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Aziz Baki, chorégraphe de Mylène Farmer : "Mon but ultime, c'est de sublimer Mylène"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Après nous avoir raconté son parcours dans une première partie, Aziz Baki, chorégraphe et danseur, se confie désormais sur son travail avec Mylène Farmer sur la résidence à Paris La Défense Arena en 2019 dans une interview exclusive sur Pure Charts : "Quand j'ai su que j'allais chorégraphié le show de Mylène, j'ai chialé".
Crédits photo : Bestimage
Retrouvez la première partie de notre interview avec Aziz Baki sur son parcours, ses débuts et sa rencontre avec Mylène Farmer, en cliquant ici !


Propos recueillis par Julien Gonçalves.

La suite pour toi avec Mylène Farmer, c'est sur la tournée "Timeless 2013" ?
Oui, après "Du temps", ils ont pris une autre équipe pour le clip "À l'ombre", et là c'est mon frère Mehdi Baki qui assiste le chorégraphe. Il travaille pour la première fois avec Mylène Farmer lui aussi à ce moment-là. Voilà, ça se passe, et quelque temps après on m'appelle pour être danseur sur la tournée "Timeless 2013", et lui aussi est appelé ! Personne ne fait le rapprochement avec nos noms de famille, ils s'en rendent compte lors des premières répétitions ! C'était bien marrant. Sur le show, on est danseurs, on a juste chorégraphié, mon frère, Manu Gouffran (un autre danseur, ndlr) et moi, une interlude de danse hip-hop où Mylène s'en va et les danseurs restent.

J'ai rarement senti des vagues de joie et d'amour comme ça
Quand tu montes sur scène pour la première fois avec Mylène Farmer, tu ressens cette intensité ? Avec les fans, l'ambiance et ce lien fort qu'elle a avec le public...
De fou ! C'était à Bercy. J'ai rarement vu, et pourtant j'ai bossé avec beaucoup d'artistes inter, et senti des vagues de joie et d'amour comme ça, de la part des gens. Et ça même dès le début du concert. Tu as l'impression que c'est un stade de foot ! J'ai été voir certains concerts de stars américaines et il n'y a pas cet engouement. C'est dingue ! Sur la dernière résidence à Paris La Défense Arena, j'ai casté des danseurs français et anglais, et à Londres, les gens ne savent pas forcément qui est Mylène Farmer. Je leur ai dit qu'ils n'étaient pas prêts pour ce qu'ils allaient vivre. A la fin de la première, tous les Anglais m'ont remercié, ils étaient impressionnés. A la fin de tous les concerts, ils m'ont dit que c'était la meilleure expérience de leur vie. Depuis, ils en ont parlé à Londres et plein de danseurs connaissent Mylène Farmer du coup.

Après la tournée, on te recontacte pour d'autres choses ?
Après "Timeless", elle s'efface, elle fait ses clips, soit elle nous appelle, soit elle ne nous appelle pas. Ils m'ont rappelé pour la promo de "Rolling Stone". C'est Mylène qui a fait la chorégraphie. Peu de temps après, quand j'étais sur "The Voice", j'ai eu le message de la prod et de Mylène pour que je chorégraphie le prochain spectacle.

Quand j'ai su que j'allais chorégraphié le show de Mylène, j'ai chialé
Comment tu réagis sur le coup ?
Tu chiales ! Littéralement. Tu sens quand les gens apprécient ton travail mais tu ne sais jamais si on va faire appel à toi à nouveau. Ils peuvent très bien passer à quelqu'un d'autre. Mais là j'étais très fier. J'avais de la pression forcément mais de la bonne pression. J'essaie toujours de la transformer en positif pour ne pas que ça me bloque. Mais dans ta tête, tu attends toujours qu'on te demande de chorégraphier un gros show... C'est grave kiffant !



Comment ça se passe ensuite concrètement ?
On a eu pas mal de grosses réunions et après tout s'est dispatché. On était trois chorégraphes : Mylène, Parris Goebel et moi. On a repris des parties d'anciennes chorégraphies. Le truc c'était de revisiter les chorégraphies. Qu'on arrive avec quelque chose de nouveau mais que les gens ne soient pas perdus pour autant. J'ai regardé les anciennes chorégraphies pour m'inspirer. Dès que j'ai appris la nouvelle, j'ai commencé à réfléchir, à bosser par ci, par là. Je ne voulais pas m'enfermer dans une salle pour finir la choré alors que les répétitions étaient dans trois mois.

Mon but ultime, c'est de sublimer Mylène
Tu as visité la salle avant j'imagine ?
Oui. A ce moment-là, je savais juste que j'allais faire le projet, on n'avait pas plus d'infos que ça. C'était longtemps avant, un an avant je pense. Je viens, avec toute l'équipe de TS3, on arrive là-bas, tu te rends compte que c'est un stade à l'intérieur quoi, il y avait le gazon pour le rugby. (Il me montre la vidéo qu'il a filmé ce jour-là sur son iPhone, ndlr) Je faisais moins le malin. Je me rends compte de ce que ça va être... Et le premier jour de répétitions à Paris La Défense Arena, quand les danseurs anglais ont vu la salle, tu aurais vu leur tête. Ils ne s'attendaient pas à ça. (Rires)

Quand tu crées tes chorégraphies, avec le cahier de charges, quelle est ta vision ?
Mon but ultime, c'est de sublimer Mylène. On est là au service d'une artiste pour la mettre encore plus en valeur. Qu'est-ce qu'on peut faire avec des chorégraphies pour mettre en valeur une artiste ? Déjà, l'inclure dans tes visuels, que ça ne fasse pas l'artiste devant et les danseurs derrière. Après là, c'est un peu plus facile parce que tu as des univers bien précis. Je voulais que ce soit très carré, très propre dans les mouvements, mais j'ai aussi mis pas mal de groove pour que ça respire un peu plus. Je me suis beaucoup cassé la tête sur les formations de danseurs, pour que ce soit surprenant, comme le fait d'avancer comme une armée sur la plateforme qui va au milieu de la salle, avec la Reine devant et nous derrière. Le plus compliqué pour un chorégraphe c'est que les gens ne se disent pas qu'ils ont déjà vu ça juste avant, que c'est le même tableau. Il faut que ce soit neuf, dans les mouvements, l'univers, l'attitude...

Quand on est entré sur "Rolling Stone", c'était fou
Quel a été le vrai challenge pour toi ?
Le truc où il faut que tu sois assez créatif, c'est le fait d'avoir 16 danseurs. C'est énorme ! Tu dois réfléchir à tes formations, à tes déplacements, tout seul, avant même que les répétitions commencent. Car tu n'as pas de rendu visuel. On avait été briefé sur l'univers bien sûr. On a eu pas mal d'échanges pour bien cerner ce qu'ils attendaient, ce que je pouvais leur proposer. Tu expliques ce qui va se passer, et ils arrivent à se projeter, ils ont l'habitude. J'essaie toujours d'instaurer une ambiance où tout le monde se sent à l'aise donc ça a toujours été très très cool. Mais c'est génial aussi de te dire que tu vas avoir 16 danseurs et 5 musiciens, que ça va jouer en live, que tu vas avoir des ears (des retours son, ndlr) car la salle est immense. Tu es obligé de les avoir sinon tu n'entends pas la musique. C'est compliqué pour un danseur de danser avec des ears, car ça te coupe du monde. Si quelqu'un passe à côté de toi, tu ne le sens pas, tu ne l'entends pas. Là, tu es dans ta bulle. Les gens on ne les entendait pas énormément, tu entends crier mais...

Et ça ne te coupe pas trop ?
Non, ils sont tellement excités ! (Rires) Au début, j'avais un peu peur de ne rien entendre mais en fait, dès la première, quand on est entré sur "Rolling Stone", c'est fou, ça vibre fort, tu as l'impression d'être un super héros. Et puis, il y avait de ça, on était son armée, c'était ça le thème.



Et tu participes un peu à la création du spectacle, vu que tes chorégraphies sont très importantes et s'intègrent dans l'univers ?
Non, moi je fais mes chorégraphies, mais de temps en temps, sur certains de mes tableaux, j'ai demandé à avoir des regards sur les lumières. Sur "Histoires de fesses" par exemple, pour la partie robotisée, un peu rappée, comme c'est un moment intemporel dans le morceau, j'ai demandé si je pouvais avoir une grosse bascule de lumières. J'ai demandé d'éteindre toute la salle, que nous on soit éclairé tout en rouge et que Mylène soit éclairée en blanc. Je voulais isoler ce moment dans la chorégraphie. Tu peux faire des demandes comme ça, soit c'est validé ou pas. Même avec Laurent Boutonnat, on a toujours parlé et discuté facilement, de manière très cool, pour centrer certains trucs pour le côté danse.

De garder le mystère jusqu'au jour J, c'est une pression supplémentaire ou un plaisir ?
Tant qu'il n'y a pas de premier rideau, on ne peut rien dire. Et je pense que tous les artistes devraient faire ça. Ça crée un engouement de fou. Même pour toi, c'est encore plus fou, rien n'a fuité, les gens ne savent pas.

Avec Mylène, c'est super fluide, et ça aide
Ton travail a été filmé pour le documentaire "L'ultime création". Est-ce que c'est plus difficile de travailler avec des caméras ?
De mon côté, j'avais tellement la tête dans le guidon... Mathieu Spadaro, le réalisateur, s'est présenté et il m'a dit qu'il serait un peu là, qu'il serait à côté de moi parfois et il m'a dit de lui dire si je le gênais. Le gars était tellement discret qu'on l'a même pas vu. Et ce qui est fou, c'est qu'il a fait ça tout seul ! C'est une machine Mathieu, c'est un génie. Pour te dire, il y a des images que j'ai découvert en regardant. Je ne savais pas que j'étais filmé. La séquence des chaussettes avec Mylène, ça m'est revenu en visionnant le documentaire. (Rires)

On sent dans le documentaire que vous êtes très complices avec Mylène...
Oui, complètement. Bah, on est des êtres humains. C'était super fluide, et ça aide. Avec elle ou une autre personne, c'est toujours un gain de temps pour le travail. Si la personne en face se retient ou n'ose pas dire... Sur des grosses machines comme ça, tu ne peux pas perdre de temps. Tu peux chercher des choses, être dans la créa, mais il faut quand même que ça avance.

C'est un autre exercice de préparer une chorégraphie pour un stade ?
C'est quand même différent. Moi, comme je te l'ai dit, j'ai le souci qu'il faut que tout le monde voit, même si là on a été aidé avec les écrans dans la salle. Dans la danse, tu peux travailler du détail, mais là ça va moins se voir donc il faut aller chercher le plus efficace visuellement. Dans tes formations, il faut que ce soit beau, précis. Avec Mylène, on voulait vraiment que ce soit le plus carré possible, on devait être son armée avec ce que ça implique dans les déplacements. On a eu des retours incroyables d'autres chorégraphes donc je crois qu'on a rempli notre contrat. C'était cool !



Tu n'as jamais vu le show en spectateur...
Non, mais je l'ai évidemment regardé en DVD. J'ai trouvé ça incroyable. Le plus fou, c'est qu'on a découvert ce qu'il se passait dans les écrans. Car jusqu'ici on ne savait pas, c'était dans notre dos ! (Rires) Chorégraphiquement, je savais comment ça allait rendre mais tu n'es jamais à l'abri, surtout dans des captations, de mauvais placements, un petit truc... Mais le plus ouf, c'était de voir le public. Quand la caméra est au fond de la salle, tu te rends encore plus compte du monde qu'il y avait. C'était fat !

Quel a été le plus difficile sur ce spectacle-là ?
Les plateformes ! Ça monte à 15 mètres de haut, tu as juste une barrière de sécurité. Ta chorégraphie elle marche bien quand tu es à plat mais dès que tu es là-haut c'est une autre histoire... Il fallait que je pense les mouvements à 360 degrés vu que ça tournait... On savait comment ça se passerait, mais la répartition devait être différente. On devait tous y être mais c'était trop compliqué, ça bougeait énormément, dès qu'on faisait un mouvement, ça rebondissait, c'était un peu flippant. Et puis même en termes de sécurité... J'étais sur la plateforme avec Mylène, on avait aussi ce truc de danser et de faire attention que tout se passe bien. Et on a eu très peu de temps pour tout mettre en place, surtout avec des contraintes techniques comme ça, donc ça a mis un peu de temps mais une fois que le résultat était là, c'était cool. C'était un vrai kiff de danser là-haut !

Tout le long, il y avait beaucoup de bienveillance
Avec du recul, qu'est-ce tu retiens vraiment de cette expérience ? L'exigence ?
L'exigence, je l'ai toujours eue. C'est vraiment plus le côté de travailler avec une équipe où c'est ultra positif, et où tout le monde a envie de faire un travail de qualité, du mec aux lumières jusqu'à François Hanss pour le film, à Laurent Boutonnant pour la mise en scène ou Anthony Suchet, le conseiller artistique. Christophe (Danchaud, l'ancien chorégraphe de Mylène Farmer, ndlr) est venu aussi de temps en temps pour voir si la passation était cool. J'ai beaucoup apprécié ça. Mylène n'avait pas changé de chorégraphe depuis longtemps... En fait, tout le long, il y avait beaucoup de bienveillance. Et en même temps, tu es là pour travailler, il faut faire le show. On avait tous envie d'être fiers !

Et vous teindre en roux pour le show, c'est venu comment ?
(Rires) Je ne sais plus comment c'est venu mais Mylène et moi, on en a parlé tous les deux. Pour renforcer le côté armée, on s'est teint la barbe et les cheveux comme elle. Moi, avec la longueur de barbe que j'ai... Les danseurs ont été mis au courant direct, ils n'avaient pas le choix. (Rires) Ça a apporté une petite touche en plus ! Ginger team !

Retravailler avec Mylène ? Avec plaisir !
Certains costumes étaient compliqués à porter pour danser ?
Non, Jean-Paul (Gaultier, ndlr) a l'habitude et a été très à l'écoute par rapport à ça. Avec Mylène, ils se connaissent bien, il sait ce que ça a implique. Les combinaisons qu'on avait sont très stretch donc c'était très léger. Pour certains danseurs, c'était plus de se retrouver en collant sur la scène... Et on n'avait pas de coque ! (Rires) Là, tu n'avais pas le choix, il faut être en forme physiquement. On était tous parti à la salle de sport en amont pour se fiter. Avec mon coach Nicolas, j'ai fait une vraie préparation physique. C'est un magicien ! Je voulais sécher pour être bien affuté, surtout avec ces combinaisons-là, être un peu plus tracé. Moi je danse un peu moins, je suis plus dans la direction artistique, il y a la nouvelle génération qui arrive, et c'est super. Il faut les voir ! En France, on a un vrai vivier.

Après un tel parcours, tu as un rêve ultime ?
Je n'ai pas forcément de rêve ultime, mais j'ai plein de passions, comme les baskets. Je suis un gros collectionneur, je dois avoir 350 paires. Un mec aux Etats-Unis a lancé un délire, il a démonté des Jordan, il a fait des patrons pour que tu puisses les faire toi-même. Pendant le premier confinement, un gars a suivi sa formation, et il m'a contacté pour qu'on fasse une collab'. Du coup, j'ai appris et maintenant je fais mes propres paires, j'ai une machine à la maison, dès que j'ai un peu de temps. Donc j'ai plein de trucs comme ça. Sinon, j'ai écrit pas mal de choses, que ce soit en concepts d'émissions de télé ou en spectacles. J'attends de rencontrer les bonnes personnes pour me suivre là-dessus quand le Covid sera parti.

Tu aimerais retravailler avec Mylène Farmer, j'imagine ?
Oui carrément ! Ce sera toujours avec plaisir.

L'interview d'Aziz Baki a été réalisée avant l'annonce de la tournée "Nevermore 2023" de Mylène Farmer.

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