Al.HyVariete Francaise » Variété française
mardi 15 octobre 2013 15:22
Al.Hy : "Je ne veux pas brûler les étapes"
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Elle était la grande favorite de la première saison du télé-crochet "The Voice". A 19 ans, Ophélie Moisan alias Al.Hy dévoile cette semaine un premier EP éponyme, chargé de présenter son univers musical avant l'arrivée dans les bacs de son album "Al.phabète". Légèrement malade mais tout sourire, la demoiselle a accepté de répondre aux questions de Pure Charts sur les retombées de l'émission, son évolution artistique et la création de son premier disque. Rencontre.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Yohann Ruelle. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de proposer tes compositions ? Après "The Voice" et toute cette folie médiatique, j'ai voulu prendre un peu de recul. C'était une aventure formidable mais aussi épuisante. Musicalement, j'ai appris beaucoup, c'était du concentré. Participer à cette émission, c'était comme suivre une formation express... Mais pour être franche, j'ai ressenti le besoin de me professionnaliser, de suivre un schéma plus traditionnel. Plus "humble" peut-être. Il me fallait du temps pour respirer, me remettre à composer. Je n'avais pas envie de griller les étapes. Tu arrives dans les bacs après les candidats de la saison 2, comme Olympe ou Luc Arbogast, qui ont tous les deux connu le succès avec leur disque. Ressens-tu une pression supplémentaire ? Tu n'as pas peur d'avoir été oubliée par une partie du public ? C'est vrai que j'arrive un an et demi après la fin de la première édition, ce qui peut paraître un peu tard. C'est peut-être naïf mais pour moi, la musique n'est pas quelque chose d'éphémère. Ça n'a pas de date de péremption ! Si les gens m'ont suivie et appréciée dans l'émission, je me dis qu'ils auront envie de découvrir mon univers, même si je me suis faite discrète depuis. De toute façon, je n'étais pas prête à me lancer dans le bain tout de suite. L'étiquette "The Voice", tu la trouves difficile à porter ? Ah non, pas du tout ! Bien au contraire. "The Voice", c'est une chance incroyable, un beau tremplin. C'est un télé-crochet de qualité, très classe. J'y ai rencontré des gens extraordinaires. Je suis fière d'y être associée. Le statut de favorite, j'ai eu du mal à l'accepter A la fin de l'émission, tu disais être ravie de ne pas avoir gagné. Avec le recul, tu le penses toujours ?Absolument. (sourire) Le statut de favorite, j'ai eu du mal à l'accepter, c'est trop de pression. C'est très bizarre parce qu'à ce moment-là, il y a qui les gens te disent que tu es formidable, que tu vas gagner alors que toi, tu n'as pas trop conscience de ça. C'est difficile de se juger soi-même et puis en même temps, il faut que tu restes concentrée dans la compétition. Ça n'a pas été simple à gérer, pour moi qui suis une grande angoissée. Si javais gagné, jaurais dû faire un album à la va-vite, en deux ou trois mois. Je me connais, ça n'aurait pas marché. Pour d'autres candidats comme Stéphan ou Aude, c'était différent : ils avaient déjà des morceaux en stock alors que moi, je partais de zéro. Franchement, javais besoin de temps, de minscrire dans un développement artistique. J'ai la chance d'avoir une équipe formidable qui m'a fait confiance. Parlons maintenant de l'EP "A.L.H.Y". Sur les morceaux qui le composent, tu chantes en français alors qu'on a pu te voir à l'aise dans le registre anglophone. C'était important pour toi ? Je vais te dire... Je crois que ça va être le combat de ma vie d'artiste. Pour moi, il était hors de question de faire les choses autrement. Je respecte ceux qui font ce choix, après tout si on se sent à l'aise et qu'on a un bon feeling avec l'anglais, pourquoi pas, mais je crois vraiment que la langue française est suffisamment riche pour retranscrire toutes les palettes d'émotions. Même si elle reste difficile à manipuler. Donc l'idée vient vraiment de toi et non de ta maison de disques, qui aurait pu y voir un moyen de faciliter la diffusion radio de tes titres... Oui, en toute honnêteté. C'est mon combat. Pour ces chansons, tu as travaillé avec Pierre Guimard, Mickey 3D, Rose, Lily Wood & The Prick... Comment les as-tu rencontrés ? Encore une fois, je dois tout à "The Voice". C'est une émission suivie par quelques millions de téléspectateurs, je crois ? (rires) Et parmi eux, il y a avait ces artistes-là, qui sont venus me chercher. J'avais besoin de cet accompagnement. Ce n'est que mon premier album après tout. C'est drôle parce que l'émission ne montrait qu'un tout petit bout de ma personnalité et ils ont tout de suite saisi mon univers, qui n'est au final pas très éloigné du leur. Le fait que ces artistes soient plus indépendants que grand public, ça t'a influencé ? C'est un critère pour lequel tu as pesé le pour et le contre ? Je n'avais pas vraiment de critère, en fait. Je fonctionne à l'instinct et quand on m'a proposé ces textes, j'étais sur un nuage. Je me suis dit : « Mais... c'est exactement ce que j'ai envie d'exprimer ! ». Tout ça s'est fait très naturellement, avec beaucoup de bienveillance. Que ressent-on quand on intéresse ces artistes-là ? On est très flattée, forcément. Moi, je ne suis qu'une petite chose qui a eu la chance de faire une émission incroyable. C'est un peu surréaliste. Tu aurais aimé collaborer avec Jenifer, ta coach dans "The Voice" ? En duo ? Bien sûr, pourquoi pas ! Ca s'est d'ailleurs déjà produit sur scène puisqu'elle m'a invité à chanter sur scène avec elle, au Zénith de Paris, à Lille, à Bruxelles et cet été lors de sa tournée. On est restées très complices, j'ai de ses nouvelles presque tous les jours. Elle a écouté l'EP ? Oui. (sourire) Elle m'a dit qu'elle avait adoré. Elle en a profité pour me donner des conseils. J'ai toujours eu ce côté un peu folle On a beaucoup salué pendant l'émission ton univers excentrique et mélancolique. Tu as conscience de renvoyer cette image un peu "lunaire"? Je ne sais pas... On me le dit souvent donc c'est qu'il doit y avoir un fond de vérité. (Elle réfléchit) C'est difficile d'avoir un regard critique sur soi. Je ne joue pas un jeu, je suis simplement moi-même. J'ai toujours eu ce côté un peu folle. Il paraît que tu signes des autographes en forme de citron... C'est vrai ! (Rires) Un citron, c'est petit, c'est jaune et tout mignon, tu vois ? Tu ne t'attends pas à ce goût acidulé et tout ça... J'aime bien cette image, ce contraste, du coup ça m'est resté. J'aime beaucoup les surprises ! Ça fait partie de ton crédo artistique, être différente des autres ? Non, ce n'est pas intentionnel. Je ne me dis pas « Tiens, je vais être différente », pour me donner un style. Je suis simplement comme je suis. J'ai toujours eu des difficultés à m'exprimer, à me sociabiliser. La chanson, ça me permet de dépasser cette barrière et de laisser libre cours à mon côté extravagant. As-tu l'impression d'avoir construit ton identité musicale aujourd'hui ? Oui, je crois. Je me sens construite... Mais je sais que je n'ai pas beaucoup d'expérience, et que j'ai encore mille choses à apprendre de ce métier. Je dois encore travailler sur moi-même pour être plus performante. J'ai un vrai problème de confiance, qui date depuis toujours, bien avant de me mettre à la chanson. Je ne prends rien pour acquis. Parlons de ton premier single "Écho", qui n'a malheureusement pas rencontré le succès escompté. Comment analyses-tu cet échec ? "Écho", cétait pour faire patienter les fans, après "The Voice". Il n'y a pas eu de vraie promo, c'est un titre que j'ai mis en ligne sur ma page Facebook, comme une récompense. "Tous seuls au monde" est le premier vrai single. On a eu quelques retours positifs des radios, on attend de voir. Écoutez "Tous seuls au monde" d'Al.Hy : Pourquoi ton album "Al.Phabête" a été repoussé et a laissé place à cet EP ? A cause de ce premier retour négatif, justement ? Non, en fait, c'est un peu ma faute. J'ai voulu aller plus vite que la musique en annonçant une sortie pour le mois de juin. Les gens qui bossent avec moi m'avaient informée qu'il pourrait arriver dans ces eaux-là et je me suis un peu emballée. Du coup, on a décidé avec l'équipe qui m'entoure d'offrir l'EP comme un cadeau de Noël avant l'heure. C'est une petite mise en bouche de ce qui va arriver après. D'ailleurs, tu as une idée de la date de sortie de l'album ? Bientôt. (Sourire) J'espère d'ici la fin de l'année, mais à priori ça sera plutôt début 2014. On est en train de monter une tournée pour soutenir la sortie dans les bacs, on ne tient pas à brusquer les choses. Je veux proposer une vraie expérience scénique, peut-être dans des lieux insolites... Donc la scène, tu te sens déjà prête ? (Du tac au tac) Je bouillonne, je n'attends que ça ! J'ai eu un aperçu avec la tournée "The Voice" et ça a été une vraie révélation. C'est un vrai manque. Il y a un lien très spécial qui se crée avec le public. J'ai hâte de partager ça avec le mien. J'ai besoin d'écrire et de transporter pour me libérer sur scène On a parlé plus tôt des artistes qui t'ont prêté main forte sur ces 4 titres. Écrire et composer par toi-même, c'est quelque chose que tu aimerais expérimenter ? Mais je le fais déjà ! J'ai composé 7 ou 8 chansons pour le disque. Sur l'EP, j'ai signé "Lalalavie" et "Rengaine", qui date de mes 13 ans. Ce sont mes textes, mes mélodies, avec quelques retouches par-ci par-là. J'ai besoin d'écrire et de transporter pour me libérer sur scène. Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai du mal à m'exprimer de vive voix, je trouve ça plus simple de faire passer des émotions à travers la musique. Quel est ton processus de création ? Il n'y pas de plan précis, c'est très variable. Le déclic peut venir d'une émotion que j'ai sur l'instant, ou d'une mélodie qui me trotte dans la tête depuis plusieurs jours. Parfois, je me mets d'abord au piano, d'autres fois je prends une feuille et j'écris les paroles d'une chanson en dix minutes. C'est très spontané. Tu es très active sur les réseaux sociaux et en particulier sur Facebook. C'est important pour toi, ce retour constant et immédiat de tes fans ? Oui, bien sûr ! Je lis tous les messages, j'essaie d'y répondre le plus possible. Ce sont des personnes que je ne connais pas et pourtant j'ai l'impression qu'ils me comprennent. C'est magique cet échange. J'essaie de prendre en compte chacune des remarques, même si c'est difficile de satisfaire tout le monde. C'est dans cet esprit de partage que tu as décidé de proposer tes drôles de défis ? Oui, en quelque sorte ! J'adore les défis. Du coup, on s'est dit que ça serait fun et ludique de présenter mes nouveaux morceaux de cette façon. On se regroupe, on fait un brainstorming et en général celui qui a l'idée la plus stupide remporte la mise ! (Rires) C'est aussi un moyen de ne pas trop se prendre au sérieux. Visionnez le défi d'Al.Hy sur "Lalalavie" : Comment tu juges ces artistes qui se la jouent provoc' et extrême, à l'instar de Miley Cyrus ? Moi je ne pourrais pas me mettre à poil comme ça. (Rires) Non pas que j'ai honte de mon corps, je m'accepte très bien comme je suis. En soi, l'exhibitionnisme, je trouve ça drôle et tant mieux si certains décident de s'aventurer sur ce terrain-là mais personnellement, je préfère exister en tant qu'artiste et laisser ma musique parler d'elle-même. Si tout devait s'arrêter du jour au lendemain, comment le vivrais-tu ? Je pars de rien, donc je n'ai rien à perdre. Du moment que je peux continuer à composer, me produire dans un café-bar... Tu n'as pas peur de l'échec ? Disons que je n'ai pas cette fascination de l'image, ce besoin d'exister dans les médias. Si on ne m'invite pas sur les plateaux TV, et bien tant pis. Je ne cours pas après la célébrité. Al.Hy, c'est mon double romancé Choisir un nom de scène, c'est une manière d'établir une distance vis-à-vis de tout ça ? Ce n'est pas une manière de me protéger, au contraire. Al.Hy, c'est mon double romancé, je la considère un peu comme un alter-égo avec des super-pouvoirs ! Quand je suis elle, je me délivre de toutes mes barrières et mes appréhensions. Elle me donne la force de me mettre à nu sur scène. Que penses-tu du phénomène des albums de reprises ? Le principe ne me dérange pas. Après tout, c'est comme ça que les gens m'ont connue à la télé, je serais bien mal avisée d'émettre un jugement négatif. Mais je n'aurais pas pu faire un album de reprises après l'émission. L'important pour moi aujourd'hui, c'est de défendre mes titres. Et si ta maison de disques te le proposait aujourd'hui, quels artistes choisirais-tu ? J'ai un respect indéfectible pour Serge Gaingsbourg, Alain Chamfort... Je connais la discographie de Pink Floyd sur le bout des doigts, j'adore Nirvana et Queen, évidemment. Mais si je devais ne choisir qu'un seul, ce serait Bjork. Son titre "Joga", c'est d'une telle perfection... C'est une artiste à l'univers bien défini qui n'a pas peur de prendre de longues périodes de repos pour stimuler sa créativité. Je suis très admirative.
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