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On a vu le retour des "10 Commandements" : faut-il aller voir le spectacle culte ?

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
La comédie musicale culte "Les 10 Commandements" est de retour dans toute la France dans une nouvelle version supervisée par Pascal Obispo. De passage à la Seine Musicale près de Paris, le spectacle est-il à la hauteur de sa légende ? Entre chansons inédites et hommage émouvant à Daniel Lévi, on y était, on vous raconte.
Crédits photo : LaX photographie
C'est un Pascal Obispo ému, un peu fébrile aussi, qui s'avance face au public de la Seine Musicale ce mercredi 5 juin. La nouvelle version des "10 Commandements", qu'il relance avec le producteur historique Albert Cohen et le metteur en scène Giuliano Peparini, s'intitule désormais "L'envie d'aimer", comme un clin d'oeil appuyé au regretté Daniel Lévi à qui il dédie ce spectacle. « On est parti d'une page blanche. Il a fallu tout refaire à zéro, avec des chanteurs qui sont un peu tendus parce qu'on est à Paris ce soir, et que c'est toujours important de jouer à Paris » glisse le compositeur de la comédie musicale culte des années 2000, qui se rôde depuis mars en province. Passé ce discours introductif et un cri galvanisant de la troupe encore dissimulée, d'imposantes portes de palais sculptées s'ouvrent... pour laisser place à des projections sur rideau retraçant les affres de la guerre et les épisodes violents de l'humanité, avec l'année 2024 pour point de départ. Un choix curieux qui place d'emblée les spectateurs dans la réalité de l'actualité - rompant alors les frontières avec la fiction - et d'autant plus surprenant qu'il est impossible de ne pas songer, en voyant ces images de bombardements et de soldats, au contexte actuel, qui plus est dans un spectacle qui relate ce mythe fondateur du judaïsme.

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Mais c'est là tout le coeur du récit : l'amour et l'espoir comme remparts face à la nature belliqueuse de l'homme. Tout commence en Egypte antique avec l'ordre donné par le pharaon Séthi : tous les nouveaux-nés hébreux doivent mourir. Pour sauver son fils du massacre, Yokébed abandonne son bébé - joliment matérialisé par une boule lumineuse, comme un être pur dans cette nuit noire - en le déposant sur le fleuve. La longue traine de deux danseuses symbolisant les vagues du Nil emportent au loin le berceau, sous les yeux de sa mère qui crie sa peine en interprétant "Je laisse à l'abandon"... Une première scène déchirante qui rappelle tout de suite pourquoi "Les Dix Commandements" a tant marqué les esprits. En transposant ce spectacle intemporel en 2024, l'équipe artistique a pu bénéficier des avancées technologiques. Ainsi, des effets de perspective et des images 3D - parfois hasardeuses mais globalement réussies - se conjuguent à de véritables éléments de décor (des blocs de pierre calcaire, une statue en or) pour nous immerger en profondeur dans le luxueux palais royal où Moïse va être recueilli par Bithia, la soeur du pharaon. Un tour de magie pour nous montrer l'enfant grandir jusqu'à atteindre l'âge adulte, et hop ! Voilà l'heure du "Dilemme" pour Néfertari, dont le coeur balance entre la bonté de Moïse et le statut de Ramsès, promis au trône.

Des chansons à la force intemporelle


Du moins, c'est ce qu'on comprend après la lecture d'un descriptif du spectacle. Contrairement à de nombreuses productions actuelles, aucune scène de comédie ne vient présenter les différents personnages, dont on ignore les fonctions et même les simples noms. Même si l'action s'étalant sur plusieurs décennies ne facilite pas la tâche, le spectacle, « repimpé » comme le dit Pascal Obispo, aurait pu évoluer et être modernisé en ce sens, afin que l'on se sente encore plus concerné par le destin des protagonistes. Comme si le show n'était pensé que pour toucher les âmes nostalgiques et non une nouvelle génération de spectateurs... Dommage ! Malgré tout, la force des chansons gomme vite ce défaut. Exploitée avec succès en single à l'époque, "La peine maximum", interprétée par Tony Bredelet sous les apparats de Josué, fait parcourir des frissons dans la salle et au fil du show, à la mise en scène digne d'un péplum, on se plaît à redécouvrir des titres aussi vibrants que "Oh Moïse", "Mais tu t'en vas" ou "Devant la mer". Réorchestrées avec de nouveaux arrangements, les compositions de Pascal Obispo ont conservé leur beauté sans pareille ("Laisse mon peuple s'en aller", quelle claque !) et s'avèrent véritablement intemporelles.

Daniel Lévi reste dans les coeurs


C'est d'autant plus émouvant de les réentendre que les artistes du casting - exceptionnel - marchent sans rougir dans les pas de leurs illustres prédécesseurs, avec une mention particulière pour Sarah Koper en Yokébed, dont la puissance émotionnelle foudroie en plein coeur, et Benjamin Bocconi, ancien candidat de "The Voice" qui dégage une aura similaire à celle de l'inoubliable Daniel Lévi, tant dans la gestuelle que dans la voix, troublante de similitudes. À tel point qu'on ne sait parfois pas si le timbre de Daniel résonne ou non... ! Un splendide hommage est d'ailleurs réservé au chanteur, emporté par un cancer en 2022, lorsque résonnent les premières notes de "L'envie d'aimer". Inévitablement, quelques larmes ont perlé au coin des yeux...



Et les chansons inédites promises ? Si certains titres originaux ("Je n'avais jamais prié", "Une raison d'espérer") ont inévitablement dû s'effacer pour leur laisser un créneau, ces nouveautés s'imbriquent avec fluidité dans la narration. Mais c'est "Croire" et "Sans retour", dans un palais en proie aux flammes, qui tirent leur épingle du jeu, sans toutefois atteindre la grandeur d'un "Mon frère", climax dramatique sublimé par une époustouflante mise en scène au milieu des eaux coupées en deux. À l'applaudimètre, "L'envie d'aimer", qui appartient désormais à chacun, remporte évidemment tous les suffrages, et c'est sur une standing ovation, alors que le public reprend les paroles à l'unisson avec tous les comédiens et que s'affichent sur les écrans des citations de Victor Hugo ou Nelson Mandela sur la paix et l'espoir, que se conclut la comédie musicale, toujours aussi grandiose. Quelle bénédiction d'assister à son retour !

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