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samedi 27 mars 2021 13:20

Boulevard des airs en interview : "Cette période a permis de faire un point sur soi"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Après un report de plusieurs mois, Boulevard des airs dévoile enfin son nouvel album "Loin des yeux", composé de 12 inédits et de 12 reprises en duo. Pure Charts a rencontré Sylvain Duthu et Florent Dasque, les deux leaders du groupe, pour parler de ce projet hybride, de leur carrière et de l'étrange année 2020 qu'ils ont vécu. Interview !
Crédits photo : Cédrick Not
C'était en octobre dernier. Autant dire il y a presque une éternité à notre époque. Boulevard des Airs nous recevait afin de parler de son nouvel album "Loin des yeux", initialement prévu pour le 20 novembre. Si le monde entier pensait que le passage à l'an 2021 serait signe d'un retour à la vie normale, il faudra patienter encore plus longtemps. Repoussé de quatre mois, l'album de "BDA" voit enfin le jour. Il y a cinq mois donc, les deux leaders Sylvain Duthu et Florent Dasque nous ont tout dit sur ce projet discographique particulier et leur envie pressante de remonter sur scène.

Propos recueillis par Théau Berthelot.

Comment est né le projet "Loin des yeux" ?
Sylvain : Il est est né vraiment pendant le confinement. Il nous restait pas mal de concerts pour la tournée, qui s'est arrêtée le 7 mars après le Zénith de Toulouse. On est restés confinés quelque temps après et il n'était pas prévu de faire un album mais plutôt de profiter de cette fin de tournée. Tout a commencé pendant le confinement. Il y avait beaucoup d'échanges qui se faisaient entre artistes sur les réseaux sociaux et ça nous a donné cette idée de revisiter nos morceaux et d'inviter nos potes pour les interpréter avec nous. Au départ, on a fait ça par plaisir, sans forcément avoir une idée d'album. Le résultat nous plaisait tellement qu'on a continué avec Claudio Capéo, Vianney... On s'est retrouvé avec plein de titres et on s'est dit que ça ferait un album. Pendant l'été, on a commencé à écrire d'autres trucs, on a replongé dans nos souvenirs. Petit à petit, on a donné naissance à pas mal d'inédits. On s'est demandé ce qu'on allait en faire, si ça allait prendre la forme d'un documentaire ou d'une tournée avec des archives. Ça a donné naissance à 12 titres qui accompagnent ces 12 duos.

Ecoutez "Bruxelles" de Boulevard des airs et Lunis :


Les duos apportent des touches à cette histoire
L'album est plutôt dense avec 24 chansons : 12 déjà connues et 12 inédites. Pourquoi n'avoir pas fait un album entièrement de reprises ou d'inédits ?
Florent : On ne s'est pas posé la question ! On s'est dit que si on pouvait tout mettre sur un seul et même album, autant que les gens n'aient qu'un disque à acheter ou à aller streamer et ils auront tout dessus. Il y a aussi une cohérence dans cet album-là qui raconte une histoire de A à Z. Les duos viennent apporter des petites touches à cette même histoire. Tous ceux qui ont fait des duos avec nous, ils ont tous une histoire avec le groupe. Ils viennent chacun se greffer au milieu d'une biographie qu'on pourrait faire du groupe. Ça me semblait cohérent d'avoir cet ensemble-là sur tout l'album.

Cet album retrace notre carrière
Comment avez-vous choisi les artistes qui sont présents sur le disque ? Et les chansons ?
Florent : On leur a demandé sur quelles chansons ils aimeraient bien chanter.
Sylvain : Soit on leur a demandé, soit ça nous paraissait évident. Ça s'est fait assez naturellement. Personne n'a dit "oh non, pas cette chanson" (rires). Lola [Dubini] voulait plus "Bruxelles" mais on la voyait plus sur "Tu seras la dernière". Ça s'est fait sans trop y réfléchir.

La plupart des reprises viennent de l'album "Je me dis que toi aussi"...
Sylvain : Il y a un peu de tout, on a pioché un peu partout !
Florent : Cet album, c'est vraiment comme un historique qui retrace notre carrière. Il y a des chansons qui ont dix ans, 5-6 qui sont plus récentes mais on a décidé de les revisiter. Et on pouvait pas passer à côté des titres qu'on a écrit pour Yannick Noah et Patrick Bruel. Il y avait d'autres duos qui ont été enregistrés mais on n'a pas pu les mettre car on a appris que la durée d'un CD c'était 78 minutes et 30 secondes, et qu'on en avait plus que ça.
Sylvain : Et il fallait trouver l'équilibre aussi, vu qu'on avait choisi de ne faire qu'un seul objet, parce que ça nous paraissait cohérent, mais aussi de pouvoir présenter nos potes, nos chansons phares et notre histoire. C'est comme un journal de bord que l'on livre en un seul album.

Ecoutez "Et nous vraiment" de Boulevard des airs :


Le confinement a permis de faire un point sur soi
"Et nous vraiment", le premier titre, est un retour sur votre carrière. Le confinement vous a-t-il permis de regarder dans le rétroviseur et de faire le point ?
Sylvain : C'est très introspectif comme chanson, et comme album en général. Le confinement a permis, pour beaucoup, de faire un point sur soi, sa vie, ses amis... Nous, ça nous a permis de faire le point sur toutes les années qu'on vient de vivre mais aussi de replonger dans nos archives. La création s'est faite en deux temps : la musique d'abord, puis les textes que j'ai collés dessus. Le fait d'avoir du temps m'a permis de ressorti de vieilles vidéos des disques durs, de vieux textes des chemises et de voir tout ce qu'on peut faire avec ces musiques-là.

Comment avez-vous vécu à titre personnel le succès, les Victoires de la Musique, Les Enfoirés ?
Florent : Plutôt bien, à vrai dire ! Ça a mis du temps à arriver aussi. Nous avons fait un retour en arrière sur ce qui s'est passé pour nous, le groupe est né en 2004 mais il ne s'est professionnalisé qu'en 2010, avant on n'était que des lycéens. 10 ans, c'est à la fois long et pas très long, on a vraiment eu le temps de digérer toutes les étapes donc quand le succès est vraiment arrivé, on les a prises comme elles venaient avec beaucoup de plaisir. Ce n'était pas une fin en soi, on était très content de ce qui nous arrivait, mais on a toujours pensé à la suite. Avoir une Victoire ou écrire pour les Enfoirés, c'était super, mais on s'est tout de suite projeté vers la suite.

On voulait se mettre à nu, raconter nos émotions
Les inédits évoquent beaucoup de choses personnelles comme des lettres de fans ou un concert dans une prison. C'était nécessaire de se confier autant ?
Sylvain : C'était vraiment voulu. Tu as employé le mot "personnel" et, étrangement, c'est l'album le moins personnel de Boulevard des airs et le plus collectif et en même temps, dans ce côté collectif, c'est celui qui rentre le plus dans l'intimité du groupe. C'est ça qui était vraiment voulu, se mettre à nu, raconter nos émotions, ce qui nous a marqués, nos doutes dans la création, comme dans le morceau "Et que tout ça recommence", nos joies, nos faux pas, nos erreurs... Le but était de tout livrer pour dire où on en est aujourd'hui après plus de 15 ans dans ce métier. Ce contexte particulier fait qu'on a la chance et l'envie de sortir un album qui puisse sortir des sentiers battus et qui ne donnera pas forcément une tournée à part entière, car on ne sait pas ce qu'il en sera du spectacle vivant dans les mois à venir. C'est un album qui s'écoute tranquillement, quand on a une heure et demie devant soi, pour pouvoir entrer vraiment dans l'univers de Boulevard des airs.

Certains des inédits étaient-ils déjà écrits avant la crise sanitaire ?
Sylvain : Pas du tout ! Tout a été fait entre mars et août.
Florent : Il n'était pas du tout prévu cet album. On était en pleine tournée des Zénith qui a été coupée brutalement. On s'est retrouvé comme tout le monde en confinement pendant trois mois. Il y a des choses qui sont venues qu'on a décidé de livrer dans ce nouvel album mais il n'y avait rien qui était écrit.

Ecoutez "Dis-moi comment tu danses" de Boulevard des airs :


C'était rigolo de faire l'expérience d'un concert en drive-in
Dans "Cent histoires", vous racontez que vous avez en stock bon nombre de maquettes et de titres non finies...
Sylvain : Justement j'allais t'en parler (sourire). Rien n'était prévu ou écrit, à part quand je tombe sur des archives. J'ai une belle chemise Titeuf et dedans je suis retombé sur ce morceau, "Cent histoires", qu'on a écrit il y a plus de dix ans. Flo avait utilisé un bout qui était devenu le refrain de "Bla bla". Et tout le reste est resté dans cette chemise, on n'y a jamais touchée. Il y avait très peu de chances que je retombe un jour dessus (sourire). "Au début de vos lettres" a été créée avec de vraies lettres qu'on a reçues des fans. Ça aussi, c'était déjà écrit...
Florent : Quand je disais "écrit", je parlais de la mise en vie, de tout ça !
Sylvain : Oui ! Tout ce qui est mis en vie, ce n'était pas prévu du tout.

"Abécédaire" est un titre qui fait la compilation de vos inspirations : d'où vous est venue cette idée ?
Florent : Des journalistes qui nous demandent souvent quelles sont nos inspirations. Mais c'est plutôt un clin d'oeil qu'une moquerie.
Sylvain : On voulait plutôt évoquer le fait qu'à chaque fois, c'est difficile de répondre à cette question. Au moins, là c'est dit, ça dure 4 minutes et c'est infini.
Florent : Ça n'a aucun sens, tu ne peux rien en tirer (rires).
Sylvain : On passe par des milliers d'influences. C'est rigolo et ça peux faire réfléchir le journaliste (rires). C'est un remerciement à tous les gens qui nous inspirés, il y a des artistes récents comme Stromae ou Zoufris Maracas mais aussi Daniel Balavoine ou Véronique Sanson... Et d'autres qu'on a oubliés.
Florent : Et puis surtout ça peut éveiller la curiosité des gens qui peuvent aller découvrir un artiste qu'ils ne connaissent pas forcément. Et si c'est le cas, c'est gagné !

Justement, dans toute cette liste, il y en a un avec qui aimeriez collaborer plus qu'un autre ?
Sylvain : Manu Chao, je dirais...
Florent : Il y en a plein. On est un groupe qui aime bien collaborer, on fait beaucoup de duos et on invite pas mal d'artistes sur scène. Je pense que comme Boulevard des airs c'est dur à définir comme style, on pourrait faire un duo avec n'importe qui dans cette liste que les gens ne seraient même pas étonnés. Si demain, on faisait un truc avec un rappeur, un artiste électro ou reggae, ils diront "Pourquoi pas ?".
Sylvain : Tu prends le premier de la liste qui est A Filetta, un groupe de chants polyphonique corse, on a fait un duo avec eux sur "Emmène-moi". Donc tout est possible.

Vous évoquez aussi le sort d'un migrant sur "Va-t-en"... Il est rare de vous voir vous engager sur un terrain social et politique.
Florent : En chanson peut-être un peu, mais on le fait souvent. L'histoire de ce titre, c'est qu'on avait fait un concert, qui devait être donné dans un parc central de notre ville et autour de cet événement, on voulait greffer plein d'associations de quartier. Parmi celles-ci, il y avait un foyer de l'enfance dans lequel il y avait ce garçon dont on a conté l'histoire. Pour la première partie de notre concert, des enfants du foyer sont venus, dont lui qui avait lu son témoignage. Aujourd'hui on a décidé de le mettre en musique. On officialise un peu cette sensibilité qu'on avait par rapport à ça, mais ce sont des choses qui nous sont chères.

Ecoutez "Allez reste" de Boulevard des airs et Vianney :


Aujourd'hui, on croise les doigts pour nos concerts
En mai dernier, vous avez donnez un concert en drive-in. C'était comment ?
Sylvain : Assez spécial ! Il y a eu beaucoup de bruit autour de cet événement. Nous on a juste demandé si on pouvait venir bénévolement. On voulait donner du baume au coeur aux gens qui n'allaient plus aux spectacles, le tout dans des conditions spéciales puisqu'ils étaient dans leurs voitures. Pour nous, c'était une soirée spéciale : on remontait sur scène pour la première fois depuis longtemps, on retrouvait quelques personnes devant nous et on était très fiers de pouvoir filer un coup de main à ce moment-là. Evidemment, le but n'était pas de généraliser ce mode de fonctionnement qui est assez étrange, mais c'était assez rigolo d'en faire l'expérience.

M. Pokora ou -M- ont annulé leur tournée. Vous avez eu peur que la vôtre le soit également ?
Florent : Nous on voulait aller jusqu'au bout de la tournée. Je sais que -M- voulait changer de chapitre, c'est pour ça qu'il n'a pas voulu être reprogrammé sur les festivals 2021. Il avait une autre idée en tête. Nous on était aux trois quarts de la tournée, on s'est demandé si, vu le peu de dates qu'il restait, ça valait le coup de les déplacer. Mais beaucoup de gens râlaient car on n'était pas passés dans leur ville. On s'est dit "Décalons", pour nous ce n'est pas très contraignant. On avait décalé une première fois à l'automne et on a dû redécaler une nouvelle fois au printemps. Aujourd'hui on croise les doigts. On se serait parlés en juin, je t'aurais dit "C'est sûr l'année prochaine ça jouera" alors qu'aujourd'hui on ne sait pas si on pourra faire des Zéniths remplis dans quelques mois. Et si on nous dit qu'en 2021, il n'y aura pas de concerts debout dans les salles de plus de 5.000 personnes, on sera contraints de pas le jouer. Mais d'ici là, on espère de tout coeur pouvoir les faire.

Vous qui êtes un groupe qui fait énormément de concerts, comment on s'en sort financièrement quand on est artiste en ce moment ?
Florent : C'est sûr que quand il n'y a pas de live, c'est un pan entier du secteur de la musique qui ne fonctionne pas. Il y a les artistes d'un côté, mais aussi tous les prestataires pour qui c'est encore pire. Nous, il y a les droits d'auteurs qui nous permettent d'avoir un revenu, on peut quand même continuer à créer. Les artistes ne sont pas les moins bien lotis dans cette histoire, ce sont les prestataires ou les festivals qui sont à l'arrêt complet et sans perspective.
Sylvain : On pense à nos régisseurs, nos conducteurs de bus... Ils sont tous à l'arrêt complet !

Sans live, un pan entier du secteur de la musique ne fonctionne pas
Et un concert avec tous les invités de l'album, est-ce possible ?
Florent : (Ils réfléchissent) Ce serait cool hein ?
Sylvain : Ce serait génial ! Mais ça me paraît un peu difficile de rassembler les 12 personnes un même soir dans un même endroit. Déjà que deux c'est compliqué... Mais en tout cas c'est possible. Il y a quelque chose qui s'organise.
Florent : Mais pour avoir tout le monde, il nous faudrait un lieu inédit. Et puis aujourd'hui c'est compliqué.
Sylvain : L'idée est belle, gardons-là pour plus tard !

Du coup, la dernière chanson "Que tout recommence" va dans ce sens de vouloir retrouver la scène et le public ?
Sylvain : Complètement ! Tout ce qui a été évoqué et présenté dans l'album, nos souvenirs, nos rencontres, nos amis, on veut que "tout ça recommence".

Est-ce qu'un nouvel album vraiment inédit est en préparation ?
Sylvain : (Ils rigolent) Il n'est même pas encore sorti celui-là !
Florent : Mais on continue d'écrire, c'est sûr qu'il y aura une suite. Mais comme le dit Sylvain, il faut d'abord qu'on digère ce chapitre, ne sachant pas en plus où l'on va. S'il n'y a pas de concerts sur l'ensemble de l'année 2021, on aura sûrement plus de temps pour écrire.

Vous accepteriez de refaire un hymne pour Les Enfoirés ?
Florent : L'idée est de demander à des personnes différentes chaque année. C'est bien de demander un coup à Vianney, un coup à nous... C'est plus joli pour eux. C'est leur volonté de solliciter des jeunes auteurs-compositeurs et malheureusement il n'y en n'a pas beaucoup. C'est génial de les mettre en avant grâce à ça et de les sensibiliser à la cause. Ça serait génial que les 10 prochaines années, ça soit 10 personnes différentes.
Sylvain : On était très honorés que l'on pense à nous, surtout quand ils choisi notre hymne parce que je crois que l'on était plusieurs sur le coup. Donc on était très heureux, on a passé du bon temps à voir Slimane ou Christophe Maé défiler en studio pour enregistrer notre chanson. C'était très fort pour nous. Et puis les Enfoirés, je regardais ça quand j'étais gamin et jamais j'aurais imaginé qu'un jour on écrirait une chanson pour eux avec mes potes. C'était un honneur et un bel engagement.
Florent : Et puis ça c'est fini en apothéose à Bercy, donc on a bouclé la boucle.
Pour en savoir plus, visitez le site officiel, ou le Facebook officiel.

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