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samedi 08 juin 2024 12:19
Nemo (Eurovision) en interview : "Je veux rester fidèle à qui je suis"
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Avec sa chanson "The Code", Nemo a remporté l'Eurovision 2024 pour la Suisse. De passage à Paris pour prendre part à la finale de "The Voice", l'artiste de 24 ans se confie à Purecharts sur la symbolique de cette victoire, la représentation des personnes non-binaires, son album à venir et ses liens avec la France. Le tout dans une bonne humeur contagieuse !
Crédits photo : Ella Mettler
Propos recueillis par Yohann Ruelle, dans les coulisses de "The Voice". Tu vis ton rêve depuis ton sacre à l'Eurovision le 11 mai dernier. Tu as eu le temps de te reposer depuis ou c'est un vrai tourbillon ? J'ai pris un tout petit peu de temps pour souffler juste après la finale, deux jours en fait. Je suis retourné·e en Suisse, dans ma ville d'origine, et j'ai pu m'allonger sur l'herbe dans le jardin de chez mes parents. C'était vraiment agréable parce que j'en avais vraiment besoin ! (Rires) J'ai enfin pu dormir à ma guise mais la réalité est revenue très vite me rattraper. Je voulais aller à Cannes pour passer quelques jours durant le festival mais des gens du Royaume-Uni nous ont appelés pour nous demander : "Vous pouvez venir à Londres ?". Donc j'ai dû revoir mes plans, je me suis promis d'y revenir une prochaine fois. Mais c'est fun ! C'est génial de pouvoir faire tout ça et je veux tout faire, comme chanter durant la finale de "The Voice". J'ai envie de prendre toutes les expériences qui s'offrent à moi, rencontrer des gens, organiser des shows. C'est une opportunité qui n'arrive qu'une fois dans une vie et je compte bien la saisir. Enfin, la communauté non-binaire est représentée et entendue As-tu enfin récupéré ton trophée ? J'ai suivi tes mésaventures avec ! Le premier je l'ai cassé juste après avoir gagné l'Eurovision et le deuxième, ils me l'ont repris. (Rires) Ils m'ont dit qu'ils allaient m'en envoyer un nouveau ! Mais nous avons quand même obtenu un trophée miniature, qu'ils attribuent aux auteurs et producteurs de la chanson gagnante. C'est une première étape, en attendant le vrai. Maintenant que tu as eu un peu de temps pour la digérer, que représente cette victoire pour toi ? Tellement de choses... D'un côté, c'est incroyable de voir combien de personnes se sont connectées à ce concept musical, cette chanson et cette performance. Ça m'enchante vraiment parce que nous y avons mis beaucoup de travail. De l'autre, c'est une victoire pour toute la communauté non-binaire et gender fluid dont je fais partie. Enfin on est représentés, enfin on est entendus ! Le monde entier en parle aujourd'hui et j'espère que les choses pourront avancer. Je me félicite aussi que cette victoire mette un coup de projecteur sur la scène musicale suisse. Avec de la chance, dans les années à venir ça va permettre à des artistes impatients qu'on les découvre et de pouvoir montrer leur talent. Personnellement, je vois ce prix comme un accomplissement, une grande chance. Il y a peu d'événement comme l'Eurovision dans le monde où l'on peut raconter son histoire. C'est une énorme porte d'entrée pour une carrière. J'ai vraiment hâte de tout ce qui va suivre, j'ai tellement d'idées qui bouillonnent dans la tête ! Je travaille avec une équipe formidable et c'est vraiment fou de me dire que désormais, j'ai la possibilité de partager ma vision et lui donner vie. Je veux y consacrer tout mon amour et mon énergie. Les commentaires négatifs ? Je préfère ne pas leur accorder de l'attention Tu portes désormais la voix de la communauté des personnes non-binaires. Cela te met-il de la pression ?Le meilleur dans toute cette expérience, c'est qu'elle n'implique pas une quelconque pression autre que d'être seulement soi-même. Quand tu es toi-même et que tu assumes ton identité au grand jour sans avoir peur, cela montre à des personnes à la maison qu'elles aussi, elles n'ont pas à craindre qui elles sont. Elles devraient avoir le droit d'être elles-mêmes, ce sont les autres qui ont tort. C'est quelque chose que je continuerai de défendre. Je vais par exemple, avec l'aide d'une organisation politique appelée We Exist, rencontrer le président suisse dans les semaines à venir pour discuter de l'introduction d'un troisième genre à l'état civil. C'est génial de pouvoir le faire. En tant qu'artiste, ça ne m'intéresse pas de me mêler des affaires politiques mais si je peux aider des gens à trouver leur place et un espace sûr avec un projet comme celui-ci, alors je le ferais. Comment fais-tu pour affronter les commentaires négatifs que l'on a vus et entendus depuis l'Eurovision ? Une très bonne amie à moi, c'est Jerry Heil, qui a représenté l'Ukraine cette année, dit que la meilleure façon de faire face aux remarques négatives, qui ne sont pas constructives, et plus spécifiquement les messages de haine, est tout simplement de ne pas les lire, de ne pas leur accorder de l'attention. Et c'est vrai ! Pourquoi j'y consacrerais de l'énergie ? Ils n'ont rien de positif à m'apporter, rien qui puisse me servir à m'améliorer... Autant ne pas perdre du temps et de l'énergie. J'ai mis tellement d'amour dans ma performance à l'Eurovision D'après les retours que tu as reçus, comment as-tu fait pour "trouver le code", quel est le secret de ta chanson ? Je ne crois pas qu'il y ait de secret... Dès le moment où j'ai appris que j'allais faire l'Eurovision, je me suis fait la promesse de tout donner, de me challenger pour repousser mes propres limites. Nous avions déjà la chanson et je savais déjà qu'elle était très spéciale. Parce qu'elle est expérimentale tout en restant pop, elle montre différentes facettes mais elle a un message clair. Je savais que j'aimais la chanson et qu'elle représentait beaucoup pour moi, donc mon but c'était de transporter ce ressenti sur scène. J'ai énormément travaillé pour que cela se produise, et avec les bonnes personnes ! J'ai eu beaucoup de chance de dénicher le meilleur metteur en scène qu'on puisse trouver, Benke Rydman. Nous avons organisé un appel et ça a immédiatement collé entre nous ! Je DEVAIS travailler avec lui, il est tellement brillant. J'ai mis tellement d'amour dans cette performance. En fin de compte, ce qui était le plus important, c'est de pouvoir dire que j'ai donné le meilleur de moi-même. On ne contrôle pas le reste. C'est un événement tellement fou, il se passe tellement de choses ! La clé est de rester vrai. Si je connaissais la recette, je monterais un véritable business et je créerais des chansons gagnantes pour l'Eurovision tous les ans. (Rires) Cela dit, j'ajouterais que si un ou une artiste envisage de participer à l'Eurovision, je lui conseillerais de se demander s'il saura profiter d'un tel événement. Moi, je me suis senti⸱e comme à la maison. J'ai pris du plaisir dans cette expérience, j'ai adoré ça ! C'est important de s'amuser parce qu'un concours de cette envergure requiert de la motivation. Le player Dailymotion est en train de se charger...
Aucun artiste suisse n'avait remporté l'Eurovision depuis l'iconique Céline Dion. As-tu reçu un message de sa part ou de son équipe ? Nooooon, pas encore. (Rires) Je me demande si elle l'a vu ou ce qu'elle faisait ce soir-là ! Je ne sais pas... J'ai beaucoup pensé à elle pendant cet Eurovision, pour me donner du courage. Elle l'a fait et elle l'a fait pour la Suisse ! Le fait d'avoir quelqu'un qui a déjà ouvert la voie, ça aide à se projeter et à croire en soi-même. Je me demandais souvent : est-ce qu'elle aurait fait ci ou ça ? J'ai même recréé sa fameuse tenue pour la vidéo de la version orchestrale de "The Code" ! Je suis énormément fan d'elle et de sa performance avec "Ne partez pas sans moi". C'est génial de me dire que mon nom est apposé à côté du sien sur une liste, quelque part. Je n'ai pas reçu de message de Céline Dion mais j'ai beaucoup pensé à elle Tu chantes "The Code" durant la finale de "The Voice". Ça te fait quoi de venir ici en France ?Je suis tellement excité⸱e ! C'est tellement spécial pour moi... J'ai grandi en regardant l'émission en Suisse, ça a toujours été un temps fort de l'année, surtout quand on évolue dans le milieu de la musique. J'ai toujours eu une connexion particulière avec ce programme. J'aimerais tellement imaginer ce que Nemo plus jeune dirait en sachant ça ! C'est dingue. Nous avons planifié un super concept avec Gabriel Lobao, il est incroyable. Il a une voix de fou et une vraie présence, les répétitions se sont passées à merveille. Parce qu'il ne faut pas croire, "The Code" est très difficile sur le plan technique ! Et il est complètement dans son élément. Surtout, il s'amuse et ça se voit. Comme c'est un duo, c'est la première fois que j'entends la chanson d'une manière un peu différente. Il y a des passages dans le texte assez durs, qui ont une vraie signification et peuvent drainer beaucoup d'énergie. Partager cette chanson me procure ici de la joie. Parles-tu un peu français ? (En français) Ouais, un peu ! Mais j'ai grandi à Berne donc le suisse allemand est ma première langue. Je me verrais bien vivre un jour à Paris As-tu des souvenirs particuliers avec la France ?Bien sûr ! J'ai déjà visité la France à de nombreuses reprises. (Sourire) Ma meilleure expérience a probablement été Marseille : j'ai adoré cette ville. Je suis aussi allé⸱e à Toulon l'an dernier pour écrire des chansons. Ça m'a fait un peu penser à Los Angeles, avec les plages, les montagnes... C'est un endroit très spécial ! En revanche, j'ai véritablement découvert Paris pour la première fois il y a quelques mois seulement. J'étais déjà venu⸱e plus jeune mais je ne me rendais pas vraiment compte. Je suis complètement tombé⸱e en amour avec cette ville, c'était incroyable. Le sens de la mode, les gens qu'on a rencontrés... Personne ne me croit quand je le raconte mais les Parisiens ont été adorables avec nous. (Rires) Il y avait de la magie dans l'air ! On s'est fait tellement de nouveaux amis. Je me souviens en particulier d'une scène dans le métro. Je portais ce jour-là un chapeau de couleur rose et une passante s'est mise à me parler pour me dire : "Ohlala, j'adore ta tenue, Paris est le centre de la mode et tu t'y intègres parfaitement". Et soudainement, d'autres personnes dans le métro qui ne se connaissaient pas se sont mises à discuter et c'est devenu une sorte de grande conversation ! Je me suis dit : "Wow, les Parisiens sont les gens les plus adorables au monde". Je vis actuellement à Berlin mais les deux villes dans lesquelles je me verrais bien vivre un jour sont Paris et Londres. Peut-être que je vais emménager ici, qui sait ! Je veux prendre mon temps pour mon album Quelle est la suite de tes projets ? Un album, une tournée ?Je travaille sur un projet qui est plus sur le long terme. C'est hyper important pour moi de raconter une histoire à travers un album, et pas que ce soit une simple collection des chansons que j'aurais sorties. Je veux prendre mon temps pour peaufiner quelque chose qui me ressemble. Mais je vous le promets, des titres vont paraître entre temps ! En ce moment même, nous travaillons sur le live. Nous allons jouer dans de nombreux festivals cette année et nous allons annoncer très bientôt une tournée européenne. C'est super excitant ! Je sais exactement où je veux aller avec mon projet maintenant. Faire l'Eurovision a été très inspirant parce c'était une scène immense et désormais, j'ai en quelque sorte des attentes. Comment peut-on faire pour rendre nos concerts plus grands, plus fous, plus mémorables pour les gens qui viendront nous applaudir ? Ce qu'on a réussi à faire m'a vraiment ouvert les yeux en matière de performance. J'ai envie de surprendre le public ! Je travaille avec des artistes et producteurs géniaux alors il y a des choses formidables qui se profilent et que je suis impatient·e de partager. Peu importe ce qui arrive pour moi, je tiens juste à rester attentif et fidèle à qui je suis. Podcast
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