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mardi 30 octobre 2012 10:00

Kylie Minogue : "La frontière entre sexy et vulgaire est mince"

De passage cette semaine à Paris pour assurer la promotion de son album "The Abbey Road Sessions", dans lequel elle a réinventé ses plus grands tubes avec l'aide d'un orchestre symphonique, Kylie Minogue a accordé un entretien à Pure Charts. La superstar australienne revient sur l'origine de ce projet, le choix des titres et les difficultés rencontrées, mais en profite surtout pour évoquer ses 25 ans de carrière, qu'elle célèbre cette année, la place du marketing dans la musique actuelle, la frontière très mince entre sexy et vulgaire, et une certaine statue de cire qui l'a particulièrement marquée...
Crédits photo : EMI
Propos recueillis par Charles Decant.

Pure Charts : Vous sortez cette semaine l'album "The Abbey Road Sessions", sur lequel vous réorchestrez et réinventez vos plus gros hits. D'où vous est venue cette idée ?
Kylie Minogue : 25 ans de carrière ! (Rires) En fait, je pense que l'inspiration remonte à 1998, même si c'est difficile à croire ! C'est la première fois où je me souviens d'avoir vraiment, vraiment réinterprété une chanson. Il s'agissait de "I Should Be So Lucky", que j'ai transformée en ballade épique. Et à l'époque, c'était innovant, et ça m'a énormément plu parce que j'étais à un moment de ma carrière où j'étais encore un peu embarrassée avec le côté très kitsch de la chanson, mais le titre était tellement important qu'il devait figurer dans mes concerts. C'était la première fois que je réinventais vraiment un titre et depuis, à chaque tournée, j'ai tenté de changer des choses sur des chansons. On ne ralentit pas toujours le tempo, parfois on met du dubstep, des beats brésiliens...

C'est un peu un rêve, cet album ?
Oui, absolument. Avec l'un des producteurs de cet album, qui est un très bon ami, on avait l'habitude de tourner notre moustache en prenant un air conspirateur et de dire "Un jour, on adorerait faire un album comme celui-ci" et on a réussi à faire cet album. Et à Abbey Road ! Donc je suis très heureuse.

Regarder en arrière laisse un sentiment assez contradictoire
Et les 25 ans de carrière, c'était une belle occasion de le faire !
C'était une belle excuse, oui ! Mais on ne s'était pas dit "Ca fait 25 ans, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire ?". Ca s'est fait petit à petit en fait, et la dernière chose qui nous a convaincus de le faire, c'est la tournée de l'an dernier, l'Aphrodyte Tour, une énorme production. Un soir, on a mis une petite vidéo sur YouTube. C'était dans la loge des musiciens, on était tous décontractés et on a fait une version acoustique de "Breathe". La réaction des fans a été tellement bonne que je me suis dit "Hey, peut-être que l'année prochaine, pour les 25 ans, je pourrai mettre en ligne chaque mois un truc du genre". Donc ça paraissait simple, on avait juste à s'asseoir sur un canapé, à chanter avec la guitare. Et sans trop savoir comment... Ca s'est transformé en "Abbey Road Sessions" ! C'était beaucoup plus cher que juste mes musiciens et moi devant un appareil photo ! (Rires)

Cette année, vous avez passé votre temps à regarder en arrière et à revenir sur les grands moments de votre carrière...
...Et je suis épuisée ! (Rires)

C'est vrai qu'il y a énormément de choses justement, quand on regarde votre carrière !
Oui c'est vrai, et ça laisse un sentiment assez contradictoire en fait.

Dans quelle mesure ?
D'un côté, je suis fière. Mais je me rappelle tout d'un coup que je n'ai plus 21 ans, parce que j'ai regardé des photos de moi à l'âge de 21 ans ! Donc c'est un peu doux-amer. C'est regarder une époque qui est révolue, qui a disparu.

Découvrez le sampler de l'album "The Abbey Road Sessions" de Kylie Minogue :



Cet album m'a permis de me sentir plus équilibrée musicalement
Vous êtes nostalgique de nature ?
Ca m'a rendue nostalgique mais généralement, je ne regarde pas en arrière. Je regarde vers l'avant. C'était beaucoup de boulot de regarder en arrière. Le plus difficile en fait, ça a été un livre qu'on a préparé, qui s'appelle "Fashion" et qui sort le mois prochain. Pour le réaliser, on a passé un an à récupérer des photos, des clichés qui remontent à 25 ans parfois, donc la plupart a été faite avant le numérique, il y a des formats différents, il faut les récupérer, les organiser, les scanner... Ca a demandé beaucoup de temps. "Abbey Road Sessions" a été plus facile à faire que ce livre. A chaque fois qu'on fait un livre, on se dit "Plus jamais". Et puis finalement, on en fait un autre ! (Rires)

Quel a été le titre le plus difficile à reprendre sur cet album, à réorchestrer ?
(Longue pause) Hum... Quand je l'ai enregistrée, j'ai trouvé que "Locomotion" était compliquée. Simplement parce que c'est la seule qui est dans une tonalité complètement différente. Je l'adore, j'adore chanter cette version mais quand j'étais dans le studio, c'était un peu étrange. Sinon, ça a été. On a passé une semaine de répétition avant l'enregistrement, on a juste tenté plein de choses avec les musiciens, les producteurs, et c'était fantastique. On a pu essayer des choses, on a vu ce qui marchait et ce qui ne marchait pas, progresser à tâtons, notamment sur "All the Lovers". Aujourd'hui, ça me pose même problème parce que j'ai changé la mélodie, je voulais la chanter différemment. Et dans quelques jours je fais un concert où je chanterai la version originale, donc il faut que je fasse l'effort de me rappeler quelle version que je dois chanter ! Ca me rend la vie plus difficile ! (Rires)

Donc le processus a été plutôt facile, au final...
Oui, aucune chanson n'a vraiment été compliquée à reprendre. C'était agréable de tout arrêter et de les chanter simplement. Rien n'est produit, rien n'est modifié. Tout ce que j'aime dans une chanson pop, je ne renie pas ça du tout, je ne suis pas anti-production, mais proposer le contraire, ça m'a permis de me sentir plus équilibrée en termes musicaux.

Vous vous rendez compte qu'avec tous ces nouveaux arrangements, vous allez donner plein d'idées aux candidats de télé-crochet qui veulent proposer des reprises originales de vos titres ? On va leur dire "C'est génial, tu as réinventé la chanson, tu es un vrai artiste !"
(Rires) Oui, peut-être !

Tout le monde me demande s'il y aura un "K50"
Comment avez-vous choisi ces 25 titres ?
Beaucoup étaient évidents. J'aurais aimé avoir toutes mes chansons réorchestrées, bien sûr. Il y a des fans sur Twitter qui me demandent pourquoi je n'ai pas mis celle-ci ou celle-là... ! Au Japon, par exemple, il faut toujours ajouter un bonus track. Il faut donc choisir quel titre mettre... On a mis "In My Arms". On en a fait deux versions, une un peu hybride qui commence doucement... Au début on a hésité à l'inclure au tracklisting de l'album de base. Et sinon, comme on savait que l'album allait sortir dans le cadre de "K25", il fallait que ça représente toute ma carrière. Mais si j'avais pu, j'en aurais fait beaucoup plus. On a mis que des hits, mais moi, personnellement, j'aurais adoré faire "Limbo" de l'album "Impossible Princess". Ca aurait été génial avec un orchestre symphonique. On s'est arrêté aux hits, et le vrai bonus pour moi, c'est d'avoir mis "Flower" sur l'album. Je suis très heureuse.

Découvrez le clip de "Flower" de Kylie Minogue



Et toutes les chansons que vous n'avez pas inclure, vous pouvez les garder pour "K50" !
(Elle hurle) C'est ce que tout le monde me dit !! (Rires) "Va-t-il y avoir un K50 ?" Je ne savais même pas qu'il y aurait un K1 ! Ou 5 ou 10. Encore moins 25. J'en rigole quand je dis que l'année a été épuisante, mais elle l'a vraiment été. Mais ça a aussi été très excitant, parce que j'ai pu faire toutes ces choses géniales sans avoir vraiment besoin de raison. J'ai un peu tout regroupé sous le parapluie "K25" !

Vous avez passé l'année à regarder en arrière vos 25 années de carrière. Vous réalisez un peu tout ce que vous avez accompli ? Vous disposez du recul nécessaire ?
Je pense que je n'aurai jamais l'objectivité nécessaire pour vraiment réaliser tout ça. Mais parfois, j'ai un petit... Une sorte de... Flash ! Un flash d'objectivité ! Ce n'est pas quelque chose que je peux maîtriser, mais ça m'arrive. J'ai un très bon ami ici, à Paris, qui est aussi un superfan. Et je suis venue avec un vinyl dont je n'avais qu'un exemplaire chez moi. Je l'ai emporté avec moi, dans mon sac, pour le lui donner. Et quand je le lui ai donné ce week-end, j'ai eu un flash. "Wow, j'ai vraiment fait plein de choses ces 25 dernières années !" Et je me suis autorisée un petit moment de fierté. Et ça m'a fait du bien. Et puis on oublie tout et on se dit "Mais comment je vais survivre au reste de l'année ?" Il y a la pression, les obstacles que la vie nous envoie à tous. Mais oui, parfois, je me rends compte de ce que j'ai fait. Mais comme pour beaucoup de choses, il faut beaucoup de distance.

Malgré le marketing, la musique reste au centre de tout
Vous avez beaucoup parlé de l'évolution de l'industrie du disque ces dernières années. Vous avez dit dans la presse que vous n'étiez pas contente de la façon dont vos singles sortaient, maintenant que la stratégie "on air/on sale" avait été mise en place pour d'autres artistes... Vous pensez que tout le monde est encore en train de chercher la bonne façon de faire les choses ?
A l'époque, il n'y avait qu'une seule option : on signait avec une maison de disques. Si on s'entendait bien, tout se passait bien et si ce n'était pas le cas, on se plaignait de la maison de disques ! Aujourd'hui... Est-ce qu'on signe avec un label ? Est-ce qu'on ne vend qu'en digital et du coup, a-t-on vraiment besoin d'un label ? Je suis un mélange de l'ancien et du nouveau. Mais pour les nouveaux artistes qui débutent, je pense qu'il y a plein d'opportunités de se faire entendre, et ça, c'est génial.

Parlons plus précisément de la pop. De nos jours, on peut avoir l'impression que le marketing a pris le pas sur la musique. Il y a tout un packaging autour, tout est dans la présentation plus que dans la musique. On change de look, de coupe de cheveux pour chaque album, on le présente comme "l'album dance", "l'album rock", "l'album de la maturité". Et ça devient un événement avant que quiconque ait entendu la musique..
Je voix ce que tu veux dire. Mais au final, je pense qu'il faut toujours que la musique soit bonne. On peut faire passer le titre une fois ou deux en radio... Ou capter un peu l'attention des médias. Mais la musique reste au centre de tout.

Certains semblent être devenus maîtres dans l'art de créer le buzz, de faire la polémique...
Oui, le style passe avant le contenu. Ca peut marcher quelques temps. Mais ça ne peut pas durer. Je pense que c'est un très bon accessoire et les gens adorent ça. Même quand on pense aux groupes de rock, une part de tout ça c'était de la comédie. Il y a parfois autant le côté théâtral que les popstars ! Regarde les Stones, quand Mick Jagger saute dans tous les sens, c'est brillant ! Mais malgré tout, dans tous les cas, la musique est importante.

Crédits photo : EMI
J'ai réussi à faire pas mal de choses assez osées
Parlons plus spécifiquement des artistes pop féminines. On a souvent l'impression que le public attend qu'elles soient sexy. Vous avez toujours été sexy, sans jamais tomber dans la vulgarité. C'est un exercice difficile ?
Oui, la frontière est mince. Et ça m'a été démontré une fois, par une statue de cire au musée Madame Tussaud à Londres. Je suis très fière qu'ils aient fait tant de versions de ma statue, je leur suis reconnaissante. Mais pour donner un exemple de cette frontière très mince... On s'était mis d'accord sur une pose, sur une photo que j'avais faite. Donc ils ont reproduit cette pose. Mais je ne savais pas que la statue serait placée de telle sorte que les gens pourraient tourner tout autour ! Ni qu'on verrait des sous-vêtements. Ils avaient pris plein d'éléments différents, en fait : la pose sur la photo, mais une robe portée à un autre moment, de la lingerie d'ailleurs... Donc j'ai crié "Non, non, arrêtez !!". Il faut que tous les éléments concordent, sinon effectivement on tombe dans le vulgaire. J'ai réussi à faire pas mal de choses assez osées, mais je pense que c'est aussi parce que les gens connaissent ma personnalité. Je ne veux pas franchir la ligne. J'ai marché sur cette ligne, mais les gens savent que je ne veux pas être vulgaire, menaçante ou de mauvais goût. Mais j'aime être juste à la limite, c'est amusant !

Ce côté sexy, les tenues osées, les chorégraphies... Ca fait partie de ce qu'on attend des popstars et à la fois, on leur reproche de jouer avec ça, d'utiliser leur corps, ou le sexe pour vendre. C'est très hypocrite, non ?
Je pense que c'est parce que, comme on l'a dit, la frontière est mince. Et puis, tout est subjectif. Ce qu'une personne trouve sexy est trop pour quelqu'un d'autre.

C'est un peu sexiste aussi, non ? Quand un chanteur enlève son t-shirt pour un clip, on ne lui tombe pas dessus de la même façon...
Bien sûr, ça a toujours été comme ça... Si une femme le fait, c'est considéré comme une facilité ou vendre son âme. Pas un homme. C'est une différence de traitement, une hypocrisie qui a toujours existé.

Et ça a changé depuis 25 ans ?
(Longue pause)

Je suis contente d'avoir eu ces hauts et ces bas dans ma carrière
Ca a été un problème pour vous ?
Peut-être... (Elle réfléchit) Mais pas forcément pour le côté sexy. Ce que je mettrais dans le même panier, c'est le fait que quand on fait quelque chose qui rend les gens heureux, c'est considéré comme moins admirable, ça a moins de valeur, ou c'est moins intelligent que si on fait quelque chose de choquant, de soi-disant subversif. Ca, c'est la chose qui m'a toujours embêtée. Je réfléchis autant, je travaille autant que ces gens-là. Mais ce n'est pas parce que je suis perçue comme un truc qui brille, que je ne suis que ça. Je l'ai été, au début. C'est ce que je faisais, des choses légères. En ce qui concerne le sexisme dans le milieu, je n'ai pas vraiment eu l'impression d'en être victime, non.

Vous parlez de crédibilité, justement. Quand on regarde votre carrière avec du recul, il y a plusieurs albums qui ont été présentés comme "l'album sérieux" ou "l'album mature" par les médias. C'est ce qui vous a poussée à faire ces albums ?
C'est simplement l'état d'esprit dans lequel j'étais à ces moments-là. Je me rebellais à ma façon. C'est la musique que j'écoutais, les clubs dans lesquels j'allais, les gens que je fréquentais... Et je suis tout à fait à l'aise avec ce que j'ai fait. Ca n'a pas été un succès énorme mais ça a été un succès sous d'autres formes. Ca m'a permis de remonter sur scène, par exemple. Ca a fait tellement de choses pour moi qu'aucune première place dans les charts n'aurait pu faire. A l'époque, je n'ai pas aimé passer par là, mais aujourd'hui je suis contente d'avoir eu ces hauts et ces bas dans ma carrière.

Quand on est fan de pop en France, on est toujours surpris et même un peu jaloux de la culture musicale anglaise, en tout cas du respect des Anglais pour la musique, de la façon dont ils célèbrent la pop. Vous qui êtes sans doute la plus British des Australiennes, pensez-vous qu'il y a quelque chose de spécial là-bas ?
Ca a toujours été comme ça et tu as raison, ils célèbrent vraiment la pop, là-bas. Chaque année, il y a le fameux numéro un de Noël. Ca peut être le pire titre au monde, mais ils adorent ça ! Ils adorent la pop ! En Australie, quand j'ai commencé, j'ai signé avec un label qui ne savait même pas ce qu'était la pop. J'étais cette fille aux grandes dents, aux cheveux bouclés et venue de la télé à côté de tous ces groupes de rock hardcore. Quand j'ai fait le voyage en Angleterre, j'ai adoré qu'ils soient aussi enthousiastes et respectueux de la pop. C'est peut-être pour cette raison que j'ai tant gravité vers ce pays et que j'y suis restée !
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