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Judith en interview : "Je crois que c'est le propre de l'artiste d'être mélancolique"

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Trois ans après s'être fait remarquer avec son premier album "Si l'on s'en souvient", dont ont été extraits les singles "Fais passer le mot" et "Te passe pas de moi", Judith revient sous un nouveau jour. Signée sur le label My Major Company, la chanteuse a séduit 620 internautes, qui ont contribué au financement de son deuxième opus "Tombée du lit", plus introspectif et mélancolique, qu'elle a entièrement écrit et composé. La chanteuse nous délivre quelques clefs pour comprendre le sens de ses nouveaux morceaux.
Crédits photo : Vanessa Filho
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Il s'est écoulé trois années depuis la parution de ton premier album "Si l'on s'en souvient", succès d'estime mais très bien accueilli par les radios. Même si on t'a entendu sur les deux volumes de "Génération Goldman" en 2012 et 2013, tu es restée plutôt discrète. Pourquoi ce long silence ?
J'ai pris beaucoup de temps pour écrire de nouvelles chansons. J'ai mis à peu près deux ans pour rassembler les 13 chansons que l'on retrouve sur mon nouvel album. Il y a eu aussi toute la phase de création de l'image. On a pris beaucoup de temps pour réfléchir et trouver les bonnes photos. Et puis, il y a eu la mise en jauge l'an dernier, sur le site My Major Company. On a rempli la jauge en un temps record. Il n'a fallu que six jours ! On a même rassemblé plus de contributeurs que ce qui avait été demandé...

Tu n'as pas appréhendé l'ouverture de cette jauge ?
Je savais que beaucoup de gens avaient aimé le premier album parce que j'ai eu deux titres qui sont pas mal passés en radio. Même si les ventes de l'album n'ont pas été ce qu'on avait espéré, si elles n'ont pas été vertigineuses, le public en a entendu parler. On ne peut pas dire que les 10.000 personnes qui ont acheté mon premier disque ne comptent pas. Il y avait déjà un public quoi qu'il arrive. Mais je veux bien admettre qu'on ressent une petite appréhension dans tous les cas avec l'ouverture d'une jauge. D'autant qu'il n'y avait plus beaucoup d'activité sur mon site ni sur Facebook depuis un moment... En plus, c'était à l'époque où sortaient des articles pas très élogieux à l'égard de My Major Company. Donc on ne savait vraiment pas quelle position le public allait adopter. Mais le succès de la jauge m'a réconforté dans le sentiment que j'avais véritablement trouvé quelque chose avec cet album.

L'acte de création est suscité par un malaise
Le disque était-il déjà prêt à l'ouverture de la jauge ?
J'avais déjà toutes les chansons mais il n'était pas encore enregistré. On avait déjà quelques enregistrements mais ce n'était que des maquettes très abouties. On était loin d'avoir terminé. Je peux te l'assurer (sourire) !

Ce temps long a très certainement été aussi l'occasion pour toi de vivre de nouvelles expériences pour trouver de nouvelles choses à raconter...
Les expériences dont tu parles, je les ai vécues entre l'âge de 16 ans et aujourd'hui. Il n'y a pas eu de recul nécessaire pour écrire. C'est à dire que l'écriture m'est venue spontanément. Je t'avoue qu'au moment où mon premier album est sorti, j'avais déjà en ma possession une partie du deuxième. Quand j'ai acheté ma guitare à mes 19 ans, pour m'accompagner sur "Si l'on s'en souvient", je me suis mise tout de suite à composer. Très vite, j'ai eu plein de chansons que j'ai eu envie de défendre alors que mon premier disque sortait. "Si l'on s'en souvient", j'ai mis quatre ans pour le faire. C'est une moyenne haute j'ai l'impression. Alors, lorsqu'il est sorti, j'étais déjà en quelque sorte ailleurs.

Tu es auteure, compositrice et interprète. C'est le grand saut cette fois-ci. Ça signifie aussi que "Tombée du lit" est un album plus personnel que le premier ?
Oui, c'est vrai. J'aime beaucoup mon premier album. J'en reprendrai plusieurs chansons sur scène. Mais, pour "Tombée du lit", j'ai vraiment été à l'impulsion. Ce qui n'avait pas été le cas pour "Si l'on s'en souvient", où j'ai plutôt composé sur une base instrumentale qui existait déjà et co-écrit. Mais à aucun moment, je n'ai donné l'impulsion de départ. A chaque fois, je me greffais sur quelque chose qui existait déjà. Là, c'était nouveau le fait de donner le premier souffle.

Cet album est une sorte de chasse au bonheur
As-tu été totalement libre pour autant ?
Totalement ! Je n'ai ressenti aucune pression. Qu'elle soit contractuelle ou artistique. J'ai fait cet album avec moi-même sans trop savoir où ça allait me mener. J'ai composé des tas de chansons. A un moment donné, j'en ai extrait la substantifique moelle et j'ai décidé de les présenter.

Et donc tu as déjà quelques chansons en stock pour ton troisième album ?
Non (sourire) ! Je ne crois pas que je pourrais réécrire tout de suite. Je crois que là, j'ai besoin de vivre de nouvelles choses. Peut-être aussi de parler davantage à la troisième personne plus qu'à la première personne. Je pense que je sortirai probablement de moi pour m'ouvrir un peu sur l'extérieur. Ce sera forcément différent parce que j'ai besoin de nouveauté tout le temps.

Mais derrière l'emploi de la première personne dans tes nouvelles chansons, trouve-t-on véritablement Judith ? Pour moi, le doute subsiste sur certains titres...
C'est le propre de l'auteur ! Et c'est ce qui est amusant ! On peut incarner tous les rôles possibles. Même s'il y a toujours une part de Judith dans mes chansons. Je peux devenir tout ce qui ne me ressemble pas sans me mettre en danger et même devenir le personnage que je rêverais d'être dans la réalité.

Regardez le clip "Badaboum" de Judith :



Tu conjugues les sentiments au passé ainsi qu'au présent. Mais celui qui se distingue est sans conteste celui de la mélancolie, décliné dès la piste d'introduction "Le jour se lève". Tu me contrediras peut-être, mais je trouve ça triste d'être aussi mélancolique pour ton jeune âge...
J'ai l'impression que la mélancolie est un sentiment qu'on met du temps à cerner. On ressent d'abord une sorte de vague à l'âme qui va et qui vient. On ne sait pas d'où ça vient et on ne se l'expliquera probablement jamais. Je crois que c'est ce que le titre de cet album résume parfaitement. Cette sensation d'avoir compris quelque chose peut-être trop tôt. C'est une sorte de sensibilité ou de lucidité que les autres n'ont pas. On se sent un peu différent, décalé parfois. C'est ça la mélancolie ! Je crois que c'est le propre de l'artiste d'être mélancolique. Quel qu'il soit !

Saurais-tu écrire sur des choses plus gaies ?
Je ne considère pas la mélancolie comme quelque chose de triste. Je ne dis pas que c'est gai non plus ! C'est un état. Je n'écris pas sur la mélancolie. J'emploie des mots qui peuvent sembler mélancoliques mais il n'y a pas de chanson sur la mélancolie comme en écrit Christophe Miossec. Je parle de nostalgie, d'amour dans la mélancolie, des vieilles choses... Je parle de la vie, de l'attachement à la terre, de la peur de la mort et du temps qui passe. Je parle de plein de choses en fait. On n'écrit pas quand on se sent parfaitement bien. L'acte de création est suscité par un malaise. Un malaise qui nous ouvre à d'autres perspectives et qui nous permet de voir les choses à travers un prisme différent. Et c'est de là que vient le besoin de s’exprimer et parfois même de crier. Je parle de musique. J'imagine que pour un roman c'est différent.

Crédits photo : Vanessa Filho
Tu parles beaucoup d'amour dans cet album. Mais il n'est jamais abordé de manière lumineuse... Peux-tu imaginer un amour heureux ?
Oui. J'y crois. Parce que dans toutes les chansons qui parlent d'amour, et qui ne sont pas forcément heureuses, il y a toujours un espoir, une lumière... Il y a toujours un fond positif. C'est pour ça que je te dis qu'il y a toujours un peu de moi dans mes chansons. Je pense être quelqu'un de foncièrement positive et optimiste. J'essaie de voir toujours le verre à moitié plein. C'est important pour moi ! Alors, oui, l'amour heureux, c'est possible (sourire) ! Cet album, c'est un peu une quête, une sorte de chasse au bonheur. Une quête, ce n'est jamais simple. Mais j'ose espérer qu'au bout de ce cheminement on peut y trouver quelque chose...

Par déduction, c'est aussi avouer que tu t'es posé beaucoup de questions ? As-tu trouvé des réponses ?
Je suis quelqu'un qui se pose beaucoup de questions. Depuis tout le temps ! J'aimerais vraiment m'en poser moins. Je crois que j'y parviens de mieux en mieux. Par exemple, je ne me sens pas stressée pour la sortie de cet album. Parce que j'ai foi en lui. Je sais qu'il me ressemble. Ça me fait du bien d'aller délivrer mes chansons aux gens, sur scène notamment. Je les sens réceptifs. J'ai l'impression qu'ils me comprennent. Tout ça est très rassurant. C'est encourageant ! Il y a eu beaucoup de belles énergies autour de cet album. J'ai travaillé avec une très belle équipe et 620 producteurs.

Avant d'être une rencontre avec le public, cet album est une rencontre avec la guitare, l'instrument fétiche de ta maman. Est-ce une revanche pour toi de la mettre autant en avant sur tout un disque ?
C'est surtout une réconciliation. On sait tous que les relations mère/fille ne sont pas toujours évidentes. La guitare, ça représente ma mère. Parce qu'elle en joue divinement bien. Elle écrivait ses propres chansons qu'elle m'a chantées quand j'étais plus petite. A aucun moment de mon enfance ou de mon adolescence je n'ai eu l'idée de prendre sa guitare. J'aurais pu le faire et je jouerais sans doute mille fois mieux qu'aujourd'hui. Mais ça ne me venait pas parce que c'était son instrument. Je respectais inconsciemment et j'ai donc pris de la distance avec la guitare. Elle qui ne me soutenait absolument pas dans ma volonté de faire de la musique, elle a aujourd'hui complètement changé d'avis. Convaincre ma mère, je crois que c'était mon plus grand défi. C'est en cela que c'est une réconciliation.

Convaincre ma mère, je crois que c'était mon plus grand défi
Est-ce qu'avec le recul, tu arrives à comprendre aujourd'hui le refus tes parents, qui n'ont pas voulu suivre ton initiative ?
Bien sûr que je peux comprendre qu'on ait peur pour ses enfants. Je peux comprendre qu'on soit maladroit dans la façon de l'exprimer aussi. Je ne lui en veux pas. Aujourd'hui, elle répare mille fois son manque de soutien à l'époque. Je ne peux presque pas lui en vouloir.

Tu sembles marquée par cette confrontation...
Je pense que si aujourd'hui j'ai un manque de confiance en moi et que j'ai besoin d'être rassurée, c'est peut-être dû à elle, au fait qu'elle ne me soutenait pas dans mes choix.

Il faut aussi admettre que le métier d'artiste n'est pas aussi facile que beaucoup le croient. Il faut arriver à se faire une place. Crois-tu que cet album te permettra de te distinguer ?
La place on la prend. Quand on veut quelque chose, on s'arrange pour l'avoir. Il y a bien évidemment un facteur qu'on ne maîtrise pas, c'est d'arriver à toucher le public. Pour ça, l'avenir nous le dira. Alors, oui, c'est un métier difficile. Mais tous les métiers le sont. J'ai fait des études de droit. La carrière de juriste est difficile. Ce sont des études longues et éprouvantes. Il y a plein d'avocats qui sortent des écoles et qui triment. J'en connais beaucoup. Mais les chauffeurs de taxi comme les caissières doivent eux aussi se battre. Si notre place est déterminée par l'amour qu'on a des choses, alors oui j'ai ma place.

Le droit, c'est fini pour toi ?
Je crois que oui. Les études, je ne sais pas. Parce que j'adore apprendre sans cesse de nouvelles choses. Mais là, je dois admettre que ça me paraît vraiment compromis... (rire)
Pour en savoir plus, visitez son site officiel et sa page Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Judith sur Pure Charts.

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