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samedi 20 juillet 2024 12:26

Petit Biscuit en interview : "Si on me compare à The Weeknd, c'est le meilleur compliment"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Petit Biscuit vient de publier son nouvel album "Discipline", sur lequel l'artiste français se livre comme jamais et semble avoir trouver sa voix. En interview sur Purecharts, il se livre sur son changement de vie et sa transformation physique, les comparaisons avec The Weeknd, pourquoi il ne chante pas en français et les évolutions sur les réseaux sociaux.
Crédits photo : Jonathan Bertin
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Tu reviens avec ton nouvel album "Discipline". Que symbolise ce mot pour toi ?
"Discipline", ça résume beaucoup mon changement de mode de vie. Entre 2016 et 2019, j'ai énormément tourné, et tout s'est arrêté d'un coup avec le Covid, le confinement... J'ai pris pas mal de recul et je me suis rendu compte que mon mode de vie n'était pas si sain. J'étais tellement dans un rush que je n'avais pas de recul, et j'ai voulu changer ça. Je me suis mis au sport avec des potes, et on a continué. J'ai changé mon alimentation, j'ai changé mon sommeil. Je suis passé de dormir sur des bancs d'aéroports à faire de vraies nuits... Et j'ai gardé ce truc-là. C'était comme un virage qui m'a fait énormément de bien. Je composais l'album à peu près à ce moment-là. Et ça a été un vrai combat avec cette discipline, entre les jours où tu es motivé et d'autres moins... Mais ce qui fait la constante, c'est que tu restes discipliné.

On ne pense pas beaucoup à comment on se sent intérieurement
Autant dans la musique quand dans le sport, finalement !
J'avais justement une conversation avec mon manager, et il m'a dit : "Mais tu parles tout le temps de discipline". Donc c'est devenu le nom de l'album ! Mais la discipline ce n'est jamais facile, ça demande beaucoup d'organisation. Si je le fais c'est que je me sens vraiment bien à le faire, et c'est super important. On fait beaucoup de sacrifices parfois, on pense beaucoup à ce qu'on doit faire, et souvent pour les autres. Et on ne pense pas beaucoup à comment on se sent intérieurement. Aujourd'hui, c'est mon mantra : Si je fais ça, est-ce que ça me fait me sentir bien ? C'est ce qui me guide, mais ce n'est pas facile...

Avec ce nouveau mode de vie, il y a des choses que tu as dû refuser j'imagine ?
Oui je vis un peu plus lentement, et ça me convient super bien. Bien sûr que je refuse plein de choses. Mais je les refuse pour les bonnes raisons finalement ! Pour mon bien-être personnel. Ce n'est pas parce qu'on a réussi à construire un projet, et que les projecteurs sont un peu dessus, qu'il faut se mettre de côté en tant qu'être humain. Plein de gens l'oublient, dans l'électro, mais pas que ! Car ce n'est pas que dans la musique, c'est même dans des métiers traditionnels. Beaucoup de gens vivent sous la pression... Je dis sans doute ça parce que j'ai le confort de pouvoir le faire aussi. Je me rends compte que les gens n'ont pas forcément ni le recul ni les moyens financiers pour pouvoir se poser ce genre de questions et de pouvoir le faire. Je ressens beaucoup de gratitude car ça a fait changer ma trajectoire de vie. J'en suis fier et reconnaissant.

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Je ne pensais pas que ma transformation physique ferait autant réagir
Tu parlais de sport tout à l'heure. Ta transformation physique suscite beaucoup de réactions en ligne, ça t'a surpris ?
En fait, je poste ma vie sur les réseaux. Je ne me contente pas de poster que de la musique, j'aime bien poster des trucs un peu plus lifestyle... Je ne pensais pas que ça allait faire autant réagir. Là, ça doit faire un an, avec le recul, je me rends compte que les transformations physiques ont toujours attisé beaucoup de curiosité, à quel point les gens peuvent changer. Même moi, certains acteurs, j'aime bien voir comment ils sont devenus. Je trouve ça cool. Est-ce que j'en joue un peu ? Peut-être un peu. (Rires)

Et les surnoms comme "gros gâteau" qu'on peut lire dans les commentaires, ça te fait rire ou c'est pesant ?
Non franchement ça me fait marrer. Mais ça dépend... Quand c'est bien formulé, c'est cool. Le "gros gâteau" classique ne me fait pas forcément marrer, mais il y a des phrases qui m'ont fait beaucoup rire car elles étaient un peu plus recherchées. Mais sur ce thème-là de la pâtisserie, c'est très drôle !

Changer de nom de scène, tu y as pensé à un moment donné ? Car le Petit Biscuit n'est plus celui d'avant...
Non ! Au contraire, les contrastes c'est génial, je trouve ça trop bien. Tu écoutes Petit Biscuit et là tu vois la gueule du gars, tu te dis "Ok !". Regarde Billie Eilish, elle faisait de la musique ultra douce et elle avait cette image ultra street, un peu plus agressive, j'ai trouvé ça trop bien le contraste. Je trouve ça génial quand tu es surpris, quand la personne que tu écoutes n'est pas forcément celle à qui tu t'attendais.

Me comparer à The Weeknd, c'est le meilleur compliment !
Dans notre dernière interview en 2020, tu nous disais que l'album précédent ne comportait pas encore "ta vraie signature vocale". Tu penses l'avoir trouvée sur "Discipline" ?
C'est toujours compliqué avec les anciennes déclarations car si ça se trouve dans six mois, je vais te dire le contraire. (Rires) Mais oui je pense que j'ai réussi à trouver ma signature. Quand j'ai chanté sur "Parachute", j'avais vraiment ce désir de placer ma voix au centre mais je sentais que je n'étais pas encore à l'aise vocalement. C'est quelque chose que tu ressens, ce n'est pas forcément pragmatique, au contraire. Sur "Discipline", ma voix est à l'endroit où je voulais la placer. Il y avait un équilibre entre l'instrumental et les émotions qui étaient à l'intérieur, et la topline qui est là mais ne prend pas trop de place... Tout était aligné !

Sur l'album, ta voix fait beaucoup penser à celle de The Weeknd...
Oui, on me l'a beaucoup fait remarquer. Meilleur compliment ! J'adore ce gars, j'adore ce qu'il fait, il m'inspire aussi. Trop cool comme référence ! Je n'ai pas son niveau vocal, mais justement, je ne suis pas là pour suivre ses pas. S'il y a une ressemblance mais qu'il y a quand même une différence, c'est mieux. Quand je vois les commentaires, ça me fait sourire en tout cas !




Il y a une vraie mélancolie sur cet album, tu as même publié un message sur les réseaux en disant que tu pouvais passer pour un dépressif...
En fait, ce que j'ai voulu dire dans ce message c'est que je ne suis pas si excité que ça de sortir cet album, avec le climat actuel, qui est très particulier. Mais oui l'album parle beaucoup de vulnérabilité, de mon rapport aux autres, de ma vision du monde. Je suis complètement à l'aise avec ma vulnérabilité, c'est là. A part une chanson que j'ai écrite avec Madeon, j'ai tout écrit tout seul, et c'était un vrai exercice de me livrer sur mes émotions ou mes capacités d'observation.

D'ailleurs, c'est rare ce que tu proposes dans l'électro car en général on ne sait pas ce que vit ou ressent la personne derrière les sons. Les producteurs se cachent souvent derrière, ils travaillent avec d'autres voix, et des paroles qui ne les concernent pas...
Oui c'est vrai que souvent les paroles survolent un peu... Je ne le fais pas forcément pour les autres, car j'ai l'impression que peu de personnes font attention aux paroles. Je le fais vraiment pour moi parce que déjà ça fait du bien ! (Rires) C'est pour ça que c'est un album dont je suis intimement fier. Même si parfois on peut avoir de la fatigue émotionnelle en écoutant les morceaux mille fois quand tu les rebosses à volonté, on sait que le fond est tellement intime et personnel qu'on va toujours garder un lien d'attache. Je voulais pouvoir le réécouter dans dix ans et voir une espèce de fenêtre sur ma vie.

J'arrive à me livrer en anglais mais pas encore en français
Tu as invité Maxence pour une version bilingue de "You Don't Ignore (Too Late)". Tu n'es pas à l'aise à l'idée de chanter en français ?
C'est compliqué pour moi... J'arrive à me livrer en anglais mais pas encore en français. (Rires) J'ai toujours eu une culture musicale anglophone quand j'étais petit, on écoutait beaucoup de musique avec mes parents, et c'était toujours en anglais. Pour moi, c'est un langage qui est vraiment associé à la musique. Et avec cette langue, il y a quelque chose qui est en accord avec ce que je veux proposer. Et aussi, j'ai cet accent en français qui est soit un frein soit un avantage, soit les deux en même temps. J'ai déjà essayé de chanter en français mais je n'étais pas suffisamment satisfait du rendu... Donc j'ai invité Maxence, c'est un super pote, on a été Londres se faire kiffer pour l'enregistrer. C'était aussi un moment avec un pote.

Tu as 24 ans et tu chantes déjà la fin de ta jeunesse sur "My Youth is Fading Away"...
Ça ne me fait pas peur de vieillir mais je suis profondément touché par la nostalgie. L'instru respire la nostalgie, et ça me faisait penser à des images visuelles, comme ce parc de mon enfance qui est aujourd'hui bétonné ou des moments que tu as pu vivre avec tes potes et que tu ne revivras plus jamais... J'ai voulu mettre des souvenirs très personnels dans ce son. La nostalgie et la mélancolie, ça a toujours fait partie de moi. Parfois c'est l'un, parfois c'est l'autre. Ils sont différents mais ils sont liés. Parfois, je le vois comme quelque chose de positif, ça m'aide à créer. Parfois, c'est plus triste, plus pesant... Mais musicalement, c'est un super moteur, ça marche super bien !

Sur tes réseaux, tu as parlé de nouvelles chansons qui arriveront après l’album avec des collaborations. Tu as des envies, des idées ?
Oui j'ai commencé à lancer quelques collabs mais je ne peux pas en parler malheureusement. A la base, je voulais que cet album "Discipline" soit un album complètement solo, et finalement Cub Sport est venu, a participé à l'écriture du son et je me suis dit que c'était trop dommage de ne pas avoir la voix de Tim dessus car ça marchait trop bien. Donc j'ai gardé ce featuring. Pour les prochains sons, je vais changer de perspective. "Discipline" a été difficile à accoucher, là j'ai envie de m'amuser sur des formats plus spontanés. Je ne sais pas trop, je suis encore en train de réfléchir... Je me laisserai plus de liberté sur les sorties de sons, d'en sortir plus souvent et des formats qui me mettent un peu moins la pression...




Justement, tu as encore la pression de faire encore un titre qui explose comme "Sunset Lover" aujourd'hui ?
Non, je n'ai plus la pression. Je l'ai eue longtemps, mais c'est un cheminement, ça se travaille. Je ne referai jamais un deuxième "Sunset Lover", et je n'ai pas envie de le refaire, je crois que ça s'entend dans ma musique aujourd'hui. Je suis fier qu'un son ait parlé aux gens de manière aussi universelle à un moment donné mais ce n'est pas pour ça que je dois en refaire un absolument. Je ne veux pas m'emprisonner, le coup de baguette magique n'existe pas. Il faut juste se faire plaisir !

Sur les réseaux, tu t'engages pour la cause animale, tu parles d'écologie, de politique aussi. C'est primordial pour toi ?
Bien sûr ! Et si j'en parle, c'est que ça me touche vraiment. Par exemple, je suis vegan, j'essaie de faire attention à l'étique, à l'environnement. Ce sont des causes qui me parlent et comme je ne partage pas que de la musique sur mes réseaux... S'il y a bien quelque chose sur laquelle j'ai envie de communiquer, c'est là-dessus. Ce sont des causes qui peuvent réunir beaucoup de gens, autour de bonnes valeurs, selon moi. Mais je ne me pose pas la question en fait quand je le fais, c'est une partie de moi. Je trouve ça trop bête quand les artistes n'osent pas prendre la parole, parce que ça part d'un sentiment hyper positif. Je crois qu'on a souvent peur de la critique. Mais dans tous les cas, peu importe ce que tu feras, il y aura des critiques, donc autant faire ce qu'on a envie de faire.

Je ne referai jamais un deuxième "Sunset Lover"
Tu gères bien les critiques d'ailleurs ?
En fait, ce que je déteste c'est poster quelque chose dont je ne suis pas fier. C'est déjà arrivé et c'est comme ça mais je n'aime pas. Mais poster un truc dont je suis fier et recevoir des critiques, ça ne m'embête pas. Enfin, ça ne m'embête plus car ça a pu me déranger à une époque. Mais pareil, c'est un travail.

Tu as mis un message assez juste sur les trends et la façon de promouvoir sa musique qui disait : "Je n'ai que 24 ans mais je me sens dépassé. Il y a 5 ans, je n'avais qu'à faire de la musique, créer de l'art en général. Ces règles ont ruiné ma créativité. Je ne sais pas comment ça va finir". C'est TikTok, les algorithmes, que tu visais ?
Je vais passer pour un vieux, mais j'ai 10 ans de carrière et avant quand je postais une pochette ou des vidéos de concerts de manière super spontanée, ça touchait une belle audience, celle qui me suit vraiment. Aujourd'hui, tu n'arrives plus à toucher cette audience, tu touches des gens qui ne sont pas forcément intéressés par ton contenu, donc tu reçois plein de critiques. Je comprends leur frustration, même si moi je n'irai pas publier un commentaire négatif... C'est particulier cette évolution.

Tu le vois directement sur tes publications ?
Oui quand je poste du contenu lifestyle, comme ça répond à certains codes des réseaux sociaux ça marche super bien, et beaucoup plus que quand je publie une vraie proposition artistique, sur laquelle j'ai passé du temps, où je me suis investi. Mais aujourd'hui, pour que ce soit relayé, il faut faire des photos à l'iPhone, des contenus en face cam, il faut répondre à certaines contraintes... Je suis ok pour m'adapter mais c'est dommage. Avant, je me souviens, quand je suivais des artistes, j'étais trop content de voir un teaser pour un clip par exemple, et aujourd'hui on va préférer voir là où il passe ses vacances... C'est cool d'avoir ce genre de contenus, mais j'aime encore plus voir ce qu'ils font comme musique, savoir qu'ils ont sorti un album, qu'ils annoncent une tournée... Et ça c'est moins mis en avant. On s'intéresse à des choses plus instantanées, et il y a une part d'algorithme... Je n'ai pas envie de râler, c'est comme ça mais à titre personnel, je fais ce constat... J'allais dire une phrase horrible : "C'est plus ce que c'était".

Ah oui, là tu commences à parler comme Michel Sardou !
Oui là, c'est vraiment une phrase de vieux ! (Rires)

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