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Devant un public en transe, Eminem a enflammé le Stade de France

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
C'était assurément l'un des événements musicaux de l'été, voire de l'année. Dix ans : c'est le temps qu'il aura fallu à Eminem pour revenir poser son flow en France, à l'occasion d'un concert unique dans l'arène de Saint-Denis. Devant 71.500 spectateurs chauffés à blanc, l'emblématique rappeur de 40 ans a démontré qu'il n'était pas prêt de raccrocher le micro.
Crédits photo : Polydor | Jeremy Deputat
La dernière fois que le public français avait pu admirer la verve d'Eminem de vive voix, c'était au Palais Omnisport de Bercy en 2003, à l'apogée de sa carrière. Depuis, le rappeur de Detroit a connu des heures sombres, entre une dépression et une cure de désintoxication. Mais sa flamboyante résurrection sur "Recovery" en 2010, écoulé à près de 4,5 millions d'exemplaires sur le sol américain et 100.000 unités en France, avait envoyé un message limpide au rapgame : il faudrait encore compter sur Slim Shady, et pour longtemps. A l'occasion d'une virée estivale européenne, passé par le Pukkelpop Festival et une date chaotique en Irlande, Eminem s'est donc arrêté dans l'antre de Saint-Denis pour saluer ses fans français. Et pour célébrer dignement cet événement, le rappeur américain s'est entouré d'une pléiade de guests.

Trois heures avant l'arrivée de l'homme de la soirée, la lourde tâche de chauffer les spectateurs est d'abord confiée à Chance The Rapper, nouveau venu de Chicago sur la scène hip-hop. Harlem Shake, jumps à profusion et vibe langoureuse : le pari est gagné et le stade déjà en proie à l'excitation. Après le set du supergroupe Slaughterhouse, c'est le collectif Odd Future via Earl Wolf qui fait grimper la température d'un cran. Avec son timbre suave et rocailleux, Tyler The Creator assure le show tandis que son acolyte Earl Sweatshirt reçoit une décharge de ferveur patriotique lorsqu'il déploie un drapeau tricolore sur scène. La première partie se conclut sur la sensation Kendrick Lamar qui balance, avec rage et pugnacité, ses productions calibrées pour le live comme "Bitch, Don't Kill My Vibe".


Le renaissance de Slim Shady


Il faut encore 45 minutes d'attente et la tombée de la nuit pour qu'un Stade de France plein à craquer ne soit enfin plongé dans le noir. Sur une grande toile blanche, l'ombre chinoise du rappeur apparaît sous l'hystérie collective, avant qu'Eminem ne surgisse en chair et en os des entrailles d'un plateau formé d'un E renversé. Ce sont les lignes sourdes et électriques de "Survival", son nouveau single, qui donnent le top départ d'un show sans aucun temps mort. Volontairement minimaliste, le spectacle est débarrassé de tout effet superflu pour laisser en lumière la vraie star de la soirée : le flow acerbe et percutant d'Eminem.

Revivez l'entrée sur scène d'Eminem sur "Survival" :



Avec l'aide de son hype man Mr. Porter, le rappeur de Détroit fait monter la fièvre parmi la foule qui reprend en choeur son impressionnant catalogue de tubes, des oldies "Kill You" et "The Way I Am" aux récents "Won't Back Down" et "No Love". En sweat à capuche et pantacourt, Eminem s'égosille avec une impressionnante énergie, à peine entachée par quelques playbacks en soutien sur certains morceaux. Quand résonne les premières notes de "Fast Lane", Slim Shady enfile un t-shirt noir pour se muer en "Evil", son double et moitié du tandem "Bad Meets Evil". Rejoint par son acolyte Royce da 5'9", le rappeur convie les flammèches des briquets sur "Lighter" et transforme l'arène en millier de constellations. L'instant est tout aussi magique sur "Stan", malheureusement tronqué après son deuxième couplet. C'est le reproche que l'on pourra formuler : aucun des titres n'a été joué dans son intégralité, laissant une décevante impression de jukebox géant.

Mais le natif de Detroit a plus d'un tour dans sa casquette. Sur "Love The Way You Lie", les spectatrices sont invitées à reprendre la partition d'ordinaire assurée par Rihanna. Eminem, qui fêtera en octobre ses 41 ans, prend alors à partie le stade entier. « Aujourd'hui, je ne suis plus le même, je me suis débarrassé de mes démons... mais êtes-vous prêt à faire un bond en arrière pour revenir à l'époque où j'étais complètement cinglé ? » demande-t-il, comme un gourou à ses adeptes. Commence ainsi un sprint final ahurissant, composé des plus gros hits de sa carrière. Après "My Name Is", le rappeur américain enchaîne sur "The Real Slim Shady" et "Without Me", rappelant les temps sulfureux où ses clips misaient sur un humour corrosif à toute épreuve. De retour en 2010 avec "I'm Not Afraid", le "King of Hip-Hop" disparaît en coulisses pour revenir une dernière fois en rappel sur "Lose Yourself", thème principal oscarisé de son film autobiographique "8 Mile". En guise de cadeau ultime, le titre est interprété en entier après une belle introduction au piano.

On pourra pester contre le manque de spontanéité d'un show millimétré jusque dans ses phrases (« motherf*ucking loudest crowd », « love you all, peace ») ou une choriste qui fait mine de chanter en live sur les voix de Dido ou Hayley Williams. Mais ce ne serait pas faire honneur à la qualité globale de la prestation, joli pied de nez à tous les sceptiques, qui confirme ce qu'on savait déjà : au royaume du rap, Marshall is the only one that Mathers.


Setlist :


1. Survival
2. Won't Back Down
3. 3 a.m.
4. Square Dance
5. Business
6. Kill You
7. White America
8. Mosh
9. No Love
10. Just Don't Give a Fuck
11. Criminal
12. Cleanin' Out My Closet
13. The Way I Am
14. Fast Lane (Bad Meets Evil cover)
15. Lighters (Bad Meets Evil cover)
16. Airplanes, Part II (B.o.B cover)
17. Stan
18. Sing for the Moment
19. Like Toy Soldiers
20. Forever
21. 'Till I Collapse
22. Cinderella Man
23. Love the Way You Lie
24. My Name Is
25. The Real Slim Shady
26. Without Me
27. Not Afraid
Rappel :
28. Lose Yourself

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