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dimanche 05 juin 2022 11:50

Bilal Hassani en interview : "Je me suis posé plein de questions sur mon identité"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Bilal Hassani se confie en exclusivité à Pure Charts sur son retour avec le single "Il ou elle", né de sa rencontre avec GrandMarnier (Yelle) et d'un véritablement questionnement autour de son identité. Le chanteur se confie avec lucidité sur son année 2021 compliquée, son objectif musical et son prochain album. Rencontre avec un artiste en quête de liberté.
Crédits photo : Ronan Querrec
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

En annonçant ton single "Il ou elle", tu as écrit ces quelques phrases : "Quand on fait de ses rêves un moteur, la confrontation au réel peut se révéler particulièrement violente. A l'automne dernier, j'ai presque tout arrêté pour retrouver l'ombre contre laquelle je m'étais pourtant battu depuis tout petit". Que s’est il passé ?
En fait, ce qui s'est passé c'est que je n'étais pas sûr d'avoir la lumière sur moi pendant longtemps quand on me l'a offerte au moment de "Roi" pour l'Eurovision. Je pensais que c'était un miracle parce qu'on m'avait conditionné à croire que l'artiste que j'étais ne pouvait pas exister encore, qu'il était trop tôt pour moi d'exister dans le monde de la musique. Alors dès qu'on m'a entrouvert la porte, j'ai couru et j'ai fait un long sprint. (Rires) J'ai enchaîné deux albums, dont le dernier est sorti pendant le Covid sous la structure House of Hassani que je venais de créer, et 2021, pour être honnête, a été une année très compliquée pour moi et mon projet.

2021 a été une année très compliquée
Pour quelles raisons ?
Je me sentais dispersé, j'ai produit un album entier avec beaucoup beaucoup de titres, que je suis allé faire partout, en Suède, en Angleterre ou en France, avec des équipes diverses et variées. Au bout d'un moment, je ne savais plus trop qui était Bilal Hassani, quel était mon propos artistique. Là où ça a été très compliqué... En fait, "Danse avec les stars" m'a un peu sauvé parce que je me suis retrouvé à avoir une rigueur et beaucoup de concentration pour rester focus sur mon objectif, qui était à court terme. Je laissais un peu mon rêve, qui est immense et qui s'étend sur très très longtemps, celui de devenir la plus grande popstar de la planète... C'est le rêve du petit Bilal de cinq ans et demi. A la sortie de "DALS", je me retrouve à me dire que tout l'album que j'ai produit n'a aucun sens, que le produit n'est pas suffisamment fort. Je me suis toujours dit que je ne pouvais pas revenir avec quelque chose de plus faible que mon précédent projet. C'est difficile d'être objectif avec soi-même...

C'est ce que j'allais dire...
Ce que je sais, c'est que sur "Contre soirée", j'avais quelque chose de plus fort à proposer que sur "Kingdom". Après que ça a plus ou moins plu, en termes de qualité ça a été reconnu. Ce que j'ai produit après c'était un peu moins bien, donc je ne pouvais pas sortir ça. Je me suis dit qu'il fallait peut-être que je fasse une pause, que j'arrête un peu. Et finalement, après avoir discuté avec les équipes, on s'est dit qu'on allait recommencer l'album, repartir à la source, comme si j'étais un nouvel artiste. Donc je suis un tout un nouvel artiste qui va commencer. C'est un vrai reboot !

Regardez le clip "Il ou elle" de Bilal Hassani :



Contacter GrandMarnier, c'était une bouteille à la mer
Comment s'est faite la connexion avec GrandMarnier, moitié de Yelle, qui réalise ton prochain album ?
A l'époque de "Contre soirée", j'avais envoyé un lien d'écoute en amont à Yelle parce que c'est un groupe que j'admire depuis que je suis petit et que j'ai continué de suivre jusqu'au dernier album "L'ère du verseau". Je devais être à huit semaines de la sortie de l'album et Jean-François (vrai nom de GrandMarnier, ndlr) m'avait fait un long feedback sur mon album. A l'époque, ça m'avait un peu frustré car je n'avais pas le temps d'appliquer les conseils qu'il m'a donnés alors que je comprenais ses remarques. Et là, quand on parlait avec mon équipe de comment faire pour me redonner la motivation de retourner dans un studio, d'écrire et de bâtir un projet plus mature, on s'est dit qu'on pourrait demander à GrandMarnier. C'était un peu comme une bouteille à la mer parce que Yelle n'a jamais trop écrit pour un autre projet que le leur.

Et finalement il a accepté !
Oui, la rencontre s'est faite et GrandMarnier m'a dit : "On ne va pas faire une chanson ou deux. On peut faire quelque chose de très cool, on peut faire tout l'album". Déjà moi quand il me dit ça, je suis extrêmement flatté. Il a écouté des maquettes qu'on avait prévues pour l'album initial, que j'ai un peu descendu au début de l'interview mais qui n'était pas si mauvais. (Sourire) Et il entendait certaines choses, il ressentait le besoin que j'avais, et comment le transmettre. Il l'a compris très vite et on s'est compris très vite. On lui a donné les manettes immédiatement. Il a bâti une petite équipe d'Avengers de la musique avec Tepr et Sutus. La machine était lancée !

Comment ça s'est passé concrètement ?
J'ai fait tout l'album en Bretagne, à Saint-Brieuc, chez Julie et Jean-François parce qu'ils attendaient un heureux événement, qui est maintenant arrivé, un petit bébé. Je ne voulais pas séparer GrandMarnier de ses responsabilités de papa en devenir donc je faisais tout avec eux, je dormais juste à côté. C'était vraiment très très simple. Je faisais des allers-retours quasiment toutes les deux semaines. On échangeait à distance avec Tepr et Sutus, et à un moment donné, on s'est retrouvé tous ensemble dans une super baraque. Il me semble qu'on était dans un village qui s'appelait Brangoulo, et on l'appelait "Bring a lot" pour "bring a lot of hits", c'était hyper drôle. Je les ai épuisés avec mes expressions, mes "slay", mes "yass" et mes trucs, mais ils m'ont compris.

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Ça a été simple de fusionner tous vos univers ?
On s'est vraiment cassé la tête sur des petits détails. On a senti assez tôt qu'on était en train de créer quelque chose de spécial donc on est resté concentré sur chaque détail, où on emmène la chanson, et comment le faire. J'ai énormément appris. Je produis aussi de la musique, en plus d'écrire et de composer, je suis aussi un apprenti mixeur, et là j'ai vraiment pu être avec les meilleurs, donc j'ai pu m'améliorer sur le concept de sound design. J'étais beaucoup plus en retrait, alors que sur les deux premiers albums, c'était presque que moi à l'écriture et la composition de tous les titres. Là, beaucoup de choses sont venues d'eux. Le lâcher-prise aussi faisait partie de ce reboot.

"Quand j'ai reçu "Il ou elle", je me suis dit "Outch" !
Tu me disais que GrandMarnier a compris ce que tu voulais exprimer. C'est ce qu'on ressent sur le single "Il ou elle" qui est une déclaration, un cri pour la liberté ?
Oui, après ce qui est marrant avec "Il ou elle" c'est que c'est la première maquette que j'ai reçu, avec un couplet et un début de refrain, qui était chantée par Julie. Quand j'ai reçu le premier mail et que j'ai vu le titre "Il ou elle", je me suis dit "Outch". J'ai douté parce que toutes les fois où on m'a proposé d'écrire pour moi, c'était toujours sur la liberté d'être soi, l'acceptation de soi. Ce sont de belles choses mais je m'étais toujours dit que ces titres-là je ne pouvais pas les faire écrire par quelqu'un d'autre parce que c'est un sujet très personnel, propre à soi.

Qu'est-ce qui t'a convaincu finalement ?
Ce qui m'a intrigué c'est qu'en 2021 j'ai traversé une vraie épopée avec l'identité de genre, je me suis posé vraiment plein de questions. Quand j'ai entendu "Ce soir c'est il ou bien c'est elle, t'façon c'est du pareil au même, des bas résilles ou des poèmes, j'ai mille façons de dire je t'aime", j'entends des mots doux qu'on s'est partagés avec toute ma bande de potes. On est presque tous queers, on a tous la vingtaine donc on est encore en train de voyager beaucoup dans le spectre de notre identité, de notre sexualité. J'ai été confronté à une visibilité tellement jeune que j'avais l'impression que je devais rester très ancré sur mon propos pour ne pas perturber le public. Et là Jean-François et Sutus me proposent ce titre qui dit toutes ces choses là, sans agressivité, sans revendication, en restant un morceau hyper fun, et qui appelle à dire : "Qui que je sois, on s'en fout, qui que tu sois, je m'en fous. Essayons d'exister, c'est déjà beaucoup dans le monde dans lequel on vit". Donc enlevons-nous la tâche lourde de se soucier de ce que les autres peuvent percevoir en nous et essayons de nous percevoir nous-mêmes. Avant d'être une chanson sur l'amour de soi, c'est vraiment une chanson sur se savoir soi, se regarder, se comprendre, sans avoir besoin d'être redessiné par quelqu'un d'autre.



Avec ce que tu me dis, je comprends mieux les visuels qui ont accompagné l'annonce de "Il ou elle", où on te voit les cheveux blonds, courts, sans perruque. J'ai ressenti une vraie vulnérabilité. C'était aussi pour refléter tout ça ?
Bien sûr. Tout ce qu'on est en train de faire sur ce projet, et je veux le souligner, on a pris énormément de temps pour tout faire avec précision. Je sais que j'ai un public très passionné, qui analyse absolument tout. On s'est dit que c'est excitant pour ma team et moi de se raconter sur les marches de Cannes, dans des clips ou des pochettes de singles, mais tout le story telling est raconté dans une chronologie dans le Bilal Hassani universe, et rien n'est laissé au hasard. Sur le premier chapitre de cette nouvelle aventure, on part du reboot, on part du rien. C'est une mise à nu, avec une grosse vulnérabilité.

J'avais très peur du lâcher prise
Dans notre précédente interview, tu me disais que "Contre soirée" avait été fait pour ta communauté, ton public. Ce nouvel album à venir est destiné à qui ?
J'aimerais bien avec cet album atteindre de nouveaux publics, c'est sûr. Je suis toujours extrêmement friand de rencontrer de nouvelles personnes en chemin. Je pense que j'étais bloqué, j'avais ce plafond de verre avant qui me limitait parce que j'avais très peur du lâcher prise. Je me laissais la responsabilité de tout, du début jusqu'à la fin. J'avais l'impression, et peut-être égoïstement... En même temps j'étais un gamin de 19-20 ans entouré de gens qui lui disaient "Oh mais c'est brillant ce que tu fais". J'ai aussi pris du recul en me disant : "Bon, Bilal, si là, cette personne et d'autres n'ont pas envie de t'écouter, c'est pas juste parce qu'il y a du jugement. Ce sont des gens qui n'ont pas été sensibles à ce que tu as proposé". Sur cet album, on a des choses à offrir, une palette de couleurs tellement large et riche que j'espère que de nouvelles personnes se joindront dans notre belle quête.

En termes de sonorités, on est proches du single "Il ou elle" ?
Aucun titre ne ressemble au précédent, mais on arrive à maintenir une vraie cohérence dans le projet. Ce n'est pas le bazar du tout ! C'est difficile de décrire avec humilité ce projet, mais je félicite surtout Jean-Français, Tepr et Sutus. Mais le maestro de l'album c'est vraiment Jean-François (GrandMarnier). Il a vraiment réussi à faire quelque chose d'unique. J'ai l'impression que sur la scène française on n'a pas vraiment entendu ce qu'on entend sur cet album. Les extraits à venir sont tous très différents ! On peut s'attendre à beaucoup de vulnérabilité, mais aussi à de la force, et toujours une pointe de fun. Parce que c'est ce qui fait Bilal Hassani ! En tout cas, le plus sucré c'est "Il ou elle" et c'est pour ça que je l'adore.

Sortie à la rentrée ?
Je ne peux pas encore le dire ! Mais c'est en 2022, c'est sûr.
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Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Bilal Hassani sur Pure Charts !

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