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lundi 18 février 2013 18:14

Axelle Red : "J'ai toujours été en avant des tendances"

Pour célébrer ses vingt ans de carrière, Axelle Red a choisi d'écrire de nouvelles chansons après s'être replongée dans sa discographie pour en retenir le meilleur. Elle revient cette semaine avec son neuvième album, "Rouge ardent", dont le titre ne fait pas uniquement référence à sa chevelure de feu mais également à son tempérament. Ce nouvel album est comme toujours le fruit de belles rencontres, avec Mark Plati notamment, mais aussi l'histoire de deux êtres qui s'aiment et s'abandonnent. Axelle Red a bien voulu nous en dire un peu plus. Rencontre.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

"Rouge ardent" sort vingt ans après "Sans plus attendre". Pour célébrer vos vingt ans de carrière, pourquoi avoir privilégié un album de chansons originales plutôt que la formule du best-of, ou même celle de l’album de duos qui fonctionne très bien en ce moment ?
Axelle Red : Tout simplement parce que j’avais envie de faire un nouvel album… Parce que j’étais en forme (sourire) ! Je trouvais ça beaucoup plus intéressant de travailler sur un nouvel album. Je ne me suis pas posé de questions en réalité. Et aujourd’hui, avec un peu de recul, je trouve que cet album résume très bien ce que j’ai fait pendant mes vingt ans de carrière. Il résume jusqu’au dernier album "Un cœur comme le mien". Il mélange toutes mes influences tout en apportant quelque chose de nouveau. Parce que l’alliance de toutes ces musiques donne quelque chose de neuf. Et puis, musicalement, je trouvais ça plus intéressant de revenir avec ça qu’avec une rétrospective. J’ai fait pour mes vingt ans de carrière une rétrospective de l’image, au Musée de la Mode, en Belgique.

Etes-vous fière et heureuse de ce que vous avez accompli pendant ces deux décennies ? Quel regard portez-vous sur votre carrière ?
C’est même un peu plus que vingt ans, dans le sens où mon premier album est sorti en 1993 alors que j’avais commencé à travaillé dessus bien avant. Vingt ans de carrière, c’est long. Je suis contente de ce que j’ai fait. Il y a des choses que j’aurais peut-être aimé faire mieux. Mais je ne pense pas que je doive regretter beaucoup de choses parce que j’ai été à chaque fois jusqu’au bout. Dans tous mes albums, j’ai toujours été honnête avec moi-même. J’ai toujours donné le meilleur de moi.

Qu'est-ce que vous referiez différemment ?
Je me dis par exemple qu’il y a des chansons sur l’album "Jardin secret" qui sont un ton trop haut. D’autres étaient sans doute un ton trop bas. Et puis… Il y a des textes que je réécrirais autrement. Mais je me demande aujourd’hui si j’aurais été capable de faire mieux. Est-ce que, à cette époque, j’avais l’envie et les capacités de faire mieux ? On pourrait aussi parler du mixage. Il y a toujours des petits détails sur lesquels on pourrait revenir indéfiniment. Il y a quand même quelque chose que j’aimerais refaire un jour. C’est sur l’album "Face A/Face B". Comme tous mes disques, on l’a enregistré avec un groupe. Et a la fin du mix, je trouve que les programmations sont devenues trop importantes. J’aimerais remixer cet album pour qu’on entende plus le groupe qui joue derrière.

J’ai redécouvert le plaisir d’écrire des textes
Pour ses dix ans peut-être… Dans quelques mois !
Oui. Pourquoi pas ! Mais ça fait encore beaucoup de travail (sourire). Il y a des chansons que j’aimerais ré-enregistrer. Mais ça veut dire regrouper tous les musiciens. Ce n’est pas évident. Mais cette masse de travail, ce temps nécessaire pour la création, j’ai préféré le mettre au service de quelque chose de neuf. Pour "Rouge ardent", j’ai véritablement redécouvert le plaisir d’écrire des textes.

Et celui de partager. Vous avez fait de nouvelles rencontres...
J’ai vraiment apprécié travailler avec le groupe de "Rouge ardent". J’ai collaboré avec des personnes qui ont des influences totalement différentes. Mark Plati, par exemple, n’avait jamais travaillé sur un album soul. Il a plutôt l’habitude de travailler sur une musique rock. C’était tout nouveau pour lui. Il y avait pour tout le monde cette effervescence de faire quelque chose de nouveau. Et puis, "Rouge ardent", c’est aussi un voyage entre New York, Memphis et chez moi.

On peut donc parler d’un album cosmopolite ?
Oui. Même si on retrouve principalement les sons de Memphis. La chaleur, elle vient de là-bas. Ce sont mes sons. C’est mon univers musical ! Quand j’ai commencé à travailler sur cet album, mon mari m’a dit de réécouter tout ce que j’avais déjà fait. Il a mis en évidence que je cherchais toujours à aller plus loin mais que je ne réécoutais jamais ce que j’avais fait. Parce que c’est vrai que je garde toujours le mauvais souvenir d’un mix qui n’est pas toujours parfait. Je ne vois que les erreurs où ce que j’aurais pu faire mieux. Mais il m’a convaincu qu’il était temps de me replonger dans ma discographie parce que ce n’est pas si mal que ça (sourire). Et puis, c’est lui qui m’a convaincu de retourner à Memphis.

Où vous travaillez régulièrement…
Oui. J’avais peur de me répéter en retournant là-bas. Mais c’est mon son. C’est là que j’enregistre depuis mon deuxième album.

Crédits photo : DR.
Il y a des regrets en termes de production et d’écriture, mais il peut aussi y avoir des regrets en termes de succès. Votre dernier album "Un cœur comme le mien" a moins séduit que les précédents. Comment l’expliquez-vous ?
Je ne regrette pas du tout cet album. J’ai eu un plaisir énorme à le faire. Aussi bien à la composition, à la guitare… Toute cette expérience à Woodstock, c’était formidable ! C’est l’une des meilleures expériences de toute ma vie. Donc je ne regrette pas une seule seconde cet album. Ces collaborations avec Florent Marchet, Gérard Manset, que l’on retrouve sur "Rouge ardent", et Miossec, qui est devenu un ami... Je trouve que c’est un bel album. Je peux comprendre que ce disque n’a pas été totalement compris par mon public. Mais il m’a aussi permis de me faire connaître d’un autre public. De toute façon, je ne peux faire que des chansons que je ressens. Et au départ, c’est ça qui compte. Je fais les choses comme je les sens, des choses qui comptent pour moi. J’essaie d’avoir le plus de plaisir quand je le fais. Je compare ça à un peintre. Il va peindre un tableau en phase avec ses humeurs. S’il est d’humeur noire, son tableau sera noir. Je ne peux pas faire un disque bleu quand je suis dans une phase rouge. Ou l’inverse !

Et là c’est le disque rouge. Un rouge soutenu même !
Tout à fait. De la passion. Du feu. Des flammes !

Je n’ai jamais sonné aussi actuel que maintenant
"Rouge ardent", c’est bien évidemment la couleur de vos cheveux. Mais n’est-ce pas aussi votre caractère ?
Je sais être bleue aussi (rires) ! Ce n’est pas pour rien qu’il y a deux couleurs que j’aime beaucoup. Il y a cette sorte de rose-orange-rouge, et puis cette sorte de turquoise-bleu. On retrouve vraiment les deux facettes de ma personnalité dans ma musique. Ce n’est pas pour rien qu’un album sur deux est plus blues.

Le bleu pour le blues et la nostalgie, et le rouge pour aller de l’avant. "Rouge ardent" est un album plus lumineux. Vous avez décidé de regarder en avant et de laisser le passé derrière vous ?
Je regarde beaucoup en avant. Quand j’écoute le son, je le trouve très actuel. Il ne fait pas daté. Je trouve que je n’ai jamais sonné aussi actuel que maintenant. Je suis ancrée dans le présent et le futur. En termes d’écriture, tout ce qui s’est passé avec mon précédent album m’a beaucoup servi. Je trouve que j’ai fait un pas en avant. J’en suis sortie grandie. A un moment donné, pour écrire de bons textes, il fallait que le thème soit sérieux. Et là, j’ai réussi à bien écrire avec un thème qui est beaucoup plus banal puisque c’est l’amour. J’ai brodé autour de ce thème.

Croyez-vous, comme on le dit parfois, qu’un artiste est plus inspiré lorsqu’il est dans une phase de chagrin, de doute et de déception ? Le fameux mythe du poète dépressif…
J’ai trouvé la solution (sourire). Il faut inventer une histoire. Comme je n’étais pas triste, que tout se passe très bien dans mon couple et que je n’avais pas envie d’écrire encore sur l’engagement, il fallait que j’invente une histoire avec des personnages. J’ai donc décidé de raconter l’histoire d’une personne qui est abandonnée par quelqu’un, parce que je trouve ça romantique. En plus, c’est d’autant plus romantique qu’il meurt à la fin. Il n’y a rien de plus romantique que "Roméo et Juliette". C’est romantique aussi parce qu’il part mais pas pour elle. Je pense que c’est ça la solution pour pouvoir écrire quelque chose de triste sans pour autant devoir l'être soi-même.

On n'a plus l’oreille pour écouter des albums qui font plus de dix titres
D’un côté, vous aviez envie d’écrire beaucoup. Vous venez de dire que vous étiez en forme. Mais "Rouge ardent" est quand même un album relativement court. Il ne contient que dix titres. Vous manquiez de matière ou c'est votre histoire qui se terminait trop tôt ?
Pour moi, il y aurait même pu n’y avoir que neuf chansons. J’ai composé 40 chansons. J’en ai enregistré 17, qui sont prêtes chez moi. Cuivres et violons enregistrés. Mais comme j’écris lentement les paroles, je me suis dit que Gérard Manset pouvait m'écrire un titre, Miossec aussi (sourire)… J’ai pris les 17 chansons. Pas forcément les plus fédératrices. Parce que j’ai gardé des singles potentiels pour la suite. Mais je crois que les dix que j’ai retenues sont celles qui musicalement vont le mieux ensemble. Je me suis dit qu’il valait mieux mettre toute mon énergie dans ces titres-là. Et puis, je trouve qu’on n'a plus l’oreille pour écouter des albums qui font plus de dix titres. Il y a peut-être des exceptions. En tout cas, je sais que moi je n’ai pas la patience d’écouter des albums qui font plus de dix chansons. On a tellement d’albums à la maison, tellement de belles choses qui sortent. J’ai fait un album où toutes les chansons racontent un peu la même histoire. Mais en même temps, j’ai fait un rassemblement de singles potentiels. Chaque chanson fait moins de quatre minutes. Elles ont toute une structure de single. Le refrain arrive au bon moment et le couplet n’est pas trop long. J’avais envie de revenir à la compo traditionnelle. J’avais envie de réussir cet exercice. J’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à le faire.

J’ai été plus sensible au titre "C’est une ville". A qui s’adresse-t-il ? On sent qu’il se cache quelqu’un derrière ce personnage que vous avez créé...
A ma ville natale en fait ! Une ville natale, ça peut paraître idiot, mais c’est quelque chose de très précieux. Je suis très contente parce que j’ai pu y passer beaucoup de temps récemment en ouvrant ce musée de la mode. Ce sont nos racines, nos souvenirs et notre histoire. C’est pour ça que j’ai mis beaucoup d’émotions dans cette chanson.

Crédits photo : DR.
Vous parliez du Musée de la mode et de l'exposition de vos tenues qui vient d'ouvrir ses portes en Belgique. Ce projet est une surprise parce qu'on ne connait pas forcément cet attachement à la mode que vous revendiquez.
C'est quelque chose qui compte beaucoup pour moi. Depuis que je suis toute petite, je suis très attachée à la mode. Il y avait beaucoup de magazines de mode à la maison et maman avait de belles pièces dans de grandes armoires. Quand j'avais seize ans, pour mon premier bal, je ne voulais pas porter ce que tout le monde portait. J'ai demandé à une vieille dame de me confectionner une robe. J'ai toujours voulu me distinguer par mes tenues. Etant étudiante, j'ai toujours travaillé même si mes parents m'ont payé mes études. Mais je travaillais pour pouvoir m'acheter des pièces. Et quand je suis arrivée en France avec mon premier album, des créateurs commençaient à se faire connaître, comme Martin Margiela. J'ai toujours porté ces créateurs belges. J'ai toujours été en avant des tendances. Je ne suivais pas la mode. Mes goûts en matière de vêtements et de musique ont évolué en parallèle en fonction de mes envies. Les deux sont liés. Tout mon style americana, que j'ai toujours porté et j'ai mis en valeur avec mon dernier album il y a deux ans, il est maintenant très en vogue, et justement mis en valeur dans le numéro de Vogue dont je fais la couverture. Je suis hors tendance !

"Rouge ardent", c'est la plus belle chanson que j'ai écrite de toute ma carrière
C'est le secret pour durer ?
Tout à fait. Beaucoup de vêtements ont été faits pour moi, sur-mesure. Je porte des choses que personne ne porte. Toutes les tenues que j'ai sur moi dans dans mes clips ou sur les plateaux de télévision, je les ai commandées. Mais je ne suis pas "surlookée". Ce sont des choses qui paraissent simples en apparence. Parce que je ne voudrais jamais que le vêtement me mange. C'est pour ça que le public n'a jamais prêté plus attention que ça à mon goût pour la mode. Parce que jamais on ne verra le vêtement prendre le dessus sur moi.

Comme on célèbre vos vingt ans de carrière, il serait intéressant d'avoir votre point de vue sur les étapes clefs de votre parcours, vos regrets et vos plus grandes joies. Quels sont-ils ?
Pour moi, les meilleurs moments, ce ne sont pas les concerts mais la création. Même si ce sont de très bons moments partagés avec le public. Ce que j'aime par dessus tout, ce sont les moments partagés avec les musiciens, à Memphis, à Woodstock, quand je me déplace pour travailler. Ce sont des moments magiques. A la maison, ce n'est pas pareil. Pourtant, j'ai un studio génial. C'est la création, les échanges entre artistes, tous ces morceaux qu'on écrit, réécrit puis enregistre... Je trouve ça tellement fort lorsque je travaille sur mon piano et que naît une mélodie. Ça a été le cas pour la chanson "Rouge ardent". Je travaillais chez moi depuis quelques heures au piano. Et mon mari est entré dans la pièce pour me demander de rejouer ce qu'il venait d'entendre. Je savais ce qu'il voulait dire. C'est comme ça qu'est né le refrain de "Rouge ardent". Tout commence avec une chanson. Je ne sais pas ce qui se passera avec "Rouge ardent", mais je crois que c'est la plus belle chanson que j'ai écrite de toute ma carrière. Sans une belle chanson, il n'y a rien. J'adore la scène, mais s'il n'y avait pas de belles chansons, il n'y aurait pas de public. Le public, c'est la cerise sur le gâteau. C'est une sorte de petit cadeau (sourire).

Vingt ans de carrière, c'est aussi vingt ans de combat et d'engagement en faveur des enfants démunis. Vous avez beaucoup soutenu l'Unicef, entre autres. Quel est votre grand combat à présent ?
Je crois malheureusement qu'il reste le même. Mon plus grand engagement reste les droits des femmes et des enfants, pour qu'il n'y ait plus d'abus et d'injustice. Ça ne change pas. Mais, en même temps, je ne le vois pas uniquement comme un combat mais aussi comme un besoin. Le besoin que j'ai de pouvoir m'exprimer. Je ne pourrais pas vivre sans ça. Et puis, il y a mes enfants. En tant que femme, plus que pour un homme je pense, c'est important pour moi de voir des enfants réussir dans la vie et arriver à faire ce qu'ils ont toujours voulu faire. Ça fait un seul et même combat en réalité. On essaie d'être une bonne personne dans un beau monde, où tout le monde est content. Et de trouver cette balance entre eux et moi. Je dis toujours que le côté narcissique d'un artiste, parce que si on n'est pas tourné vers soi on ne peut pas créer, et le personnage empathique que je suis, doivent être en équilibre sur une balance. Mon combat est de trouver ce juste équilibre et de m'en sortir vivante (rire).
Pour en savoir plus, visitez axelle-red.com et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez le nouvel album d'Axelle Red, "Rouge Ardent".

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