samedi 31 août 2019 12:40
Jean-Baptiste Guegan en interview : "Je suis un chanteur, pas un imitateur de Johnny"
Par
Théau BERTHELOT
| Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Sa voix a fait le tour de la France. Vainqueur de "La France a un incroyable talent", Jean-Baptiste Guegan, le sosie vocal de Johnny Hallyday, vient de sortir son premier album "Puisque c'est écrit". Interview avec un artiste aussi humble que passionné.
Crédits photo : Yann Orhan
Propos recueillis par Théau Berthelot. Comment avez-vous découvert Johnny Hallyday ? Je l'ai découvert grâce à mes parents. Eux étaient fans, sans être vraiment fanatiques comme j'ai pu l'être. Ils m'ont fait écouter Johnny mais surtout, j'ai été le voir à Bercy en 1992. Quand j'ai vu ce phénomène et cette bête de scène, je me suis dit : "Un jour dans ma vie, j'aimerais faire la même chose". Mon prof de chant, c'était Johnny Hallyday Quand avez-vous su que vous aviez une voix extraordinaire ? Il n'y a pas de date précise, ce sont les gens de mon entourage qui m'ont dit : "C'est impressionnant tu as le même timbre de voix que Johnny". Je pense qu'après, la vie a suivi son cours, le temps a fait qu'en grandissant, j'ai la même capacité vocale. Il y a eu un petit peu de travail aussi. Mais je suis un autodidacte dans ce milieu, j'ai travaillé tout seul, sans personne. Par la force des choses c'est arrivé comme ça ! Avez-vous travaillé votre voix pour qu'elle ressemble à celle de Johnny ? Bien sûr, mais je la travaille parce qu'il faut l'entretenir. Un chanteur qui ne chante pas... c'est compliqué (rires). Plus on chante, plus on s'entraîne et plus on apprend. Mon prof de chant, c'était Johnny Hallyday. Je mettais Johnny derrière moi en musique de fond et je chantais par dessus, à chaque fois, en boucle. C'est comme ça que l'intonation est arrivée. Sa mort m'a fait beaucoup de mal Avez-vous déjà rencontré Johnny ?Non, malheureusement je n'ai pas eu cette chance. J'ai déjà essayé mais Johnny était à un niveau carrément supérieur à tout le monde. Ce n'était pas du tout facile et peut-être que ce n'a pas été le moment. Vous auriez quand même aimé le rencontrer ou rester dans le fantasme ? C'est compliqué... Au début, inconsciemment, je voulais le rencontrer mais sans plus, en fait. C'était juste un rêve de gosse ou d'ado plutôt. Après, il s'est avéré que je me suis demandé : "Est-ce que je fais bien d'essayer de tout mettre en oeuvre pour le rencontrer ?". Vous savez, quand vous êtes fan de quelqu'un, que vous idolâtrez la personne, vous pouvez être déçu en le rencontrant. Et là je pense pas que j'aurais fait la carrière que je fais aujourd'hui, si j'avais été déçu tout du moins. Donc, c'est un peu quitte ou double. J'aurais pu être déçu. Aujourd'hui, avec le recul, je me dis que j'ai peut-être bien fait de garder cette distance. Regardez le clip de "Retourner là-bas" : Comment avez-vous appris le décès de Johnny ? Comment avez-vous réagi ? Je l'ai appris comme tout le monde. J'ai un ami fan qui m'a téléphoné, il était 4h30 du matin, il m'a simplement dit : "Johnny est décédé". Je lui ai dit : "Allez arrête à chaque fois on nous fait le même coup". Effectivement, j'allume BFM TV et je vois que Johnny est décédé donc ça m'a fait du mal, beaucoup de mal. C'était plutôt un choc. Pour moi, ça s'est passé très violemment. Je savais qu'il était malade, bien évidemment. Mais je ne pensais que, avec ce que j'avais commencé à faire comme carrière aujourd'hui, trois mois après il allait partir aussi vite. Je parle au nom de Johnny Après cela, qu'est-ce qui vous a poussé à vous inscrire à "Incroyable Talent" ?En fait, je n'y suis pas allé de moi-même. D'ailleurs, j'ai même longuement réfléchi. C'est eux qui m'ont appelé en fait, ils m'ont proposé de participer à l'émission. La première fois, j'en ai discuté avec mon producteur et j'ai refusé. A l'époque, on était dans le projet de rendre hommage à Johnny Hallyday et à ce moment-là, il venait de décéder donc on marchait sur des oeufs. Il fallait faire très attention à tout. Donc la première fois je dis non, la deuxième aussi, mais la troisième fois, je ne sais pas pourquoi... Je partais en vacances, j'étais à laéroport, ils me l'ont re-proposé et je leur ait dit : "Ecoutez, je pars en vacances on verra ça après". Il n'y avait pas le temps donc ils sont venus m'interviewer à l'aéroport et j'ai dit : "Oui, pourquoi pas on va le faire". Pour moi, ce n'était sans aucune arrière pensée d'y aller et de gagner, loin de là ! Remporter le concours vous a mis une pression particulière ? Non, je n'ai pas eu de pression. A vrai dire, je suis assez bien entouré, tout le monde est bienveillant avec moi. "La France a un incroyable talent" a surtout été un tremplin médiatique. J'étais connu à 15% en France maintenant je suis connu dans toute la France et même en Belgique et en Suisse. Ça a été médiatique et très intense. C'est une émission super organisée, très belle. J'ai fait de superbes rencontres. Il y a un chanteur, donc moi, et des talents qui étaient super doués. J'y suis allé comme si j'allais chanter dans un spectacle, sans aucune arrière pensée. Après, il s'avère que tu rentres dans la compétition, et que ce n'est plus la même cour. Ça a été une magie et une grande histoire d'amour. Comment avez-vous rencontré Michel Mallory, le parolier de Johnny ? Mon producteur a rencontré Michel quand il est allé en Corse. Il lui avait parlé du projet qu'il avait de rendre hommage à Johnny Hallyday. Il lui a donc parlé moi. Il faut savoir que 50 ans d'amitié avec Johnny, c'est quelque chose d'assez balèze. Il venait de perdre un ami, voire plus, c'était la chair de sa chair. C'était très douloureux pour lui et il ne voulait pas entendre parler de sosie vocal ni physique. Michel a 78 ans et il voulait tirer sa révérence et terminer. Mais, par gentillesse, il a accepté de me rencontrer. Je suis arrivé chez lui en Corse et on a commencé à parler du projet. Il a surtout vu en moi que je n'étais pas dans la caricature ni dans l'imitation. Il s'est tout de suite intéressé plus. De fil en aiguille, on a commencé à sympathiser et même à se lier d'amitié et on a travaillé ensemble. Il a gentiment accepté de m'écrire des chansons de mon album et de perpétuer ce qui arrive aujourd'hui. Ecoutez "Coupable" : Qu'est-ce que ça fait de travailler avec lui ? Vous savez, Michel Mallory c'est un personnage. Il a énormément de charisme, il a du métier, et c'est surtout un Corse. Moi je suis Breton donc c'est peut-être pour ça que ça a bien marché (Rires). C'est un bosseur, Michel, c'est un personnage atypique que je protège et que j'aime énormément. De travailler avec lui a été un moment fabuleux parce qu'il a une façon de travailler que j'ai également. On a vraiment matché, on s'écoute... Je suis quelqu'un qui aime apprendre et il a tout de suite vu ça en moi. C'était du pain béni ! Certaines chansons étaient destinées à Johnny. Qu'avez-vous ressenti en découvrant les textes ? Quand j'étais au studio chez Michel et qu'on a commencé à lire les textes, il y en avait une sacré pile. Dans les tiroirs, on choisit les chansons qu'on a envie d'écouter et d'interpréter. Il s'avère que je n'étais pas au courant que Johnny devait chanter quelques chansons de l'album qui apparaît. J'ai lu les chansons, Michel m'a dit : "Tu les prends ou pas, c'est toi qui vois". J'ai écouté l'interprétation de Michel dessus. Et du coup, j'ai appris que Johnny devait chanter dessus. Pour l'anecdote, Michel était invité à son anniversaire en 2017 et d'un coup Johnny se lève et dit : "Je voudrais enregistrer mon album avec Michel Mallory à Nashville. Je veux faire mon dernier album avec Michel". Donc Michel, très heureux, rentre chez lui et commence à enregistrer des chansons pour Johnny. Malheureusement pour les raisons qu'on connait, Michel a gentiment remis ça dans les placards. Après, moi je suis arrivé là, j'ai pris ces chansons-là à coeur, je les ai chantées, puis il m'en a écrit d'autres par la suite. Les critiques ne me touchent pas Vous avez modifié certaines chansons ?Il y en a certaines qu'on a été obligé de modifier. Par exemple, "Square de la Trinité", je ne pouvais pas la chanter personnellement parce que je n'ai pas connu ça. Je ne pouvais pas chanter ça en parlant d'Eddy Mitchell et Jacques Dutronc. Il a fallu adapter quelques mots, quelques paroles et je parle au nom de Johnny, je dis "vous étiez" et non pas "on était". Il y a aussi "Coupable", qui me correspond et qui correspond très bien à Johnny. Il a fallu mettre au personnel, et pas comme si Johnny les chantait. J'ai vraiment pris les chansons avec amour, parce que j'avais envie de les chanter. Michel m'a dit : "Il faut vraiment que tu réfléchisses à prendre des chansons que tu aimes chanter et pas parce que Johnny devait les chanter". Y a-t-il une émotion particulière à les chanter ? J'ai mis beaucoup de coeur à l'ouvrage dans cet album. Déjà parce que j'aime les chansons que j'ai choisies, je les ai volées à Michel. Et quand Michel me dit : "Il n'y a rien de plus beau que de voler les chansons à son compositeur"... C'est un album d'amour sur lequel on a tous beaucoup travaillé, je pourrais dire que c'est mon bébé qui sort (Rires). Il y a des textes sur lesquels Michel a travaillé longtemps. Il devait savoir qui j'étais avec mes faiblesses, mes failles, mes qualités... Savoir pour qui il écrit. Il a fallu qu'on parle de ma vie, de mes déchirures. Il y a des chansons qui me correspondent, comme "J'arrête demain", alors que je n'arrêterai jamais. C'est de l'ironie. Il a tout de suite compris qui j'étais donc il a composé des textes pour moi. C'est un album qui me correspond. L'entourage de Johnny, comme Laeticia, David et Laura, a-t-il écouté l'album ? Je sais que des proches de Johnny l'ont entendu. Après, non, personnellement je ne l'ai pas fait écouter à quelqu'un. Ecoutez "Square de la Trinité" : Vous allez bientôt vous produire dans des Zénith comme votre idole, qu'est-ce que ça vous fait ? Ça me fait plaisir ! C'est une aventure qui commence. De pouvoir faire les Zénith, c'est quelque chose d'assez improbable pour moi. Je ne me suis pas dit un matin en me levant : "Tiens, je ferais bien des Zénith". Aujourd'hui, je prends ça avec amour et bonheur. J'ai vraiment hâte de commencer car ça fait longtemps que je travaille sur le projet. C'est le projet de rendre hommage à celui que j'aime le plus au monde, à mon idole. On travaille dessus, on essaie de bien faire les choses. Je commence à Lille en octobre, mais je n'appréhende pas, je suis plutôt impatient. Je suis Jean-Baptiste Guegan, pas Johnny Hallyday Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous profitez de la mort de Johnny ? Personnellement, je n'ai rien à leur dire. S'ils pensent que je suis un usurpateur, ce qui peut arriver après tout ils ont droit de penser ce qu'ils veulent, mais ça ne me dérange pas. Je fais ce métier-là parce que je l'aime. J'aime faire plaisir au public qui vient me voir. A la limite, je leur dirais simplement que c'est le public qui choisit, pas eux. Ces critiques-là ne me touchent pas. On vous présente comme l'incarnation de Johnny. N'est-ce pas un peu lourd à porter ? Tout a été très vite. Au début, c'était un peu pesant, je me suis demandé ce qui arrivait. Mais je vis avec depuis pas mal d'années. Ça fait quand même 20 ans que je fais ça. Avant, quand je faisais mes représentations en Bretagne, avant l'engouement que ça a pris, j'ai toujours chanté, j'ai toujours fait ça. J'ai toujours cette habitude sur les épaules de dire et de revendiquer que je suis avant tout un fan, mais en même temps j'assume d'avoir cette capacité vocale, d'être "l'heureux élu" pour rendre hommage à celui qui restera le plus grand dans mon coeur. Il y a rien de plus jouissif aujourd'hui. La voix, les textes... Vous vivez comme dans l'ombre de Johnny. Qu'est-ce que ça vous fait ? J'assume ça, donc ça ne me déçoit pas. Je peux comprendre que les gens me disent que je suis un sosie vocal. J'ai la capacité vocale que Johnny avait, j'ai les mêmes qualités et défauts, les mêmes façons de chanter, les mêmes vibrations... Mais je n'ai pas forcément conscience de ça. Avant tout, je suis Jean-Baptiste Guegan, mais on y arrive petit à petit. Justement, cet album en fait partie. Ce disque vient prouver que j'ai la capacité de chanter des chansons que Johnny n'a jamais chanté. C'est simple, on me met du Claude François, je vais faire du Claude François mais avec ces cordes vocales-là. Je peux tout chanter, c'est ma capacité. Mais avant tout je suis un chanteur, je ne suis pas un imitateur. Pour eux, tout est dans la caricature. Je ne me sers pas des défauts, je chante juste. J'ai ma personnalité et je veux la garder. Je suis Jean-Baptiste Guegan, pas Johnny Hallyday. A terme, aspirez-vous à écrire vos propres chansons, avec une "voix différente", à vous imposer avec votre nom, sans l'ombre de Johnny ? Je ne sais pas ce qu'on peut entendre par l'ombre de Johnny Hallyday. Quand je chante, je ne pense pas à Johnny, je suis juste le Jean-Baptiste Guegan qui chante pour son public. Je donne comme un artiste donne à son public. Il y a aucune similitude avec Johnny dans tout ça. Mais chanter avec une autre voix, ça va être compliqué, il va falloir faire autre chose... J'ai cette voix-là, j'y peux rien. Crédits photo : Yann Orhan . Podcast
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- Jean-Baptiste Guegan nous donne rendez-vous entre Nashville et Saint-Barthélemy sur son nouvel album "Toutes les larmes sèchent un jour". Ses racines bretonnes, les galères de ses débuts, son hommage à Johnny Hallyday : le chanteur se confie en toute franchise en interview pour Purecharts.
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