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Renan Luce en interview : "Écrire ces chansons pansements m'a fait du bien"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Discret ces dernières années, Renan Luce revient en lumière avec un album éponyme écrit sur le ton de la confession où il chante avec intimité la séparation amoureuse. Pour Pure Charts, le chanteur raconte cette démarche très personnelle.
Crédits photo : Barclay
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Cinq ans se sont écoulés depuis la sortie de votre précédent projet, "D'une tonne à un tout petit poids". Cinq ans, c'est long ! C'était une pause volontaire ?
Franchement non. Si on m'avait dit à la sortie de mon album que ça allait mettre cinq ans, je ne l'aurais certainement pas cru ! Si je fais le détail de ce qu'il s'est passé, j'ai tourné pendant un an et demi, j'ai monté un spectacle avec mon frère, on a joué deux saisons de représentations, puis le temps de se remettre à écrire, à vivre, d'emmagasiner des émotions que j'avais envie après de mettre en chanson... Ça m'a pris du temps. Ça a aussi été un processus de création différent des autres albums. J'avais une idée assez forte mais il m'a fallu la comprendre, avoir la certitude que c'était dans cette direction que je voulais aller. Donc c'est vrai que ça a été long. Ceci dit, de mon point de vue, j'ai l'impression d'avoir toujours été occupé ! (Sourire)

Ce thème de la séparation vient du coeur
La musique vous a manqué ?
La scène j'en ai fait beaucoup entre temps, mais le studio énormément. C'est la création qui m'a manqué, cet état très excitant d'avoir quelque chose de très intime à partager et de le faire avec plein de gens, dans une espèce d'émulation d'équipe comme ça a été le cas sur cet album, ce côté très euphorisant et en même temps une démarche très personnelle qui fait du bien. Tout ça, ce sont des chansons pansements et j'étais très heureux de les voir naître petit à petit.

Quand ce nouvel album a-t-il commencé à prendre forme ?
Dans ma tête, ça a mis quelques chansons. Quand j'ai écrit un premier texte sur la séparation, je me suis dit bon, ce thème-là je l'ai abordé, ça y est, c'est fait. Puis j'en ai fait un deuxième, puis un troisième... Ce thème s'est progressivement imposé, en quelque sorte. Je me suis rendu compte que j'allais avoir du mal à parler d'autre chose. Dans la manière que je composais, c'était beaucoup au piano, des mélodies avec un peu plus de lyrisme, d'amplitude, certainement dû à ce thème assez profond. J'avais depuis longtemps ce projet de faire un album très orchestral et de chanson en chanson, j'ai eu le sentiment que c'est cet album-là qui se prêtait à ces arrangements.

C'est un choix très révélateur.
Je crois. Ce sont des titres personnels et pour les accompagner, j'avais envie d'une musique qui m'est très personnelle. Cette musique-là, c'est mon ADN musical. J'ai écouté ces auteurs et interprètes de la chanson des années 60 avec tellement de ferveur et d'admiration que j'avais envie de porter ces émotions-là avec une texture de son qui me ressemble, qui me parle à l'intime. Ce thème de la séparation vient du coeur. L'orchestre avait toute sa place de par cette espèce de palette de couleurs qu'il propose entre les bois, les vents, les cordes, les percussions. Tout comme les émotions sont riches et puissantes, je voulais que l'orchestration le soit aussi.

Regardez le clip "Au début" de Renan Luce :



Vous dites avoir été inspiré par des artistes comme Gilbert Bécaud, Jacques Brel, Bourvil, Charles Aznavour... Qu'avaient en commun ces artistes ?
Ils avaient une force, une énergie dans la manière dont ils présentaient leurs morceaux. Ils n'avaient pas peur de l'émotion, qui fonctionnait à fleur de peau dans leur interprétation. Ce sont des gens qui avaient un certain recul car ils possédaient une certaine culture du music-hall, avec un petit sourire en coin qui amenait une petite distance élégante entre le fait de chanter les sentiments dans un décorum de spectacle. Ce sont des choses qui m'ont toujours beaucoup touché et j'ai moi aussi essayé de mettre dans cet album une pudeur qui aide à transmettre des choses intimes, une forme de vérité par l'intermédiaire d'une musique codifiée.

Les émotions occultaient mon champ de vision
L'album s'ouvre par la question : ''Est-ce qu'on peut reprendre au début ?''. A qui s'adresse-t-elle ?
C'est une chanson sur un angle amoureux. (Sourire) C'est pour ça que je l'ai mise au début. Outre le titre, c'est aussi une chanson qui plante bien le thème de l'album, ce va-et-vient du coeur entre les regrets, la nostalgie et le souvenir. Des questionnements qui étaient fortement en moi pendant toute la période d'écriture. Mais c'est vrai qu'elle pourrait d'adresser au public, comme pour se représenter à une ancienne connaissance. Après, c'est au public de décider s'il veut qu'on reprenne au début ou pas.

Vous l'avez dit, c'est un disque éminemment intime, rempli de paroles en écho à votre vie privée. Est-ce qu'on hésite à se livrer de la sorte ?
J'ai toujours cru ne pas savoir comment manier ce matériau. Étant je pense assez sensible et à fleur de peau, j'avais peur de ne pas savoir maîtriser cet aspect personnel ou d'en faire quelque chose de trop sirupeux, trop ému presque. Mais les émotions occultaient tellement mon champ de vision que je ne pouvais pas faire autrement que de les utiliser. Ça m'a permis, par la force des choses, de découvrir que je pouvais le faire et que j'aimais aussi me décrire dans un registre plus sentimental ou plus intérieur.

On voulait à tout prix protéger notre fille
Vous dédiez une chanson émouvante, ''Berlin'', à votre fille. Répond-elle à un besoin de lui parler à travers la musique ?
Dans une séparation, la question la plus déchirante est de savoir comment son enfant va prendre les choses. On n'avait qu'une crainte avec sa maman [Lolita Séchan, ndlr], c'était de la fragiliser. On voulait à tout prix la protéger, ce qu'on n'a pas vraiment réussi à faire car on a gardé une affection évidente l'un pour l'autre. Néanmoins, peut-être que oui, j'ai essayé de lui parler à travers cette chanson. Je ne sais pas. En tout cas, c'est une histoire vraie. L'image est assez criante de vérité, Berlin, cette ville coupée en deux, mais elle découle d'un véritable voyage qu'on a fait tous les trois après notre séparation, justement dans l'idée de préserver cette notion de famille. Comme pour donner une preuve à notre fille qu'on était toujours ses deux parents et qu'on était là pour elle. Et en rentrant, ça m'a un peu sauté au visage. Pourquoi on avait choisi cette ville-là ? On s'est vraiment retrouvés tous les trois à marcher le long du mur. La chanson est née comme ça, instinctivement. Je crois que ça m'a fait beaucoup de bien de l'écrire.

Cet album a été une forme de thérapie ?
Oui, un peu. C'est cliché de dire ça mais les chansons m'ont fait du bien et m'ont permis d'analyser mes émotions à distance, d'avoir la satisfaction de faire du beau avec des choses parfois dures.

Ecoutez "Berlin" de Renan Luce :



J'ai du mal à lâcher prise
Dans ''Du champagne à 15 heures'', vous dites que vous auriez aimé « Débrancher mon cerveau et rebrancher mon coeur »...
C'est le seul texte que je n'ai pas écrit. Il est signé d'un très bon ami à moi qui s'appelle Pierre-Dominique Burgaud. On était aux puces de Saint-Ouen et on prenait un café dans l'après-midi. Et à côté de nous, il y avait deux jeunes femmes qui riaient très fort et qui buvaient du champagne. On s'est fait la réflexion que nous on se serait sûrement dit : "Non, on ne peut pas boire à cette heure-ci", avec cette petite retenue, ce côté un peu sage qu'on a l'un et l'autre. Pierre-Dominique a tout de suite noté "Du champagne à 15 heures, c'est un très bon titre de chanson". Le lendemain il m'a envoyé un bon début de texte, sur lequel j'ai tout de suite fait de la musique. Il y a eu un jeu de ping-pong assez rapide et pour le coup, je pense qu'il m'a effectivement bien cerné. J'ai un peu ce côté cérébral, dans le doute, beaucoup à me questionner... "Faut lâcher prise" oui mais c'est pas si facile ! (Rires)

Le lâcher prise, c'est aussi de confier ces chansons au public. Ça vous met dans quel état d'esprit ?
Je suis très impatient, très heureux. J'aime beaucoup ce qu'on a réalisé avec l'album. Je suis très à l'aise avec ce que je propose, qui est en adéquation avec ce que je suis. J'avais déjà commencé à dévoiler quelques titres ces dernières semaines, j'ai eu des premiers retours et je trouve très agréable ce contact encore plus direct avec les gens. Même si les réseaux sociaux étaient déjà là il y a cinq ans, ça s'est amplifié. Cette évolution des rapports est très logique avec cette notion de partage de la musique.

La tournée sera au service de l'émotion
Vous allez bientôt partir en tournée et vous serez accompagné d'un orchestre. C'est une première ?
Oui ! C'est un beau challenge sur lequel on est en train de travailler pour retranscrire les couleurs de l'album. Moi je sais en tant que public que j'ai toujours aimé voir entrer les musiciens, regarder un peu tout ce qu'il se passe sur scène et là, il y aura effectivement du monde. Alors ce ne sera pas un grand symphonique mais on sera 16, ça va être une belle aventure. Pour moi, ça sera une autre manière d'aborder la scène. Je serai un peu moins derrière ma guitare, moins dans l'énergie combative d'aller chercher des gens, plus à me laisser envelopper par l'orchestre. On sera au service de l'émotion.

Dernière question : vous aviez participé au dernier album de Renaud. Ferez-vous partie du prochain en cours d'écriture ?
J'avoue ne pas avoir suivi de manière très proche le développement du projet mais il est effectivement en train de préparer un album, dans lequel j'ai fait deux musiques. Mais je ne sais même pas lesquelles il a gardées parce que les choses évoluent beaucoup.

Avez-vous de ses nouvelles ?
Oui, bien sûr. Tout va bien. Je ne m'étends pas trop sur le sujet car vous savez ce que c'est, tout est vite repris dans les médias. (Sourire) Je le laisse se débrouiller avec ce qu'il a envie d'annoncer.

Plus d'infos sur renanluce.artistes.universalmusic.fr et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Renan Luce sur Pure Charts.

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