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mercredi 15 mai 2013 11:00

Zaz : "Être à la fois adulée et détestée, c'est très étrange"

Après avoir séduit la France et une partie de l'Europe avec son premier album éponyme, sorti en 2010 et écoulé à plus d'un million d'exemplaires, Zaz devait faire face à un nouveau défi : écrire la suite de cette histoire. Pour y parvenir, un certain nombre d'auteurs-compositeurs dont Kerredine Soltani, qui avait déjà signé le tube "Je veux", la jeune Buridane ou encore Jean-Jacques Goldman ont contribué de près ou de loin à son nouvel album "Recto Verso", humain et universel. Rencontre en coulisses de sa tournée, salle EMB à Sannois, en région parisienne.
Crédits photo : Yann Orhan
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

La pochette de ton nouvel album surprend : regard soutenu, visage de face et beaucoup de couleurs. Ça tranche d'avec la sobriété de "Zaz" ?
Zaz : J'avais envie de montrer mon côté un peu sauvage. Et j'ai d'emblée pensé que ça pouvait passer par les expressions de mon visage et le maquillage. Je voulais mettre en avant un côté intuitif et toute la part sauvage qu'on a au fond de nous et qu'on aseptise dans notre société. Et puis, les couleurs représentent toutes les palettes d'émotions, de choix, de possible, que chacun d'entre nous peut rencontrer au cours de sa vie. Cet album, je voulais d'abord l'appeler "J'sais pas où c'est", mais on m'a répondu que les gens n'allaient pas comprendre. Je voulais dire que je n'avais pas à faire de choix pour être "ça" ou "ça", mais que je pouvais tout être à la fois (sourire). Potentiellement, je suis lumineuse et sombre. Ce titre, ça veut dire : « Prenez moi dans mon ensemble ».

L'ombre de "Je veux" planera toujours au dessus de ma tête
Sur cet album, on retrouve encore une fois Kerredine Soltani aux crédits du single "On ira". Il avait signé le tube qui t'a révélée il y a trois ans. C'était impensable de travailler sans lui ?
Pas du tout. Ce n'est pas impensable de travailler avec qui que ce soit. Quand une chanson me plait, je la prends. Kerredine est un très bon mélodiste. Il invente des mélodies très populaires, dans le sens où elle restent en tête. Et puis il y a les Volo qui ont co-écrit le texte de la chanson. Lui a donné le thème, les grandes lignes. Dans l'écriture, ce n'était peut-être pas assez fin. Les Volo ont donc pris la relève.

Comment as-tu abordé ce titre, "On ira", qui a l'étoffe d'un tube, alors que l'ombre de la chanson "Je veux" plane encore au dessus de ta tête ? S'agissait-il de réaliser la même recette avec la même équipe ?
L'ombre de "Je veux" planera de toute façon toujours au dessus de ma tête. Du moins, je crois (rire) ! "On ira", ça allait dans la vague de "Je veux". C'est un titre qui rassemble, qui fédère. Et c'est ce que je suis ! "On ira", ça parle aussi de toutes ces personnes que j'ai rencontrées pendant mes concerts, ma tournée, et tout ce que j'ai pu partager avec ma bande de musiciens pendant cette aventure. J'essaie aussi de faire ressortir toute la richesse du monde. Aujourd'hui, on essaie de faire en sorte que tout soit tout propre, lisse, alors que la beauté du monde, ce n'est pas ça. La vérité, c'est que nous sommes tous différents et que nous avons énormément de choses à nous apporter les uns aux autres.

On a un effet de rotation. On passe de "Je veux" quelque chose, à "On ira" faire quelque chose...
Ce que je fais pour moi, je le fais pour tout le monde. Dans le "je" j'emploie aussi le "on". Je suis quelqu'un de généreux. Ça fait partie de moi.

Il faut savoir admettre qui on est
"Recto Verso", c'est un disque très personnel. Mais c'est aussi un disque qui parle des gens et pour les gens.
Sur cet album, on retrouve "il", "on" et "je"... "Si", c'est "je" quand même (rire) ! "Gamine", contrairement aux apparences, ce n'est pas moi. Je ne suis pas dans des amours de dépendance. Ce titre représente bien l'idée de "Recto Verso". D'un côté, je chante que ne suis plus une gamine alors que je peux avoir l'état émotionnel d'une enfant de trois ans et demi (sourire)... C'est une contradiction parmi tant d'autres. Je crois qu'il faut savoir admettre qui on est. Donc, "Gamine", ça peut être moi, oui, mais pas en amour en tout cas. "Si je perds", ça peut d'adresser à tout le monde. On évoque la perte de la mémoire ou d'une personne, le fait qu'il y ait un avant et un après. Et puis le titre "Toujours", c'est complètement moi...

Peut-on dire que la scène, la rencontre avec le public, plus encore que sur le single "On ira", a inspiré ce disque ?
Sûrement. Mais je ne l'ai pas défini comme ça. Sur le titre "Ensemble" par exemple, on a véritablement pensé à ça. Ce que je vis conditionne mes chansons. Elles vont résonner. Elles vont me parler. Toutes les chansons sont arrivées de manière un peu dispatchées. On m'a fait écouter une première série de titres. Il y a en a que j'ai voulu garder. Il y a en a qui n'étaient pas là au début et qui sont arrivés après. La chanson de Buridane par exemple, "Déterre". C'est un bijou. C'est rock ! Mais pas pour les radios ! Tu sais bien comme moi qu'il y a des normes. Pour moi, "Déterre", c'est l'ovni de cet album. C'est Buridane qui est entrée en contact avec moi. Elle m'a envoyé une première chanson. Je ne m'attendais pas du tout à cette écriture-là. Je l'aime quand elle est dans les émotions, quand elle va chercher des choses sensibles. C'était un titre un peu gentillet. Et puis elle m'a fait passer "Déterre". On est parti l'enregistrer dans un studio à Londres. On a gardé la première prise.

Et puis il y a Jean-Jacques Goldman, qui signe la chanson "Si". Vous êtes en contact au moins une fois par an, à l'occasion du spectacle des Enfoirés. C'est à ce moment que la collaboration s'est décidée ?
C'est lorsqu'on s'est rencontré aux Enfoirés que je lui ai demandé sur le ton de la plaisanterie s'il pensait m'écrire des chansons. On était resté en contact. Puis un jour, il m'a envoyé deux chansons, qui étaient superbes mais je ne me sentais pas de les défendre. Ce sont de belles chansons mais pas ce que j'attendais. Je suis en partenariat avec l'association Colibris. A l'époque, ils étaient tous candidats pour 2012. Il y avait une campagne où tout le monde allait coller sa photo dans les rues pour dire « Je suis candidat au changement ». J'ai envoyé un mail à Jean-Jacques Goldman pour lui montrer que c'était une belle initiative. Et deux jours après, il me retournait le titre "Si".

Les gens ont très bien senti qui j'étais
C'est un morceau pesant, qui coupe l'album en deux...
On aime ou on n'aime pas. Mais je pense que cette chanson ne laisse pas indifférent. Si tu aimes Goldman, il y a des chances que tu aimes. Parce que c'est du bon Goldman (sourire) !

Tu as participé à la compilation "Génération Goldman". Tu ne figureras pas sur le volume 2 attendu à la fin de l'été. Y-a-t-il une raison particulière ?
J'ai déjà chanté sur le premier album. Je ne voyais pas pourquoi revenir encore une fois sur quelque chose que j'avais déjà fait. Il n'y avait aucun intérêt. J'ai bien voulu le faire pour le premier parce que j'aime beaucoup Jean-Jacques Goldman. Mais je pense qu'il y a d'autres gens qui chantent très bien et qui pourront le faire à leur tour.

Crédits photo : Yann Orhan
Ce disque est assez composite. On retrouve d'autres auteurs, nombreux, comme Mickey 3d et Grand Corps Malade. Y-a-t-il eu de ta part une volonté de renouveler l'équipe pour partir sur quelque chose de différent du premier album ?
Pas vraiment, ça s'est fait comme ça. Ce sont les chansons qui m'intéressent, et partager avec d'autres artistes avant tout. Avec les Volo, on a écrit ensemble la chanson "La lessive", à laquelle j'ai pensé en descendant du Mont Blanc. Les chansons, soit on me les a données, soit j'ai parlé avec les auteurs pour les guider dans ce que je voulais. Avec Grand Corps Malade, comme avec les autres d'ailleurs, on a passé du temps ensemble pour apprendre un peu à se connaître. Il y a des chansons sur-mesure, parce que je pense que les gens ont très bien senti qui j'étais, ou alors ils ont pressenti qui j'étais. C'est le cas de Ours qui ne me connaissait pas. Et pourtant, il m'a très bien cernée.

Être à la fois adulée et détesté,e c'est étrange
Est-ce qu'on peut parler de "Recto Verso" comme d'un album universel et fraternel ?
C'est un album qui représente ce que je suis aujourd'hui. Je pense qu'il est fédérateur. Il est dans des tableaux, dans des couleurs, dans des émotions. J'ai l'impression d'un dedans qui s'extériorise.

On découvrirait alors une autre part de ta personnalité...
J'étais déjà Zaz sur le premier album. Je n'ai jamais été fausse. Je suis quelqu'un d'authentique. Alors, c'est vrai qu'il y a des gens qui doutent parce qu'ils trouvent ça louche. Mais c'est peut-être parce que ces personnes-là ne sont pas tout à fait honnêtes (sourire). Je pense que les gens projettent leur attitude, et du coup, se disent que ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible parce que eux, dans ce cas-là, ne resteraient pas eux-mêmes. Je pense qu'ils doutent de ma sincérité parce qu'ils doutent de la leur.

Qu'est ce que le succès a changé dans ta vie ?
Franchement, ça m'a ancrée encore plus dans ce que je suis, dans mes valeurs, dans la vision que j'ai du monde, dans ce que j'ai envie de lui apporter. Ça ma donné plus de force parce que j'ai dû affronter des épreuves. Les critiques, ce n'est pas quelque chose à quoi tu es préparée. Être à la fois adulée et détestée, c'est très étrange. Disons que dans la vie de tous les jours, les gens que tu n'aimes pas disparaissent. Mais la critique, elle est là tout le temps. Elle est permanente. Tu ressens les gens et ce qu'ils pensent. Il y en a qui ne t'aiment pas, qui te détestent même. Il y a aussi ceux qui t’idolâtrent. Ça peut devenir tout aussi désagréable. Parce que ce n'est pas toi qu'ils voient, mais une image. Et puis il y a des gens simples qui me disent que ma musique leur fait du bien.

Si les gens aiment ce que je suis, autant que je reste la même
Ceux qui ont justement aimé ton premier album attendent beaucoup du deuxième. C'est quelque chose qui t'a, à un moment ou un autre, bloquée dans l'avancée de ton projet ?
J'essaie de ne pas y penser. J'ai fait ce nouvel album du mieux que j'ai pu. Je me suis beaucoup investie. Plus que sur le premier, même si j'ai moins écrit. Et maintenant, c'est la scène qui m'intéresse. Cet album ne m'appartient plus. La scène, c'est chaque jour jouer devant un public qui m'attend. Je n'attends que ça. Avec toute mon équipe de musiciens et la technique, on a vécu des choses complètement folles.

Donc la peur de décevoir n'existe pas vraiment pour toi ?
Non. Je n'ai pas de peur de décevoir dans le sens où je prends du plaisir. Si moi je prends du plaisir, et que je m'amuse, tant pis si je déçois. Rester moi-même et authentique, c'est ce qui marche. C'est ce qui a marché avec le premier album. Si les gens aiment ce que je suis, autant que je reste la même.

Malgré tout ce qui s'est passé, tu éprouves le besoin de revenir à la source. C'est ce que tu expliques dans le titre "Toujours".
C'est le côté intuitif, animal... Je suis en résonance avec la vie et je ne suis pas dans les codes ni les clichés, ou même dans des appartenances. On est obligé d'évoluer dans ce monde-là, sinon on finit par vivre en ermite. C'est ça "Recto Verso". Il y a des contradictions dans la vie, mais ce n'est pas ce qui fait qu'on est ou pas authentique. C'est comme un écolo qui doit prendre sa voiture pour aller travailler. Pour bien faire son boulot, il doit prendre sa voiture. C'est ce que je vis aussi.

J'ai envie de créer plein de projets qui servent à l'humain
Ton succès est international. Ton premier album s'est exporté, tu as participé à la B.O. d'Hugo Cabret, un film de Martin Scorsese... Qu'est-ce qu'il te reste à accomplir ?
Plein de choses (rire) ! L'imagination est illimitée. Il y a plein de choses à créer. J'ai envie de créer plein de projets qui servent à l'humain, qui font du bien et qui aillent dans les valeurs de vie que j'ai. J'ai envie de partager ce qui me rend heureuse avec ceux que j'aime et avec les gens qui n'ont pas la possibilité de pouvoir avoir ça.

Comme ton premier album, "Recto Verso" sort également à l'étranger. Peux-tu envisager qu'un jour tu sois coupée du public français ?
Je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé cette question. Si les gens ne veulent pas me voir en France, j'irai où ils veulent de moi. Si je donne des choses à un public qui n'en veut pas, je le donnerai à ceux qui en veulent.

Tu l'évoquais tout à l'heure, tu es en partenariat avec l'association Colibris. Ta notoriété permet de mettre en lumière ce projet. Penses-tu être un exemple pour tous ces artistes qui ne profitent pas de leur popularité pour porter un message comme tu le fais ?
Chacun est libre de faire ce qu'il ressent ! Tu ne peux pas imposer quelque chose à quelqu'un, simplement parce que tu es artiste. Ça vient du caractère, d'une manière de vivre. J'ai choisi d'être médiatisée pour faire des choses. Chanter, j'en ai vraiment besoin. Mais au-delà de ça, dans ma voix, je porte quelque chose. C'est cet investissement qui touche les gens. J'ai envie de changer le monde. Pas toute seule ! Je ne suis pas naïve (sourire). Mais avec les autres ! J'ai la chance de pouvoir toucher à plein de médias différents, de pouvoir communiquer un maximum, de pouvoir éveiller les consciences avec d'autres. En étant médiatisée, j'ai plus de chances de toucher un maximum de personnes et d'être écoutée.
Pour en savoir plus, visitez le site internet officiel de Zaz et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Zaz sur Pure Charts.

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