Lio

Crédits photo : Capture d'écran France 5
C'est l'affaire qui secoue le monde du cinéma depuis des mois. En avril dernier, Mediapart a publié un article concernant le témoignage de 13 femmes accusant Gérard Depardieu d'agressions sexuelles. Des accusations qui ont explosé suite à la diffusion d'un numéro de "Complément d'enquête" courant décembre où l'on voit le célèbre acteur français tenir des propos obscènes et sexuels, notamment envers une jeune fille de 10 ans. Depuis, les tribunes se multiplient, pour ou contre Gérard Depardieu, dont celle très médiatisée du Figaro, signée par Nadine Trintignant, Benoît Poelvoorde, Jacques Dutronc, Carla Bruni, Afida Turner, Pierre Richard ou Jacques Weber, avant que bon nombre d'entre eux fassent machine arrière et retirent leur nom.

"Ce sont des comportements inadmissibles qui détruisent"

Ce week-end, Lio, signataire d'une tribune dans Libération intitulée "L'art n'est pas un totem d'impunité", a accepté l'invitation de l'émission de France 5 "C l'hebdo", qui consacrait justement un débat autour de "La fracture Depardieu". Dans une prise de parole forte, l'interprète de "Banana Split", très engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, dit regretter que « cet ancien monde ait encore autant de pouvoir ». « Pour moi, c'est des bouffons » lâche-t-elle directement, exaspérée que ce genre de comportement ait pu avoir lieu durant des décennies : « On ne peut pas réduire les propos et l'affaire Gérard Depardieu au fait qu'il parle du frottement du clitoris d'une petite fille de 10 ans, qui est trop loin pour l'entendre. C'est tout ce qu'on peut faire depuis des années sur un plateau avec la complicité de tout un milieu qui est en cause. Ce sont des comportements inadmissibles qui détruisent ».

Elle-même victime de violences conjugales et d'agressions sexuelles, Lio rappelle que dans le milieu du cinéma, « tout le monde sait, et personne ne dit rien » : « Il y a des listes qui circulent dans le métier : tout le monde connaît les prédateurs sexuels qui sont dans le métier ». Evoquant la mise en place d'une « misogynie intégrée » par le patriarcat, la chanteuse et comédienne de 61 ans remarque que « des femmes fortes » ont signé la tribune polémique du Figaro. Dont Nadine Trintignant, la fille de Marie, morte sous les coups de Bertrand Cantat en 2003, dont Lio était très proche : « Ça fait très longtemps que j'ai pas eu Nadine au téléphone. Je l'ai beaucoup eue lors du meurtre de Marie et tout ce qui a suivi. J'avais vu des signes et je ne les avais pas interprétés comme il fallait. On se sent tellement mal après ça ».

"Personne n’a parlé d’un autodafé, personne n’a parlé d’effacer Gérard Depardieu. La présomption d’innocence existe et existera toujours, mais la voix des femmes doit être entendue et on ne veut toujours pas les entendre !"Affaire Depardieu : Lio prend la parole dans #CLHebdo pic.twitter.com/F1nUR0PVVF

— C l’hebdo (@clhebdo5) January 6, 2024

"La voix des femmes doit être entendue"

Pour Lio, ce qui est « regrettable », c'est que les signataires s'étant retractés de la tribune ne l'ont pas fait à cause des accusations envers Gérard Depardieu, mais bel et bien car « l'auteur de la tribune est un homme d'extrême droite ». Quant à la décision prise de ne plus diffuser des films de Gérard Depardieu à la télévision suisse, « c'est fort et c'est bien aussi pendant un moment » estime la chanteuse : « C'est un signe de décence. J'ai été très choquée quand Bertrand Cantat est remonté sur scène, soutenu par la Une des Inrocks ». Aussi, l'artiste explique que même si « la présomption d'innocence existera toujours, c'est à la justice de rendre son verdict » : « La voix des femmes qui se sont faites entendre doivent être entendues. (...) J'ai été une femme battue, j'ai beaucoup de choses à dire sur la justice, comment on la rend pour les incestes, pour les femmes. J'ai beaucoup à dire sur l'aliénation parentale qui ne concerne que les femmes ».

"Tous les médias l'ont soutenu"

Lio en profite pour rappeler l'histoire d'une de ses amies actrices Charlotte Arnoult, agressée sexuellement par Gérard Depardieu : « Il l'a violée, elle était malade, elle pesait 37 kilos. Elle aussi, elle essaie de pas le voir tous les jours mais on le voit tous les jours. Comme par hasard, quand Natacha a parlé, tout le métier s'est mis comme ça pour le faire tourner partout, (...) tous les médias l'ont soutenu et c'était déjà une volonté de défense d'un métier parce que c'est un entre-soi. Moi, j'ai une chance folle : ce métier n'a jamais voulu de moi, et je n'en fais pas partie, pour autant je l'aime bien ». Si elle mesure sa « chance » d'avoir pu éviter de se retrouver seule avec Gérard Depardieu, elle explique que sa soeur Helena Noguerra a failli être présentée à l'ogre du cinéma français : « On lui a dit avant "Tu sais il touche les seins, il met les mains dans les culottes, mais enfin c'est Gérard". Elle a répondu "Non, je n'ai pas envie de payer ce prix-là". Oui, il y a des femmes fortes, mais que fait-on des autres ? (...) Je suis une femme forte par moment, et fragile à d'autres. Vous savez comment font les prédateurs ? Ils choisissent la blessée ou le blessé dans le troupeau ». Une prise de parole nécessaire, saluée par le public depuis ce dimanche.