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Lara Fabian : "Dire qu'on craint l'échec, c'est en quelque sorte le provoquer"

De retour en France après plusieurs années d'absence et un exil russe, Lara Fabian dévoile cette semaine son "Secret". C'est le titre de son nouvel album, riche de 17 titres, 17 histoires qui nous renvoient aux épreuves auxquelles on a tous pu un jour être confronté, sur des mélodies en grande partie signées Janey Clewer, avec qui la chanteuse forme un véritable tandem. De retour sur le devant de la scène, Lara Fabian se confie sur ses doutes et quelques-unes de ses faiblesses, dévoilant entre les lignes ses forces. Rencontre.
Crédits photo : DR.
Propose recueillis par Jonathan Hamard

Vous avez été absente pendant plusieurs années. On pourrait presque parler d’exil russe depuis la sortie de l'album "Toutes les femmes en moi" en 2009. C'était nécessaire ? Aviez-vous besoin de partir loin pour trouver de nouvelles inspirations et travailler sur d'autres projets ?
Lara Fabian : Oui. C'est une porte qui s'est littéralement ouverte. C'était aussi une opportunité qui collait parfaitement avec le fait que je venais de devenir maman et que j'avais arrêté de faire de la musique depuis un petit moment. C'était l'occasion de remettre un pied sur scène, de réécrire de nouvelles chansons. Et puis, travailler avec d'autres personnes dans une autre atmosphère. J'ai donc cueilli cette opportunité comme une ouverture sur ma carrière vers d'autres contrées, d'autres pays...

Vous comptez continuer votre carrière en Russie ?
Oui. Absolument. Je suis d'ailleurs en train d'écrire un nouvel album.

Ça fait vingt ans que je me bats pour la même chose
Qui bénéficiera cette fois-ci d'une sortie française ?
Je ne pense pas que ce sera un disque uniquement destiné au marché russe. Mon disque "Mademoiselle Zhivago" est sorti en France aussi. De manière plutôt confidentielle, c'est vrai. Il est sorti dans un coffret collector avec un DVD. C'était vraiment une carte postale de ce que j'avais fait, à la requête des fans.

Et puis, il y a le film "Mademoiselle Zhivago", signé Alan Badoev. Un projet surprenant, avec lequel on vous découvre des qualités qu'on ne vous connaissait pas. Le cinéma, c'est un rêve de petite fille ?
Vous avez découvert la comédienne. J'adorerais faire du cinéma et jouer dans d'autres films, mais comme vous le savez, en France, on est étiqueté. Quand on est chanteuse, dans la tête des réalisateurs, on peut difficilement être autre chose. J'espère que ce film permettra aux personnes qui pensent à moi pour leurs projets, et qui y mettent un bémol parce que je suis chanteuse, de se dire que je suis aussi comédienne. J'espère que ça servira de teaser, de présentation de ce que je sais faire.

Le quotidien Le Parisien a récemment consacré un article à votre succès en Russie. Il a annoncé d'énormes chiffres : 800.000 albums vendus. Ça paraît presque incroyable compte-tenu du marché là-bas.
Ce sont le chiffres que m'ont donnés mes producteurs russes qui ont sorti l'album. Est-ce qu'un artiste comme moi peut confirmer ce que les distributeurs disent ? Je ne crois pas (sourire). Je vous avoue que quand on m'a dit ça, j'ai été stupéfaite également. Mais j'ai vu qu'on a rempli des salles de spectacle de 4.000 personnes pendant trois ans. J'ai chanté dans un Kremlin sold out pendant six ou sept soirs d'affilée. Pour moi, il y a une pertinence entre les chiffres de ventes de disques et le nombre de billets vendus. En même temps, on sait que le marché russe est en proie au piratage, avec beaucoup de téléchargement illégal. Donc le succès est difficilement quantifiable. Je pense qu'on m'a dit la vérité. J'espère que c'est vrai en tout cas (rires)...

Ça m'est arrivé de craquer complè- tement sur une femme
Et cette année, vous revenez un album en français, "Le secret". Le premier single "Deux ils, deux elles" passe en ce moment en radio. On a également eu droit à un très joli clip, qui prend partie dans le débat qui divise sur la question du mariage pour tous. Ne craignez-vous pas d'être taxée de surfer sur l'actualité politique pour ce comeback ?
Vous vous souvenez que j'avais chanté un titre qui s'appelait "La différence" il y a quelques années ? Je pense avoir répondu à votre question... Ça fait vingt ans que je me bats pour la même chose. Et j'ai presque envie de dire que, malheureusement, j'ai écrit une chanson qui en parle encore aujourd'hui.

Le vote solennel qui aura lieu à l'Assemblée Nationale la semaine prochaine, c'est une victoire pour tous les homosexuels, une victoire du droit sur l'inégalité, une victoire pour la famille ou tout simplement la victoire de l'amour ?
Pour moi, c'est la victoire de l'amour. Moi, je ne défends que ça. C'est l'amour pour tous que je prône, et pas seulement le mariage pour tous. Mais l'amour pour tous, c'est aussi l'idée que, derrière le mot amour, on puisse mettre pour chacun les mêmes droits. C'est à ce moment-là qu'on pourra véritablement dire que l'amour gagne. Une victoire sur une forme d'intolérance et de sectarisme.

N'avez-vous pas été par moments choquée par certains propos tenus par les opposants à cette réforme ?
Si, bien sûr. Je vous avoue que j'ai du mal à comprendre les argumentations des opposants. Si je prends un peu de recul sur tout ce qui a pu être dit et tiens compte des arguments qui ont été avancés par les opposants, je comprends une chose. C'est que ces personnes-là ont peur. Ça les déstabilise dans des croyances absolument fondamentales. C'est, d'une certaine manière, remettre en question toutes ses croyances sur toute une vie, tout ce sur quoi on a établi nos principes, nos préceptes... C'est en ça que j'arrive à regarder les choses avec plus de clémence et me dire : "Voilà, c'est simple, tout ce qu'on te dit depuis que tu es tout petit, tout d'un coup vole en éclat, que deviennent tes repères ?". C'est le seul argument que je puisse comprendre. Je dis "argument", mais ce n'est même pas une argumentation ! Ce que je veux dire, c'est que c'est la seule raison qui puisse m’apaiser au regard de la violence que je vois aujourd'hui.

Comme vous l'avez rappelé à juste titre, ce n'est pas la première fois que vous chantez l'amour gay et lesbien. Avez-vous, vous-mêmes, été touchée un jour par le cœur d'une autre femme ?
Moi, je suis touchée par le cœur des êtres. J'ai toujours dit que si l'être qui m'avait conquise était une femme, au sens de l'âme qu'elle est, j'aurais été l'amoureuse d'une femme. Mais il se trouve que tous les êtres qui m'ont conquise les uns derrières les autres, sont des hommes. Peut-être parce que je suis suffisamment yin pour avoir besoin d'un contrepoids qui soit yang. Allez savoir ! Ça m'est arrivé de craquer complètement sur une femme, au sens de l'être qu'elle était, sans avoir en face de moi la correspondance non plus. Je ne suis absolument pas fermée à l'idée qu'on puise aimer, point, un être, point (sourire).

L'inceste, les désordres alimentaires et les trahisons font partie des impacts de la vie
La sexualité, vous l'évoquez également dans la première chanson qui donne son titre à votre nouvel album. Vous parlez d'inceste. C'est quand même brutal comme thème d'ouverture pour un disque.
Cet album, c'est un voyage qui va de tragédie en acceptation jusqu'à résilience, qui parle des impacts de la vie les plus durs, traduit nos réactions face à ces impacts et explique comment on s'en sort. L'inceste, les désordres alimentaires et les trahisons font partie des impacts de la vie. Et commencer cet album avec cette chanson, c'était dévoiler l'un des secrets les plus douloureux de l’humanité.

Peut-on envisager que vous preniez part au débat sur d'autres sujets de société à l'avenir ?
Je le ferais si les choses me bouleversent et que je ressens le besoin d'éveiller quelques consciences avec la douceur et la légèreté de la musique.

Regardez le nouveau clip "Deux ils, deux elles" de Lara Fabian :



"Le secret" a été pensé comme un projet musical mais aussi visuel. L'image est parfois énigmatique, comme celle qui recouvre la pochette. Vous n'apparaissez pas sur ce disque.
Non, ce n'était pas nécessaire. Le symbole était plus fort que mon visage.

Et, à l'inverse, on découvrait cette semaine la Une du magazine Gala, qui a beaucoup fait parler. Vous y apparaissez totalement nue. C'est déroutant...
Oui, mais il y un vrai thème autour de ça. Je n'apparais pas nue pour être nue. On raconte une histoire autour de cette nudité. En fait, ce n'est pas "à l'inverse". C'est le travail d'un artiste qui dévoile quelque chose qui lui tient à cœur, et qui en fait parle ce cette mise à nu dans un espace serein et confortable. Le sigle qui est sur la pochette de cette album, qui est un Ensō japonais, raconte le retour au centre. Il traduit la paix intérieure, la sérénité... Le bonheur en soi simplement retrouvé. La Une de Gala est le reflet en images de cette intériorité, de ce bonheur retrouvé.

En d'autres termes, vous dîtes que vous êtes aujourd'hui pleinement épanouie ? Que vous touchez du doigt le bonheur ?
Oui, mais j'y travaille tous les jours (sourire). Ce n'est pas un accident. Je ne suis pas touchée par la grâce. J'ai compris un certain nombre de choses qui font que tous les jours je travaille à garder cette paix et ce sens de la perspective. Mais on peut dire que jour après jour, jusque-là, j'y suis plutôt bien arrivée.

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Sur cet album, vous avez signé les textes, comme presque toujours. Les musiques sont l’œuvre de Janey Clewer. "Le secret", c'est aussi l'histoire d'un tandem ?
Oui, c'est vrai que "Le secret" est, comme vous le dîtes, l'histoire de notre tandem. Il y a aussi Flavien Compagnon et Giora Linenberg qui ont travaillé sur trois chansons. C'est vrai que c'est l’histoire de Janey et moi, d'une amitié qui dure depuis 23 ans. Elle avait écrit un titre sur mon tout premier album, "Pure", "Je t'appartiens", et puis un autre sur l'album "Nue", "Bambina". Ça fait donc très longtemps qu'on travaille ensemble et on avait vraiment le désir de créer quelque chose ensemble.

"Le secret", c'est la somme de toutes mes amours musicales
"Le secret", c'est 17 titres répartis sur un double-album. Il y a un titre ("Kalpataru") qui fait 6 minutes 32. Vous aviez envie de vous affranchir des cadres habituels de la création ?
Vous savez, il est difficile de raconter une histoire en se limitant au minutage. On crée un espace musical et sonore dans lequel l'histoire véritablement existe et se développe. Et là, parfois, vous avez raison, ça déborde de ce qui est "formaté" ou "codable". Mais dans ce cas-là, je ne pouvais pas faire autrement.

Quitte à rendre plus difficile le passage de ces titres en radio ?
Je crois que dans certains cas, c'est un compromis qu'on ne peut pas faire. Après, il y a des chansons que l'on peut tout à fait éditer, et qui restent cohérentes malgré tout.

Sur le plan musical, ce nouvel album est une vraie surprise. On sort des sentiers battus parfois, mais on vous retrouve dans des registres dans lesquels vous aviez déjà poussé la voix. Il y a des sons pop, rock, et une interprétation lyrique. "Le secret" n'est-il pas en quelque sorte la somme de toutes vos expériences ?
"Le secret", c'est la somme de toutes mes amours musicales. Expériences passées ? Absolument ! Et puis l'expression de tout ce qui m'anime en musique, de tout ce que j'aime depuis toujours. De tout ce que j'ai pu goûter mais eu la sensation de ne pas suffisamment avoir approfondi. Avec "Le secret", j'ai ce sentiment d'avoir pu toucher à tout, goûter à tout, dans un camaïeu comme ça. Et puis, l'harmonie se fait grâce aux intermèdes musicaux. Bien sûr c'est vaste ! Bien sûr c'est varié ! Bien sûr c'est éclectique ! Mais les ponts, d'une chanson à l'autre, nous permettent de passer d'un monde à l'autre musicalement. Et c'est ça qui crée le lien de l'album. Avec ma voix bien sûr (sourire).

Un très bel album, très riche il est vrai, mais peut-être moins accessible quand même...
C'est possible. L’accessibilité, elle dépend de ce qui vous crée une émotion. Pour moi, être accessible c'est créer une émotion. Accessible dans le sens populaire ou radiophonique du terme, c'est autre chose. Et de ce point de vue, peut-être que vous avez raison. Mais "Le secret", je l'ai pensé comme un album qui donne des émotions. Je considère qu'il est accessible aux sensations humaines.

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L'échec, c'est quelque chose qui vous fait peur ?
Je suis une personne qui doute beaucoup. Je suis toujours assez fébrile lorsque je présente quelque chose. On craint tous l'échec parce qu'on veut tellement bien faire. Dire "Je crains l'échec", je crois que c'est en quelque sorte le provoquer. Je n'aime pas cette formule. Oui je doute ! Oui je tremble ! Oui je suis fébrile ! Oui j'ai peur ! Mais je ne formule pas la possibilité de vivre un échec dans ma tête. Parce que sinon on crée l'espace, on crée la matière pour qu'il se développe dans la réalité.

Y-a-t-il des moments de votre carrière que vous pourriez aujourd'hui, avec le recul, qualifier d'échec ?
Non. Pour moi, il n'y a pas de réussites ou d'échecs. Il y a simplement des expériences dans la vie. Des fois, elles sont plus moins réussies. Quelquefois, elles sont plus ou moins ratées. Je trouve que c'est un terme trop dur qui culpabilise un être. C'est dur un échec ! Ça ne sert à rien en plus de le voir comme ça. Ça ne nous permet pas de prendre de la distance et de lâcher prise avec la douleur de ce qui déjà nous a semblé difficile.

J'ai toujours été libre artisti- quement
Cet album sort sur votre label 9Productions. Il est distribué chez Warner Music. C'est le prix de la liberté artistique ?
Pas du tout. Moi, j'ai toujours été libre artistiquement. J'ai toujours fait ce que j'ai senti. Ce n'est pas le prix de la liberté mais les réalités de la nouvelle conjoncture dans laquelle on se trouve qui m'ont permis de réunir une équipe.

Mais vous n'êtes pas fermée à l'idée de signer un jour de nouveau avec une major ?
Non. Ça dépendra de la personne qui sera assise sur le siège en cuir et de quelle proposition artistique on parlera.

25 ans de carrière, des millions de disques vendus et des prix glanés dans différentes cérémonies. Que vous reste-t-il à accomplir ?
Durer (sourire) ! Je crois que c'est le plus complexe. Et puis proposer quelques chose qui soit différent à chaque fois. Qui révèle une nouvelle facette de la personnalité d'un artiste. Évoluer et rester bien dans son temps aussi.

Veiller aussi à ne pas décevoir l'attente du public. Qui a été longue dans votre cas...
Je fais très attention aux attentes. J'essaie d'être dans le moment et de donner le meilleur à chaque seconde, et de ne surtout pas être dans l'expectative.

Avant de vous quitter, j'ai envie de vous demander quel est votre secret ? Celui qu'aujourd'hui vous voulez bien révéler...
... Voir la vie avec un peu plus de distance (sourire). Plus de hauteur ! Plus de simplicité ! C'est la clef pour être en paix avec son âme. C'est considérer que, parfois, c'est bien plus simple qu'on ne le pense...
Pour en savoir plus, visitez larafabian.com et sa page Facebook officielle.
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