Arcade Fire

Crédits photo : Théau Berthelot
Dans la file d'attente, tout le monde ne parle plus que de ça. Les accusations d'agressions sexuelles et de comportements sexuels inappropriés visant le leader Win Butler ont jeté un certain froid sur la tournée européenne d'Arcade Fire. Maintenue malgré la polémique, la série de concerts divise les fans, certains ayant demandé l'annulation pure et simple des shows, tandis que la formation montréalaise opère un étrange silence radio sur les réseaux sociaux. Aux abords du Zénith de Lille ce dimanche soir, pour la première date française de leur tournée, les fans ont pourtant répondu présents malgré la situation. C'est le cas d'un père et de sa fille, venus spécialement de Belgique : « Ce n'est pas encore un cas judiciaire et la presse en fait parfois beaucoup... C'est le lead singer mais il y a beaucoup d'autres personnes dans le groupe. Nous sommes là car on a payé nos tickets et qu'on est fans de la musique. Je pense que des stars comme Michael Jackson ont beau avoir fait des choses, des gens sont toujours fans d'eux. On ne dit pas qu'on est d'accord, mais on ne peut pas dire si c'est bien ou mal ».

Des fans divisés, mais un Zénith quasi complet

D'autres ne sont pas de cet avis. Interrogé sur les réseaux sociaux, Gordon, un fan écossais, a refusé de se rendre au concert de Glasgow la semaine dernière : « J'ai lu l'article de Pitchfork, le communiqué de Win et ça ne m'a pas donné envie d'y aller. Il y a 4 ans ça aurait peut-être été différent, mais aujourd'hui vu le nombre d'histoires sur des personnes célèbres qui se sont avérées vraies, il est plus probable que cette histoire soit vraie qu'inventée. La déclaration de Win est très louche et je ne peux pas faire la séparation entre l'homme et l'artiste quand il s'agit de telles actions ». Malgré tout, le Zénith de Lille était bien rempli : 6.191 spectateurs très précisément (selon La Voix du Nord) sur les 7.000 que la salle peut contenir. Et à l'intérieur, point de pugilat ou de sifflets, mais une ambiance bon enfant, comme celle d'un concert "classique". Accrochés à la barrière, certains fans venus d'Angleterre en sont à leur cinquième ou sixième concert. D'ailleurs, Win Butler fait son apparition dès 19h30 sur une petite scène centrale placée au milieu de la fosse, afin de présenter le groupe haïtien Boukman Eksperyans en première partie, remplaçant au pied levé Feist qui a quitté la tournée. Premier signe : il est plutôt bien accueilli par la foule.

Ce "We Tour", tel est le nom de la tournée, est placé sous le signe de la sobriété. Quatre ans après le show explosif en scène centrale donné à l'Accor Arena, le groupe de rock a opté pour une scénographie plus simple : un arc de cercle surplombe la scène en guise d'écran et diffuse simplement des animations. La sobriété est de mise aussi pour l'entrée du groupe qui fend la foule pour se rendre sur la petite scène centrale, sans grands artifices, ni annonce explosive, et lance d'emblée le trop peu joué mais excellent "We Used To Wait". Et le public, debout et motivé dès les premières notes, fait un triomphe au groupe lui faisant oublier, pendant 1h50 de concert, les polémiques qui entachent sa réputation depuis deux semaines.



Alternant entre passages sur la scène centrale et la scène "classique", Arcade Fire propose à son habitude un show musicalement impeccable, sans temps mort et rempli de moments forts. Et il ne leur a suffi que de quelques minutes pour enflammer la fosse grâce à l'énergie rock de "Ready to Start" ou "Neighborhood #3 (Power Out)", les effluves discoïdes de "Afterlife" et "Reflektor" ou l'incroyable "Age of Anxiety II (Rabbit Hole)", nouveauté qui prend une autre dimension sur scène. D'habitude assez bavard, Win Butler reste assez peu communicatif sur scène mais Régine Chassagne reçoit une salve d'applaudissements à chacune de ses mises en avant.

Un concert moins réussi qu'à l'accoutumée

Si Arcade Fire reste imbattable scéniquement et musicalement parlant, le concert de cette tournée reste bien en deçà de celui de la tournée précédente. Plus élémentaire, la scène met moins en avant certains musiciens comme le batteur Jeremy Gara, quasi invisible de tout le concert. D'ailleurs l'esprit de cohésion qui fait la force de la bande depuis 20 ans semble avoir peu à peu disparu, chacun restant gentiment dans son coin sans interagir avec la foule, si ce n'est le duo Win/Régine et le nouveau membre Paul Beaubrun. De plus la setlist, finalement assez classique, semble être improvisée chanson après chanson, sans véritable construction, comme ce fût le cas il y a quatre ans. C'est notamment assez parlant lors de ce rappel quelque peu déceptif sur la mini-scène centrale, où après le long "End of the Empire" (10 minutes), le concert se clôt sur un "Wake Up" quelque peu expédié et joué sans l'énergie des débuts.



C'est donc avec un sentiment paradoxal que l'on quitte l'enceinte du Zénith de Lille. Est-il possible d'apprécier le concert sans faire abstraction de toute la polémique l'entourant ? La question reste en suspend et chacun se fera son propre avis. Toujours est-il que malgré les accusations ne pouvant être ignorées, le groupe est toujours capable de donner des concerts incroyables avec un feu sacré qu'il ne compte pas attiser. A noter que trois autres concerts français sont programmés à l'Accor Arena de Paris ce jeudi, l'Arkéa Arena de Bordeaux puis le Zénith de Nantes les 25 et 26 septembre.

Hier soir, #ArcadeFire a commencé sa tournée française au @zenithdelille. Malgré la polémique, il faut quand même avouer qu’ils restent au sommet musicalement parlant. Même si le show, très sobre, reste en deçà de celui de 2018… pic.twitter.com/sMz7wnKeOZ

— Théau (@theau_btl) September 12, 2022

Setlist du concert d'Arcade Fire à Lille

We Used to Wait
Age of Anxiety I
Ready to Start
Afterlife
Reflektor
Neighborhood #3 (Power Out)
Rococo
Age of Anxiety II (Rabbit Hole)
The Lightning I
The Lightning II
Rebellion (Lies)
The Suburbs
The Suburbs (Continued)
WE
Unconditional I (Lookout Kid)
Haïti
Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)
Everything Now

Encore :
End of the Empire I-III
End of the Empire IV (Sagittarius A*)
Wake Up