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Arielle Dombasle : "J'ai été victime de mon image de femme de chair et d'esprit"

Deux ans après avoir incarné une "Diva Latina", Arielle Dombasle revient à ses premières amours, le lyrisme et la spiritualité sur l'album "Arielle Dombasle by Era", qui mêle authenticité et tradition, avec une touche de modernité. A l'occasion de sa sortie, Arielle Dombasle évoque sa conception avant-gardiste de la religion, son désir de continuer dans le cinéma mais également sa relation avec la communauté gay.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Comme toujours, avec ce nouvel album, vous sortez des sentiers battus. Vous aimez surprendre, c'est à chaque fois le résultat de nouvelles envies ?
Arielle Dombasle : J'ai l'impression au contraire d'un retour à ce que j'ai toujours fait. J'ai toujours été très proche, élevée et même sculptée par la religion catholique. Et le Mexique est un pays tellement fervent. J'ai fait des pèlerinages. J'ai été élevée à l'intérieur de l'Eglise mexicaine. C'est moi ! Mais ce n'est pas un projet qui trouve uniquement son origine au Mexique. J'aime écouter et chanter de la musique sacrée depuis toujours. Quand je suis entrée au Conservatoire de musique, j'ai tout de suite aimé les oratorios, les psaumes et la musique sacrée en général. A l'église, quand arrivait le moment des cantiques, c'est là où je me trouvais le plus proche de Dieu. L’idée des cieux… C'est une exaltation extraordinaire qui passe par la voix, par la musique. C'est un souffle qu'on ne peut traduire que par la musique. Et d'ailleurs, dans toutes les religions. Elles sont toutes accompagnées par la musique. La première fois que j'ai enregistré quelque chose, pour mon premier disque, c'était une cantate. La "Cantate 78" de Bach. Et comme je voulais déjà faire rencontrer Bach avec les instruments du vingtième siècle, j'étais allée à l'IRCAM pour l'enregistrer avec la catrix, qui était à l'époque l'ordinateur le plus puissant.

Mais il y a aussi un apport supplémentaire sur ce disque, et non des moindres, celui d'Eric Levisalles et du groupe Era. Sont-ils arrivés alors que vous aviez déjà décidé d'enregistrer cet album ou l'idée de ce projet s'est-elle construite autour de votre rencontre ?
C’est un projet qui a dix ans…. Mystique, new age, nous nous étions rencontrés et nous avons eu des rendez-vous multiples autour du projet. Ce qui me plaît avec Era, c'est qu'on les connait peu parce qu'ils aiment être dans l'ombre, dans le retrait. J'aime l'idée d'être libre et de ne pas chercher à tout prix le faisceau de lumière. Ils sont écoutés dans le monde entier. C'est vraiment trans-genre et trans-frontière. J'avais déjà cette idée d'album depuis toujours. Je l'ai fait un peu dans certains albums, comme "Liberta". J'ai chanté Bach, Monteverdi... Des airs sacrés. Là, je voulais un album de prières, de lamentations, d'oratorios et de psaumes. Un disque d'appels, d'hymnes... Des hymnes à la joie mais aussi des oraisons, des choses plus funèbres. J'avais envie de cette chose qui est très importante dans la vie. On chante pendant les très grands moments de l'existence. C’est un transport émotif très puissant. J'avais envie d'une mystique qui serait en même temps ancrée dans le 21e siècle.

Cet album, c'est vraiment une osmose entre Era et moi
Qu'est-ce que Era, d'un point de vue strictement musical, a apporté à cet album ?
On a commencé par réfléchir ensemble sur ce qu'on voulait faire. On a écrit des prières ensemble. On est parti de l'idée du grand mystère de la transcendance musicale en soi, qui est une chose extrêmement mystérieuse. Les lois harmoniques, les arpèges... Ce paysage sonore qui vous prend par le rythme, par les sonorités, par les timbres... Par ce que ça évoque dans l'imaginaire. On est parti dans quelque chose d'assez noir et en même temps assez extatique, transcendant.

On pourrait même dire métaphysique, comme on peut le voir sur la pochette de cet album, où il est d'ailleurs écrit "Arielle Dombasle by Era". Ça peut vouloir dire plusieurs choses à la fois...
On a choisi "by Era" parce qu'on a aussi fait une recherche dans l'interprétation. On s'est demandé comment on pouvait chanter tous ces morceaux. Cet album, c'est vraiment une osmose entre des choristes, des instrumentistes, Eric Levisalles et moi.

Vous appréhendez la réaction des fans d'Era, qui n'a rien fait depuis quelques années maintenant ? Car cet album marque aussi le retour d'un groupe dont on n'entendait plus beaucoup parler...
Tant mieux ! Ils sont si puissants. Ils vont adorer. Je crois que c'est du pur Era. Et moi, ma voix et mon interprétation sont véritablement à l'intérieur de ce corpus musical, de cette signature Era. C'est ça que je trouve intéressant.

Il ne faut pas réduire la prière à une sorte d’auto- matisme imposé par des dogmes religieux fermés
Il y a néanmoins des titres où c'est davantage Arielle Dombasle qui va parler, comme sur le single "Ave Maria", et d'autres, où on retrouve plutôt l'univers d'Era, sur "Sins" par exemple. Comment l'équilibre a-t-il été établi ?
Finalement, c'est le contraire. C'est drôle que vous ayez dit ça. Parce que, "Ave Maria", c'est vraiment Era (sourire). Moi j'adore Gounod. J'ai beaucoup aimé son "Ave Maria" qui reprenait les arpèges de Bach. A l'époque, quand Gounod a repris Bach, on parlait d'un scandale musical. Et là, c'est Era qui reprend Gounod, qui lui-même avait repris Bach, pour en faire quelque chose d'encore différent. Donc, non, l'"Ave Maria", ce n'est pas tellement-moi si ce n'est que j'ai cet amour pour la Vierge Marie.

Qu'est-ce qu'elle évoque pour vous ?
Elle m'évoque la bonté, la consolation, la grâce sur terre. La mère de tous les hommes. C'est la mère absolue, pure immaculée. C'est aussi la compassion, la douceur. C'est une figure extraordinaire, sacrifiée, qui n'est que pur amour. J'aime aussi beaucoup toutes les représentations de la Vierge en peinture, notamment dans la Renaissance italienne. C'est une figure qui n'a engendré que de la beauté.

Crédits photo : DR.
Ce projet "Arielle Dombasle by Era", on peut le replacer dans un contexte de succès des albums des Prêtres, des poèmes de Sainte-Thérèse de Lisieux, même si musicalement ils n'ont rien de commun. Comment expliquez-vous que ces projets associés à la religion suscitent autant d'enthousiasme ?
Parce que les gens ont absolument besoin de la dimension spirituelle. On n'est pas des êtres ancrés dans le matérialisme. Aller s'acheter une nouvelle machine à laver, quel but extraordinaire dans la vie ! Heureusement qu'on n'est pas tous entrés dans la grande machine broyante du mercantilisme. Qu'on soit pauvre ou riche. Ça n'a rien à voir avec la classe sociale d'où l'on est. On est autre chose que cet ancrage dans le matériel. Nous sommes des êtres qui avons un appel vers la transcendance et un soliloque avec l'autre, le mystère du monde, l'au-delà… Je pense que les gens sont très fins et très vulnérables. Ce ne sont pas des machines qui sont là, à attendre. Ils sont ailleurs. Et c'est cet ailleurs-là qui est attractif. Les gens rêvent beaucoup, se projettent, ont des désirs et font des prières. La prière c'est tous les jours. C'est quand on pleure, quand on a un chagrin d'amour. La prière c'est quand on perd quelqu'un qu'on adorait. Il ne faut pas réduire la prière à une sorte d’automatisme imposé par des dogmes religieux fermés.

En faisant un raccourci très rapide, on remarque quand même que ce genre d'album, qui renferme une forte conscience spirituelle, va attirer beaucoup d'auditeurs alors même que l'Eglise vit depuis de longues années une hémorragie de son nombre de fidèles. La musique est-elle le nouvel outil de la foi ?
Elle l'a toujours été et nous sommes au 21ème siècle ! Nous ne sommes pas les mêmes qu'au 14ème ou au 18ème siècle (sourire). Face au religieux, face au Christ, face à la chrétienté, nous sommes des êtres nouveaux. On voit une Eglise repliée sur elle-même, dogmatique, ennuyeuse, où on a enlevé toutes les messes chantées, l’exaltation, l’encens... Autrement dit, toute la théâtralité. Quand on va à l'église pour parler de la crise du pétrole, c'est normal que les gens désertent. Ce n'est pas ça dont ils ont envie. La messe ne correspond plus aux attentes. Et pourtant, l'attente est énorme ! L'attente, ça passe par l'affectif, l'instinct, le mystère, la fragilité de l'existence, par l'idée d'une promesse. Quelque fois, à tout ça, on y répond plus par la musique, qui nous ferait presque entrer dans une transe transcendante.

Il faut fuir toutes les formes d'inté- grismes
A cette idée rétrograde que l'on peut se faire aujourd'hui de la religion catholique, vous proposez des titres avec des arrangements modernes. Vous ne craignez pas de choquer quelque part ?
Vous ne croyez pas si bien dire. Lorsque nous avons tourné le clip du single "Ave maria", au Val-de-Grâce, qui est une chapelle consacrée à la Vierge Marie, l’aumônier est intervenu. Ça a créé un malentendu terrible. Le commandant des armées a dû finalement intervenir pour que l'on puisse reprendre le tournage du clip. Nous étions au Val-de-Grâce, qui est la Chapelle des Armées, un endroit où personne n'avait jamais tourné. J'étais là en interprète pour chanter un hymne à la Vierge. C'est quelque chose qui a été écrit et chanté dans les églises. Ce n'est pas comme si je venais chanter du heavy metal (sourire) ! C'est quelque chose de profondément chrétien, un "Ave maria". On a dit que c'était une profanation. On a dit de moi que je faisais partie du "Crazy Horse" ! Pour ce clip, je suis accompagnée de moines, qui sont comme des pèlerins. Il y a un côté Saint Jacques de Compostelle avec une représentation du moine pauvre, pieds nus. Le curé était offusqué parce que les moines étaient pieds nus dans l'église. C'est de l'incompréhension totale ! Il faut fuir toutes les formes d'intégrismes, toujours et quelles qu'elles soient. Nous avons été victimes de réductions et de préjugés.

Pour beaucoup en France, l'intégrisme est associé à la religion musulmane, alors qu'il existe aussi certaines formes d'intégrisme catholique.
Bien sûr, les dogmatismes extrêmes sont partout. C'est incroyable ! J'ai été victime en tant que chrétienne, de mon image, du fait que je sois une femme de chair et d'esprit.

Découvrez le nouveau clip d'Arielle Dombasle et Era, "Ave Maria" :



Arielle Dombasle, au-delà d'être une chanteuse, c'est un personnage complexe et fascinant. Comment arrivez-vous à jongler sans cesse entre la culture populaire et une culture plus élitiste ?
C'est peut-être dû à mes trois cultures. Je suis née aux Etats-Unis. Je parle anglais et espagnol couramment. J'ai vécu au Mexique et en France. C'est aussi le milieu dans lequel j'ai grandi, celui des ambassades, des échanges, des rencontres entres les cultures. Mes parents recevaient beaucoup d'artistes et côtoyaient des gens vraiment fascinants. J'ai tout de suite été habituée à des gens singuliers. C'est une vraie richesse culturelle ! Pour moi, les arts communiquent. Quand on est artiste, on utilise différents véhicules. On brise les frontières.

Le public est beaucoup moins sectaire que les médias
Ce qui n'est pas toujours très bien perçu en France.
Oui. Mais peut-être de plus en plus quand même. On avait à une époque Serge Gainsbourg qui chantait et faisait du cinéma, ou Woody Allen. Maintenant, ils sont un peu plus nombreux. Il n'y a pas beaucoup de gens qui arrivent à faire plusieurs choses en même temps, mais de plus en plus.

Bien que vous ayez baigné dans cet univers, vous arrivez à toucher un public plus populaire. Ce qui n'est pas forcément évident.
J'en ai conscience et ça me plait. J'ai chanté pour cinq concerts à Marseille il y a quelques jours. J'ai regardé mon public, qui n'était pas du tout un public intello. Ça m'a fait plaisir ! C'est merveilleux parce que le public est beaucoup moins sectaire que les médias. Il capte la personne au-delà de ce qu'on lui dit. C'est une sensibilité qui va bien au-delà de la réduction que l'on peut faire de nous.

Les médias doivent-ils apprendre à davantage ouvrir leurs perspectives ?
Je ne sais pas, parce que finalement, les gens se rassurent. Il y a des sectes culturelles souvent. Ce sont des petites communautés de gens qui se rassurent dans une plus grande communauté de goût. Nous, les artistes, nous sommes des électrons libres difficiles à catégoriser. Moi, c'est dans ce cosmos-là que je me sens bien en tout cas. Je suis totalement en adéquation avec ce que je suis. Après, savoir si c'est capté par les bonnes personnes ou pas… Moi, il me semble que oui. Ceux qui ne captent pas et me réduisent, tant pis. Je les laisse avec cette image de moi qui est ce qu'elle est. Que faire d'autre ?

Crédits photo : DR.
Vous serez aussi très bientôt de retour au cinéma avec votre film "Opium". Il a été présenté au Festival de Cannes. C'est une belle récompense pour vous ?
Mais oui (sourire) ! Il a même été sélectionné ! C’est un honneur ! C'est un film réalisé d'après les préceptes de Jean Cocteau et d'après cet amour que je lui porte. Il est l'un de mes maîtres. Il a mis en évidence la polyvalence des arts, le fait qu'ils se nourrissent les uns et les autres comme des vases communicants. Lui, c'était la poésie, la littérature, le cinéma, et en plus le dessin et le théâtre. C'est un être étonnant. J'ai voulu lui rendre hommage. On a commencé avec les musiciens à mettre en musique les sonnets les plus connus de Cocteau, toute cette poésie à l'orée du surréalisme. J'aime beaucoup le surréalisme ! C'est une période fantastique.

J'ai été absolument pour le mariage gay
On retrouve certaines formes du surréalisme dans Arielle Dombasle...
C'est vrai que j'ai rencontré par mes parents des surréalistes. Des vieux personnages. Des êtres tout à fait extraordinaires !

Dans ce film, on retrouve de nouveau Philippe Katerine à vos côtés. C'est un compagnon de bonne fortune ?
Cocteau a dit : "Si vous voulez faire quelque chose qui soit d'avant-garde et totalement libre, il faut être entouré d'amis". Et puis être avec des gens qu'on admire. C'est pour ça que je n'ai demandé qu'à des amis de venir me rejoindre pour ce film. Tout le monde m'a dit oui. Parce que Cocteau c'est rafraichissant. C’est un être immense, paradoxal, homosexuel à une époque très difficile sur la question. Cette homosexualité dont il a osé faire l'éloge ! Il a beaucoup parlé de la plastique des hommes, de son attirance fulgurante pour les marins, pour la beauté de la jeunesse... Il a osé...

Vous étiez d'ailleurs au Théâtre du Rond Point au mois de janvier pour soutenir le mariage pour tous. Vous revenez quelques mois plus tard avec un album de prières alors même que l’Église s'est farouchement opposée à cette loi. Comment fait-on la part des choses entre ses propres convictions et le sens que peut prendre une œuvre dans un certain contexte ?
Non seulement j'étais une des pionnières à défendre cette loi il y a un an, mais je suis tout simplement pour le mariage tout court. C'est un serment d'éternité, un défi aux étoiles, un cri... C'est tellement romantique. J'ai toujours aimé cette institution du mariage. Tout ce qui peut rapprocher les êtres qui s'aiment et leur faciliter l'existence est une chose admirable. Tout conspire dans la vie à vous séparer. Donc, comment peut-on être contre un peu de baume au cœur, de protection ? Les gens sont si fragiles. J'ai été absolument pour le mariage gay. J'étais l'année dernière la marraine de la Gay Pride. J'ai chanté place de la République. J'aime être la marraine de la Gay Pride ! La communauté gay m’a toujours suivie ! Nous nous entendons…

Arielle Dombasle, icône gay ?
Je l'ai toujours été. Ça me plait. J'en suis ravie.
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