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Lynda Lemay en interview : "Je ne veux pas m'aseptiser pour les radios"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Cette semaine, Lynda Lemay est de retour dans les bacs avec son nouvel album "Feutres et pastels". Avec le sourire et une verve qu'on lui connaît bien, la chanteuse a accepté de répondre aux questions de Pure Charts sur son image, la difficulté de passer en radio, la dance, les reprises, le racisme, le mariage pour tous, ses nombreux projets mais également le challenge de concilier carrière et vie de famille.
Crédits photo : JF Bérubé
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Vous revenez avec un nouvel album baptisé "Feutres et pastels", qui sort cette semaine. Ça vous fait quoi de faire votre rentrée comme si vous étiez une petite fille ?
C'est un peu l'effet que ça me fait, oui. C'est vrai que quand j'ai préparé cet album-là, je me suis replongée comme dans le passé, retour à la petite école, retour à la petite enfance, avec beaucoup de nostalgie. Donc retour des histoires passées aussi. Présenter cet album, qui a plein de touches très enfantines, c'est un peu ça qui donne la couleur de l'album. C'est très concept effectivement. Mes filles viennent juste de rentrer à l'école et je viens de finir de faire le décor du spectacle qui va être comme une salle de classe. J'ai un bon feeling par rapport à l'album, on l'aime beaucoup, on a bien travaillé, on a bien fait nos devoirs et maintenant on est prêts à recevoir nos notes. (Rires)

Et après autant d'années de carrière, vous avez encore un peu le trac à chaque sortie d'album, comme quand on arrive le premier jour dans une nouvelle classe ?
Oui, c'est sûr car on ne prend jamais rien pour acquis. J'espère que mes chansons vont encore plaire aux gens qui vont les découvrir, que ça va encore émouvoir, que je vais encore pouvoir faire sourire ou rire les gens sur d'autres thèmes. C'est sûr que sur un album studio, ce n'est pas là que l'humour prend le plus de place mais on a remplacé l'humour parfois par du rythme, parce que je voulais justement qu'il y ait de belles vagues d'émotions sur cet album-là. Comme on n'a pas la présence du public, où on entend les éclats de rires, on a remplacé par des orchestrations parfois un peu plus étoffées comme sur "Café" ou "Emmanuelle et le fils du roi du ciel", qui est un vrai délire, ou "Attendre son pays" qui, celle-là, est un peu plus engagée mais qui déménage musicalement. C'est un beau mélange de couleurs qui donne un beau tableau.

Concilier vie de famille et carrière, c'est un défi de tous les jours
En parlant de couleurs, vous n'avez sans doute jamais proposé de pochette aussi colorée et positive de toute votre carrière. Il y a ce petit cœur, les mots "Feutres et pastels", votre sourire. Pourquoi ce soudain regain d'optimisme ?
Je ne sais pas, je ne prépare jamais rien à l'avance. Je pense que ça va avec le titre "Feutres et pastels", évidemment. Je voulais que ça soit coloré tel que le titre l'annonce, et en même temps il y a le feutre qui est la couleur noir. Je vois mon feutre noir qui transperce les pages, qui va au cœur des émotions. C'est comme dans du "Coq à l'âme" (album de 2000, ndlr), le feutre c'est l'âme, le coq c'est le côté pastel. « OK, on a fait face aux problèmes, on sait qu'ils sont là mais maintenant on dédramatise, on en rit, on rit même des pires choses. C'est pas grave, la vie continue, on se sort toujours des plus mauvaises passes ». Ça, c'est à l'image de l'album, c'est à l'image de ma carrière je dirais même. J'ai toujours voulu parler de la vie telle qu'elle est, avec ses moins beaux côtés pour justement y faire face, être lucide, employer les mots qu'il faut pour vraiment décrire une situation de vie qui ressemble finalement à plein, plein de monde. Tout le monde se sent moins seul dans ses petits et gros problèmes. Et après ça, il faut être capable de rire, avoir de l'espoir et aller vers le plus positif et le plus ensoleillé.

Est-ce que c'était aussi une réponse à la crise ?
Pas vraiment. Dans le fond, j'écris des chansons pour me faire du bien, mon combat à moi, il est très personnel, j'essaie de trouver la façon de concilier vie de famille et carrière, c'est un défi de tous les jours et je pense que je ne suis pas la seule dans cette situation-là, dans la vie qui va vite. Je pense que toute la société, on se sent parfois un peu dépassé par les événements, on a des moments de vulnérabilité, de doutes, on se dit « Mais comment ils font les autres ? ». C'est dans cette idée-là que j'ai écrit "Comment ça va", où effectivement c'est un moment de vulnérabilité, d'essoufflement dans la vie d'une femme d'aujourd'hui, et ça fait du bien de la chanter, de l'écouter aussi. Souvent quand je me sens déséquilibrée, ce n'est pas à ce moment-là que j'écris les chansons, c'est après, donc il y a de l'espoir. Ça démontre que le moment de doute ne dure jamais trop longtemps.

Cette pochette, est-ce que c'est aussi une façon de moderniser votre image ?
Oh... non. Je suis toujours surprise de voir que mon photographe arrive à faire de ma face quelque chose de présentable parce que quand on approche de la cinquantaine... C'est pour ça qu'il y a une chanson qui s'appelle "La femme chauve-souris". Ce n'est pas comme la quarantaine. La quarantaine, on se dit « Oh finalement ça va ! », on est en pleine possession de ses moyens. Le cinquante, tu sens que le temps s'accroche à ton corps. C'est une surprise de voir qu'on a réussi à donner une image qui est remplie de la jeunesse dont je parle dans l'album. Une jeunesse qui est toujours là, qui fera toujours partie de moi, et qui j'espère transparaitra toujours, même si le temps passe. Comme tout le monde, je vieillis, mais cette jeunesse est palpable sur l'album. Je voulais qu'elle soit palpable sur l'image.

L'émotion a toujours été mon guide
C'est réussi. D'ailleurs, en lisant le titre de l'album, on s'attend à un disque à l'univers enfantin. Vous avez déjà souvent chanté l'enfance, l'instinct maternel. Et c'est votre treizième album. Comment on fait pour ne pas tourner en rond ?
Il ne faut pas se poser trop de questions, il faut se faire confiance. Si jamais j'ai envie de parler de la relation père-fils, comme dans "L'architecte", là où je me renouvelle, ce n'est pas par le sujet car j'ai déjà abordé la relation parent-enfant, mais je n'ai jamais parlé de cette espère de recherche de la fierté de son parent. Quand on ne l'a pas et qu'on ne l'a jamais, ça ne veut pas dire que le père n'a pas été fier de son enfant, c'est que l'enfant n'a jamais senti la fierté de son père ou que son père n'a jamais été capable de lui dire. Donc il y a eu un manque dans la communication. C'est quelque chose qui est tellement répandu. Ça peut faire que des gens vont avoir des choix de vie qui vont être différents de ceux qu'ils auraient fait s'ils avaient été encouragés. Je pense que c'est un thème qui est important. Même si je me dis que c'est encore une relation parent-enfant, ou mère-fils dans "Quand j'étais p'tit gars", je ne vais pas m'empêcher de le faire car pour moi ce sont des histoires complètement différentes.

Mais en treize albums, vous auriez pu vous répéter sur le sujet. Cependant, vous arrivez à trouver toujours un autre angle. Ça vient naturellement ?
Si je commençais à comparer la chanson en construction avec les chansons que j'ai déjà faites, si je me mettais à étudier pendant la création, ça tuerait complètement l'inspiration. Je me fais plaisir, je laisse aller avec l'émotion. L'émotion a toujours été mon guide et c'est encore le cas pour cet album-ci. Dans "Quand j'étais p'tit gars", je repense à moi quand j'étais petite fille, ce sont des choses que j'ai envie de dire à ma mère. Mais elle le sait de toute façon, on a vraiment une bonne communication dans la famille. On est très proche les uns des autres. Il y a quelque chose là-dedans qui me touche. Quand on est enfant, on ne se rend pas compte. C'est plus tard qu'on réalise l'ampleur, l'exigence que c'est d'être parent. Quand on le réalise, c'est important d'être capable de le dire quand nos parents sont encore là pour entendre nos mots d'amour, je trouve ça bien. Pour certaines personnes, ce n'est pas facile à dire alors parfois mes chansons servent aussi à ça.

Comme l'un de vos premiers titres "Le plus fort c'est mon père"...
Oui, elle a été offerte en cadeau à plein de papas, c'est fou. J'ai souvent des commentaires là-dessus. Encore hier, José Garcia m'a dit qu'il avait reçu ça de sa fille et que ça l'avait vraiment beaucoup touché donc tu vois... A chaque fois, je me dis « Wow, la chanson a encore voyagé, a encore touché de nouvelles personnes au bout de tant d'années ». Moi j'ai écrit ça juste pour me faire plaisir, pour mes parents à moi, et puis elle a touché, elle est chantée par les jeunes dans les concours. C'est très touchant. Alors, si ces chansons-là, je ne leur donne pas leur chance de naître... Moi je les aime, je les chante, ça m'émeut, ça vient me chercher, alors je me fais confiance.

Découvrez Lynda Lemay en studio pour "L'architecte" :



Vous évoquez depuis toujours dans vos chansons ce lien particulier qui unit un enfant à ses parents, vous revenez là encore sur cet album sur l'approbation que l'on cherche de ses parents, leur fierté. Vous en avez souffert à un moment de votre vie pour en parler autant ?
Non, au contraire. Je suis consciente de la chance que j'ai eue, d'avoir des parents qui ont cru en moi dès que j'ai commencé à écrire. Tout de suite, les premiers poèmes, ils s'arrêtaient et ils lisaient, ils me félicitaient, ils m'encourageaient. Quand j'ai commencé à faire mes premières chansons, ils étaient les premiers à avoir les larmes aux yeux. Je ressentais leur fierté à tous les deux. Ils sont encore ensemble d'ailleurs. Cinquante ans de mariage. Ce sont de bonnes personnes, ils sont généreux, à l'écoute de leurs trois enfants.

Quand on a des titres très populaires comme "Le plus fort c'est mon père" ou "Les souliers verts", est-ce que ça ajoute une pression quand vous écrivez de nouvelles chansons ?
Il faut leur laisser le temps aux chansons. "Quand j'étais p'tit gars" ne deviendra jamais "Le plus fort c'est mon père" dans les deux ans qui viennent. Parce qu'il faut un certain nombre d'années. Celle-ci, je l'ai mise sur un album puis sur d'autres albums, sous d'autres orchestrations, je l'ai toujours chanté dans mes spectacles. Je lui ai donné la chance de vivre beaucoup. Donc, pour les nouvelles, on le saura dans vingt ans. (Rires)

Je voulais arriver avec un album studio dont je serais fière
On ressent vraiment un retour aux sources, à ce que vous avez fait de meilleur, avec de très belles ballades notamment. Vous avez écrit et composé différemment sur ce disque que sur les derniers ?
Comme ce n'est pas un album live et que plusieurs des derniers étaient des albums enregistrés en live, où l'humour venait faire des vagues d'émotion, je me disais que je voulais faire un album studio, quelque chose de bien orchestré, avec des violons qui allaient nous transporter, nous donner des frissons, comme un peu dans "Du coq à l'âme". Je voulais arriver avec un album studio dont je serais fière. Je repense à l'album "Y" (sorti en 1994, nldr), à "Du coq à l'âme". Je voulais que ce soit à la hauteur de mes beaux albums studio. Quand je l'ai créé, je sentais que je m'en allais dans cette direction-là.

Comment s'est passé le studio ?
Toute la période studio a été vraiment géniale, il n'y pas eu de conflits, j'étais entourée de tous mes complices de toujours, notamment Yves Savard, qui était là à l'époque justement de "Le plus fort c'est mon père" en 1994.

Est-ce que la sortie du best-of a psychologiquement libéré quelque chose en vous et vous a donné un nouveau souffle ?
Oui, peut-être. Dans la première chanson, je chante « Il faut tourner les pages, ré-apprendre à voler ». Il y a eu le best-of, retour en arrière. Peut-être que les choses auxquelles j'ai eu le temps de réfléchir, pendant la période de trois ans sans album de chansons inédites, ça m'a permis de me ressourcer, de repartir à neuf. C'est le début de quelque chose et non pas la fin.

Je ne veux pas m'aseptiser pour les radios
A chaque sortie d'album, votre public achète votre disque et vient vous voir sur scène, c'est comme un rendez-vous. Mais le problème principal reste les passages radio...
Oui, je ne tourne pas beaucoup à la radio, moi.

Est-ce que vous avez pensé à vous aseptiser un peu pour les radios ?
Non. (Rires)

On vous l'a proposé ?
Non, mais je ne veux pas le faire. Je ne pense pas de toute façon que ça me nuise de ne pas passer à la radio. Au contraire. Parfois, ça protège un peu les chansons, les chansons qui sont belles, si ça tourne vraiment beaucoup, beaucoup. Je ne dis pas que je ne veux pas tourner, s'il y en une qui tournait, je m'en sacrerais, en bon québécois, que les gens finissent par se lasser à force de l'entendre. Je me dirais que ce n'est qu'une chanson, ce serait merveilleux que ça tourne beaucoup. Mais en même temps, le fait que ça ne soit jamais arrivé, par exemple avec "Le plus fort c'est mon père", ça fait que quand les gens se déplacent pour venir l'entendre sur scène, c'est comme un privilège. Ce n'est pas « Oh non, pas celle-là, pas encore ! ».

Même pour vous, peut-être aussi...
Oui, même pour moi. Je ne suis pas lassée d'entendre une chanson en répétition. C'est toujours nouveau dans l'interprétation. Donc, il y a un côté positif et un côté négatif, parce qu'effectivement si ça tourne à la radio, les albums peuvent se vendre beaucoup mieux. Surtout que ce n'est pas une période facile pour les ventes d'albums. Ça aiderait à ce niveau-là, et même pour gagner ma vie. Je n'ai pas de problèmes, je gagne très bien ma vie mais c'est toujours une sécurité.

Faire de la dance ? Ça ne ferait pas plaisir à mes fans
Sans tomber dans l'excès, vous avez pensé parfois à intégrer des touches plus modernes à vos chansons ? C'est la grande mode de la dance. Vous vous moquiez d'ailleurs de ça sur scène durant votre dernier Olympia en campant une popstar décérébrée...
(Rires) Les touches les plus modernes, c'est à peu près ce que j'ai mis sur cet album. Comme sur "Café". Les gens peuvent l'entendre et ne pas se dire « C'est du Lynda Lemay ». C'est autre chose, ça va un petit peu ailleurs, mais ça reste fidèle à ce que je suis quand même. C'est un peu fou, c'est comme une description de quelqu'un d'excessif, c'est exagéré totalement. Cette chanson, c'est comme un train, avec l'harmonica qui s'en vient habiller ça de façon extraordinaire. Donc, non, ce n'est pas moderne, on est loin de la techno mais je n'ai pas envie. Je ne veux pas me forcer à faire quelque chose. Si je ne le sens pas, je ne le fais pas. Peut-être qu'un jour j'aurais envie de le faire et qu'on en rira bien ou on dansera bien, mais ça me surprendrait beaucoup que Madame Lynda à 60 ans, elle se mette à faire de la dance. Je ne pense pas que ça ferait plaisir à mes fans. (Rires)

Le single "Je tourne, je tourne" est lui aussi assez différent de ce que vous avez pu proposer en single. Vos derniers étaient "Pas un mot", " Une mère"… Des chansons assez tristes. Vous aviez envie de revenir avec quelque chose de plus gai ?
Ça, c'est plus une décision de la compagnie de disques. Mais moi j'étais d'accord. Si je n'avais pas été d'accord, j'aurais dit « Non, non, non, non, on ne sort pas ça ». En même temps, quand je regardais tous les titres de mon album, la possibilité que ça tourne, c'était à peu près celle qui était le plus dans le format, elle dure deux minutes. C'est idéal. C'est fidèle à ce que je suis, c'est fidèle à l'album, c'est enjoué. Et, en même temps, c'est un peu différent de ce que je fais d'habitude. Au départ, elle ne devait pas être sur l'album et puis, le dernier jour de studio, il était minuit, j'ai dit aux gars « Mais non, on devrait la faire. Ce serait pas compliqué. Il n'y a que cinq accords. On devrait l'enregistrer et on voit après si on la garde ». Spontanéité, encore une fois, on a décidé de la faire pendant cette dernière heure de studio qu'on se permettait d'avoir. Et finalement, ça a donné le premier extrait.

Découvrez le clip "Je tourne, je tourne" de Lynda Lemay :



Vous n'avez jamais fait de reprises à proprement parler sur vos albums. En ce moment, c'est une véritable tendance en France, quitte à aller jusqu'à l'overdose. Avez-vous déjà eu l'idée de faire un album de reprises ou une demande de votre maison de disques ?
J'ai tellement de mes chansons que je n'ai pas le temps d'enregistrer que si ça m'est déjà passé par la tête, et là il ne me vient pas d'exemple, ça a été vite balayé parce qu'il y avait trop de nouvelles chansons à faire découvrir aux gens. De toute façon, c'est sûr, je ne suis jamais à l'aise dans les interprétations car je ne me suis jamais considérée comme une chanteuse, comme une interprète. Je le suis quand ce sont mes propres chansons, mais je deviens vite paranoïaque s'il faut que j'interprète les chansons d'autres artistes. Quand j'ai le choix, je préfère faire mes chansons et je trouve que ma voix fait ce qu'il faut dans mes chansons mais je ne suis pas toujours capable d'atteindre les notes que quelqu'un tient là-haut.

Vos chansons sont taillées pour votre capacité vocale, j'imagine...
Je construis mes chansons en fonction de ce que ma voix est capable de faire. Si tu remarques, dans mes chansons, si ça monte, ça redescend tout de suite après. Je ne suis pas capable de tenir la note en haut avec un trémolo. (Rires)

Un album de reprises de mes chansons ? Go !
Et si la jeune génération faisait un disque de reprises de vos chansons comme c'est le cas avec Jean-Jacques Goldman, ou Jenifer avec France Gall ?
Ça doit être touchant pour l'auteur-compositeur. Ah oui... Ils peuvent le faire. Si c'est la mode, OK, je leur donne le "go !". (Rires)

Vous aimeriez avoir un droit de regard sur le projet ?
En général, je laisserais pas mal de liberté. Je ne suis pas du genre à dire « OK, il faut que ce soit comme ça ». Si c'était complètement raté, je serais tannée mais j'accepterais. (Rires)

Pour revenir à votre nouvel album, dans "Cagoule", vous évoquez le racisme. Vous vous sentez l'âme d'une artiste engagée ?
Non. Quand j'écris sur un thème comme ça, c'est que les mots, les premiers mots me viennent avec la musique et que ça me guide vers cette histoire-là. Je n'étais même pas préparée à parler de racisme. Ça vient d'une confidence d'une amie qui a vécu ça parce que son copain est noir, elle s'est pris en pleine face que c'est encore à ce point-là, il y encore des gens qui font preuve de racisme, de commentaires épouvantables. On peut encore se faire refuser l'entrée dans un bar en plein Montréal pour la couleur de sa peau ! C'est un peu cette surprise-là... C'est vrai, on ne se rend pas compte mais il y a encore partout des gens racistes, alors qu'on pense être dans une société évoluée. Je n'ai pas la prétention de penser : « Ma chanson va tourner et ça va régler le problème de racisme dans le monde ». On s'entend que non. Mais en même temps, si ça peut provoquer des discussions sur ce sujet-là et faire avancer le petit peu que ça peut avancer. Parfois, le rôle d'une chanson est plus fort que ce qu'on peut imaginer. On verra ! Si, en attendant, elle peut faire taper du pied les gens un petit peu, c'est déjà ça !



C'est important pour vous d'évoquer des thèmes de société ?
J'aime bien être lucide, savoir ce qu'il se passe autour de moi. Après ça, on peut réagir à ces réalités-là qui nous entourent et essayer de rendre les choses meilleures, un petit peu.

Vous aviez déjà évoqué le mariage pour tous dans votre titre "Les deux hommes". Dernièrement, Alain Delon a qualifié ceci de "contre nature"...
Il a dit ça ?

Oui... Comment vous réagissez quand les gens viennent vous voir pour vous dire que vos chansons ont changé quelque chose dans leur vie ?
Ça me touche énormément. Mais, comme je dis, je n'ai pas la prétention de penser que les chansons peuvent faire une vraie différence. En même temps, si ça fait une mini-différence pour ces personnes-là qui sont venues me voir, me dire : « Merci, parce que quand j'ai fait jouer "Quand j'ai rencontré Marie" à mes parents, c'est là qu'on a été capable d'en parler ». Parler d'une relation homosexuelle à ses parents, ce n'est pas toujours facile à faire, même aujourd'hui. Quand je me rends compte que mes mots peuvent être utilisés, même si ce n'est que dans cinq familles que ça a fait une différence, c'est quand même une petite différence qui est grande pour ces gens.

Quand j'écris une chanson, je fais attention à ce que je dis
Et pour revenir aux propos d'Alain Delon, quand on est une personnalité, vous pensez qu'on a une responsabilité dans nos propos ?
Oui. Moi je sais que quand j'écris une chanson, je fais attention à ce que je dis parce qu'on a une responsabilité quand même. Si je dis quelque chose de choquant ou qui juge quelqu'un... Dans mes chansons, c'est très rare que l'on sente un jugement. Même dans "Les deux hommes", je ne juge pas, c'est ma façon de voir la situation. Ça peut arriver comme ça. Mais quand même... Comment peut-on être convaincu qu'il ne faut pas que ça existe ? Moi dans ma tête c'est toujours du cas par cas, si deux personnes s'aiment, même un homme ou femme, ça ne veut pas dire que ça va marcher. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de violence dans ces couples-là, que ça va être parfait et qu'ils vont être bons pour les enfants. Même chose pour deux hommes ou deux femmes. Je ne vois pas comment on peut s'opposer à ça. Je ne me l'explique pas. Mais bon, tout le monde est différent.

Dans une précédente interview pour Pure Charts vous disiez "D'habitude, j'ai toujours six projets d'avance". C'est toujours vrai ?
(Rires) Oui ! J'ai tellement... Je n'arrive pas, ça va tellement vite. Là, juste de faire mon spectacle, m'occuper de ma famille surtout, de faire la promotion de l'album... Je voudrais bien sortir un recueil de textes, je voudrais bien continuer ce que j'avais commencé à écrire de début d'autobiographie. J'ai des projets amorcés ici et là. J'ai l'album de "chansons interdites" que je voulais sortir aussi. Je n'ai pas oublié ! C'est vraiment le manque de temps. Tant mieux si je vis jusqu'à cent ans, si ça me laisse le temps d'accomplir plein, plein de choses que je rêve de faire. Faire une tournée sur un bateau. J'en ai des rêves ! Je ne m'empêche pas de rêver beaucoup parce que plus on rêve, plus on réalise des choses. Parfois, ça prend du temps... Mais il ne faut pas oublier nos rêves.

Je pourrais sortir un album par an
Dans la chanson "Café", vous revenez sur le fait que tout va très vite, que l'on doit aller toujours plus vite. Beaucoup d'artistes font maintenant un album par an pour ne pas se faire oublier. Vous pourriez être de ceux-là ?
Je pourrais. Je l'ai même fait pendant plusieurs années, c'était presque tous les ans ou tous les deux ans maximum. Oui, je pourrais le faire encore. Mais pas actuellement. Je vais avoir besoin de m’imposer des vacances, de m'imposer de me maintenir en forme. A un moment donné, il faut faire attention à sa santé. Même si c'est du bon stress, le stress ça peut être difficile pour le corps.

Et faire un album par an, ça ne nuit pas à la créativité, selon vous ?
Ça dépend. Quand on est en feu... Quand on est un artiste, parfois on a des périodes où on est fou, on est connecté, tout est facile, tout vient. Donc si on sent qu'on est dans une période comme ça, il n'y a pas de problème. Si on ne sent pas inspiré et qu'on se force à produire quelque chose qui ne doit pas être produit, ça va s'entendre tout de suite. Ça va se sentir qu'on a pas eu de plaisir à le faire, qu'on a été poussé juste pour rester là. On ne peut pas tromper le public, impossible. Ça se sent tout de suite. Il faut choisir des chansons qu'on a envie de chanter, et là ça devient contagieux.

Vous disiez tout à l'heure que des candidats de télé-crochet reprenaient souvent vos chansons. On vous a déjà proposé de devenir coach ou jurée dans ce genre de programme ?
Non. (Elle réfléchit) Je ne pense pas qu'on me l'ait déjà proposé. Mais c'est drôle, ma famille me dit toujours : « Toi je te verrais comme juge à "The Voice" ». Mais je ne pourrais pas ! Les gardiennes qui travaillent chez moi savent à quel point c'est de l'organisation, que ça me demande un travail de tous les jours d'organiser la vie de tous, pour que ça marche, pour que tout le monde soit heureux, pour que mes filles aient leurs livres quand elles ont des cours de ci, de ça. Et puis moi il faut que j'aille faire des périodes de tournées à l'extérieur du pays. C'est un casse-tête majeur. Comment tu voudrais que j'ajoute une tâche comme ça ? Je pense que si je n'avais pas été maman, ou peut-être plus jeune, je l'aurais peut-être fait.

Donner des conseils ou critiquer des débutants, ce n'est pas un peu délicat ?
Oui, en même temps, donner des conseils ou mettre en scène quelqu'un d'autre, j'ai essayé de le faire, je l'ai fait une fois, pendant "L'opéra folk" (sa comédie musicale "Un éternel hiver", ndlr). Mais j'avais tendance à ne pas trop guider, je fais confiance aux personnes. Je n'ose jamais penser que mon idée va être meilleure que la leur. Je fais toujours plus confiance de les faire se mettre en valeur eux-mêmes, de croire en ce qu'ils ont de fort et de laisser ressortir ça. Il y a un côté bon là-dedans et parfois ils voudraient se faire encadrer un peu plus, mais je ne suis pas bonne là-dedans. Je n'ai aucune autorité.

Mettre un terme à ma carrière ? Impossible
On sent bien que c'est difficile au quotidien de gérer votre vie professionnelle et familiale. Vous avez déjà pensé à faire un break ou même à mettre un terme un votre carrière pour cette raison ?
Non, parce que ça me manquerait trop. Je suis trop accro à la scène, à ces rendez-vous. Je l'ai bien expliqué, je pense, dans la chanson "Entre les deux paradis". C'est une déclaration d'amour au public où j'expliquais comment je conciliais ça, ou comment je tentais de le faire avec ma famille, à quel point les deux font partie de moi. Je ne peux pas dire que je vais m’amputer d'une de ces deux parties-là. Je ne peux pas mettre ma famille de côté, ni ma carrière. La maman que mes filles ont, c'est une chanteuse. Si on me déconnecte de mon inspiration, on me déconnecte de ma joie de vivre. Ce n'est pas dans mes projets. Mais, comme je le disais, il va falloir que je trouve une façon de ralentir le rythme.

Vous reviendrez en France pour une tournée l'an prochain. A Paris, ce sera l'Olympia pour trois dates en juin. Pourquoi choisir toujours cette salle. Pour le prestige ? Par habitude ?
Par habitude. Je m'attache, moi. Chez nous, il y a le même décor depuis à peu près vingt-ans. Je n'ai pas changé la peinture du salon, rien. Je ne veux pas déménager. Mon bord de fleuve, je veux mourir avec. L'Olympia, c'est devenu ma maison de spectacle à Paris, mon pied-à-terre. C'est là. S'il faut que j'aille ailleurs, même si ce sont des belles salles, j'ai déjà fait le Casino de Paris, mais non... Ca me ferait... Mais non, mon rendez-vous à l'Olympia ! Je suis un peu conservatrice sur certaines choses.

Vous pensez déjà au prochain album ?
Il y a quelques titres qui sont déjà là, que je n'ai pas eu le temps de mettre sur cet album-là, qui est assez plein comme ça avec 17 chansons. Mais il y a des titres qui commencent à s'accumuler donc ça donne déjà un petit avant-goût. Mais j'essaie de ne pas trop m'avancer parce que si je me mets à trop y penser, je vais avoir envie de le faire !
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