Charles Aznavour

Crédits photo : Caroline Bazin
Tahar Rahim est méconnaissable dans "Monsieur Aznavour", le biopic consacré au grand Charles Aznavour. Le film, réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, est à découvrir depuis mercredi dans les salles de cinéma, et il s'attarde surtout à retracer la vie de l'icône avant que le succès ne vienne, tardivement, frapper à sa porte. En 1946, le chanteur, qui se produit dans des petites salles en duo avec Pierre Roche (Bastien Bouillon dans le biopic), est remarqué par Edith Piaf. Il devient l'homme à tout faire de La Môme, à la fois chauffeur, assistant, secrétaire et confident. Charles Aznavour n'a jamais oublié la main qu'elle lui a tendue. « Elle m'a payé mon nouveau pif ! Elle a eu raison, ça m'a changé la vie. Mon nez était lourd à porter. Une fois qu'on me l'a coupé, j'ai pu relever la tête » assurait-il avec humour dans Paris-Match.



Leur relation, forte et singulière, est dépeinte avec beaucoup de respect dans le récit de "Monsieur Aznavour". Et c'est l'actrice Marie-Julie Baup, visage peu connu du grand public mais figure expérimentée du monde théâtral, qui incarne toute la démesure de ce personnage hors-normes. Nommée aux Molières en 2005 pour "Amadeus" et 2014 pour "Divina", la comédienne a brillé en 2023 avec la pièce "Oublie-moi" d'après Matthew Seager, dont elle est la co-metteuse en scène. Résultat ? Quatre Molière dont celui de la meilleure comédienne ! À la télévision, le public a pu admirer ses talents dans les séries "Je te promets", "Au service de la France" et "Capitaine Marleau", tandis qu'elle est apparue au cinéma dans "Micmacs à tire-larigot" de Jean-Pierre Jeunet, "Les Fantasmes" de David et Stéphane Foenkinos ou "Attention au départ !" avec André Dussollier et Jérôme Commandeur.

Marie-Julie Baup "épatante" dans la peau de Piaf

« Folle de joie et terrifiée à la fois » lorsqu'on lui a proposé de passer des essais pour le rôle, Marie-Julie Baup s'est présentée devant Grand Corps Malade et Mehdi Idir « habillée comme Piaf ». « Une amie coiffeuse pour le cinéma m'avait préparée et maquillée en conséquence, et je suis venue vêtue d'une petite robe noire similaire à celles qu'elle portait, trouvée dans une friperie » raconte l'actrice dans le dossier de presse du film. « Elle nous a épatés » témoigne le slameur. Sa crainte ? Tomber dans le mimétisme. « Bien sûr, l'apparence de Piaf, sa robe noire et ses sourcils, sont iconiques, ainsi que sa gouaille. Mais il nous a semblé, à Grand Corps Malade, Mehdi et moi, qu'il fallait se centrer ailleurs, raison pour laquelle, d'ailleurs, ils ont choisi des acteurs qui ne ressemblaient pas nécessairement à leurs personnages. Il s'agissait d'aller chercher quelque chose de leur vérité. (...) J'ai donc cherché ce qui pouvait nous rassembler, Édith Piaf et moi, physiquement, vocalement, énergétiquement » indique-t-elle.

"Piaf n'était pas seulement une voix"

L'ex-femme de Lorànt Deutsch s'est par exemple concentrée sur le « rire extraordinaire » de Piaf. « Je l'ai beaucoup écouté, travaillé, et j'ai mêlé le sien au mien. Elle souffrait de fortes douleurs au dos, avait des rhumatismes et prenait beaucoup de médicaments. J'ai pu observer dans les images d'archives sa posture symptomatique à cet égard. Il se trouve que je suis beaucoup plus grande qu'elle, j'ai donc essayé de me tasser un peu. Tout cela s'est fait de manière instinctive. Je n'ai pas cherché à la singer ! J'ai travaillé des détails » explique l'actrice de 45 ans. Comme Tahar Rahim, c'est Marie-Julie Baup qui chante réellement à l'écran : « J'ai beaucoup répété le chant, puisque j'ai deux chansons à interpréter dans le film, tout en sachant que je ne pourrais pas égaler cette somptueuse voix. (...) J'ai surtout essayé, dans l'interprétation des chansons, de retrouver sa force émotionnelle, et de comprendre tout l'investissement qu'elle y mettait. Piaf n'était pas seulement une voix, c'était surtout une immense interprète ».

Crédits photo : Caroline Bazin

"Elle était un peu amoureuse de lui"

L'humour a été l'une des clés pour comprendre la femme derrière la légende. « Elle était vraiment drôle, piquante, et d'une immense générosité. Elle était un tyran, certes, mais elle donnait énormément aux gens qui l'entouraient, et c'est ce qu'elle a fait avec Charles Aznavour » souligne Marie-Julie Baup, qui dit avoir « regardé beaucoup de documentaires, de films, d'archives de concerts et de l'INA » pour s'immerger au mieux dans la vie de l'artiste. Mais pas "La Môme" avec Marion Cotillard ! Pour elle, Edith Piaf était « fascinée » voire même « attirée amoureusement » par Charles Aznavour. « Il a toujours su garder une distance vis-à-vis de Piaf à cet égard, et ils n'ont pas été amants, mais moi, je me suis amusée à penser qu'elle était un peu amoureuse de lui et qu'il lui importait qu'il fasse partie de son entourage. Elle a été son amie, son mentor ; elle a été dure avec lui aussi. Piaf était quelqu'un de très cash, qui pouvait heurter les gens et les renvoyer paître si quelque chose ne lui plaisait pas. J'ai joué la scène où Charles la quitte comme une rupture amoureuse. Elle se sent rejetée, abandonnée, ce qui a été souvent le cas dans sa vie » indique l'actrice : « Edith aimait garder Charles sous son aile, elle le considérait comme un grand auteur plus qu'un chanteur. Lui a eu raison de s'éloigner d'elle, mais pour Piaf, ce fut douloureux ».

Depuis cette expérience de tournage dans "Monsieur Aznavour", Edith Piaf n'a pas tout à fait quitté Marie-Julie Baup. « C'est drôle, parce que j'ai régulièrement l'impression, par des affiches ou des chansons que j'entends, qu'elle m'envoie des clins d'oeil. Je pense qu'elle ne partira pas complètement de ma vie. Désormais, elle y tient une place » assure-t-elle. Rendez-vous au cinéma pour découvrir sa performance marquante !