruomi Hosono et je sais que Branco, deux semaines avant, avait partagé le même sample. Il arrive et nous dit "C'est super, on pourrait peut-être l'utiliser". Et on voit que le morceau de Vampire Weekend sort. Branco a eu le même instinct. Y a des points communs... C'est le premier "duo" sur disque de votre carrière : pourquoi seulement maintenant ? Christian Mazzalai : On a toujours été très habitués à travailler ensemble. Même adolescents. Partager, ça a toujours été dur, même en le voulant. On n'a pas l'habitude en fait. On est déjà quatre et c'est déjà pas mal (sourire). Quand on avait un groupe au collège, peu de gens le savaient, c'était un peu notre secret. Thomas Mars : Je me souviens que la prof de musique l'a su a un moment. Je me suis dit "qui lui a dit ça ?" (rires). Elle avait dit "alors je sais qu'il y en a un qui fait de la musique" ! Et donc après t'es appelé au tableau... Qui a balancé ? (rires) C'était mieux d'être une société secrète. Christian Mazzalai : Je faisais semblant de mal jouer moi. La flute, je savais tout faire, mais je le faisais mal pour pas qu'on me demande d'en jouer plus. J'avais pas envie de partager ! Après cette collaboration, il y en a d'autres que vous aimeriez faire ? Thomas Mars : Je ne sais pas encore lesquelles, mais il y en a plein. Il y a plein de morceaux qu'on entend et on se dit "tiens"... Christian Mazzalai : Ça nous a ouvert des portes, des possibilités. Thomas Mars : Mais on aime bien les plans, les trucs qui sortent des sentiers battus. L'idée, c'est de mettre un ingrédient étrange. Comme dans les parfums où il y a toujours un truc qui est 1/1000 d'un truc ultra répulsif... On cherche ce truc-là (rires). Même si on y trouve un large spectre sonore, c'est un album qui est beaucoup plus porté sur les synthés que les guitares... Thomas Mars : On ne réfléchit jamais à quels instruments utiliser... Christian Mazzalai : On essaie, on met de nouveaux instruments à chaque fois. Ça dépend pas de nous, c'est un truc qui est plus fort que nous quatre, qui nous dirige vers une direction qui se fait au fur et à mesure pendant des mois. C'est un long processus. On essaie vaguement de se diriger stylistiquement, mais on se laisse porter en fait. On aime bien ce qui sort des sentiers battus Sur vos albums, il y a toujours des sonorités inspirées par les années 80. Aujourd'hui, vous pensez quoi de ce revival 80's qui influe toute la pop culture ?Thomas Mars : J'ai l'impression qu'il ne s'est jamais arrêté ! Christian Mazzalai : C'est vrai qu'on nous a toujours dit ça depuis notre premier album. Thomas Mars : Mais c'est vrai que tous les morceaux numéros un en ce moment, ce sont des trucs qui sonnent années 80. Les pubs ou la technologie de cette époque, c'est irrésistible. Je pense que ça a eu un impact irrésistible sur nos cerveaux. Christian Mazzalai : On pourra jamais lutter contre ça. Le fait qu'on ait grandi durant cette décennie... Thomas Mars : Je pense que les générations arrivent à le transmettre. Et l'imagerie est tellement folle ! L'espèce de la queue de la comète américaine, surtout vers 83-84, où il y a eu plus de créations pop que les 30 ans d'avant. Forcément, il s'est passé un truc tellement pop, tellement puissant que tout le monde y revient. Le film qui a le plus cartonné cette année, c'est "Top Gun : Maverick", donc c'est pile dedans ! Ils reviennent aux heures de gloire, parce que là c'est un peu moins glorieux... Et c'est aussi le moment où le monde a été en harmonie sur la fascination technologique. Le Japon est arrivé, il s'est passé plein de trucs... C'est sûr que les années 80 ça revient tout le temps ! Mettre "Identical" en dernière piste sur l'album, c'est une façon de rendre hommage à Philippe Zdar ? Thomas Mars : Tout l'album est un hommage, mais surtout ce morceau ! Christian Mazzalai : C'était un peu l'impulsion de cet album. Il fallait finir par ce morceau. Et aussi par rapport à Philippe, c'était un moyen de lui rendre hommage. On l'a fait quelques jours après le décès de Philippe Zdar. C'était fin juin 2019. Les années 80 ont eu un impact sur notre cerveau Dans les paroles de certaines chansons, il y a quelque chose d'assez mélancolique et de nostalgique...Thomas Mars : Tout le temps ! Dans chaque phrase, dans chaque mot, il y a de la mélancolie et de la nostalgie. Moi je l'entends, après on a une vision peut-être plus biaisée des paroles de la musique. Quand on était enfant, on écoutait beaucoup de musiques en anglais et je me trompais sur les paroles. J'entendais ce que j'avais envie d'entendre. Et pour moi, tout était mélancolique, nostalgique, étrange... On reproduit simplement ce qu'on a aimé enfant ou adolescent. Mais je ne suis pas du tout objectif si j'écoute "Bad Habit" de Steve Lacy, le morceau numéro un, je suis sûr que je vois de la mélancolie partout alors que j'en ai parlé à ma fille, c'est pas du tout ça ! Enfin, il y en a, mais les paroles, je ne crois pas qu'elles soient mélancoliques. Et puis la mélancolie, ce sont les paroles plus la mélodie plus les accords. Et nous, c'est ça qui nous plaît. S'ils ne sont pas dans les mots, on le mettra dans les accords. Il y a de la mélancolie dans chaque phrase, chaque mot Vous êtes remontés sur scène en juin pour la première fois depuis quatre ans : c'était comment ?Thomas Mars : C'était génial ! C'était bien de ne rien faire et de partir en vacances après. Mais c'est le premier été que je passe en me disant que j'ai envie que l'été passe vite pour arriver à la rentrée et faire des concerts (rires). C'était fou, c'était un choc, c'était ultra émotionnel. Les gens qui sont venus à Primavera ont vu un festival avec un line-up all stars. Il y avait trois années cumulées qu'il fallait rattraper donc tous les groupes étaient ultra contents d'être là, de jouer devant autant de monde. Les années de pandémie nous ont fait nous rendre compte que jouer en live, c'est pas forcément gagné. C'est pas acquis. Quand on a fait le disque au début, on ne savait pas si on allait pouvoir le jouer en live. On ne sait même pas à la rentrée ce qui va se passer aux Etats-Unis. C'est la première fois qu'on tourne avec le Covid en fin de vague. Ça me fait penser à une anecdote, pardon elle est un peu longue, mais elle est pas mal. Un jour, on était en Australie et on nous annonce un tsunami géant. Nous, on était sur la plage, il y avait les caméras qui attendent sur la plage, et nous on est là... Ils nous ont dit de rentrer car le tsunami devait arriver vers minuit ou une heure du matin. On rentre, et au réveil le lendemain il n'y avait pas eu de tsunami, il y avait juste eu un centimètre d'eau. Par contre, toutes les images des caméras ont été diffusées dans le monde entier et notamment en France. Nos familles ont vu, notamment sur France 2, des images avec écrit "le tsunami arrive" et juste nous le groupe sur la plage, en train d'attendre. Mes parents m'ont appelé "Vous êtes complètement cons ? Vous êtes complètement inconscients ? Tous les australiens sont rentrés chez eux" (rires). Tout ça pour dire qu'il y a un truc où tout le monde est angoissé, mais qui n'est pas venu. J'espère que pour nous ça ira. Il y en a qui ont un peu peur... Vous allez donner deux concerts à l'Olympia dans le cadre d'une tournée européenne plutôt intimiste par rapport à d'habitude. C'est une tournée de chauffe pour prendre la température ? Thomas Mars : Ouais, mais en même temps je ne sais pas si ce sera une tournée ou des festivals. L'été, sûrement des festivals. Christian Mazzalai : On voulait une tournée que dans nos salles préférées. Même aux Etats-Unis, on joue que dans des salles qu'on adore. Et là l'Olympia à Paris, l'Ancienne Belgique à Bruxelles... C'est un peu les salles où on a envie de voir un groupe, en tant que public. Thomas Mars : C'est vrai que l'album ne sera pas sorti quand on tournera aux Etats-Unis mais on va y jouer pas mal de nouveaux morceaux. C'est la première fois qu'on s'est fait à l'idée qu'on ne jouerait que des morceaux qui ne seront pas sortis. Quand on a fait le disque, on ne savait pas si on allait le jouer en live Vous êtes un des rares groupes de rock "indé" à prendre autant soin du côté scénique des concerts : c'est quelque chose qui vous tient à coeur ?Christian Mazzalai : C'est un peu comme le studio. Il faut que chaque tournée soit une nouvelle aventure concrète. Il faut qu'on ait un truc pour s'amuser. Thomas Mars : Quand on fait un disque, on fait un disque qu'on a envie d'entendre. C'est ce que j'ai l'impression qu'il manque dans le paysage musical où on essaie de combler un vide. Pour les concerts, c'est un peu la même chose : on fait ce qu'on a envie de voir. Après, une fois le disque fini, on ne l'écoute plus car on a tellement entendu les chansons 12.000 fois en boucle. Mais on les redécouvre si elles jouent dans un supermarché ou à la radio, c'est quand même génial d'entendre son morceau par le spectre de la radio, qui est toujours aussi magique. Mais pour les concerts, on s'est aussi inspirés des spectacles qu'on a vus. J'ai été au New York City Ballet plusieurs fois. C'est un système D qui s'est accumulé au fil des décennies et qui fait que c'est hyper flexible et hyper rigide à la fois. Nous on a créé cette sorte d'opéra digital où les décors peuvent changer. Et en même temps ce sont des écrans. Il y a toujours ce côté où c'est ultra fun d'être dans le décor, et en même temps pour les gens de voir le décor. C'est aussi important que t'aies envie d'être dans le décor, que l'adolescent qui découvre ça ait envie d'être Christian à la guitare puisqu'il est sur un truc de miroir. Quand je regardais les groupes, j'avais envie d'être sur scène avec eux. C'est quand même l'élément le plus puissant. Là, le décor, ce sont des arches, comme un opéra digital. Ce qui est génial, c'est que tu peux faire plein de trucs ! On vous a souvent dit que vous êtes plus connus aux USA qu'en France, pourtant j'ai eu l'impression que le vent a un peu tourné avec "Ti Amo" : vous avez fait Bercy pour la première fois et étiez la tête d'affiche de gros festivals français ! Thomas Mars : En vrai c'est possible... C'est vrai que Bercy, c'est comme le Madison Square Garden. Ça s'équilibre, ce sont des vases communicants. Mais je ne sais pas trop en fait. "Ti Amo" est plus facile à comprendre pour des européens que des Américains parce qu'on a joué sur le décalage, des codes de notre enfance... C'est plus simple, il y a plus de "gravitas" et de lien émotionnel avec le disque pour les Européens. Mais je ne sais pas pour le live... On te dira à la fin de cette tournée, si on te revoit, l'état des lieux (rires). Primavera, par exemple, c'était incroyable mais ce sont des gens du monde entier, il y avait plein d'Argentins, de Mexicains... Et c'est génial parce qu'il y a des pays où ça marche et tu sens qu'ils apprécient les groupes. Des pays où les Ramones sont encore des demi-Dieux, c'est toujours bon signe ! Ils ont compris le concept ! Ça parle encore aux gens et c'est le coeur de notre groupe.
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