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U2 en concert : un retour aux origines sous forme politique (Live report)

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Samedi soir, U2 donnait le premier de ses quatre concerts parisiens dans un AccorHotels Arena plein à craquer. Reprenant la scénographie de leur tournée de 2015, les quatre Irlandais ont offert un show spectaculaire qui leur a permis de se rappeler leur jeunesse dublinoise, tout en défendant les valeurs de l'Europe. Pure Charts y était !
Crédits photo : Bestimage
Les mauvaises langues vous diront qu'on a plus l'impression d'assister à un meeting politique qu'à un vrai concert. Mais U2 a toujours flirté avec les thématiques sociales : Solidarność, la famine éthiopienne, le siège de Sarajevo... Désormais le nouveau cheval de bataille des quatre Irlandais est l'Europe. Après avoir ausculté les tares américaines au pays de Donald Trump, U2 veut désormais sensibiliser sur la fragilité de l'Union européenne au milieu d'un show plus intimiste qu'il n'y paraît et dans un AccorHotels Arena plein à craquer. Les fans sont en terrain connu puisqu'il s'agit de la suite de la tournée de 2015, avec le même décor; les autres sont enfin comblés de découvrir cette impressionnante scénographie.

Le constat est clair dès le début du concert lorsque sur l'immense écran géant défilent des images des villes européennes en ruine à la fin de la Seconde Guerre mondiale; ainsi que le discours de Chaplin du "Dictateur". En fond sonore ? Les premières notes de "Zooropa", écrit par le groupe à l'orée du traité de Maastricht. On ne peut faire plus clair. Au milieu de cet écran-bloc posé sur toute l'avancée, tel le Mur de Berlin, U2 fait son apparition en ombre chinoise au son du dévastateur "The Blackout". Il n'en faut pas plus pour enflammer le public, qui bondit d'un seul homme et se rassure de voir Bono en pleine forme vocale, quelques jours après sa malencontreuse extinction de voix à Berlin.

Regardez l'introduction du concert de U2 :



Les chansons de l'innocence (retrouvée)


Pourtant, derrière le côté pro-européen assumé, le groupe fait de ce concert un véritable retour aux sources, notamment durant la première heure où U2 se rappelle de sa jeunesse dublinoise : la mère décédée ou la rue familiale y sont évoquées au côté de l'inévitable "Sunday Bloody Sunday", épuré à l'extrême et plus que jamais pensé comme un hommage aux victimes. La plupart du temps, ce regard sur le passé est opéré via des chansons tirées des deux derniers albums "Songs of Innocence" et "Songs of Experience". Et cette volonté permet à la bande de Bono de mettre de côté de nombreux hits de son répertoire. Exit donc les "With Or Without You", "Mysterious Ways" ou "Where The Streets Have No Name", pourtant moments forts de chaque concert du groupe. A tort ou à raison, le public n'a pas l'air de s'en plaindre mais exulte dès les premières notes des bondissants tubes "Beautiful Day" ou "I Will Follow".

Mais au-delà d'une setlist plus axée sur la nouveauté, U2 a pour volonté de bluffer visuellement son public en utilisant son immense écran centrale de façon inédite. Sur "Cedarwood Road", Bono prend place dans l'écran et semble marcher dans la rue de son enfance où tous ses souvenirs, de Bowie aux conflits nord-irlandais, lui sont rappelés sous forme d'illustrations. Sur "Lights of Home", l'écran se démultiplie et fonctionne comme une sorte de passerelle permettant au chanteur de relier les deux extrêmités de la salle.

The best rock and roll band in the world


Comme pour le show de 2015, ce nouveau spectacle de U2 est conçu en deux parties, entrecoupées d'un "entracte". Sur une vidéo-interlude au son du trop rare "Hold Me, Thrill Me, Kiss Me, Kill Me", le groupe se mue en figure faustienne accédant à la célébrité et, tel Icare, s'approchant un peu trop près du soleil. Une nouvelle façon pour la bande de Bono de moquer son statut d'icône rock, comme ce fût le cas il y a 25 ans lors du mythique "Zoo Tv Tour". On peut ainsi voir un énorme parallèle entre cette tournée de 1992/93 et l'actuelle, notamment pour sa critique ironique de la célébrité et un état des lieux de l'Union européenne, à l'époque naissante. Pour la deuxième partie du concert, U2 rejoint l'avancée et muscle son jeu avec les énergiques "Elevation" et "Vertigo". L'occasion pour Bono d'arborer une nouvelle fois son personnage de diablotin, Mister Macphisto, ironisant sur le changement climatique. Mais, au lieu du maquillage, le chanteur fait appel à une sorte de filtre Snapchat le transformant plus en Joker qu'en diable. Après avoir ainsi exhumé sa jeunesse en début de concert, U2 opère par la suite une autocélébration de son incontestable célébrité : « I'm fucking Bono » hurle-t-il devant 20.000 fidèles convertis.

Regardez U2 jouer "New Year's Day" à Paris :



Nettement plus joyeuse et dansante, cette deuxième heure permet néanmoins au groupe, où tout du moins à Bono, d'évoquer d'autres sujets de société comme l'égalité des sexes sur "One", le sort des migrants sur "Summer of Love" ou la jeunesse LGBT avec "Love Is Bigger Than Anything In Its Way". De longs prêches qui semblent convaincre un public acquis d'avance, même si on aurait préféré davantage de hits plutôt que d'énièmes discours qui laissent The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen de côté. Néanmoins, les tubes reviennent en fin de show : un "Pride (In The Name of Love)" fédérateur, une sublime relecture de "New Year's Day" jouée avec un drapeau européen brisé en fond, ainsi qu'un "City of Blinding Lights" logiquement dédié à la ville-lumière. Un renouveau concluant une deuxième heure bien plus percutante que la première.

Après nous en avoir mis plein les yeux (et les oreilles), U2 finit sur une note plus intimiste, permettant à Bono de rejoindre littéralement sa maison (recomposée de façon miniature sur l'avancée) avant de disparaître en foulant la fosse, concluant une performance de 2h15. Preuve que 40 ans après sa création, U2 est toujours capable d'offrir des shows engagés et spectaculaires à la hauteur des attentes. Malgré de trop nombreuses logorrhées politiques, l'efficacité évidente du concert (où l'expression "en avoir pour son argent" prend tout son sens) prime sur le reste et donne le ton d'une soirée puissante.

Setlist du concert de U2


"Love Is All We Have Left / Zooropa"
"The Blackout"
"Lights of Home"
"I Will Follow"
"Red Flag Day"
"Beautiful Day"
"The Ocean"
"Iris (Hold Me Close)"
"Cedarwood Road"
"Sunday Bloody Sunday"
"Until the End of the World"
"Hold Me, Thrill Me, Kiss Me, Kill Me"
"Elevation"
"Vertigo"
"Even Better Than the Real Thing"
"Acrobat"
"You're the Best Thing About Me"
"Summer of Love"
"Pride (In the Name of Love)"
"Get Out of Your Own Way"
"New Year's Day"
"City of Blinding Lights"
"One"
"Love Is Bigger Than Anything in Its Way"
"13 (There Is a Light)"



Toute l'actualité de U2 sur leur site internet officiel et leur page Facebook.

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