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"Cure" : Eddy de Pretto entre dans l'arène avec un premier album percutant et puissant

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Rage au ventre et plume en main, Eddy de Pretto débarque dans le paysage musical français avec son premier album "Cure". Le résultat est-il à la hauteur des attentes ? Verdict !
Crédits photo : Pochette de l'album
Avec ses sneakers, sa nonchalance, ses survêtements et ses pulls gris, Eddy de Pretto arbore la panoplie complète du rappeur des cités. La banlieue, ça le connaît : le "kid" a grandi à Créteil dans un melting-pot culturel fait de rencontres et de classes sociales qui a nourri en substance les textes ciselés de son premier album "Cure". Sauf qu'Eddy de Pretto est moins un rappeur qu'un chanteur qui emprunte au milieu hip-hop ses codes. Né en 1993, c'est un millienial pur jus qui maîtrise sans effort l'art de la communication sur les réseaux sociaux, ne se sépare jamais de son iPhone - pas même sur scène - et arrive dans une industrie refaçonnée par le streaming et l'ultra-domination des artistes urbains. Comme Frank Ocean, qu'il cite volontiers parmi ses inspirations, Eddy de Pretto épouse parfaitement son temps et son époque. Avec intelligence. Pour muscler ses productions, les rendre plus sales et percutantes, il a fait appel aux producteurs Angelo Foley (Georgio) et le duo Kyu Steed & Haze, lequel a fait ses armes avec Booba, MHD, Gucci Mane, Action Bronson ou PNL. Pas étonnant de le voir rouler des mécaniques sur un titre comme "Ego", à l'instar de toute cette clique.

Introspection et plume consciente


Voilà pour la présentation du "personnage" mais en réalité, Eddy de Pretto ne joue rien, ne triche pas. A travers les 15 morceaux de son premier album se dessine un artiste rempli de doutes et de contradictions qui, on le sent, a des comptes à régler avec lui-même. Son interprétation pugnace, sa plume poétique et fleurie, laisse transparaître un mélange de tendresse et de haine pour l'environnement sur lequel il a bâti son « côté rude, cette carapace ». Dans "Beaulieue", ce sont les murs de Créteil qu'il « quitte » mais emporte avec lui « toutes les briques », d'un dernier regard nostalgique. Le corps, un élément-clé dans sa mise en scène, est associé de près à la notion de masculinité, qu'il s'emploie à déconstruire avec force - qu'elle soit imposée par la figure paternelle ("Kid") ou la société au sens large ("Genre", "Le quartier des lunes"). Pour mieux dénoncer le discours, Eddy préfère l'adopter et nous asséner de « Tu seras viril, mon fils » ou « Je colonise ton sein pas à pas je domine le reste » qui font l'effet d'une gifle.

Regardez le clip "Kid" d'Eddy de Pretto :



Urban Dictionnary


Plus frontal, et de son point de vue à lui cette fois-ci, "Normal" est un cri du coeur où la colère sert à panser les blessures. Confronté à un homophobe, Eddy de Pretto lui renvoie sa rage en pleine gueule sans retenir ses coups. « Et le pire fais attention garçon, faire joujou dans ton p'tit pantalon / Peut m'provoquer d'fines réactions, Allez tourne-toi dégage, que j'tape le fond » cogne-t-il sur un couplet outrageusement provocateur. Un mécanisme de défense car peu importe sa sexualité, Eddy de Pretto ne cesse de le clamer : il est « complètement normal ». Un morceau coup-de-poing qui prend aux tripes. Le sexe tient d'ailleurs une place privilégiée dans son champ lexical. Ça et là, un « chibre », un « paquet épais », des « visqueux suçons », des « bouches saliveuses », des « je t'caresserai », un « sexe triomphant », un « coup d'un soir », un soir passé à « baiser »... « Si ça continue, je vivrais qu'pour me plaire/ Qu'on m'acclame, qu'on me suce / Qu'on l'avale toute entière » lance-t-il sur "Ego". Une écriture décomplexée qui claque les tympans. Là encore, on n'est pas si éloigné de l'esprit du rap.

Sans pudeur, sans filtre, Eddy ne nous épargne donc rien des tourments qui le rongent. Mais en racontant ses histoires, sa relation compliquée avec celle qu'il voudrait un jour appeler maman ("Mamere"), ses aventures avec "Jimmy", ses angoisses et ses obsessions, c'est à toute une génération perdue qui sème le désir d'un like sur un appli ou s'intoxique durant la "Fête de trop", à renfort d'alcool et de drogues, qu'il fait écho. Dans le paysage actuel, on ne saurait faire plus contemporain. Et puis, dans tout ça, une poésie et une sincérité désarmantes. Ses « fêlures », Eddy les divulgue sous les notes acoustiques de "Desmurs", où il avoue endosser son « costume de gars dur » comme une armure. Admettre comme un premier pas vers la libération.

Ça ressemble à un premier album à vif et aux prods soignées qui brouille les frontières. Et surtout l'éclosion d'un talent brut.
A écouter : "Random", l'uppercut "Normal", "Ego", "Kid", le superbe "Beaulieue", "Desmurs", "Honey"
A zapper : "Rue de Moscou"


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