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samedi 17 février 2018 13:10

Coeur de Pirate en interview : "La peur de l'attachement est très forte chez moi"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Pour célébrer ses dix ans de carrière, Coeur de Pirate se confie à Pure Charts. Dans la deuxième partie de notre interview, la chanteuse tease son nouvel album, raconte l'histoire de sa chanson "Prémonition", ainsi que le vide après sa tournée, avant de réagir à l'affaire Weinstein.
Crédits photo : Mayxme G Delisle
Dans la première partie de notre interview, Coeur de Pirate se confiait sur ses débuts, le succès, la vision des femmes dans l'industrie, l'expérience "Nouvelle Star" ou encore les réseaux sociaux.


Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Tu reviens actuellement avec "Prémonition". Elle représente quoi cette chanson pour toi ?
"Prémonition", c'est très drôle... Durant la promotion de mon précédent album "Roses", je disais à quel point j'étais sereine, que j'avais fait face à mes insécurités, que j'étais moins fâchée. Et c'est vrai. Mais en fait, je n'ai rien appris. (Rires) Dans la vie, je crois, enfin pour moi... Ce qui m'est arrivé dans mon enfance, mes traumatismes d'intimidation à l'école, fait que plus tard dans la vie j'ai eu très peur de l'attachement. Je voulais avoir des amis quand j'étais enfant, mais je me faisais intimidée. La peur de l'attachement est très très forte chez moi, et chez beaucoup de gens je pense. Ce qui fait que quand il se passe quelque chose de bien dans ma vie, je rejette. Quand il se passe quelque chose de moins bien, je m'attache, car c'est quelque chose qui me réconforte.

La chanson est née de ça ?
"Prémonition" raconte une relation toxique entre deux personnes qui ont le même schéma, qui se complaisent car ça leur rappelle des choses du passé. C'est plus facile de rester là-dedans car ils savent ce que c'est, plutôt que de partir à l'aventure. Là, c'est une boucle. Et je ne pense pas que je sois la seule... C'est universel.

Après ma tournée, je suis tombée dans une sorte de vide
Le clip est très beau. Tu avais cette idée-là dès le départ ?
Merci ! C'est grâce à Niels (Castillon, ndlr), le réal, que j'ai trouvé un peu par hasard car j'ai vu ses vidéos de danse avec Léo (Walk, ndlr) et c'est exactement ça que je voulais. J'ai beaucoup regardé les films de Yórgos Lánthimos, comme "Canine". C'est un réalisateur grec que j'adore, dont les images sont très statiques mais il y a souvent des mouvements pour illustrer des sentiments. C'est exactement ça que je voulais recréer. Je ne voulais pas nécessairement de la danse mais de la chorégraphie, un peu comme dans les films d'Agnès Varda. C'est très Nouvelle Vague. J'ai beaucoup lu Barjavel aussi. L'aspect que tu es le dernier couple sur Terre mais tu ne t'aimes pas vraiment... Je trouvais ça intéressant.

Regardez le clip "Premonition" de Coeur de Pirate :



Le nouvel album arrive au printemps. Comment il est né ?
C'est particulier. Avant, j'écrivais tout le temps, en tournée. J'aime bien ce genre d'exercice, ça me vient naturellement. La première chanson que j'ai écrite pour cet album s'appelle "Somnambule". C'était un peu une demande d'une de mes amies, et je l'ai transposée dans ma vie, j'étais contente. Mais après ma tournée, je suis tombée dans une sorte de vide. Tu ne sais plus à quoi tu sers si tu ne fais pas de concerts. Même si j'en pouvais plus à la fin car j'étais fatiguée. Je ne savais plus qui j'étais. J'ai commencé à boire beaucoup et j'ai arrêté d'écrire pendant plusieurs mois. Je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite, et j'ai réalisé quelques mois plus tard. Si je n'écris plus c'est qu'il y a un problème. J'ai tout arrêté, j'ai arrêté de boire, de sortir, de voir des gens. Ça suffit ! Dès que j'ai arrêté de boire, toutes les émotions sont revenues. Et là j'ai pu adresser tous mes problèmes. Et il y en avait pas mal ! (Rires)

La libération de la parole des femmes, c'était hyper important
Et du coup, quelle sera la couleur de l'album ?
C'est assez rouge. Pour moi, c'est les extrêmes, autant le désir que la violence. Tu as les deux directement dans l'album. Il y a des choses qui me sont arrivées mais là je ne peux pas trop en parler. J'en parlerai quand l'album va sortir. Et avec tout ce qu'il s'est passé récemment, je pense que j'ai le droit de le faire.

Comment tu as vécu récemment la libération de la parole des femmes après l'affaire Weinstein ?
C'était hyper nécessaire. J'ai juste eu un problème sur comment les médias ont décidé de traiter les événements qui se sont produits, d'aller dans les détails. Je sais que c'est important mais... Je souligne surtout les médias au Québec. Aux Etats-Unis par exemple au début des articles ils disent quand il y a des propos qui peuvent heurter le lecteur. Là au Québec sur les articles concernant Gilbert Rozon, les articles étaient écrits avec tous les détails. C'est dur à lire pour ceux à qui c'est déjà arrivé, que ce soit moi ou d'autres femmes. Lire ça, c'est comme si tu revivais l'abus et le traumatisme. Ça a été mal géré. Par contre, c'était nécessaire car ce sont des mecs qui ont fait des trucs dans l'ombre depuis hyper longtemps. Je ne sais pas pourquoi ça n'a pas explosé avant.

J'ai déjà eu droit à des remarques sexistes
C'est la question que beaucoup se posent...
Au moins, ça a fait une vague et tout le monde est tombé. Nous, on vit dans cette panique depuis tellement longtemps, on a peur de perdre tout si on dit quelque chose. Même les gens qui sont couverts par l'anonymat car ils ont peur de perdre leur travail...

Dans la musique, tu as vu des histoires similaires ?
Je ne sais pas en musique, il n'y a pas eu grand-chose. Peut-être que ça va sortir, je ne sais pas. Je n'ai jamais eu de problèmes à part des remarques sexistes. Quand tu lis des articles qui parlent de moi en 2008, c'est chaud. (Rires) J'aurais aimé pouvoir dire quelque chose à ce moment-là...

Si personne ne m'écoutait, j'ouvrirai une auberge
Est-ce que ça a changé tu crois ?
Oui, du moins j'espère. On me sexualise beaucoup moins. Aujourd'hui, on sexualise moins les femmes. Mais c'est encore le cas pour beaucoup de trucs. Dans "Vanity Fair", Margot Robbie avait eu un gros article horrible sur elle, le mec ne faisait que ça. Il y a plein d'exemples comme ça. C'est fâchant de se dire qu'il y a encore aujourd'hui des choses comme ça.

Autre sujet. Tu as remporté de nombreux prix depuis le début de ta carrière, dont une Victoire de la Musique en 2010 pour "Comme des enfants". C'est toujours important pour toi d'être récompensée ?
D'avoir la reconnaissance de ses pairs c'est très cool. C'est super quand ça arrive. Mais ce n'est pas nécessairement la raison pour laquelle je fais de la musique. Je fais de la musique pour les gens qui m'écoutent. Si personne ne m'écoutait, j'ouvrirai une auberge, je ferai d'autres trucs. (Rires)

Michel Sardou arrête la chanson et il a dit en interview que dans 30/40 ans, on ne se souviendrait plus du tout de lui. Qu'est-ce que tu aimerais qu'on retienne de toi ?
(Elle explose de rire) J'espère qu'on se souviendra que j'ai aidé certaines personnes dans leur vie. C'est complètement cliché mais c'est vrai. C'est pour ça que je fais de la musique. Quand j'écoute un groupe, et qu'il y a une chanson qui me parle énormément, je leur en suis extrêmement reconnaissante. J'aimerais bien qu'on se rappelle de ça.
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Écoutez et/ou téléchargez l'album "Roses" sur Pure Charts.

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