lundi 25 novembre 2024 15:21
"Humiliée" et "sous emprise", Flore Benguigui dénonce son ancien groupe L'Impératrice
Par
Théau BERTHELOT
| Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
C'est un témoignage choc. Ce week-end sur Mediapart, Flore Benguigui détaille les raisons de son départ surprise de L'Impératrice, en plein succès. La chanteuse dénonce des "humiliations" et violences psychologiques régulières de la part des membres du groupe. La formation électro-pop française, actuellement en tournée, se défend.
Crédits photo : Bestimage
Fin septembre, Flore Benguigui a annoncé son départ du groupe français L'Impératrice. Sur Instagram, la chanteuse a pointé du doigt des problèmes de santé mentale et de « profonds désaccords personnels et artistiques » avec les autres musiciens. Mais la réalité est encore plus sombre. Ce week-end, la musicienne française s'est livrée dans un témoignage choc à nos confrères de Mediapart. L'interprète du tube "Agitations tropicales" raconte avoir vécu neuf années dévastatrices au sein de L'Impératrice où, si elle apparaissait comme la leader aux yeux du public, elle était constamment rabaissée et « humiliée » selon elle. « On m'a toujours répétée que j'étais une mauvaise chanteuse, que je chantais faux ou pas assez fort » débute-t-elle, révélant que l'étape du live a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres : « C'est un groupe avec beaucoup d'instruments, il y avait un mur d'amplis sur scène. Très rapidement, il y a eu cette pression pour me faire chanter plus fort ». Le player Dailymotion est en train de se charger...
"J'avais l'impression de tricher, de mentir"Pour palier à cela, les membres décident d'utiliser des séquences de voix en concert : « Ce que les gens entendaient dans la salle, c'est 50% de ma voix live, et 50% ma voix préenregistrée. On était obligé d'utiliser cet artefact pour pouvoir m'entendre dans la salle. C'était très difficile à vivre car j'avais l'impression de tricher, de mentir au public ». Selon la chanteuse, les autres musiciens estimaient que « la voix passait en dernier » dans le processus créatif : « Je devais m'adapter tout le temps. Au fil des années, j'ai perdu toute confiance en moi dans tous les domaines. J'en suis arrivée à un point où je me disais que je ne méritais pas d'être là ». Vivant avec « le sentiment d'être constamment possiblement virée », Flore Benguigui a tout fait pour se sentir « indispensable » au sein de L'Impératrice : « Gérer les réseaux sociaux, faire le merch, le stylisme, laver et repasser les tenues de scène de tout le monde... ». « J'avais une image de personne puissante : j'étais la frontwoman d'un groupe qui tourne beaucoup, j'écris mes textes, je réponds aux interviews... On a l'impression que je suis dans le contrôle, mais il y avait un contrôle constant de deux des membres du groupe, et du manager » poursuit-elle, révélant que même ses prises de parole sur scène étaient « contrôlées » et devaient être « validées » par les autres membres. Durant ses neuf années au sein de L'Impératrice, l'artiste de 32 ans dit avoir vécu une alternance de ce qu'on appelle le love bombing (« On me faisait beaucoup de cadeaux ») et des moments où elle a été « rabaissée et humiliée » : « Ils pouvaient me hurler dessus devant les autres membres du groupe. C'est même arrivé qu'un des membres se montre physiquement menaçant envers moi. Ça a failli aller assez loin ». "Il fallait que je me sauve"Se sentant « sous emprise » (« J'étais constamment avec cinq, voire neuf hommes »), Flore Benguigui a fini par perdre sa voix, courant 2021, face au stress constant. En studio pour le deuxième album "Tako Tsubo", elle dit avoir vécu « une sensation d'étouffement » au moment d'enregistrer le morceau "Submarine". Réponse de son collègue ? « "Si tu avais plus travaillé, tu serais en mesure de dépasser ton stress" ». Ce qui l'a obligée, pendant un an et demi, à se produire en play-back sur scène. Sauf qu'aucun des membres ne lui aurait apporté de compassion : « Personne n'a pensé qu'il fallait que je m'arrête. (...) Pendant un an et demi, j'essayais de chanter au maximum, j'étais en quasi-playback. Pour une chanteuse, c'est une humiliation énorme. (...) Le soir je pleurais systématiquement, tout le monde le voyait. J'étais en dépression, sous anxiolytiques ». Dans ces moments très difficiles, le groupe doit enregistrer son troisième album "Pulsar" en quelques mois seulement, afin d'assurer une nouvelle tournée et surtout un concert au festival Coachella en avril 2024. Pour Flore Benguigui, c'est la goutte de trop : « C'était la tournée qui dictait la composition. L'argent guidait tout le processus créatif ». Si elle fait part de sa réticence, étant « dans un état physique et mental encore extrêmement faible », le leader lui aurait dit qu'elle n'a « pas le choix ». Ironiquement, Flore Benguigui trouve amusant que le groupe ait validé le choix du nom de l'album "Pulsar", une étoile morte qui continue à briller, car c'est exactement ce qu'elle dit ressentir depuis plusieurs années. Les textes de cet album évoquent d'ailleurs ce mal-être constant, même si peu de personnes l'ont compris. La chanteuse se retrouve alors face à un dilemme et prend sa décision de quitter le groupe : « Si je ne pars pas maintenant, je ne partirai jamais. Si je ne partais pas avant la grosse tournée, je ne sais pas comment j'aurais pu survivre. J'avais perdu tout le contrôle. (...) Il fallait que je me sauve ». Et Flore Benguigui de déplorer « le sexisme tellement installé et puissant » dans l'industrie musicale. Ce témoignage choc, vu plus d'un million de fois sur les réseaux sociaux et partagé en masse, a été publié ce week-end alors que L'Impératrice donnait deux concerts à l'Olympia avec sa nouvelle chanteuse, Louve. Dans l'article de Mediapart, les membres restants du groupe se défendent face à « la gravité des faits » : « Il n'y a jamais eu de contrôle sur ses prises de parole. Au contraire, Flore s'est toujours exprimée librement sur ses projets personnels et sur les causes qu'elle défend, par le biais de ses réseaux personnels notamment ». L'Impératrice assure que « les prises de parole » et « le traitement "live" des voix » sont des décisions prises et validées collectivement. « Si l'investissement et l'attention que nous lui avons apportés n'ont pas suffi, nous ne pouvons que le regretter. En tout cas, nous lui souhaitons tout le meilleur pour la suite » concluent-ils, alors qu'ils continuent leur tournée européenne jusqu'à la fin de l'année. Depuis, Flore Benguigui a reçu le soutien de nombreuses chanteuses comme Pomme, Zaho de Sagazan, Silly Boy Blue, mais aussi Terrenoire ou Voyou et même de l'actrice Judith Godrèche, devenue le symbole du #MeToo du cinéma français. Podcast
09/07/2022
- L'Impératrice est le nouveau groupe phare de la scène française, qui s'exporte à l'étranger avec un large succès. Dans les coulisses du festival Fnac Live Paris, quatre des membres du groupe sont revenus sur l'imposant succès qu'ils connaissent depuis un an, leur consécration à Coachella et leur rapport au...
L'Impératrice : voici la nouvelle chanteuse !
L'Impératrice : la chanteuse quitte le groupe L'Impératrice et Maggie Rogers : le clip ! L'Impératrice fait danser "Marilù" dans son clip L'Impératrice présente son nouvel album à Paris L'Impératrice de retour avec "ME DA IGUAL" L'Impératrice : "On gravit les échelons" L'Impératrice cartonne à Coachella L'Impératrice règne en maître au Zénith de Paris L'Impératrice a "Peur des filles" L'Impératrice dénonce les violences sexuelles L'Impératrice signe un retour "Fou" |