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dimanche 29 septembre 2019 12:32
Mark Daumail en interview : "Cocoon est une enveloppe de douceur"
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Cocoon rallume la flamme de l'espoir avec son nouvel album "Wood Fire". Un projet intime pour lequel le chanteur Mark Daumail met à nu son couple et s'est envolé du côté des Etats-Unis. Il nous raconte cette expérience "impressionnante" en interview.
Crédits photo : Pochette de l'album
Le précédent disque "Welcome Home" était décrit comme une parenthèse personnelle. Pour ce nouveau disque, tu incarnes à nouveau Cocoon seul. Mark et Morgane, c'est fini pour de bon ? Non, non. Moi j'en rêve. J'aimerais trop qu'on refasse de la musique ensemble. Mais je peux comprendre son choix, étant elle aussi une artiste qui écrit ses chansons. Elle a quand même donné sept ans à Cocoon qui, historiquement, est mon projet. Sept ans au service du groupe, en mettant le sien de côté. Au moment de "Welcome Home", je l'avais rappelée bien sûr mais elle m'avait dit non car elle sortait son premier album solo ["Les Songes de Leo", ndlr]. Là encore une fois, elle s'apprête à sortir un disque quasiment en même temps que le mien, donc ça n'a pas pu se faire. Je rêve de retravailler avec Morgane Vous restez en contact ?Ah oui bien sûr ! On se parle tous les mois. Mais je comprends. Moi je n'aurais pas pu faire ce qu'elle a fait. Je ne me vois qu'avec mon projet, je n'ai jamais pensé à jouer dans un autre groupe. Mais son empreinte reste là, pour moi Cocoon est vraiment incarné par ce mélange de voix femme-homme. Sur l'album précédent, j'avais fait appel à Natalie Prass, qui est une géniale chanteuse américaine, et là j'ai trois invitées. En fin de compte, je pense qu'on pourrait limite me remplacer dans Cocoon car nos visages ne sont pas connus. Tout le monde connaît une chanson de Cocoon mais il n'y a pas d'attachement aux personnes. Les gens s'identifient d'abord à un son, cette espèce d'enveloppe de douceur. C'est la raison pour laquelle l'absence de Morgane a surtout été douloureuse pour moi, en fait, et qui explique pourquoi le groupe a continué d'exister derrière. C'est plus difficile d'assumer le groupe seul ? Non car Cocoon a toujours été mon bébé. En revanche, les textes ont évolué. Depuis que Morgane est partie, je chante des choses encore plus personnelles sur la naissance de mon fils, qui était né avec des petits problèmes de santé, ou comme ici sur le couple. Là encore, dans cet album, je parle de ma vie et j'essaie de transformer mon propos pour toucher tout le monde. J'ai fait une dépression de couple Quelle a été l'étincelle de ces nouvelles chansons ?Toute l'histoire de "Welcome Home" tournait autour de mon enfant, j'ai parlé de paternité, de généalogie, de mon père, mon grand-père, de famille. Cet événement a été très traumatisant pour ma femme et moi. Je m'en suis rendu compte quand on est rentré à la maison et que je suis parti en tournée. Je suis parti longtemps et j'ai réalisé qu'on faisait une petite dépression de couple. J'ai donc voulu lui faire un disque, à elle, en utilisant l'analogie avec un feu de bois. J'ai pris toutes les étapes d'un feu et j'ai articulé l'album autour de ce concept : "Spark" c'est l'étincelle, "Ember" les braises, "Ashes" les cendres... Il y a des chansons très dures, des chansons très joyeuses. C'est un disque où je suis parti de 12 événements intimes pour en faire 12 chansons. Puis à la fin, je ne parle même plus de nous : ce sont des chansons qui sont devenues universelles. Regardez le clip "Spark" : C'est compliqué de mettre des mots sur une expérience personnelle quand on sait qu'elle sera présentée au grand public ? Cet album est une vraie mise à nu. C'est marrant parce que j'en ai parlé avec d'autres artistes comme Stephan Eicher, des artistes dont j'ai réalisé l'album. Quand je leur ai fait écouter les maquettes pour "Welcome Home" ou "Wood Fire", ils m'ont dit : "Mais tu ne peux pas dire ça, tu vas trop loin, tu racontes trop ta vie". Il y a des gens qui sont à l'opposé de ça, qui se cachent derrière la musique. De mon point de vue, c'est une façon honnête de raconter des choses parfois très crues. Ces deux albums sont liés, ils forment vraiment un diptyque. On verra par la suite mais pour le prochain opus, peut-être que je reviendrais à quelque chose de poétique comme les premiers Cocoon. Aux Etats-Unis, on parle le même langage Une bonne partie de l'album a été enregistrée à Los Angeles. Pour quelle raison ?Je fais désormais chaque album aux Etats-Unis. Pour celui-ci c'était la Californie, celui d'avant j'étais allé du côté de New-York. En France, pour faire de la musique en anglais... Il n'y a pas grand monde. On est obligé de s'exporter. Soit je fais venir des Américains ou des Anglais à la maison, notamment pour prendre mes prises de voix. Je trouve ça hyper logique d'être corrigé sur des petits accents toniques ou des fautes de prononciation par quelqu'un dont c'est la langue maternelle. Soit je m'y rends moi-même. En l'occurrence, je suis parti à Los Angeles avec Jeanne Added et Gaëtan Roussel dans des camps d'écritures. Tous les jours on avait une session avec des mecs qui ont travaillé avec Rihanna, Kanye West ou Justin Bieber, dans des bureaux où tu avais des Grammy partout. (Rires) Le but étant de faire mélanger les cultures et de voir ce qu'il en sort. Il y a des trucs très nuls qui sortent et des trucs géniaux ! Moi je me suis senti très à l'aise, là-bas. On parle le même langage. Et puis je me suis rendu compte qu'aux Etats-Unis comme en France, le milieu de la musique est minuscule ! Il n'y a pas énormément de songwriters. C'est la culture de l'entertainment là-bas, de la pop music. Quand je dis qu'il y a parfois des titres mauvais qui sortent des writing camps, c'est parce qu'en ce moment tout le monde essaie de faire du Ed Sheeran ! Tu te retrouves avec une chanson mi-figue mi-raisin qui n'a aucune âme, un peu faite industriellement, comme des burgers. Ce truc-là, j'ai essayé de le fuir. Comment ? En collaborant avec des gens qui ont une histoire, une vraie légitimité dans leur parcours. Comme Sharon Vaughn. Pour résumer, aux Etats-Unis, tu as trois villes pour la musique. Los Angeles pour tout ce qui est musique pop, tout ce qui s'exporte comme Ed Sheeran ou Khalid. La manière de composer est souvent la même : ils prennent un slogan, genre "Shape of You", et le répète presque pendant trois minutes en boucle. J'exagère mais c'est un peu leur façon de fonctionner. « Can we just talk », « can we just talk »... "Talk" de Khalid, c'est ça. Après tu as Nashville, qui est le berceau de la musique "domestique", la country. Et c'est de loin le plus gros marché américain. Là-bas, tu trouves les meilleurs musiciens du monde. Même les meilleurs des meilleurs de Los Angeles essaient d'y aller mais se font refouler et reviennent au bout d'un an. Les gars de Nashville sont tellement d'un niveau incroyable en terme de poésie, de topline, de production. C'est vraiment un monde à part, mais qui est dur à exporter en Europe par exemple. Taylor Swift ou Kacey Musgraves, qui vient de rafler un Grammy, en sont sorties mais c'est rare. D'ailleurs, Taylor Swift a conquis le monde depuis qu'elle s'est mise à la pop ! Mais elle a fait des albums country qui sont sublimes, beaucoup mieux que ce qu'elle fait aujourd'hui à mon sens. L'an prochain, j'irai à Nashville, je suis hyper impatient. Enfin, tu as le son de New-York où là c'est vraiment plus basé sur les paroles. Beaucoup de rap, beaucoup de lyricistes, d'écrivains. Moins de musique qu'à Los Angeles, mais les deux se contrebalancent. J'ai appris ça grâce à Sharon Vaughn. J'ai eu la meilleure Qui est-elle ?C'est une dame qui doit avoir dans les 70 ans aujourd'hui, qui a même son étoile sur le Hollywood Boulevard. Elle a fait des énormes tubes pour la musique country à Nashville. Elle a eu envie d'écrire pour la pop music et c'est ce qu'elle fait aujourd'hui à Los Angeles. J'ai eu la chance d'avoir deux jours avec elle. Je lui ai raconté mon histoire de couple et on a écrit cinq chansons dont "Spark" et "Everybody Knows". Elle m'a tué. En plus, c'était le premier jour où j'arrivais. J'ai eu la meilleure. Elle est incroyable. Elle a bossé avec les plus grands ! On est resté très copain. C'était vraiment impressionnant. J'ai vécu ce stage comme une cure de jouvence. Tu parlais tout à l'heure de ta passion pour les belles voix féminines. On en retrouve trois sur "Wood Fire", tu peux m'en dire plus ? J'ai voulu trois artistes différentes. Owlle est une chanteuse à voix qui a beaucoup de coffre. Elle a tendance à beaucoup chanter, et le but dans Cocoon c'était de la faire très peu chanter. Au début, on a un petit peu galéré. (Rires) On a mis deux-trois prises à trouver un rythme de croisière où elle se sentait à l'aise et où ça collait avec l'esprit Cocoon. C'est une super copine. Pour Yael de Lola Marsh, je suis allé à Tel Aviv. Elle a une voix vraiment dingue, tellement étrange, presque unique, très basse, avec un vibrato... J'ai toujours été amoureux de sa voix. Je lui ai envoyé le titre "I Got You" et ils m'ont fait venir en Israël. Gil [Landau, le guitariste du groupe ndlr] a fini par faire quelques guitares sur l'album. J'étais très content de ce duo. Et puis, il y a une fille qui s'appelle Clou, qui chante sur "Rollercoaster" en anglais et sur "Back To One", pour la partie en français. A la base, je lui avais juste demandé de faire l'adaptation et elle a fini par poser sa voix. Je suis hyper content d'avoir une chanson en deux langues aussi. Regardez le clip "Back To One" de Cocoon : Ça se déroule toujours aussi simplement les collaborations ? Non, c'est l'enfer. (Rires) Par exemple, et je n'ai appris ça que récemment car jusqu'à présent je contactais moi-même les artistes avec lesquels je voulais travailler, les maisons de disques tiennent à mettre en avant des artistes maisons. Moi je suis chez Barclay, chez Universal, qui est un label avec de super artistes, mais si je veux par exemple bosser avec quelqu'un de chez Warner, et bien potentiellement ça peut coincer. Au final, il n'y a que Lola Marsh qui est dans la même maison de disques que moi donc ils n'ont pas été très insistants sur ce point. Mais ça peut être embêtant. Après, moi je passe beaucoup par Instagram. Pour ce projet, j'ai contacté cinq ou six chanteuses supplémentaires. Des fois, c'est un problème d'agenda, des fois elles ne répondent pas. C'est souvent le cas. J'ai une longue liste de chanteuses avec qui je rêverais de collaborer. J'aimerais bien chanter avec des mecs aussi, ce serait cool. J'aimerais faire un duo avec Ben Harper Qui par exemple ?Il y a une artiste canadienne que j'adore, que j'ai contactée mais qui ne m'a jamais répondu. Je pense qu'elle ne sait pas qui je suis. Elle s'appelle Charlotte Cardin. Je l'adore. Elle aurait été trop bien. J'aime beaucoup Feist aussi. Chaque album je lui demande, je ne désespère pas de la convaincre un jour ! Lykke Li par exemple, j'adorerais aussi. Pour les hommes, j'aimerais bien faire quelque chose avec Ben Harper. On s'est déjà rencontré plusieurs fois et on a déjà évoqué ça, donc peut-être dans le futur. Il y a un groupe irlandais que je trouve sublime, c'est Villagers. Il y a plein d'artistes que j'adore dans la musique folk, comme Bon Iver ou Sufjan Stevens... Je l'ai contacté pour cet album et ça a failli se faire. Il m'a demandé de lui envoyer des chansons, mais... je n'ai plus eu de nouvelles ensuite. (Rires) Je ne mets aucun ego dans les refus. Au début, j'étais mort de honte quand on me disait non ! Mais aujourd'hui je comprends. On me sollicite beaucoup aussi et je dois souvent dire non. Le succès que vous aviez connu à l'époque avec Cocoon, à l'époque de "Chupee", tu aimerais le retrouver ? Je n'ai pas de manque. Cocoon a 15 ans aujourd'hui et mon public est toujours là, il a vieilli avec moi. Aujourd'hui, ce sont des artistes comme Angèle qui suscitent un engouement très fort et ça s'explique aussi parce qu'ils ont un public jeune. Sur ma dernière tournée, j'ai vu beaucoup de parents, de familles, de gens qui, comme moi, ont entre trente et quarante ans voire plus. J'ai l'impression que ce n'est pas un engouement moins fort mais un engouement différent. La clé, c'est de durer. Pour durer, je pense qu'il faut faire des disques honnêtes. Mon public est toujours là Tu as débuté une tournée acoustique au mois de juin. Tu vas garder la même configuration pour tes prochains concerts ?Non. On a fait un tour de chauffe, comme on dit dans le métier. Juste une chorale et moi, dans des petites salles de 500-600 places... C'était ouf. En décembre, on attaquera une tournée plus importante avec plus d'ampleur. Basse, batterie, on sera beaucoup sur scène. En plus, j'ai envie de faire un concert assez cool avec les "gold" du groupe et des chansons que le public aime. Je commence à avoir fait pas mal de morceaux, ça fait cinq disques donc j'essaie de solliciter les gens pour savoir quels titres ils voudraient. La setlist, c'est le moment où je me prends le plus la tête !
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