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samedi 13 avril 2024 12:15

Emmanuel Moire en interview : "Je n'ai jamais collé à la figure masculine classique"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Emmanuel Moire fait son grand retour avec son nouveau single "Sois un homme". A coeur ouvert, le chanteur se confie à Purecharts sur sa pause, sa carrière d'acteur, ses projets, la masculinité, son nouvel album, et son potentiel retour dans "Le Roi Soleil". Interview !
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Tu reviens cinq ans après l'album "Odyssée". Mettre la musique au second plan pour lancer ta carrière de comédien a été une décision difficile à prendre ?
C'est vrai que ça fait un petit bout de temps. Il y a eu la tournée donc en réalité ça fait quatre ans d'arrêt... Enfin seulement pour la musique, car je n'ai pas arrêté en réalité. De base, j'avais très envie de jouer, depuis "Cabaret", et j'avais prévu après "Odyssée" de commencer à travailler cette partie, avec peut-être l'aide d'un agent ciné... J'ai passé quelques castings et je ne me sentais tellement pas légitime que je perdais mes moyens. Réussir un casting, c'est un exercice particulier donc je suis retourné à l'école à 40 ans passés ! Je pensais faire des stages et je me suis retrouvé à faire une formation d'acteur. Je me suis formé. Et ça m'a fait beaucoup de bien.

Je n'avais pas l'intention de jouer dans une quotidienne
C'est intéressant de sortir de zone de confort parfois !
Oui, j'aime le challenge ! Ça m'a permis d'allier ce que je faisais spontanément mais aussi d'avoir des outils, d'être autonome. Pendant deux ans, ça a été fou, ça a tout changé. Très tôt dans la formation, j'ai senti que j'étais un acteur en fait, que je prenais beaucoup de plaisir, que j'allais adorer ça. J'avais besoin de sentir que je pouvais le faire. Maintenant, même si je suis stressé, j'ai acquis une méthode de travail qui m'aide même pour la musique. Ça m'a permis d'épaissir mon "artiste". Très vite en sortant de cette formation, la production de DNA ("Demain nous appartient", ndlr) m'a appelé pour me proposer un personnage...

Tu as hésité ?
Ce n'était pas forcément mon intention d'aller jouer dans une quotidienne, mais le rendez-vous était assez fou. Et j'ai tellement appris... Maintenant, je me sens prêt à jouer plein de personnages. L'idée c'est d'avoir envie, à la lecture d'un scénario. Si ça va à l'encontre de ce que je suis, c'est assez cool. Durant la dernière année dans "DNA", j'ai dû jouer des choses qui ne sont pas du tout moi. C'est assez libérateur ! J'aime bien raconter d'autres histoires que la mienne, même si je mets beaucoup de moi évidemment.

J'ai eu des propositions pour de nouveaux rôles
Tu vas rester dans la série ?
Alors oui déjà, j'ai très envie de rester dans "DNA". Je suis très reconnaissant de tout ce que j'ai appris, en faisant du plateau, avec le peu de temps et la machine de guerre que c'est... J'ai beaucoup appris et j'en mesure le poids. Je me trouve aujourd'hui assez ample et caméléon dans la capacité d'adaptation. Jouer dans une quotidienne, ça en demande beaucoup ! (Rires) Mais c'est très bien, j'en sors vraiment grandi, au-delà du plaisir de jouer, que je ne connaissais pas. Jouer, ça a nourri mon projet musical sur plein d'aspects, et ça m'a enlevé un bout de timidité, ça a fait sauter un truc.

On te propose des choses côté fiction ?
Ça commence à arriver. J'étais au festival "Canneseries" ce week-end, on discutait avec mon agent, et les gens ont pu avoir du mal à faire le lien entre le chanteur et l'image que j'ai, et le fait que je peux jouer autre chose. Donc ça prend un peu de temps mais on m'avait prévenu ! Et là ça commence vraiment. J'ai eu des propositions, il y a des choses que je n'aimais pas et il y a des choses où je n'ai pas eu le rôle. Mais ça bouge, donc je pense que ça va arriver !

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Il faut trouver le temps aussi non ? Entre ton retour en musique, la série, la tournée en 2025...
Je n'ai jamais autant travaillé de ma vie ! (Rires) Mais ça ne m'inquiète pas, ça s'organise. Là, j'ai posé un peu de temps sur "DNA" pour être présent pour la sortie du single. Mais je n'ai pas envie de faire de choix, ça me plait tout autant de jouer que de faire de la musique, être en tournée... La musique, ça m'a vraiment manqué. Je ne savais pas si j'allais réussir à nouveau... J'ai une nouvelle équipe, donc ça a été un long parcours. Le monde de la musique évolue. Perso, j'ai plus 25 ans, je ne suis pas le même profil d'artiste. Certes, j'ai une carrière, j'ai fait des choses qui ont résonné dans le coeur des gens, mais c'est jamais acquis. Tu remets toujours un peu ton travail et ta place en jeu...

Je connais bien ce qui ne fonctionne pas chez moi
Quelle a été l'impulsion pour "Sois un homme" et les nouvelles chansons à venir ?
Je fais tout le temps de la musique. Dans mon portable, j'ai des tonnes de mémos vocaux, avec des bouts de mélodies, d'accords de piano... A un moment, on commençait à trouver les thèmes, le propos, l'angle, dans ce qui me touche, dans ce qui me révolte. Et ça quand ça arrive, on sait que c'est le moment. J'ai senti que quelque chose se dessinait. Ça a toujours été ça sur chaque disque. Là, la volonté c'est de se foutre la paix.

Tu chantais "J'ai parfois cette impression d'être à l'intérieur un inconnu" sur l'intro de l'album "Odyssée". Cette fois, c'est la suite, la reconnexion avec soi-même ?
C'est complètement une suite, c'est vrai. J'ai passé beaucoup de temps, c'est ma nature, à vouloir changer des choses, à m'améliorer. Là, sûrement en adéquation avec le mec que je suis, il y a une acceptation d'être qui je suis. Je connais bien ce qui ne fonctionne pas mais aussi tout ce qui est super, l'équilibre entre le chaos et la lumière. Ça me va bien. Je ne suis pas un inconnu, je vois bien quel mec je suis, et peu importe que ce soit validé ou compris, ce n'est plus mon histoire. C'est ça qui change. Avant, j'avais besoin d'être compris, d'être soutenu, là j'ai arrêté cette quête d'extérieur. Il y a un apaisement de ce côté-là. Ça va être la grosse thématique de ce disque.

Choisir "Sois un homme" comme premier single, ça a été évident ?
Oui ! Ça a été unanime lors de la partie créative déjà, avec Yann (Guillon, ndlr) et après tous les rendez-vous qu'on a eus. Parfois, quelque chose se démarque comme ça et tu ne sais pas pourquoi. De base, quand on a commencé à travaillé sur l'angle, le thème, on ne savait pas ce que ça allait donner. Et puis la réalisation a apporté un vrai plus. Finalement, ça a été une évidence !



Ce titre dénonce les injonctions à la masculinité. C'est un sujet que tu avais besoin d'aborder ?
La plupart des textes de l'album c'est Yann qui les a écrits. On a échangé énormément, et Yann a cette faculté de synthétiser un sujet, de trouver l'angle le plus adéquate pour en parler. On a beaucoup parlé d'identité masculine. Ces derniers temps, j'ai eu le sentiment d'assumer ma manière à moi d'être un mec. Je trouvais intéressant d'en parler. Pour cet album-là, je voulais une prise de position, une implication personnelle, affirmer quelque chose. Au-delà des thèmes, c'est bien que je m'exprime en disant ce que j'en pense. Donc Yann avait un début de texte, les couplets surtout, et le refrain au début c'était que "Sois un homme, sois un homme". Je trouvais qu'il manquait un truc. J'ai eu cette intuition, et j'essaie de m'y fier beaucoup plus maintenant. J'étais en voiture et j'ai eu l'idée d'un autre thème pour la fin. Les musiciens et Yann n'étaient pas emballés, mais j'ai insisté pour poser la voix et finalement ça a plu à tout le monde.

Je n'étais pas à l'aise avec ma sensibilité
Ça a été difficile de trouver ta propre masculinité ?
Oui franchement ça a été un long parcours. J'ai l'impression que c'est vraiment très ok depuis peu de temps chez moi. Il y a déjà ce que tu traînes, ce qu'on te met sur le dos, au-delà des injonctions qu'on connaît. Parfois c'est plus vicieux que ça. C'est pas toujours des choses très flagrantes, des regards, les rapports entre les gens, des amis, des hommes dans ta famille, et pas que ton père. J'ai souvent senti que je ne correspondais pas du tout à la figure masculine classique. Je ne parle même pas de sexualité ! Juste de manière d'être. J'ai toujours été quelqu'un de sensible mais je n'étais pas ok avec ça car je me prenais toujours des trucs violents. On me rapportait toujours au fait que je ne correspondais pas à la norme masculine. Et partout : à l'école, dans mon travail... Dans mon travail, c'est pire je pense.

Ah oui ?
Oui ! C'est pas si apparent que ça. C'est plus petit que ça. Ce sont des détails. Mais après, c'est surtout avec moi-même. C'est très récent pour moi d'être à l'aise avec le fait d'être un mec vulnérable, d'être sensible, d'être traversé par des émotions très fortes et de les vivre surtout. Et ça m'empêche pas d'être un homme fort et puissant, même en étant vulnérable et sensible. Au contraire !

La société a un peu changé aussi. La masculinité, elle est multiple aujourd'hui...
Elle est diverse, elle est bousculée. Je me sens plus à l'aise aujourd'hui, et ça a dû m'aider oui. Evidemment si on était resté à quelque chose sans ouverture, c'est difficile de se retrouver... Je me suis longtemps senti à côté. Aujourd'hui, je peux encore parfois me sentir à côté, mais c'est ok. Je m'en fous un peu. Je comprends que c'est ma personnalité, ma singularité. J'ai jamais autant pleuré que cette dernière année, je suis souvent ému par le travail des autres. D'avoir aucune pudeur à le montrer, je trouve ça super. Je me sens tellement puissant à ce moment-là parce que je suis en adéquation avec ce qui me traverse. Ça ne me pose plus de problème, il y a une espèce de réconciliation.

J'aime beaucoup la pochette de "Sois un homme", qui est une photo de toi à 5 ans...
Je vais être honnête, elle ne vient pas de moi cette idée ! On cherchait une pochette, on n'a pas encore fait de shooting car on est au tout début de l'aventure. On voulait faire un truc très simple avec mon nom et le titre de la chanson. Et Thomas (Pawlowski), mon manager, a eu cette super idée. Je suis très content de cette alliance avec lui, on est très différents mais très complémentaires. J'aime sa façon de travailler. Il sait comment raconter des histoires. Et donc sans rien me dire, il glisse dans les propositions cette pochette avec cette photo de moi à mon anniversaire quand j'avais 5 ans. C'est hyper fort, ça raconte plein de trucs. Là, ça a vraiment du sens, c'est touchant. Quand je regarde cette photo, j'ai les mêmes yeux, le même nez, avec un truc dans mon regard qui était déjà là. C'est fort.

Je ne sais pas si je ferai un autre disque
Est-ce que ton prochain album est prêt ?
Alors, il n'est pas prêt mais il est bien avancé, plein de titres sont là, mais il y a encore pas mal de travail à faire dessus. Je n'ai jamais autant travaillé les chansons ! "Sois un homme" a dû avoir au moins 10 versions. Mine de rien, ça nous a bien aidé, car ça m'a donné envie d'améliorer les autres chansons, de décortiquer le texte, de changer ce détail sur la réalisation, de tenter une autre direction... On essaie ! Donc je le bosse encore plus que les précédents, et ça a du bon de retravailler sa copie. C'est cool de s'autoriser ça. Parfois, sur certaines chansons des anciens disques, je me dis qu'on aurait pu faire mieux. Là j'ai pas envie d'avoir ça. Je ne sais pas si je ferai un autre disque donc ça vaut le coup de bosser cet album à fond. Il faut prendre son temps, sans deadline, et c'est bien de laisser reposer quelque chose parfois et voir si on peut mieux faire. Je me suis pas mal inspiré de Ben Platt et l'album "Rêverie".

Il est super cet album !
Mais oui ! Il s'amuse de fou, avec les choeurs qui se croisent... Je trouve ça tellement créatif ce qu'il fait ! Je l'écoute en boucle cet album. J'aime bien ce qu'il me crée.



Tu as dit en story sur Instagram que tu souhaitais faire un duo avec une chanteuse française. Qui est-ce ?
Je ne peux pas en parler ! C'est ma mère ! (Rires) Non je rigole. En fait, je n'ai jamais vraiment fait de duo sur mes albums. J'ai toujours eu du mal à trouver le sens d'en mettre sur mes disques qui étaient très personnels. Là, c'est assez parfait dans le timing de ce qui va se faire. Ce n'est pas encore fait, mais c'est ok ! Ça va être super chouette.

Revenir sur "Le Roi Soleil" ? Je suis partagé
Parlons un peu de "Danse avec les stars". Après Bilal Hassani, c'est Keiona qui danse avec un homme cette année. Tu es content que les choses aient évoluées ?
Ça avance dans l'émission, et ailleurs aussi ! Je trouve ça super, que ce soit dans "DALS" ou "DNA". On expose des choses aux gens qui les reçoivent en direct, dans leur salon. C'est vrai que quelque chose s'est ouvert mais ça peut se refermer. Ne l'oublions pas. L'histoire nous a prouvé que rien n'est acquis. Mais c'est super que TF1 le fasse. Après, j'ai un affect pour "DALS" qui ne s'effacera jamais. Au-delà du travail, cette émission permet de se livrer et de tisser un lien fort avec les gens. J'aime beaucoup Keiona. J'ai adoré "Drag Race France" ! Ce n'est pas ma culture le drag mais j'ai tellement kiffé. Au-delà du show, il y a énormément d'humain, leurs histoires, leurs parcours... Je fais un parallèle avec mon histoire même si elle est très différente. C'est une affirmation de soi et une liberté de l'exprimer. On revient de loin !

Selon mes informations, on t'a proposé de reprendre ton rôle dans "Le Roi Soleil" pour le retour de la comédie musicale. Tu as dit oui ?
(Il rit) Ah ouais d'accord, t'es comme ça ! Effectivement, c'est en chantier mais je ne te dirai pas ma réponse, je suis vraiment désolé ! Je crois qu'aujourd'hui il y a une envie d'une certaine partie du public de se reconnecter à des choses du passé, il y a une nostalgie. On le voit bien avec tous les spectacles qui se montent, les retrouvailles, les comédies musicales... Je trouve ça super de remonter un spectacle pour des gens qui l'ont vu ou d'autres qui ne l'ont pas vu aussi. Il y a une vraie volonté ça c'est sûr...

Mais je me suis dit que 20 après, en tant qu'artiste, est-ce qu'on a envie de refaire quelque chose qu'on a déjà fait ?
Qu'il est malin ! Tu veux vraiment que je te dise ce que j'ai répondu ! (Rires) Mais en effet, je suis partagé entre les deux. Pour l'instant, je ne suis pas acté sur le sujet. Il y a la nostalgie de revenir sur un souvenir fou mais je crois qu'on ne peut pas revivre la même chose... Et en même temps, avec l'artiste que je suis aujourd'hui, je peux peut-être donner vie au même rôle, autrement.

Et ça a tellement marqué les gens !
On m'en parle encore ! C'était fort. Le spectacle était beau, les chansons étaient fortes. On a eu de la chance. Ça n'a pas été forcément le cas de tous les spectacles musicaux... C'était un rendez-vous, même pour toute l'équipe créative. Il y a un truc qui s'est passé.

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