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Histoire d'un tube : "L'envie d'aimer" de Daniel Levi (2000)

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Décédé ce samedi à 60 ans, Daniel Levi était l'inoubliable interprète de "L'envie d'aimer". 22 ans après sa création, Purecharts vous raconte l'histoire du tube emblématique de la comédie musicale "Les Dix Commandements", écrit et composé par Pascal Obispo.
Crédits photo : Bestimage
« Ce sera nous, dès demain / Ce sera nous, le chemin / Pour que l'amour / Qu'on saura se donner / Nous donne l'envie d'aimer ». Personne n'a oublié le refrain culte de "L'envie d'aimer", la chanson emblématique de la comédie musicale "Les Dix Commandements" ! Un titre qui est malheureusement de retour dans l'actualité, suite au décès de Daniel Levi ce samedi, des suites d'un long combat contre un cancer du côlon. Et malgré six albums en solo, "L'envie d'aimer" restera la chanson inoubliable de son répertoire. Retour au début des années 2000. A l'époque, Daniel Levi est un artiste qui a déjà derrière lui près de 20 ans de carrière. Si son premier album "Cocktail" est sorti en 1983, ce n'est que neuf ans plus tard qu'il se fait remarquer en interprétant le tube "Ce rêve bleu" en duo avec Karine Costa pour le film de Disney "Aladdin". A la fin des années 90, Elie Chouraqui se lance dans un projet fou : monter une comédie musicale autour des "Dix Commandements". Emblématique en 1979 et 1980 avec "Starmania" ou "Les Misérables", le genre a ensuite connu un creux en France avant de renaître en 1998 avec l'immense succès de "Notre-Dame de Paris".

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"Personne ne voulait financer ce projet"


Pourtant ce projet, qui devait être initialement un film, peu y croyaient comme l'avoue Elie Chouraqui sur les ondes d'Europe 1 : « Il y a eu beaucoup de cynisme. (...) Personne ne voulait financer ce projet. (...) Tout le monde m'a dit que j'étais complètement fou. Il y avait même du mépris de la part des gens du cinéma ». Pas découragé et même persuadé du succès à venir, il fait alors appel à Pascal Obispo pour écrire les chansons de cette comédie musicale, ce que ce dernier accepte à condition d'être entouré des deux paroliers Lionel Florence et Patrice Guirao.

Les chansons du spectacle sont écrites en l'espace de trois semaines. Ne reste plus à la production qu'à trouver son Moïse. Si le ténor Roberto Alagna est un temps envisagé, le nom de Daniel Levi apparaît comme une évidence. « Je sors du Palais des Congrès, où je viens de voir une répétition de "Notre-Dame de Paris", et je fais une crise de jalousie. Je comprends qu'on peut faire des comédies musicales en France. (...) Un éclair est apparu, dans mon esprit, j'ai vu Daniel brandir les tables de la loi. Moïse, c'était lui » commente Albert Cohen, le coproducteur du spectacle. Si au départ, Daniel Levi « n'y croyait pas », il s'est pourtant imposé dès les premières répétitions.

Daniel Levi "était une évidence"


« Il est arrivé avec sa chemise à carreaux au casting. J'avais choisi une chanson difficile, "L'hymne à l'amour", pour les candidats. Quand on l'a entendu, on s'est dit : "Quelle voix !" Mais on ne l'a pas choisi tout de suite car c'est toujours un peu long de se décider pour un premier rôle d'une comédie musicale. Puis on l'a revu et là c'était une évidence » se souvient alors Pascal Obispo, aujourd'hui très ému par la mort de son ami. En coulisses, la comédie musicale "Les Dix Commandements" se met en place, reprenant donc la célèbre histoire de la libération des esclaves hébreux d'Égypte, repopularisé par le film éponyme de 1956 avec Charlton Heston et Yul Brynner.




Avec notamment une chanson en ligne de mire : "L'envie d'aimer". Une ballade romantique portée par la voix puissante de Daniel Levi. Dans les colonnes du Parisien, Pascal Obispo, compositeur du titre, se souvient de sa conception puisque la chanson était initialement pensée pour un dessin animé. Et c'est bien l'interprétation de Daniel Levi qui a fait toute la différence : « Je me souviens de l'avoir essayée au piano. Je la trouvais juste jolie. Puis Daniel l'a enregistrée et là il s'est passé quelque chose ». D'ailleurs, "L'envie d'aimer" a évolué au fil de son enregistrement : « En studio, il fallait calmer ses ardeurs. Je lui ai demandé de respecter la mélodie, les paroles jusqu'au deuxième refrain et après, se lâcher s'il voulait. En entendant le résultat, les autres membres de la troupe ont voulu se joindre à lui sur la chanson ».

"On a été pris dans un tourbillon incroyable"


Le spectacle est lancé le 4 octobre 2000 au Palais des Sports de Paris. Et le triomphe est immédiat. Alors que d'autres comédies musicales à succès voient le jour au même moment (dont "Roméo & Juliette" ou "Les Mille et Une Vies d'Ali Baba"), "Les Dix Commandements" leur dame le pion. « On a été pris dans un tourbillon incroyable, on n'avait pas conscience de ce qui se passait, on voyait des salles de 5.000 personnes se remplir en quelques heures, des standing ovations de quinze minutes, tous les soirs ! » se rappelle aujourd'hui Albert Cohen. Au fil de plus de 400 représentations en France à l'époque (dont sept Bercy !), le spectacle est vu par plus de 1,8 million de personnes et s'exporte à l'étranger pendant sept ans. Un énorme engouement que l'on doit notamment à ses chansons qui vont devenir cultes : il y a bien sûr "Mon frère", "Le Dilemme" et surtout "L'envie d'aimer", la ballade culte qui fera pour beaucoup le succès de la comédie musicale.

"C'est Daniel qui a porté ce titre"


Bien qu'elle soit emblématique des "Dix commandements", la chanson "L'envie d'aimer" ne fait pourtant pas partie du spectacle, puisqu'elle est interprétée lors du rappel, au moment du salut final. Une séquence qui, au fil des représentations du spectacle, devient un moment fort et un tube repris en choeur par le public, comme lors d'un grand concert. Sur scène, Daniel Levi s'amuse même à modifier la mélodie ou à faire durer la chanson pour le plus grand plaisir des spectateurs, moins celui d'Obispo. « Il avait assez de musicalité pour pouvoir tordre les compositions, au grand désarroi de Pascal Obispo qui voulait lui interdire de changer toute la mélodie de "L'envie d'aimer" à chaque fois qu'il l'interprétait » avoue aujourd'hui Ahmed Mouici, interprète de Ramsès dans le spectacle.

"L'envie d'aimer" est d'ailleurs sorti en single le 7 juin 2000, soit quatre mois avant le lancement du spectacle, en guise d'éclaireur. La chanson est un succès immédiat puisqu'elle se classe deuxième du Top 50 en France (juste derrière "Ces soirées-là" de Yannick), reste un an dans les classements et se vend à plus de 1,2 million d'exemplaires en France, ce qui lui vaudra un disque de diamant. L'année suivante, elle remporte même la Victoire de la Musique de la Chanson de l'année, devant le "Jardin d'hiver" d'Henri Salvador ou le "Café des délices" de Patrick Bruel. Ainsi, "L'envie d'aimer" se transforme rapidement en tube emblématique, à l'instar de "Belle" ("Notre-Dame de Paris"), "Les rois du monde" ("Roméo et Juliette") ou un peu plus tard "L'assasymphonie" ("Mozart, l'opéra rock"). A noter qu'en 2002, Céline Dion reprendra le titre sous le nom "The Greatest Reward" pour l'album "A New Day Has Come".

En 2021, Daniel Levi déclarait d'ailleurs que "L'envie d'aimer" est « un joli cadeau, un des plus beaux que j’ai reçu dans ma vie ». Et 22 ans après sa sortie, "L'envie d'aimer" reste un morceau culte de la chanson française. « C'est un deuxième "Hymne à l'amour". Diffusé dans toutes les mairies de France pour les mariages » sourit Albert Cohen. De son côté, Pascal Obispo, qui l'avait reprise lors de sa tournée "Millésime" en 2000 et 2001, assure qu'elle « est dans toutes les soirées un peu comme "Les lacs du Connemara" ». Et de conclure : « C'est Daniel qui a porté ce titre. Personne n'est capable de le chanter comme lui ».

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