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Jeanne Mas en interview

A peine descendue de l'avion, c'est une Jeanne Mas rayonnante derrière ses lunettes roses fumées que nous avons eu le plaisir de rencontrer à l'avant-veille de son Olympia qui affiche complet samedi 16 mai prochain. Il reste quelques places dimanche 17, dépêchez-vous de réserver ! La chanteuse réserve de belles surprises pour ses 25 ans de carrière, bien qu'on lui donne à peine la trentaine !
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Bonjour Jeanne, vous serez sur la scène de l'Olympia à partir du 16 mai prochain, chanterez-vous vos anciennes chansons, par exemple "Viens" qui fut la face B de votre premier tube "Toute première fois", et qui fait partie des perles cachées de votre répertoire (Mathieu Rosaz, rédacteur) ?
Jeanne Mas : Non, je l'avais mise dans la première liste, mais après il m'a fallu choisir parce que j'avais sélectionné une trentaine de chansons et il fallait bien faire un choix. Cependant, par rapport au Trianon l'année dernière, j'aurai deux nouveaux musiciens américains sur scène, donc cinq musiciens en tout, et il y aura quelques chansons différentes dont une que je n'ai jamais chantée sur scène : "Cindy Girl" (face B inédite du 45 tours "Shakespeare" paru en 1990) qui correspond bien à l'humeur du spectacle. Il y aura aussi tous les tubes qu'on a réarrangés comme "Toute première fois" (Top 8 en 1984) que je trouve splendide. On a fait revivre les chansons différemment. On est moins dans l'esprit country du Trianon 2008. C'est plus du "Jeanne Mas" même si je chanterai "Phoenix", extraite du dernier album "Be West", mais dans un arrangement qui prête encore plus à l'évasion grâce à mes musiciens extrêmement créatifs.

Quand j'ai vu pour la première fois Barbara à la télévision, c'était en 1990 dans son unique clip "Gauguin (lettre à Jacques Brel)", je me suis demandé qui était cette autre femme en noir comme Jeanne Mas ; après j'ai compris...
(rires) Oui, elle était là avant moi !

Cependant je vous ai souvent trouvé certains points communs : dans le look, certes ; mais aussi dans la force et le courage qui transparaissent dans vos textes et dans le côté "bête de scène" aussi. Barbara vous-a-t-elle marquée, fait-elle partie de vous influences ?
Non parce que tout comme vous, j'ai découvert Barbara après. J'étais en Italie quand j'ai débuté ma carrière et je n'étais pas tellement dans l'esprit musique française. C'est ensuite que je l'ai découverte, et j'ai un immense respect pour elle.

L'avez-vous rencontrée ?
On s'est croisé au concert de Bruce Springsteen, elle était là, derrière moi, je n'ai pas osé lui parler et elle n'a pas osé me parler non plus. On était là chacune de notre côté parce qu'on aimait l'artiste, elle était très rock en fait ! Ce que j'aime chez cette femme, c'est son indépendance, sa personnalité. C'est une femme qui a énormément souffert. Je suis très sensible aux gens qui souffrent, et Barbara représente pour moi la force féminine.

Comment en arrive-t-on à écrire une phrase comme «Regardez-ça mon cerveau plonge sans oxygène comme un fœtus sauvage destiné à l'ennui», extraite de "La bête libre" (Top 13 en 1987) ?
Parfois je me redécouvre à travers mes textes, je me comprends, je me dis que c'était une bonne thérapie. J'ai aussi analysé la différence entre mes textes d'hier et ceux d'aujourd'hui, où j'ai tendance à simplifier comme dans "Plus jamais" par exemple. Alors que dans "La bête libre" ou "Cyndi Girl" - et sans vouloir me flatter, je me demande parfois comment j'ai pu écrire des choses pareilles !

Redécouvrez le clip de Jeanne Mas, "La bête libre" (1987) :
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Et vos lectures ?
J'adore Baudelaire. Parce que c'est un tourmenté. Et en ce moment - j'ai honte de le dire parce que vu mon âge, j'aurais dû le découvrir avant, grâce à ma fille qui le lit, je découvre Oscar Wilde qui est en train de prendre une grande importance dans ma vie. Je ressens tout ce qu'il dit très profondément . Je ne prétends bien entendu pas avoir le talent de ces auteurs, mais j'espère en avoir quand même un peu.

Et votre nouveau producteur qui est aussi celui des fameuses RFM Party ?
Je n'ai pas fait les tournées RFM Party, à l'exception du spectacle au Stade de France. Lorsque mon producteur m'a proposé de faire la tournée RFM Party, je lui ai dit : «Ecoute, je veux bien te dépanner sur quelques dates, mais chanter sur bandes c'est pas mon truc, moi c'est live». Il est ensuite venu me voir au Trianon, et là il ma dit : «J'ai compris, tu fais l'Olympia». Il m'a laissé une entière liberté. Il ne sait d'ailleurs pas encore ce que j'ai mis dans mon spectacle...

N'avez-vous pas pensé que le public souhaiterait - ne serait-ce que le temps d'une chanson, vous revoir en brune ?
Oh arrête avec mes cheveux ! C'est devenu une telle galère mes cheveux ! J'étais orange il y a encore deux jours. J'ai foncé chez le coiffeur - moi qui ne vais jamais chez le coiffeur, et je lui ai dit : «You need to save me !», et on a fait ce qu'on a pu ! Mais je ne peux pas redevenir brune. A la base je suis brune clair, même si je ne sais plus vraiment en fait, car je teins mes cheveux depuis l'âge de 17 ans et j'ai essayé toutes les teintes. Là, j'ai paniqué parce que mes cheveux devenaient tricolores. Au quotidien tu t'en fous, mais pour l'Olympia...



Avez-vous vécu le mouvement punk ?
Oui. Et à 18 ans j'ai coupé mes cheveux parce que lorsque j'ai vu Kate Bush qui avait les mêmes cheveux que moi et la même gestuelle - sauf qu'elle était connue et moi pas encore), là je me suis dit : «No way, je veux être unique», alors ciseaux !

Vous êtes devenue plus sobre sur scène au niveau de votre gestuelle il me semble ?
Les arrangements ont changé aussi et on évolue. C'était bien à l'époque avec le look, le tempérament, mais je ne peux pas reproposer 25 ans après les mêmes trucs. Même moi je me trouverais complètement démodée.

Justement, vous n'essayez pas de vous "singer" comme certaines autres...
Elles font ça parce qu'elles ont peur. Et Balavoine le disait très bien : «soit tu restes la même artiste pendant toute ta carrière et tu ne prends pas de risques - mais en fait tu en prends un autre qui est celui de lasser, soit tu changes et là tu prends le risque de déplaire». Et moi, j'ai pris le risque de déplaire. Et je m'en moque. Je veux être authentique et sincère. L'important c'est d'amener du rêve. Le jour où un artiste cesse de faire rêver, c'est qu'il a fini sa mission. Et j'espère pouvoir encore faire rêver et surprendre en allant au devant de la création.

Avez-vous déjà songé à une tournée piano/voix ?
Non, par contre j'ai pensé à une formation trio basse/guitare/batterie ou basse/piano/batterie, dans l'esprit jazzy.

Êtes-vous instrumentiste ?
Non, je joue très mal de la guitare et du piano, mais je programme. Je travaille sur ordinateur, je crée mes propres rythmiques, mes propres accords, je construis mes chansons sur mes ordis, et ensuite je fais appel à mes musiciens. D'ailleurs j'écrirai sûrement entièrement le prochain album. Ou peut-être avec Roberto Zanelli qui a de bonnes idées et qui a travaillé avec moi à mes débuts et avec qui je travaille sur "La blonde" qui est un projet conceptuel électro parallèle, et ma priorité. Mais c'est vrai que certaines personnes me disent parfois : «mais non le public attend ça de toi etc...». Je crois que ces personnes-là n'ont rien compris. En fait le public attend juste d'être agréablement surpris, je pense. Et c'est ce que je veux faire.

Vous réservez-vous des périodes très précises d'écriture ?
Non. C'est à dire que d'un seul coup ça prend le dessus sur tout le reste et je ne peux plus contrôler, donc je travaille non-stop et je ponds l'album.

Sur un Best Of paru en 2001, on trouve une chanson inédite: "Incertaine", composée par Pierre Palmade. Comment cela est-il arrivé ?
Il est venu un jour à la maison et il m'a dit : «j'ai une chanson». J'ai écouté, et je me suis dit que c'était incroyable ! Il avait composé quelque chose qui était complètement dans l'esprit "Jeanne Mas", et donc voilà, j'ai fait les arrangements avec un ami, on est rentré en studio et c'est sorti. C'était juste un clin d'œil. Pierre Palmade aime faire de la musique !



Dans la chanson "Désir d'insolence" parue en 2000, vous dîtes : «Vivre à l'envers c'est aussi résister». Etes-vous toujours dans cette énergie-là, ou êtes-vous plus sereine, détachée ?
Oui, je vis à l'envers, ça c'est sûr. Sereine, oui car finalement je crois que j'ai trouvé la terre où je veux vivre et sans doute vieillir. Mais je vis à l'envers car je n'ai pas la culture américaine, je ne suis pas américaine et même si j'adore vivre là-bas il est tout de même difficile de communiquer avec les américains en étant une femme aussi indépendante que moi, qui élève ses enfants seule, et qui n'a pas besoin d'un mec au quotidien. Ça intrigue un petit peu les gens qui vivent dans une certaine tradition familiale. Je ne suis pas toutes les règles.

Savent-ils qui vous êtes là-bas ?
Non non, être artiste au quotidien là-bas fait partie de ma vie privée. Je ne dis à personne que je suis une artiste parce que les gens ne comprendraient pas. Quand j'ai dit à mon dernier copain que j'étais dans la musique, il m'a dit : «Mais tu ne fais pas de porno j'espère !». Le monde artistique pour eux est un monde de drogués, alors que pas du tout. On ne changera pas les mentalités...

Il y a quelques années vous aviez créé un site axé sur la mode et le relooking. Qu'en est-il ?
On a essayé de faire ça avec un ami, et puis il ne bossait pas et à la fin je m'en suis désintéressée. Mais c'est quelque chose qui reste toujours un peu en suspend, mais plus dans l'idée de se réinventer soi-même, que de se relooker, même si ça va avec. Il arrive parfois qu'on ne vive pas ce qu'on a envie de vivre ; on ne vit pas la personne qu'on est réellement. Alors on s'adapte, jusqu'au jour où on n'arrive plus à avancer, et tout s'écroule. Et là il faut apprendre à se donner une deuxième chance car c'est ça la vie : recommencer tous les matins en sachant dire : «Stop, maintenant j'existe, donc je me réinvente, je suis comme ça et j'ai envie d'être comme ça, je veux vivre comme ça». J'aimerais pouvoir aider les gens à en arriver là. C'est un challenge... Mais c'est intéressant. Il ne faut pas se leurrer, tant que tu es mal dans ta peau, tu n'es pas bien dans ta tête. C'est pas l'inverse. Le physique passe avant tout parce que c'est la première chose que tu offres aux gens et le regard des gens peut être mortel, tout comme il peut t'aider à grandir. On sait très bien l'importance des autres par rapport à soi-même, et les gens ont besoin d'être appréciés et acceptés par les autres avant de s'accepter eux-mêmes. On a besoin de cette reconnaissance.

Je sais que le cinéma vous intéresse ; que vous avez déjà joué dans plusieurs films. Il paraîtrait qu'avant de mourir, le réalisateur Maurice Pialat venait de terminer un scénario sur la vie de Sarah Bernhardt, et qu'il pensait à vous pour l'incarner à l'écran. Vous le saviez ?
Ça je ne le savais pas. Et ça m'aurait plu. J'aimerais jouer, mais le problème c'est que les gens ont encore l'image de la "Jeanne Mas" des années 80, et ils n'arrivent pas à voir l'évolution. Peut-être parce que je ne suis plus assez présente. Je fais un peu de théâtre aux Etats-Unis et je prends beaucoup de plaisir à le faire. J'aime vraiment ça, et je pense que je continuerai aussi dans cette voie-là, juste pour le plaisir de jouer la comédie. Je la joue déjà au quotidien dans ma vie... Pour passer incognito aux Etats-Unis, je me suis inventée tout un tas de personnalités, je prends des noms italiens, des noms anglais...

Pour finir, comptez-vous écrire votre autobiographie ?
Oui, je suis en train d'écrire. Ça fait déjà deux ans que j'essaie, mais à chaque fois j'arrête parce que ça touche des gens qui font encore partie de ma vie. Si je ne parle pas d'eux, ça n'a pas de sens, et si j'en parle, je leur fais du mal. Je ne veux pas écrire sur moi si je dois blesser des gens. Donc j'essaie de trouver le moyen d'arriver à dire des choses sans blesser personne. Et ça c'est difficile. Ce que je veux, c'est raconter le parcours d'une femme qui s'est battue depuis le début et ce qui m'a motivé à faire mes choix. Il y a des choses qui ont déterminé tous ces choix. A moi de trouver la manière de le dire.

Merci Jeanne !
Merci à vous, ce fût un plaisir.


Crédit photo : Tazzio.
Pour en savoir plus, visitez jeannemas.com, ou son MySpace officiel.
Pour réserver vos places de concert, cliquez sur ce lien.
Pour (re)découvrir les plus grands tubes de Jeanne Mas, cliquez sur ce lien.
Redécouvrez "Johnny, Johnny" en version acoustique (2008) :

Redécouvrez "Viens" interprété par Mathieu Rosaz (2007) :

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