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L'Impératrice en interview : "A Coachella, on avait besoin de faire nos preuves"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
L'Impératrice est le nouveau groupe phare de la scène française, qui s'exporte à l'étranger avec un large succès. Dans les coulisses du festival Fnac Live Paris, quatre des membres du groupe sont revenus sur l'imposant succès qu'ils connaissent depuis un an, leur consécration à Coachella et leur rapport au succès. Interview !
Crédits photo : Emma Birski
Propos recueillis par Théau Berthelot.

Votre album "Tako Tsubo" est sorti il y a quasiment un an et demi. Quel bilan faites-vous de cette année folle ?
Charles de Boisseguin : Ça sera plutôt un point de bilan, un prévisionnel. (Rires) Déjà le premier truc, c'est qu'on a mis du temps à pouvoir le défendre sur scène parce qu'il est sorti en pleine pandémie. Au début, la seule façon de défendre ce disque, c'était de faire des live sessions dans notre studio à Asnières, des live streams... On se languissait un petit peu de monter sur scène. Et une fois qu'on a eu cette opportunité, c'est un album qu'on s'est mis vraiment à sur-défendre et à poncer de façon très énergique. Du coup, je crois que cette pandémie et le côté tardif qu'on a mis à le défendre nous a permis de gagner en énergie et de gagner beaucoup de fans, surtout aux Etats-Unis. Ça nous a permis de rassembler beaucoup de gens autour de nous et c'est pas une mince affaire ! C'est la première fois qu'on arrive, en défendant un album, à faire péter les streams, à faire en sorte que toute la stratégie de sortie d'un disque fonctionne grâce à la tournée. Pour moi, c'est quelque chose d'assez important... Et puis c'est un album qui nous a permis de confirmer notre statut de groupe à l'international, avec Coachella, ici, un peu partout en Europe. C'est déjà un bon bilan, un bon prévisionnel. (Sourire)

Cet album nous a permis de confirmer notre statut
On dit toujours que l'étape du "deuxième album" est toujours délicate, ça a été le cas pour vous ?
Charles de Boisseguin : Bien sûr ! Il y a toujours ce truc où t'as besoin de te renouveler. Si tu ne te renouvelles pas, les gens vont dire que tu fais la même chose, et si tu fais la même chose...
Flore Benguigui : Les gens vont dire que tu ne te renouvelles pas.
Charles de Boisseguin : Du coup, c'est compliqué, mais l'idée c'était de prendre le parti et d'assumer toutes nos influences, changer tout ce qu'on pouvait changer, garder tout ce qu'on pouvait garder, de rester sur ce format très pop. Aussi d'aller plus loin dans ce qu'on voulait explorer : plus loin dans le groove, l'harmonie, le texte, les voix, les textures, le look ou la production... Et je crois qu'on a réussi ! A l'origine, c'était une grosse pression ce deuxième album et on s'en est bien sortis car il a eu un meilleur accueil que le premier. Moi personnellement, je le trouve plus abouti.
Flore Benguigui : Ce qui était dur c'était le démarrage surtout, parce qu'il y a cette pression ! Cette espèce de rumeur de dire que le deuxième album c'est celui où tu te casses la gueule.
Charles de Boisseguin : C'est vrai, on dit toujours que tu as toute ta vie pour sortir ton premier album...

Surtout que ce deuxième album est sorti dans un contexte compliqué !
Flore Benguigui : Il a été enregistré juste avant la pandémie.
Hagni Gwon : La pandémie, limite ça nous a justement aidés à plus l'aboutir. Il serait sorti sans la pandémie, il y a moyen qu'on ait eu moins de temps pour peaufiner certaines choses.

Vous avez vraiment profité de la pandémie pour retravailler dessus....
Charles de Boisseguin : La pandémie nous a beaucoup aidés, on aime la pandémie. (Sourire)
Flore Benguigui : Et aussi, le problème du deuxième album c'était le timing. Comme disait Charles, le premier tu as toute ta vie pour le faire, le deuxième tu dois l'insérer entre deux tournées. Tu finis la tournée de ton premier album et on avait déjà le plan de la tournée du deuxième sans avoir fait le deuxième album. On savait à quel moment il fallait qu'on s'arrête, puis il fallait qu'on s'arrête de composer pour reprendre la route... Mine de rien, c'est hyper stressant car tu as un temps défini et évidemment le timing n'est pas du tout respecté parce que la création a son lot d'imprévus. Et c'est vrai que la pandémie nous a permis de prendre le temps, ce qui est un luxe énorme dans ce milieu. Surtout en tant que groupe indé, on a aussi un impératif, sans mauvais jeu de mots, de devoir toujours être là, battre le fer tant qu'il est chaud parce qu'on fait beaucoup de choses nous-mêmes.

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On s'est toujours sentis un peu boudés
Vous arrivez à la fin d'une grande tournée mondiale marquée par deux moments forts : le concert au Zénith de Paris et votre passage triomphal à Coachella. Racontez-nous comment vous avez vécu ces deux concerts !
Achille Trocellier : C'était incroyable ! On est tous Parisiens, à part Flore, et de remplir une salle comme le Zénith, ramener 6.000 personnes pour L'Impératrice, pour nous et que ce n'est pas un festival, ça m'a mis une claque. Je me suis dit que c'est incroyable, on a réussi à le remplir. On est contents avec le label ou le tourneur mais personnellement, je trouve ça toujours hallucinant. C'était un point d'orgue d'y arriver et c'était incroyable. Et Coachella, je vais laisser quelqu'un d'autre en parler...
Charles de Boisseguin : C'était nul ! (Rires) Coachella, c'était incroyable. Et je rajouterais une troisième date clé qui est celle à Mexico, parce qu'on a joué au Pepsi Center devant 6.000 personnes. Contre 5.980 au Zénith de Paris, donc Mexico a gagné ! Pareil, je trouve ça même encore plus fou. C'est la deuxième fois de notre vie qu'on jouait à Mexico City et on a rempli directement une salle de 6.000 personnes avec des gens en transe, t'as pas idée ! Ils chantent tous les morceaux par coeur, les parties instrumentales, les choeurs... Tout ! Ils sont d'une ferveur hallucinante, ils sont vraiment indéboulonnables. Les Mexicains, c'est un peu nos stars à nous, on leur doit beaucoup ! C'est fou parce que, encore une fois, ça scelle un petit peu notre statut de groupe qui joue à l'inter. Quant à Coachella, c'était vraiment cool mais, contrairement à d'autres festivals, je dirais plus que c'était un showcase pour nous parce qu'on avait besoin d'y aller pour faire nos preuves. Il y avait cette pression médiatique, professionnelle... Tu peux te chier dessus et craquer dans n'importe quel festival, pas à Coachella. Il faut que tu fasses le meilleur show possible et donner tout ce que t'as. En l'occurrence, ce que j'aime bien dire, c'est qu'on est arrivés vraiment en outsider parce qu'on était le petit groupe français jouant sur une petite scène à 16 heures. Et quand on est repartis, on était vraiment portés par toutes les critiques. On a été dans les tops de Variety ou des Grammys, qui est quand même une institution ! Et même la vibe des gens : on a commencé le concert devant peut-être 4 ou 5.000 personnes, ça a fini à 12 ou 15.000 personnes, selon les organisateurs, 100.000 selon le groupe ! (Sourire) Les gens hurlaient, on était portés par leur bienveillance, c'était incroyable. On a tous fini le concert un peu émus.
Hagni Gwon : Et voir des gens qui acceptent de se prendre le soleil en plein dans la tête parce que ça débordait de la tente, et qui restent là pendant une demi-heure devant un cagnard pas possible... Tu te dis que tu as réussi à les motiver !
Charles de Boisseguin : Et la foule qui grandit grandit grandit assez rapidement aussi ! C'est hyper gratifiant !

On a gravi les échelons petit à petit
Ces dates sont aussi des marqueurs de votre succès aux Etats-Unis, au Mexique et en France. Et j'imagine que c'est d'autant plus important car vous être un groupe "indépendant" !
Flore Benguigui : Et en plus ce sont des échelons ! A part au Mexique où il y a quelque chose d'assez fulgurant et qu'on n'arrive pas à comprendre, mais pour le coup la France c'est quelque chose qu'on a vraiment construit petit à petit. Quand on était au Zénith, Charles parlait du petit concert qu'on avait fait à La Loge neuf ans à peu près au même moment. Les salles à Paris, on les a faites petit à petit. On a fait toutes les tailles intermédiaires, on n'a pas fait le Zénith d'un coup ! C'est ça qui est cool aussi : on est en indé et on gravit les échelons petit à petit. Aux Etats-Unis, finalement on a fait la même chose. On a commencé dans les clubs quand on y est allés en 2018 et depuis on a gravi les marches en faisant de chouettes salles là-bas. Et même Coachella, on était sur une petite scène, la scène Gobi, sur laquelle jouent beaucoup d'artistes indés.
Achille Trocellier : Et même le créneau était assez flatteur car juste après nous il y avait Arlo Parks, Hot Chip... Je pense qu'on s'en est bien sortis.



Comme Phoenix, vous marchez plus à l'étranger que chez vous . Vous avez parfois l'impression d'être mal compris en France ?
Charles de Boisseguin : C'est cool que tu soulignes ça parce que c'est exactement ça. Depuis le début, je ne veux pas paraître prétentieux, mais je trouve que par rapport à l'exigence qu'on a, il y a un décalage entre les groupes et projets qui sont considérés de façon extrêmement élogieuses par les médias et nous. On s'est toujours sentis un peu boudés, par exemple par Les Inrocks qui nous aiment pas, parce qu'il y en a un qui a décidé qu'il ne nous aimait pas et du coup ils ne parlent jamais de nous. Alors que bon c'est "mes Inrocks"... Et même au-delà de ça, je trouve qu'il y a un rôle que les médias doivent avoir, c'est d'être impartiaux et de parler de ce qui marche. Je pense que c'est inhérent à la façon dont les Français consomment et écoutent de la musique, comment ils se projettent dans leur culture et leur histoire musicale. Aux Etats-Unis, les réactions des médias et des audiences sont tellement différentes ! En Turquie, au Mexique, en Scandinavie, c'est pareil... On est super bien accueillis partout, en France aussi parce qu'on a un public génial, mais il y a un plafond de verre. On en est hyper conscients. Un plafond de verre particulièrement présent en France, mais comme Phoenix ou les Daft Punk à leurs débuts qui n'étaient pas dans les palmarès des Victoires de la Musique par exemple. D'ailleurs, la réaction des Daft Punk était géniale le jour où les Victoires leur ont demandé de rejoindre le palmarès, ils ont dit "Non, nous on a les Grammys". En fait, je pense que cette French Touch a toujours été un peu boudée et je pense qu'on y est affiliée malgré nous parce qu'on ne fait pas de la musique électronique comme ça. En tout cas, la French Touch a été accueillie de façon super favorable à l'international et on fait partie de ça.

Il y a un plafond de verre en France, on en est conscients
Justement, vous parliez des Victoires, vous sentez qu'il y a eu un effet sur votre carrière depuis votre nomination cette année ?
Charles de Boisseguin : Oui, je pense dans les festivals. En tout cas, à l'étranger et en Europe, ça a un impact dans le sens où ça donne une visibilité et ça existe. L'impact n'est pas seulement français.
Hagni Gwon : Tu penses que ça a plus d'impact que Coachella ?
Charles de Boisseguin : Ça n'a pas plus d'impact que Coachella. Je pense que les deux ensemble ont un gros impact. Après, les Victoires, c'est toujours bien de l'avoir fait. Ce n'est pas tant pour nous mais plus le fait d'avoir été un groupe indépendant, d'avoir été classé dans une catégorie un peu particulière de Révélation féminine en tant que groupe [où il n'y a qu'une seule femme et cinq hommes, ndlr] qui s'appelle L'Impératrice...

Oui, c'est vrai que c'était étonnant de vous voir dans cette catégorie !
Charles de Boisseguin : Après, je ne sais pas sur quoi ils basent leurs critères. On avait déjà fait beaucoup de festivals, de salles, toutes les SMACs, on avait déjà rempli deux Olympia... Peut-être que c'est en terme de ventes de disques, je ne sais pas... C'est très Français de juger un groupe sur le nombre de disques vendus.
Flore Benguigui : C'est très Victoires...
Charles de Boisseguin : Aussi ! Et comme c'est une institution manoeuvrée par les majors, forcément en tant que groupe indé, on ne fait pas le poids...



Le Zénith de Paris et Coachella ont été des points d'orgue
Vous chantez à la fois en anglais et en français, savez-vous si à l'étranger ils préfèrent les chansons anglaises ou françaises ?
Flore Benguigui : C'est une question qu'on s'est beaucoup posés au début, après "Matahari". On avait fait un album qui était quand même très français et on nous a dit qu'il fallait faire des version anglaises pour l'étranger, si on voulait percer à l'étranger. C'est ce qu'on a fait avec des traductions de certains morceaux. On s'est rendus compte sur le tas, en étant en tournée et en demandant au public quelle version ils voulaient qu'on fasse, que c'était systématiquement les versions françaises qu'on nous demandaient. Les gens nous envoyaient des messages en nous disant "S'il vous plait, jouez les versions françaises, pas les anglaises".
Hagni Gwon : Ils veulent les versions originales en fait. Ils les apprécient autant que ce soit en anglais ou en français, tant que c'est la nature même de la chanson.
Flore Benguigui : Et vraiment, on n'a quasiment jamais joué les versions anglaises en live. On joue les versions françaises parce que ce sont les versions originales.
Hagni Gwon : On se retrouve donc avec un live où c'est finalement assez mélangé entre anglais et français.

Quel est la suite maintenant : une réédition de l'album ? Un troisième album ? Ou motus et bouche cousue ?
Charles de Boisseguin : Pour l'instant c'est juste cousu. (Rires)
Flore Benguigui : Déjà, une réédition je pense que non...
Achille Trocellier : On va partir pour un voyage, je pense qu'on attend juste ça. On peut terminer là-dessus. (Sourire)
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