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dimanche 07 juillet 2024 12:01

Amir en interview : "Mes chansons ont changé car je ne suis plus la même personne"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Amir vient d'annoncer la sortie de son nouvel album "C amir", emmené par le single "Sommet". Dans une interview touchante pour Purecharts, le chanteur se livre à coeur ouvert sur son retour, l'impact du décès de sa maman sur sa création, l'attaque terroriste du Hamas en Israël ou encore ses ambitions de carrière internationale.
Crédits photo : Yann Orhan
Propos recueillis par Julien Gonçalves, le 23 mai dernier.

Il s'est passé beaucoup de choses dans ta vie et ta carrière depuis ton dernier album. Dans quel état d'esprit reviens-tu ?
J'ai faim de fou ! J'ai peur aussi. Moi ça me donne un cap, ça me laisse vif. Il y a un rapport de "ça fait longtemps". De quelle manière je vais l'aborder ? Est-ce que j'ai encore les aptitudes ? J'avais un peu perdu quelques notions, car non seulement j'ai pas fait de musique pendant longtemps mais j'ai aussi fait du théâtre. Donc c'est un retour à quelque chose que je connais sans vraiment connaître parce que du temps est passé depuis. Et j'ai l'impression d'avoir une arme ultime, qui est l'album. Parce que s'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que j'aime ces chansons très fort et je suis heureux de savoir que je vais pouvoir les sortir bientôt.

Je n'ai pas réussi à affronter la création pendant toute une période
Tu reviens avec le single "Sommet" qui peut surprendre à la première écoute, car tu opères là un virage musical. Pourquoi prendre ce risque ?
Ce n'était pas l'envie, mais je me suis moins posé ce genre de questions. Sur la phase de création comme sur la phase des prises de parole. Je ne suis plus trop dans ce calcul... En ouverture, tu l'as dit toi-même, des choses sont arrivées dans ma vie, mes priorités ont évolué, mon rapport à tout a changé. Je peux dire sans prétention aucune que je suis quelqu'un d'autre... Je ne l'ai pas choisi. (Sourire) Mais dans ce nouvel état d'esprit qui est le mien aujourd'hui, il y aura de la vérité. Il y en aura tellement que ça pourra peut-être gêner, et ce n'est pas grave, tant mieux.

C'est facile de se confronter à des sujets si intimes et si douloureux en musique ?
J'en avais vraiment besoin. Je n'ai pas réussi à affronter la création pendant toute une période. Tout ce que j'ai fait c'est encaisser, pour emmagasiner, pour me dire qu'un jour je trouverai le bon moment d'évacuer tout ça. Et quand c'est sorti, je me suis rendu compte de l'apaisement que j'ai ressenti. C'est sorti vite, c'est sorti fort. On s'est réuni pendant 10 jours et on a fait 35 chansons.

Ah oui, ça a été une pulsion d'énergie, de puissance...
J'ai l'impression qu'on m'emmenait aux urgences. J'ai attendu ce moment, mais je savais que je ne pouvais pas le faire avant. Cet album était une thérapie pour moi. Evacuer toutes ces thématiques que je ne savais pas comment aborder, mais les faire ressortir, ça permettait d'en parler, de les mettre sur la table, comme une séance chez un psy. Et guérir un peu de ce qui est arrivé. Pour aujourd'hui me dire que l'album qui va sortir... Et je ne le dis pas pour inquiéter, car le plus beau cadeau que je peux faire au public c'est d'être franc. Mais je sais juste que ce sera surprenant. Ce seront des couleurs de moi, des variantes, qui ont toujours existé mais qui étaient freinées par une sorte de diplomatie, de ne pas trop créer de désordre, de ne pas agrandir la case.

Cet album m'a apporté un réconfort dont j'avais besoin
C'est agréable de surprendre après bientôt 10 ans de carrière aussi, non ?
Oui, je suis bien d'accord avec toi. Ça démarre par moi et les copains avec qui on fait les chansons, de s'étonner. On se sent bien vivant quand ça arrive. Avec l'excitation, non pas de prendre un "risque" car je n'aime pas ce mot, mais de challenger l'oreille de ceux qui nous écoutent, et aussi challenger ma voix, mes thématiques habituelles. C'est comme si j'avais laissé ouvert mon jardin secret, alors que normalement je devrais le fermer à clé. Mais une fois que c'est fait, je me sens libéré. Disons que je n'ai jamais connu une telle quiétude avant de sortir un album, ne sachant pas quel avenir il aura. Ce n'est pas entre mes mains et ça ne l'a jamais été. Mais du moment que je suis entier avec ce qui arrive, alors tout ce qui arrivera ensuite, ce ne sera que du bonus. Je suis heureux parce que cet album m'a apporté un réconfort dont j'avais besoin.




Comment est né le premier single "Sommet" ?
J'avais envie de parler de l'adversité, de la capacité de surmonter quelque chose qui parait insurmontable. En faisant écho avec des événements personnels mais aussi à la perspective d'un retour avec une nouvelle prise de parole musicale. Est-ce qu'on t'attend ou pas ? Est-ce que tu y arriveras ? Est-ce que tu es encore suffisamment fort comme tu l'as été ? Partir d'en bas, c'est plus dur qu'une inertie, il faut tout redéclencher. La métaphore immédiate était celle du sommet, repartir. La phrase la plus importante c'est "On va réussir, on sait comment". J'avoue qu'au début, c'était "On va réussir, j'sais pas comment", mais je trouvais que c'était plus parlant. Car quoi qu'il arrive, ça va le faire ! Mais c'est une phrase que je dis surtout pour me rassurer.

Il est difficile d'évoluer quand tu as pas d'obstacle
C'est avec les doutes qu'on avance aussi...
Ces doutes qui accompagnent un retour, ces craintes, ces manques de confiance, quand tu es là, aux pieds du truc, tu as envie d'avancer, et la seule chose que tu peux faire, c'est quoi ? C'est d'y aller et tu ne peux que monter. Parce que c'est vital. J'en suis là. Dans la vie, j'ai aimé me retrouver dans des situations de non choix face à de grandes choses que je voulais atteindre.

Tu as révélé sur Instagram que tu t'étais mis à la course pour te dépasser et surmonter la douleur du deuil, après le décès de ta maman. Tu as été puiser là aussi pour ce titre ?
Oui, tu abordes un truc très juste. C'est la partie publique de ces défis. Car dans ma vie, je suis confronté à ça de manière assez quotidienne, que ce soit pour moi ou des proches qui vont avoir peur de ne pas y arriver. J'ai toujours eu ce discours : si c'est dur, c'est mieux, s'il y a de l'adversité, ça devrait te motiver. J'ai commencé l'interview en disant que j'avais peur mais que ça me donnait un cap. Je crois que ce serait ennuyant de n'être que dans un truc où c'est facile. Il est difficile d'évoluer quand tu as pas d'obstacle.

Ce serait criminel de se taire sur l'attaque en Israël
Sur ce nouvel album qui arrive, tu évoques l'attaque terroriste du Hamas en Israël du 7 octobre dernier sur le titre "Supernova". Est-ce que "Sommet" vient aussi de là ? Car tu y parles de l'adversité, de reconstruire...
Tout à fait. Ce titre a pour moi évidemment une double lecture, dont je ne peux pas me dissocier. On se parle de choses simples à digérer, mais elle parle aussi de nouveaux départs après des défis personnels comme collectifs. On est encore là-dedans. C'est malheureux mais je ne perds pas espoir. Beaucoup de messages en ce sens me sont arrivés le jour de la sortie du titre, quand les gens l'ont entendu la première fois. C'est ce qui est magique dans la musique : quand une chanson arrive à trouver un logis dans la perspective personnelle de chacun, s'imbriquer avec la vie des gens.

Je le disais, "Supernova" parle de l'attaque du Hamas, par le biais d'une tuerie à un festival de musique dans le désert israélien. Est-ce que tu as hésité en écrivant sur un sujet d'actualité, qui peut être perçu comme politique et qui peut diviser ?
Je m'en contrefous. Je ne le dis pas pour bloquer ta question mais je m'en fous parce que ce n'est pas que plus fort que moi, c'est que ce serait criminel de se taire. Ces jeunes gens vont faire la fête dans un festival de musique, et là on est sur un média musical donc ça a tout son sens. Ils pensaient passer la nuit à danser avec leurs copains, et ils se retrouvent attaqués à l'aube par des milliers de missiles, par des centaines de terroristes qui débarquent avec des armes... Si on a été outrés par ce qui est arrivé au Bataclan, on ne peut qu'être outrés par ça. Surtout que c'était à une envergure plus massive, c'était filmé. Ça devenait presque de la pornographie de l'horreur. Je trouve ça évident qu'il faille que je m'adresse à des événements que j'ai vécus il y a si peu de temps et qui sont une plaie encore ouverte pour moi.

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Qu'as-tu voulu exprimer sur ce titre ?
"Supernova" raconte le passage brutal de l'utopie du bonheur que l'on peut ressentir quand on est en fusion avec soi-même, avec la nature, avec les gens qu'on aime, à l'horreur absolue. Du paradis à l'enfer, en l'espace d'un instant. Ils étaient tous innocents, ils venaient juste à une soirée pour s'amuser... L'image des gens qui courent, qui essaient de fuir pour rester vivants, est tellement marquante que c'est ce qui nous est venue en premier pour illustrer ce désastre.

C'est un album que je qualifierais de très positif
Tu parlais tout à l'heure de l'utilisation de ta voix. C'est vrai qu'elle est plus parlée, plus frontale sur cet album. C'était une volonté ?
Tu veux rire ? Techniquement, à la fois le fait de ne pas avoir chanté pendant longtemps et le fait d'avoir fait du théâtre, où tu n'as pas de micro, a changé quelque chose dans le placement de ma voix. C'est un peu technique et un peu chiant, mais oui ça a joué. Et avec la conviction que j'avais quand je chantais ces chansons aussi...

Le disque a donc été tristement influencé par la disparition de ta maman. Comment tu as retrouvé la force de retourner en studio, de repartir à zéro ?
Ce qui est étonnant c'est que lorsque je me suis senti un peu capable, d'avoir guéri de ces deux années de maladie et de ces quelques mois déjà passés depuis qu'elle s'en est allée, j'ai soudain trouvé le moment. Et ce moment où j'ai dit "C'est bon, on peut y aller, je crois que je suis prêt. Réunissons-nous et écrivons", de manière très ironique, c'était le 8 octobre. On s'est retrouvé le 8 et on a tout annulé le 9 car j'étais incapable de faire quoi que ce soit. Comme si l'ironie du sort me disait : "Tu n'as pas encore assez souffert. Va mûrir tout ça encore un peu". C'est pour ça qu'on a fait cet album qu'en janvier. Il a condensé tout ce qui a pu arriver. Et en même temps, c'est un album que je qualifierais de très positif, car même s'il évoque de manière très franche les événements que j'ai pu traverser, je ne peux pas me détacher d'un truc qui est inné en moi : la perspective de penser à demain, et à un demain qui n'est pas sombre. Je peux reconnaître qu'aujourd'hui ça va mal et qu'hier c'était difficile, mais j'ai du mal à dire "Demain ce sera horrible". Je ne suis pas comme ça. Cette lumière, elle fait partie de moi.

Tu as fait des duos avec One Republic, Sia ou Jason Derulo. Tu as des ambitions internationales ?
J'allais dire un truc bateau genre "La musique n'a pas de frontières". (Rires) Est-ce que j'aimerais qu'on m'entende au-delà des frontières de la francophonie ? Oui. Est-ce que j'oeuvre spécialement pour ? Non. J'ai suffisamment d'ambitions ici et je ne suis qu'au début de ce qui peut se passer chez nous. Mais si un jour la vie m'offre une exposition à l'autre bout du monde... D'ailleurs, parfois ça arrive, on voit des pics d'écoutes en Russie, à l'Ile Maurice ou au Honduras. Des trucs très surprenants ! Mais disons que je suis un casanier du territoire. Déjà, j'ai cette envie d'être plus chez moi, d'être plus avec les miens. Il est difficile de m'imaginer une vie qui se déroule dans le monde entier. Je sais que c'est le synonyme absolu de la réussite mais ça me fait quand même peur. J'ai cette chance de trouver un équilibre entre une carrière mouvementée, et tant mieux, et un équilibre familial qui m'apporte énormément. J'essaie de ne pas trop le troubler, je suis heureux comme ça.
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Écoutez et/ou téléchargez l'album "Ressources" d'Amir sur Purecharts !

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