Placebo

Crédits photo : Mads Perch
Placebo est de retour avec "Never Let Me Go", un huitième disque aux allures de véritable renaissance artistique. A contrario des nombreux disques festifs en réponse à la pandémie, le groupe de rock anglais a préféré miser sur 13 chansons sombres et oppressantes, à l'instar des formidables "Forever Chemicals", "Surrounded By Spies" ou encore "The Prodigal". Si le duo conserve toujours une belle popularité, notamment en France, cet album aurait pu ne jamais voir le jour. En effet, la carrière de Placebo aurait pu prendre fin après leur tournée anniversaire comme l'ont récemment confirmé Brian Molko et Stefan Olsdal. Retour quelques années en arrière : en 2016, la formation publie le best of "A Place for Us to Dream" suivi d'une longue tournée mondiale de 90 dates, dont 13 concerts en France. L'occasion pour le groupe de rechanter d'anciens tubes comme "Pure Morning", "Nancy Boy" ou "Teenage Angst" qu'ils ne voulaient plus jouer depuis des années.

"J'ai senti que le groupe était fini"

Seulement, ce long tour de chant a duré deux ans et a laissé Placebo sur les rotules, comme le confirme Brian Molko dans une interview pour le NME. D'autant plus qu'elle suivait déjà une tournée imposante pour promouvoir l'album "Loud Like Love" sorti en 2013 : « Nous n'étions pas à l'aise à l'idée de faire une tournée rétrospective. A l'époque, nous étions avec Universal Records et nous sentions que nous pourrions perdre tout soutien de leur part si on ne s'embarquait pas dans cette entreprise affreusement matérialiste et mercantile ». Une tournée que le chanteur évoque sans fard comme « les aspects masturbatoires d'autosatisfaction et [du] mercantilisme rampant ».

De son côté, le bassiste et co-fondateur Stefan Olsdal est tout aussi pessimiste sur ces concerts rétrospectifs intitulés "20 Years of Placebo" : « Cette tournée a duré longtemps et nous avons commencé à avoir une relation légèrement malsaine avec nos anciennes chansons. J'ai commencé à être assez déçu avec le groupe et ce que nous étions en train de faire. J'ai eu une crise de confiance en commençant ce nouveau disque. J'ai senti, durant la dernière tournée, que le groupe était fini et que je ne pouvais pas continuer avec ça ».

Une tournée rétrospective vue comme "masturbatoire"

Dans un autre entretien pour DIY, Brian Molko admet avoir eu « peur » de cet « exercice très commercial, très auto-congratulateur et, pour être franc, un peu masturbatoire ». Mais le succès public des concerts a permis aux musiciens de « recharger les batteries », même si jouer le même concert chaque soir était devenu lassant pour le groupe : « Quand tu en as marre du son de ta voix, mais que tu dois la présenter tous les jours au public, ça crée une grande dissonance cognitive ». Vers la fin de la tournée, la formation britannique avait même l'impression de s'être transformée en « statues de cire qu'on déplaçait aux quatre coins de la planète » : « A ce moment-là, je me disais que je voulais vraiment réagir contre ce genre de mercantilisme au niveau de ce que je veux faire en terme de paroles et d'ambiances en studio. J'ai décidé en 2017 que tout ce qu'était "cela", le prochain disque ne le serait pas ». Une période complexe qui explique sans doute pourquoi les plus grands tubes du groupe n'étaient pas au programme du concert intimiste donné au Trianon à Paris il y a quelques jours.

Si le duo avoue donc que cette tournée anniversaire a été organisée par leur label, elle a eu néanmoins un effet positif sur la carrière de Placebo comme le confirme Brian Molko au Parisien : « Après avoir célébré nos 20 ans, on s'est rendu compte qu'on avait gagné une liberté qu'on n'avait pas avant. Et moi, j'avais vraiment peur de commencer à m'emmerder. Alors on a rompu avec notre méthode et on a commencé par la fin ». Un mal pour un bien en quelque sorte...