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Ours en interview

Le Ours, comme dirait le chanteur suisse Jérémie Kisling, a dévoilé lundi dernier son second et nouvel album, "El", quatre ans après son prédécesseur "Mi", paru en 2007. Un disque contenant notamment le premier single extrait, "Balancer", un appel aux déhanchements doux et léger de cet animal, finalement plutôt bien léché. Rencontre avec un grand sensible au cœur tendre.


Salut monsieur Ours, j'ai été épaté de la manière dont l'écoute de ton nouvel album, "El", m'a envolé dans ce qu'il a de plus touchant. Un autre artiste me procure par ailleurs cet effet, c'est Jérémie Kisling... (Thierry Cadet, Rédacteur en Chef adjoint)
Ours : Merci beaucoup. J'aime beaucoup Jérémie Kisling d'ailleurs, sur scène c'est très très bien. On s'est souvent croisés par le biais d'amis en commun. C'est drôle parce que son second album s'appelle "Le ours" (sourire)... Je crois que c'est l'effet de ma voix éraillée, fragile finalement, qui accentue cette proximité. Cela dit, je dois te dire aussi que j'ai conçu cet album en ne perdant pas de vue le fait d'aller chuchoter aux oreilles de l'auditeur. C'est un disque moins produit que le précédent, plus naturel je crois.

C'est donc une des différences fondamentales entre "Mi" paru il y a quatre ans, et ce nouvel opus réalisé par Renaud Létang et toi ?
Oui, avec l'expérience d'écrire plus rapidement. Ce disque est plus concis, moins bavard. L'économie des mots a joué aussi, prendre un seul mot pour dire beaucoup de choses. Y'a beaucoup de titres très courts, avec un seul mot : "Silex", "Balancez", "Miel"... Les choses s'affinent finalement. Et puis l'expérience de la scène aussi. J'ai fait beaucoup de concerts, et y'a donc un truc plus direct.

L'expérience de la scène t'apporte cette nouvelle manière de concevoir un disque ?
Oui. Et puis ce côté plus direct, je l'avais aussi dans ma manière de composer, faire moins de longues intros, moins de couplets.

Il y a une chanson dans laquelle tu parles de promiscuité, "Qui est qui ?". Évoque-t-elle la vie parisienne ?
Elle évoque la vie en général. On vit nos vies en vis-à-vis. Je parle en effet des villes, mais ça peut s'étendre aussi aux campagnes. Cette vie en communauté dans laquelle on se croise tous et où on a chacun nos directions. On est juste polis, on se dit gentiment merci sans vraiment se connaitre, et parfois on a des préjugés (silence).

Ne se sent-on pas finalement, et paradoxalement, bien plus seul entouré de beaucoup de monde ?
C'est ça. Y'a Beaudelaire qui parlait du désert de foule. C'est là où il se sentait le plus seul, dans la foule. On s'isole dans la foule, on se préserve contre ce qui nous agresse, avec un walkman, une capuche. La nuit c'est différent par contre. La journée j'ai du mal, et la nuit ça va mieux. La vie en ville nous parait complètement folle, et c'est vrai que cette chanson parle de ça. On est là on se croise, et on joue au jeu du “qui est qui” (sourire). C'est un regard tendre sur, par exemple une fenêtre dans laquelle il me semble voir une famille, avec un enfant en pyjama, quelque chose de très stable ; ou bien un homme rentré chez lui avec un petit baluchon, et s'attablant ensuite devant sa soupe (silence) Il a l'air très seul... Qu'est-ce qu'il va faire ? A quoi il pense ? C'est aussi une mini critique par rapport à cette vie en communauté. On est tous là à se préjuger, à se dire « ah toi t'es un mec du 12ème arrondissement alors t'es comme ça, t'es habillé comme ci alors t'es comme ça... » (sourire).

Composes-tu et écris-tu à Paris ?
J'écris chez moi oui, mais je vais aussi beaucoup à la campagne. C'est un cliché, mais c'est vrai que je me sens détaché, ça me permet d'avoir du recul. Ici, y'a toujours un pote qui t'appelle pour te demander de sortir par exemple, ce qui est bien aussi (sourire), mais là bas tu n'es concentré que sur ton écriture, ce qui est très agréable.

Finalement "Qui est qui ?" rejoint une autre chanson sur ton nouvel album, "Nœud", non ? Une chanson composée par l'un des fils Voulzy, Lieutenant Nicholson...
Oui.

Visionnez la vidéo de Ours, réalisé par Lisa Roze, "Nœud" :


Pour vivre heureux vivons cachés, serait-ce ta devise ?
Je ne sais pas. Les proverbes ça me fait toujours peur. Le côté formule, mode de vie, le manuel pour vivre afin d'accéder au bonheur, je n'y crois pas. Chacun a le sien. Isolé c'est bien, mais caché je ne sais pas... Après, un ours se cache et hiberne pendant un bon moment... mais ensuite il ressort (sourire).

Pourquoi avoir finalement choisi Ours comme pseudonyme ?
Parce que être chanteur ou musicien, c'est être comme un ours. Nos années sont divisées en deux émotions très fortes : on est vouté sur notre guitare, recroquevillé sur soi-même, plongé dans ce travail solitaire dans notre chambre, dans notre tanière. Et puis à un moment, ce travail solitaire on l'expose sur scène, on le montre au plus grand nombre, il va dans les oreilles des gens, c'est dans les magasins... Comme un ours, on va voir les gens, on s'ouvre aux gens, et puis après, on ré-hiberne (sourire).

J'aimerai faire des premières parties toute ma vie
Comment se déroulent actuellement tes premières parties de Gaëtan Roussel ?
Super. Les gens ont été très réceptifs. C'est dingue de jouer dans de grandes salles rock avec Gaëtan. J'aime bien arriver seul avec ma guitare au début (silence), j'aime bien faire les premières parties en fait, j'adore ça. Ça m'amuse que les gens ne soient pas là pour moi. C'est à moi d'aller les chercher, du coup c'est marrant (sourire). Et puis le côté je m'incruste, « vous en faites pas, c'est juste 20min, ça va pas durer longtemps » me plait. Marcher sur les œufs m'amuse, et va de pair avec ce que je dégage sur scène. Le côté pas foireux, mais (silence)...

Maladroit, nonchalant ?
Oui, nonchalant, maladroit peut être... même si je ne suis pas vraiment maladroit sur scène, et puis surtout je n'en joue pas, ce serait grotesque mais... ce côté intrusif m'amuse. C'est un petit challenge pour moi. Tous les chanteurs trouvent ça ingrat, dur, de faire une première partie, je suis un des seuls qui trouve ça super marrant (rires). J'en ai fait beaucoup avec Vanessa Paradis, avec Zazie, notamment à Bercy, et j'ai dit ensuite que j'aimerai faire des premières parties toute ma vie. Et pourquoi pas même faire ma propre première partie (sourire)...

Avec des inédits sur ta propre première partie, des chansons que ton public ne connait pas et avec lesquelles tu dois aller les chercher, comme une vraie première partie finalement...
Ça peut être super, carrément (sourire).

Pourquoi avoir choisi "Balancer" en qualité de premier single ? Est-ton label qui a pris cette décision ?
On a pris cette décision tous ensemble. Mais ce sont aussi les radios qui décident, ou t'influencent en tout cas. Là, en l'occurrence, on hésitait entre "Balancer", "En jean et féminine" et "Qui est qui ?". Et France Inter a dit « nous, on passera "Balancer" ». Voilà, on est donc parti sur ça, c'est aussi simple que ça. "Balancer" est une chanson basique. Ce sont justes des mots qui se balancent, qui riment, de manière facile sur une musique qui se balance, j'aime bien. Et puis je crois que la mélodie se retient facilement, donc on l'a choisi en premier single.

Découvrez le nouveau clip d'Ours, "Balancer" :
Le player Dailymotion est en train de se charger...


Tu t'investis donc dans les choix de promotion ?
Bien sûr que je m'investis. Ça me tracasse, bien évidemment. Mais y'a le jeu des radios qui est souvent ridicule à des moments... Il existe une vraie dictature des radios, certains artistes font leurs morceaux en pensant à ça, du coup c'est terrible... Mais cela dit, ce choix de single me convient bien parce que j'avais envie d'arriver avec de la bonne humeur ; surtout que les gens se souvenaient du "Cafard des fanfares" sur mon premier album, et même si c'est une chanson sautillante, il y avait quand même le mot cafard. Alors, je ne voulais pas arriver avec « on va se faire des nœuds » par exemple... Je voulais dégager quelque chose de plus léger. C'est une chanson sur la quête de la légèreté, soyons légers, essayons. Se balancer avec une fille, avec une guitare, avec un ami. Tout ce qui nous rend légers.

Tes chansons sont-elles autobiographiques ?
Y'a les deux. Ce ne sont évidemment que des émotions que je ressens. Et puis je regarde beaucoup autour de moi, comment les gens se comportent socialement. On se fait des nœuds tous. Je suis touché par la manière dont quelqu'un va se poser sur sa chaise, ça peut me toucher. Je suis attentif à des détails, comme toi j'ai l'impression (sourire)...

En quoi les jeans sont-ils androgynes dans "En jean et féminine" ?
C'est un vêtement fou ce vêtement. Socialement il est très intéressant. C'est celui de l'ouvrier, mais aussi celui du Président de la République en vacances par exemple... et puis il va aussi bien aux garçons qu'aux filles. Les robes sont socialement féminines, et le jean il va aux deux (sourire).

Dans "Une autre", évoques-tu l'adultère ?
(silence) Ah c'est marrant, j'aime bien voir la vision des gens (sourire). Chacun se fait son histoire, une chanson ça sert à ça aussi. Non, pas du tout. Pour moi, il s'agit d'une énumération de bons moments, afin de ne retenir que le meilleur. C'est un truc impressionniste, vaporeux, je ferme les yeux et je pense à une belle fin de journée, une main posée sur une épaule, cette adolescence, cette danse, ce beau moment où je jouais de la guitare (sourire). En réalité j'étais dans un concert, et j'entendais les gens crier « une autre, une autre ! », j'ai trouvé ça fou. Parce qu'au fond ça veut dire quoi une autre ? Une autre chanson, un autre bon moment, une autre fois, on a soif d'un bon moment... et je suis parti de ça. J'ai pensé aussi à un livre de Philippe Delerm, "La première gorgée de bière". Ce sont ces petits instants de vie dont on se souvient. Comme écosser les petits pois (rires)... ça va de là, au thé du dimanche soir ; ce sont ces petits détails de la vie qui font qu'on est heureux.

La chanson "Les chocottes" parle-t-elle d'une réel manque de confiance en toi ?
On vit tous ces moments-là, ce coup de mou, durant lequel on ne croit plus en rien. Je crois que j'ai plutôt confiance en moi, même s'il m'arrive quand même de beaucoup douter de mes chansons par exemple.... mais là, il s'agit de trois potes, et l'un de nous doute. On est là pour lui dire « eh mon gars, on est là pour toi, t'as les chocottes, mais on est là ». C'est finalement bien plus profond que la chanson en a l'air. « Eh mon gars, pourtant t'as la cote toi, pourquoi t'as les chocottes ? ». Ça part d'un jeu de mots con, mais c'est une vraie tape dans le dos.

Je me dis que je ne vais vendre aucun disque
A-t-on les chocottes de sortir un disque en 2011, en pleine crise du disque ? Est-ce que le fait que le dernier album de ton frère Pierre "Piteur's Friends" n'ait pas rencontré son public, te rend fragile par exemple ?
Malheureusement, c'était pourtant un très beau disque... "L.A.O.T." c'était canon. Mais c'est tellement la merde depuis deux ans, pour tout le monde, que je me dis que je ne vais vendre aucun disque. Je suis très négatif par rapport à ça, je me dis qu'il n'y a aucune solution. Alors dans ma tête, c'est autre chose. J'ai une autre manière d'approcher les choses. Mettre des versions inédites sur Internet, faire un autre disque très rapidement.

Si ton label te le permet, c'est toujours le même problème... et puis on ne vit pas avec des versions inédites sur le Net... Ne penses-tu pas que depuis quelque temps, la musique offerte gratuitement a perdu de sa valeur ?
Il reste la scène bien heureusement. Et je participe d'ailleurs à une très bonne idée, celle du site Plemi. Mais tout ça n'est pas très grave, la musique reste ludique. Tout ça n'est que de la fantaisie, ça reste du spectacle. J'ai déjà le projet d'une chanson avec un pote, June, que nous allons dévoiler sur Internet. Une joke, une forme d'hommage à Paul McCartney. June est l'un des fils de Laurent Voulzy.

Es-tu adeptes des réseaux sociaux, MySpace ou Facebook ? Penses-tu que cela puisse être un moyen de promotion important ?
Bien sûr que c'est important. Par contre, même si j'en ai un, ce n'est pas moi qui le gère, c'est mon label. Je n'ai pas de profil perso. Ça va trop vite, tout est trop rapide maintenant avec Facebook, je préfère les relations humaines aux virtuelles. Cela dit, je ne te cache pas aussi, que je n'en ai pas parce que je pense que je serai accroc... étant de nature plutôt curieuse (sourire).



Avec Lily Allen, on était n°1 sur NRJ
Cela dit l'été dernier tu as gagné en popularité grâce à ton duo avec Lily Allen, "22"...
Oui. C'est une histoire formidable. Lily est une fille super sympa, avec qui j'ai passé un peu de temps. On était n°1 sur NRJ (sourire). C'est dingue. Un anglais m'appelle un jour et me propose un projet. C'était le manager d'Elton John. Je me dit que c'est une blague. On se voit, il me dit « Elton aime beaucoup ce que tu fais ». En fait il m'avait découvert sur TV5, dans un hôtel, et a donné mon premier album à Elton John. Il voulait que j'enregistre l'album "Mi", le même, mais en anglais. On l'a fait avec David McNeil, et puis en fait la vérité de ces chansons n'était pas là, ça ne fonctionnait pas artistiquement. Le projet a donc été abandonné. Et puis un an après, il me rappelle en me parlant de Lily Allen. Il m'envoie "22" et me demande de poser ma voix dessus sur un texte en français. Deux semaines après on passait en radios. C'était dingue cette histoire (sourire) ! Mon label voulait même que je refasse un duo avec elle sur ce nouvel album, mais j'ai refusé. Ça faisait réchauffé quand même.

Ecoutez le single de Lily Allen et Ours, "22" :


J'imagine que tu as été touché par la fausse couche qu'elle a subi...
Ça c'est atroce ouais (silence). Ça m'a beaucoup touché.

Pourquoi avoir pris quatre ans entre tes deux albums ?
En fait, j'ai beaucoup travaillé pour des pièces de théâtre. On m'a demandé une bande-son pour une pièce, qui m'en a amené une autre, etc. J'ai fait cinq créations au total, qui m'ont pris beaucoup de temps. Et puis j'ai construit un spectacle pour les 25 ans des Francos, j'ai composé aussi pour un court métrage, "Hiver" de Jon Fosse, avec Nathalie Baye, et "Quelqu'un va venir" du même auteur, "Je l'aimais " de Patrice Leconte, "Chien-chien" de Fabrice Roger-Lacan, avec Alice Taglioni et Elodie Navarre... J'ai mis un an à réaliser ce nouvel album "El". Mais je composais et j'écrivais aussi en même temps que les commandes de bande-son, parce que c'est une énergie dans laquelle tu es, il y a parfois des moments où tu vas faire beaucoup de choses en une seule journée (sourire). Et puis parfois tu composes quelque chose en pensant à une pièce de théâtre, et finalement ça ne convient pas, alors tu gardes l'idée pour une des tes chansons. Il n'y a pas de règle, et heureusement (sourire). Et pour mon prochain album je vais aller beaucoup plus vite, je suis bien plus prolifique. J'ai déjà commencé (sourire)...

Les chanteras-tu déjà sur scène ?
Peut être oui.

En première partie de ton spectacle !
(rires) Voilà, en première partie de mon spectacle.

Es-tu de guingois ? J'adore ce mot... comme tergiverser, engoncer...
Ah tu connais engoncer ? Je l'utilise beaucoup moi aussi. De guingois je ne connaissais pas, c'est Alysson Paradis, une de mes amis, qui me l'a expliqué un jour. On l'est tous de guingois. On a tous une faille, un pet de travers, un truc qui va pas. C'est pas grave, alors avançons... il faut accepter tout ça. C'est le film de Jaoui, « parler moi de la pluie, pas seulement du soleil ». C'est bien aussi la pluie, c'est la vie.

Être miel par exemple, est-ce péjoratif ?
C'est deux choses. Mielleux dégoulinant, trop attentif, trop attentionné. On m'a souvent reproché ce truc fou d'être trop gentil. Mais il le faut. Sauf bien sûr si on dépasse les bornes. Mais en communauté, il faut être gentil, il faut faire un effort.

un peu raté, un peu “gnan-gnan”
Pour finir, un mot sur ta participation à la comédie musicale "Dr. Tom ou la liberté en cavale" ?
J'adore Franck Langolff donc quand on m'a proposé ce disque hommage à Franck Langolff, j'ai été ravi. Norman Langolff et Gaby Concato avec qui il travaille, sont super doués, je les ai adorés. Sur le moment, sur le tournage je me suis éclaté, vraiment, je l'ai pris à la rigolade. Après, me voir avec un collier de chien, ça m'a moins amusé. La réalisation de l'émission est un peu raté, “gnan-gnan”, mais le disque est très bien.

Merci beaucoup Charles, merci de ta vraie gentillesse.
Merci à toi !

Découvrez un extrait de l'émission "Dr. Tom ou la liberté en cavale" (2010) :
Pour en savoir plus, visitez ours-lechanteur.com, ou son MySpace officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album d'Ours, "El".
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Visionnez le clip de Ours, "Le cafard des fanfares" (2007) :

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