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samedi 18 juillet 2015 10:19

Conchita Wurst en interview : "Je me vois sur scène à 50 ans comme Madonna"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
De passage à Paris pour promouvoir son premier album et son autobiographie, Conchita Wurst a accepté de répondre aux questions de Pure Charts. La chanteuse évoque sa nouvelle vie, les polémiques autour de l'Eurovision, la Russie, sa ressemblance avec Kendji, ou encore ses rêves à accomplir, dont un duo avec... Céline Dion. Rencontre.
Crédits photo : Markus Morianz
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Elton John, Cher, Karl Lagerfeld ou Boy George ont multiplié les éloges après votre victoire à l'Eurovision l'an dernier. Vous vous attendiez à tout ça ?
Non, pas du tout. Quand ça touche à ma carrière musicale, je m'attends toujours à ne jamais gagner et de ne pas avoir de succès. (Sourire) Gagner quelque chose, je ne l'avais jamais imaginé. Et c'est encore aujourd'hui difficile à croire. C'est un peu irréel. Des gens connaissent mon nom dans des endroits où je ne me suis jamais rendue. Et ça prend du temps de se rendre compte de choses comme ça, que les gens viennent réellement pour me voir. Donc vraiment je ne m'y attendais pas du tout.

Mais vous saviez que vous ne passeriez pas inaperçue...
Oui, j'étais consciente de toute cette couverture médiatique, qu'on parlait beaucoup de moi, et c'est pour ça que j'y allais. Parce que mon manager et moi, on s'est dit : « Ok, on a cette chance incroyable de pouvoir dire "Coucou" à 200 millions de personnes », mais on ne savait pas sur quoi ça allait aboutir. Mais pour moi, pour ma carrière, pour notre travail, on devait donner le meilleur, avant même que quelque chose se passe. Et c'est ce qu'on a fait. J'ai donné près de 400 interviews pour vraiment... Je veux dire, tu dois travailler si tu veux réussir, tu dois bosser. On l'a fait. Le résultat, la victoire, c'était plus beau que tout ce dont on avait pu rêver.

Sans Conchita, je n'aurais pas gagné l'Eurovision
Même si la chanson "Rise Like a Phoenix" est très réussie, vous pensez que vous auriez gagné sans le personnage Conchita Wurst ?
Non, je ne pense pas. Je n'aurais pas été capable de chanter de la façon dont j'ai chanté en Conchita et de parcourir ce chemin comme je l'ai fait. J'avais déjà une petite carrière en tant que Tom. Et la raison pour laquelle j'ai crée ce personnage pour la scène est que je n'ai jamais ressenti cette liberté qu'on devrait tous ressentir quand on est sur scène. Prendre cette décision, créer ce personnage, ça m'a donné la force d'être encore plus fort, d'être à mon maximum, d'être tout ce que je voulais être sur scène. Je suis au courant qu'être une femme à barbe n'est pas très commun, je suis au courant que les gens parlent, mais c'est beau qu'ils le fassent, qu'ils commencent à réfléchir, pas à ma personne, mais à ce qui existe. C'est beau qu'ils se posent la question à eux-mêmes sur l'acceptation des différences. Je ne demande pas beaucoup plus.

Et quelle est votre réponse à ceux qui estiment que vous n'êtes qu'une provocation ?
(Elle réfléchit). Oh... Je ne sais pas. Le suis-je ? Pour moi, une provocation c'est forcément négatif... Je ne pense pas que je doive changer les choses dans le monde, il se trouve que j'adore parler de ce que je pense être juste. Ce n'est pas forcément la pure vérité d'ailleurs. Après, est-ce que je suis une provocation ? Oui, bien sûr que je suis une sorte de provocation. Mais ce n'est pas de mon ressort. Je ne le fais pas car je veux provoquer. Je le fais parce que je veux ressembler à ça sur scène. Je suis désolée mais je ne le fais pas pour vous divertir... Enfin, si, bien sûr, mais en premier lieu, je le fais pour me divertir moi-même. Ce serait ça ma réponse.

Regardez le clip "You Are Unstoppable" :



Ce qui est unique avec vous c'est que quand les gens vous regardent, ils n'ont plus vraiment de repères, il n'y a plus de règles, les pistes sont brouillées. Ça vous amuse cet impact ?
C'est drôle que vous disiez ça. Je n'ai pas inventé le concept de la femme à barbe ! Je ne suis pas le premier à être une drag queen. Donc c'est ça la confusion dès le départ, car les gens pensent que c'était mon idée mais non ça existe depuis des centaines d'années. Il en existe même de réelles ! Mais je sais l'impact que ça a sur les gens, que je suis probablement la femme à barbe la plus célèbre, la plus mainstream. On va dire ça comme ça. Mais il existe des femmes à barbe qui sont des stars locales.

Bien sûr !
En fait, j'aime bien brouiller les pistes. Et détrompez-vous, il y a des règles. Je suis les règles que mes parents m'ont apprises. D'être respectueuse et de ne blesser personne. Et je les suis. Le reste, ça me regarde. Les gens parlent de moi, en bien, en mal, mais c'est magnifique car ça prouve que je suis divertissante, que j'ai un intérêt, et j'aime ce que je fais et et je peux en vivre. Après, si les gens changent d'avis en découvrant qui je suis, je ne l'ai pas cherché, c'est arrivé. Un jour, j'ai réalisé : « Wow, c'est ça que je peux faire avec cette barbe ». Mais je le fais d'une manière beaucoup plus égoïste qu'on ne le pense. (Sourire)


Je n'ai reçu aucunes menaces de la part de la Russie
L'Eurovision est un concours très gay-friendly et la Russie a failli remporter le concours cette année. Quand on connait le quotidien de la communauté homosexuelle là-bas à cause des lois anti-gays, vous pensez que ça aurait été une bonne chose que le Russie gagne ?
(Silence) C'est tellement difficile de répondre car, dans mes tripes, je me fous d'où viennent les gens. Le meilleur doit gagner. Et la candidate russe était extraordinaire. J'adore la chanson, la prestation, et elle n'a pas fait un seul faux pas. Elle est parfaite, et elle ressemble à déesse. Mais, bien sûr, je suis au courant de la situation, des lois qui rendent la vie très difficile à la communauté gay, qui les empêchent de vivre libres. J'aurais adoré voir l'Eurovision se tenir en Russie parce que j'aurais été intéressée de voir comment ils auraient réagi. C'est peut-être un cliché mais, quelque part, l'Eurovision ce sont les Jeux Olympiques gay. L'audience vient majoritairement de la communauté LGBT, donc ils seraient allés là-bas. Je ne suis pas sûre que la Russie aurait pu se permettre de tout annuler ou de tout foutre en l'air. Donc de cette perspective oui, j'aurais voulu voir comment ça se serait passé. Mais, musicalement, et c'est quand même ce qui importe à l'Eurovision, je m'en fiche.

En parlant de la Russie, vous avez le droit de vous rendre en Russie ? Avez-vous reçu des menaces ?
Des pressions pour ne pas que j'aille là-bas ?

Oui...
Non, aucunes. Bien sûr que je voudrais aller en Russie. On a reçu pas mal d'invitations, et nous allons voir si elles correspondent à mon emploi du temps. Mais bien sûr que ce ne sera pas la même chose que quand je viens à Paris. Des deux côtés, on le sait. Les gens qui m'invitent le savent bien. Mais j'irai. Ce n'est qu'une question de temps. J'ai beaucoup de fans en Russie et j'ai envie de les rencontrer.

J'ai cru comprendre que vous étiez assez fan de Måns Zelmerlöw, qui a fait gagner la Suède...
J'étais fan de beaucoup d'artistes cette année à l'Eurovision...

Mais vous avez apprécié la chanson et l'artiste...
Oui, oui !

Chanter sur la BO d'un James Bond ? Je dis oui !
Lors d'une interview, Måns a tenu des propos homophobes avant l'Eurovision. Vous étiez au courant de ça en le rencontrant ?
Non, en fait, je l'ai rencontré pour la première fois à Londres, pour une soirée Eurovision. On s'est vraiment amusé, on a passé un super moment. On a été derrière le bar, il jouait le barman et je servais les gens. (Rires) Ensuite, j'ai entendu cette histoire... Le truc, c'est que je suis certaine qu'il a appris de ses erreurs et qu'il pense différemment aujourd'hui. Oui je pense que c'est ça. (Silence) Vous savez, c'est difficile pour moi parce que quelqu'un m'a rapporté ce qu'il a dit, on m'a dit qu'il avait dit ça en 2010, d'autres m'ont dit que c'était il y a quelques mois... Je ne savais pas trop. Pour moi, ce n'est pas vraiment un sujet car je l'ai rencontré, c'est un mec bien, il n'a eu aucun problème avec moi, on a pris des photos, on s'est amusé. Peut-être que je suis naïve, qu'il m'a menti... Regardez, c'est pareil, on m'a souvent demandé si c'était honnête qu'on me présente comme la Reine d'Autriche. Bien sûr que non, mais je m'en fous. Car c'est le premier pas vers la bonne direction. Si les gens prétendent d'être respectueux, alors ils le sont. Peut-être que notre rencontre et cette polémique ont été ce premier pas pour Måns, qui s'est excusé, c'est parfait.

Revivez "Rise Like a Phoenix" de Conchita Wurst à l'Eurovision :



Revenons à la musique. Votre chanson "Rise Like a Phoenix" a souvent été comparée à une chanson à la James Bond, comme "Skyfall" d'Adele...
Vraiment ?

Oui... Vous accepteriez de chanter sur la BO du prochain James Bond ?
Bien sûr ! (Gênée) Je suis une grande fan. Mais bon malheureusement ça ne passe pas comme ça : « Toc toc, je voudrais chanter ». « Ok, entrez ! ». (Rires)

C'est une saga très masculine, avec des codes très virils. Ce serait un beau message envoyé au monde entier de vous avoir...
Oui... Vous le vendez bien. Vous ne voulez pas les appeler pour moi et leur expliquer à quel point ce serait super de me sélectionner ? (Rires)

Avec plaisir ! D'ailleurs, vous aimeriez tenter une carrière d'actrice ?
Oui j'aimerais bien. J'adore le cinéma mais je ne sais pas si je serais très bonne. J'ai beaucoup d'idées de personnages en tête. Ça arrive, pour divertir mes amis et moi-même, durant de longues soirées. Imaginez un peu. Mes amis et moi, on est tous artistes, on s'exprime, on n'a pas peur de dire les choses, c'est d'ailleurs assez difficile parfois de se faire entendre quand quelqu'un fait le show ou même de suivre ce qu'il se passe. (Rires) Et donc, souvent, on improvise des dialogues, des scènes, des blagues... Il y a parfois des personnages qui surgissent. J'adorerais divertir les gens par ce biais-là. Mais j'aurais besoin qu'on me fasse une belle proposition, car pour le moment, ma priorité c'est la musique.

Je rêve d'un duo avec Shirley Bassey et Céline Dion
Concernant votre premier album "Conchita", j'ai été surpris de n'entendre aucun duo. Vous en avez envie pour le prochain ?
Je ne sais pas pour le prochain... Mais c'est quelque chose que j'aimerais faire, oui. J'adorerais collaborer avec d'autres artistes, apprendre à leur contact. J'en ai envie car ça nous permet de devenir encore meilleur. Mais les artistes que j'ai en tête... (Rires) Ils sont un peu occupés !

Comme qui ?
Comme Shirley Bassey. J'adorerais chanter avec elle, mais c'est difficile de se pointer et de lui dire : « Salut Shirley, chantons ensemble ! ».

Et Céline Dion ?
Je n'oserais même pas lui demander. Mais même Shirley, je ne pourrais pas. Vous avez entendu leur voix ? Elles sont incroyables. Ce sont de véritables chanteuses.

Vous aussi, non ?
Je suis très dure quand il s'agit de me juger vocalement. Je n'ai jamais dit de ma vie qu'une de mes performances était bonne. Je trouve toujours un truc à redire. Mais pour revenir à votre question, j'aimerais bien chanter un duo avec Ozzy Osbourne ! J'aimerais multiplier les expériences.

Je ne sais pas si vous connaissez Kendji Girac...
Non, je ne le connais pas. Enfin, ça se trouve je l'ai rencontré mais je ne m'en souviens pas. Oops !

Kendji est beaucoup plus beau que moi !
Je vous montre sa photo. Il a gagné "The Voice" l'an dernier et est actuellement le chanteur numéro un en France avec plus de 800.000 exemplaires vendus de son premier album. Il a dit dans une interview à Pure Charts, "Conchita Wurst, c'est moi avec des cheveux longs !".
(Elle éclate de rire) Oui il y a quelque chose en effet ! Mais il est beaucoup plus beau que moi ! Il est vraiment très beau.

Revenons à la musique. Vous avez commencé à plancher sur le prochain disque ?
Non, non, non. Un artiste se dit toujours : « C'est quoi la suite ? Qu'est-ce que je peux faire ensuite ? », alors oui j'ai quelques idées en tête mais ce ne sont que des bribes, des débuts d'idées. Je ne peux pas en parler car dans deux semaines, j'aurais sans doute changé d'avis ! Mais ça travaille là-dedans. Pour le moment, je me concentre sur ce premier album à défendre, à faire de la scène.

On ne vous a jamais vue, en France ou ailleurs, en couverture d'un magazine people, au naturel ou avec un partenaire...
Quel petit-ami ? (Rires) Il faudrait déjà en avoir un ! (Rires) On me laisse tranquille, mais les Italiens sont un peu plus portés sur les paparazzi...

Comment on se protège de ça ?
Je porte des lunettes de soleil et une étole, comme ça je peux être n'importe qui. Mais ils me reconnaissent quand même. Mais je me dis que s'ils prennent une photo, qui va leur acheter ? Car ils verront à peine mon visage. Donc je suis plutôt tranquille de ce côté-là...

Vous avez donc gagné l'Eurovision, vous avez défilé pour Jean-Paul Gaultier, été meneuse de revue au Crazy Horse, sorti une autobiographie et un album, vous avez chanté devant le Parlement Européen... Quel est votre but maintenant ? Qu'est-ce que vous voulez accomplir ?
Je veux gagner un Grammy Award ! (Sourire)

Et pourquoi pas un Oscar ?
Ah mais oui, on peut gagner un Oscar pour la meilleure chanson de film ! J'oublie tout le temps.

Adele en a eu un avec "Skyfall"...
C'est vrai... Je fais tout le temps la blague sur le Grammy alors qu'il y a les Oscar ! Mais quand ça touche à Conchita, j'essaie de faire en sorte que ce soit très humble, c'est pour ça que l'album s'appelle "Conchita", le livre aussi. Mais un Grammy ou un Oscar, ce serait le summum.

Vous pensez que vous allez faire vivre le personnage Conchita Wurst durant de nombreuses années ?
Je ne sais pas. Pour le moment, je suis bien. Pour moi, Conchita, assise là, en face de vous, elle n'a pas fini ce qu'elle a à faire. Je n'ai pas atteint tout ce que j'ai envie d'accomplir. Mais un jour, et je ne sais pas combien de temps ça prendra, peut-être que dans 20 ans, j'en aurais marre de porter des talons hauts et tout ça. Je deviendrai peut-être quelqu'un d'autre, un autre personnage, ou juste Tom. Je ne sais pas.

Vous vous voyez à 56 ans encore sur scène comme Madonna ?
Oui, bien sûr. J'adorerais vivre cette vie que j'ai actuellement jusqu'à la fin de ma vie. Ce serait magnifique !

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