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Booba : "Le rap français régresse plus qu'il ne progresse"

Booba fait son retour avec "Futur", son sixième album, annoncé en grande pompe par un featuring avec l'un des rappeurs US les plus appréciés du moment : 2 Chainz. Deux ans après "Lunatic", le rappeur revient en force avec un disque qu'il qualifie lui-même de très actuel, mais où l'on retrouve bien évidemment sa patte, bien qu'il ouvre son horizon à d'autres champs. Rencontre avec le rappeur français n°1.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Pour ce nouvel album, vous avez quitté l'équipe de Because Music pour rejoindre une structure plus importante, le label AZ d'Universal Music. Qu'est-ce qui a motivé ce départ ?
Booba : Je pense que j'avais fait le tour avec Because Music. On a travaillé ensemble pas mal de temps. On est allé au bout de ce qu'on pouvait faire ensemble. Universal Music est une plus grosse structure et je pense que cette nouvelle équipe pourra m'emmener plus loin. Sans cracher sur Because Music, bien sûr, qui est devenu une trop petite structure.

Vous souhaitez ouvrir votre carrière à de nouvelles perspectives avec "Futur" ?
Mais j'ai toujours eu de nouvelles perspectives à chaque fois que j'ai sorti un album ! Pour chaque disque, j'essaie de faire quelque chose de toujours mieux que sur le précédent. C'est comme ça que j'ai toujours fonctionné.

Votre retour fait déjà grand bruit. Bien avant sa sortie, l'album était déjà numéro un des ventes sur iTunes grâce aux pré-commandes, mais également en raison d'un clash avec Rohff avec la mise en ligne de votre titre "Wesh Morray". Il y a eu une sorte d'emballement sur Internet entre vous deux, comme si deux confréries entraient en confrontation. Pouvez-vous démêler le vrai du faux, car beaucoup de choses ont été dites à ce sujet ?
J'ai publié une vidéo sur ma page Facebook, où j'explique tout. Je ne vais pas en parler à chaque interview. Tout le monde m'en parle ! Tout est clarifié. Pas besoin de revenir dessus ou d'en dire plus !

J'essaie d'aller là où on ne peut pas m'atteindre
Je vous sens agacé par cette histoire, et surtout par le fait que les médias insistent sur cette confrontation entre Rohff et vous ?
Non. C'est normal ! On appelle ça la presse à scandale. Si j'étais à leur place, je ferais la même chose. Tant que ça ne met pas la musique au second plan, ça ne me dérange pas. Et ce n'est pas le cas ! C'est quelque chose qui excite les gens mais, après, la musique est toujours là. J'ai l'habitude de tout çà. Depuis mes débuts !

Votre nouvel album s'intitule "Futur". Pourquoi ce titre ? Pensez-vous être un visionnaire dans votre domaine ?
J'ai appelé cet album "Futur" parce que, dans un sens, j'essaie toujours de m'écarter de ce qui se fait. Je n'aime pas ressembler aux autres. J'essaie d'aller là où on ne peut pas m'atteindre. Ce n'est même pas essayer, ça vient naturellement. Je fais les choses au feeling. Je me lâche totalement ! Je fais mes trucs à moi. Et je crois qu'il n'y a aucun album de rap qui ressemblera au mien.

Combien de temps de travail nécessite la réalisation d'un album comme celui-là ? Il y a seize titres dessus...
... Seize ou dix-sept. Il y en a seize pour la version physique et dix-sept pour la pré-commande sur iTunes. J'ai commencé à travailler sur ce disque il y a un peu plus d'un an. Je me suis mis à l'oeuvre alors que je venais de terminer "Autopsie Vol. 4" (sortie en novembre 2011, ndlr).

Qu'est-ce qu'il se passe pendant un an ? Le projet évolue ? Vous vous fixez un objectif ? Est-il différent à l'arrivée de l'idée que vous pouviez vous en faire au départ ?
Je n'ai aucun objectif ! C'est quelque chose qui évolue de jour en jour en fonction de ce que j'arrive à produire. Je reçois des sons tous les jours. Je passe aussi beaucoup de temps à écouter et travailler sur des instrus. J'enregistre. Je prends du recul. C'est un long travail.

Comment arrive-t-on à faire un choix lorsque l'on reçoit beaucoup de titres ? Arrivez-vous à savoir d'emblée si l'un sera bon, l'autre ne pourra jamais l'être ?
Il y a une sélection naturelle si on veut. J'écris et je prends ce que j'aime pour commencer. On écoute et on réécoute. On les digère. On revient dessus pour écouter en laissant du temps. Je vois si ça me plait toujours autant. Il y a des instrus que je peux écouter et kiffer pendant quelques jours et puis, après coup, attendre six mois pour voir si je ressens encore quelque chose en réécoutant. Ceux-là, on se dit qu'ils passent l'épreuve du temps et qu'il faut les garder. Ce sont ces sons-là qui deviennent des classiques.

Crédits photo : DR.
J'aime être dans la tendance mais je fais les choses à ma propre sauce
Qu'est-ce qui distingue "Futur" de vos précédents albums ?
... Ah ! C'est dur comme question (sourire)... J'ai toujours la même manière de travailler. Il n'y a pas de règle donc je dirais que c'est simplement une nouvelle évolution de mon style. J'ai abordé d'autres instrus. J'ai un morceau reggae, j'ai quelques morceaux chantés... C'est la forme qui évolue sans doute le plus. Le fond, ça reste Booba. J'aime être dans la tendance mais je fais les choses à ma propre sauce. C'est un truc actuel, futuriste et peut-être novateur pour certains morceaux. Si je bosse sur quelque chose de très personnel, c'est forcément novateur parce que je ne copie personne, ça ne ressemble à rien d'autre. Je sais qu'il y a quelques morceaux qui sont vraiment de moi, comme une patte. Je pense qu'il n'y a que moi qui pourrais poser sur certains instrus.

Vous parlez de morceaux reggae, de titres chantés. On a assisté ces derniers temps à une vraie évolution dans le rap français, avec une ouverture sur d'autres registres. Comment percevez-vous cette évolution du rap français en 2012 ? Vous considérez-vous comme meneur, suiveur ?
Je ne suis pas très fan de ce qui sort en rap français en ce moment. Le rap français régresse plus qu'il ne progresse. J'ai bien aimé les rappeurs que l'on retrouve sur "Autopsie Vol. 4", comme Kaaris, qui prépare son album et qu'on retrouve encore sur "Futur". A part ça, il n'y a pas vraiment grand-chose qui m'ait mis une gifle ces derniers temps. Que ce soit au niveau des producteurs, des sons qu'ils peuvent proposer, comme au niveau des rappeurs.

Et c'est ce qui vous pousse à tendre la main à des rappeurs américains, comme 2 Chainz et Rick Ross ?
Il y a quelques Français sur mon album. On a comme je viens de le dire Kaaris, et puis Mala, comme toujours. Je n'ai pas invité des Américains que parce qu'il n'y pas beaucoup de Français que je kiffe. J'aime bien mélanger les deux parce que j'écoute du rap français et du rap américain.

2 Chainz, c'est quand même l'une des révélations de l'année. Son nouvel album sorti au mois d'août cartonne outre-Atlantique. Il a enregistré avec vous le titre "C'est la vie"...
... Exact ! Pour mon album "Futur", j'ai essayé d'avoir les rappeurs du moment, ceux qui font l'actualité. Le but, ce n'est pas d'avoir un artiste has been qui ne vend plus de disques. Je ne vais pas appeler un rappeur désespéré pour enregistrer sur mon album rien que parce qu'il est Américain. Je veux quelque chose d'actuel. 2 Chainz, je l'ai contacté. Il a demandé à écouter le son. Il l'a apprécié et il a posé directement.

C'est un artiste qu'on pourrait voir apparaître sur scène pour votre prochaine tournée ?
Pourquoi pas ! Si on se retrouve au même endroit.

Je ne fais pas de la musique pour faire de la politique !
Sur votre nouveau disque, vous dîtes qu'en France, vous ne vous sentez pas chez vous. Pourquoi ?
Je ne m'y sens pas vraiment. Ce n'est pas encore très cosmopolite comme d'autres pays. En Europe plus largement, il y a encore beaucoup de racisme. Toutes les communautés ne sont pas vraiment représentées, que ce soit au cinéma, dans les médias, dans le monde du travail... Ce n'est pas encore assez diversifié.

J'ai le sentiment qu'on va pourtant dans le bon sens.
Oui, c'est vrai. Ça évolue. C'est déjà mieux qu'il y a dix ans. Mais il y a encore du travail à faire. Il ne faut pas se voiler la face.

Vous ne pensez pas qu'un artiste de votre rang, avec la renommée dont vous disposez aujourd'hui, peut jouer un rôle dans cette évolution ?
Je pourrais avoir un impact mais ce n'est pas du tout mon objectif. Je ne fais pas de la musique pour faire de la politique ! Je dis juste ce que je pense. Si ça peut éveiller les consciences, tant mieux ! Mais je ne le fais pas en ayant comme prétention de vouloir changer quelque chose. Ce n'est pas moi qui vais faire bouger les choses mais l'humanité toute entière.

N'avez-vous pas peur à chaque fois que vous revenez avec un nouvel album, que le public ne réponde pas présent, qu'il n'adhère pas ?
C'est la crainte de tout artiste je pense, qu'il soit réalisateur, chanteur ou écrivain. Mais je n'ai pas peur. Je ne me prends pas la tête. J'avance. Si ça arrive, je ne pourrais rien y faire.

Aimeriez-vous à votre tour lancer des artistes, les produire sur votre propre label ?
Oui. C'est quelque chose qui me plairait mais, franchement, je n'ai pas le temps. Pourquoi pas, si un jour je trouve un artiste qui me fait vraiment de l'effet. Mais, même si je trouvais cet artiste aujourd'hui, je crois que je n'aurais malheureusement pas le temps de m'en occuper. Je n'ai pas envie de faire les choses à moitié comme beaucoup de producteurs le font. Ils lancent des mecs et, après, ils les laissent pourrir dans le fond d'une cave. Si je travaille pour quelqu'un, c'est pour lui donner les moyens de réussir avec les outils nécessaires.
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