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samedi 14 juin 2014 14:12
"Ultraviolence" : l'odyssée rock'n'roll et tourmentée de Lana Del Rey
Deux ans et demi après s'être révélée avec un premier essai qui n'a laissé personne indifférent, Lana Del Rey se frotte à l'étape délicate du deuxième album. S'inscrivant dans la lignée de son prédécesseur, avec ses ballades transpercées de nostalgie, "Ultraviolence" opère cependant la mutation rock'n'roll de la chanteuse, résultat de sa collaboration avec Dan Auerbach des Black Keys.
Crédits photo : Pochette de l'album
Yeux de biche, lèvres pulpeuses, crinière flamboyante... En 2012, Lana Del Rey a fait craquer la planète entière en usant de son charme vénéneux sur "Born To Die". Véritable artiste pour les uns, poupée préfabriquée pour d'autres, la chanteuse américaine a eu du mal à s'acclimater à son nouveau statut d'icône. Les névroses de la célébrité vampirisent littéralement son nouveau disque "Ultraviolence", que la belle a décrit comme « si sombre qu'il en est presque inaudible ». Le blues de Lana Del ReyUne phrase qui reflète assez fidèlement le produit final, moins accessible que son prédécesseur mais beaucoup plus cohérent dans sa proposition artistique. Sur son premier projet, Lana Del Rey orchestrait la rencontre entre une imagerie rétro-chic et des arrangements hip-hop, particulièrement sensibles sur "Diet Mountain Dew" et "Off To The Races" pour ne citer qu'eux. Ici, le rythme retrouve une certaine stabilité, un classicisme qui offre à l'artiste l'occasion de déployer toute la puissance nostalgique de sa voix. Lana Del Rey le dit-même, sur l'un des titres : elle est une "Sad Girl", une demoiselle emprisonnée dans ses tourments. « Je ne peux pas m'évader de ma vie, qui a été assez tumultueuse. Je demeure rongée par le doute, par la tristesse. Je n'aime que le flou, le vide, devant moi », a-t-elle confié à nos confrères des Inrocks. En ce sens, "Ultraviolence" déroute par sa noirceur, à la fois planante et étouffante. Regardez le clip "West Coast" de Lana Del Rey : Mais plutôt que de se laisser ronger par les fantômes du passé, omniprésents jusque dans les choeurs de ses morceaux, Lana Del Rey a trouvé une épaule à laquelle se raccrocher : celle de Dan Auerbach des Black Keys. Le producteur a été pour la belle un père spirituel, sinon une muse. « Il s'est passé un truc physique entre nous, de l'ordre de la chimie » dira-t-elle. Une relation fusionnelle qui emmène le disque vers des sonorités rock'n'roll, où les envolées au violon de "National Anthem" cèdent place à des guitares saturées, aussi bien sur la piste d'ouverture "Cruel World" que sur les vibrants "West Coast" et "Brooklyn Baby". Que l'album ait été enregistré en six semaines à Nashville n'a donc rien de surprenant, même si sa terre de prédilection se nomme Los Angeles. Miroitant de reflets bleu électrique, "Ultraviolence" pourrait se confondre avec un vieux vinyle des Eagles, dont "Pretty When You Cry" emprunte la sensualité débordante. Un vrai slow américain - et la classe qui va de pair. Heureusement, les adeptes de "Born To Die" ne sont pas totalement laissés pour compte. Avec son introduction au piano et ses cordes orchestrales, "Old Money" est sans conteste l'un des plus beaux trésors du projet. "The Other Woman", sublime reprise de Nina Simone, nous téléporte instantanément au coeur des années 60, avec ses grésillements et sa voix presque lyrique en écho. C'est d'ailleurs l'une des critiques que l'on peut formuler à l'encontre de l'album : la voix de Lana Del Rey apparaît parfois évasive, comme noyée dans l'instrumentation. L'immersion aurait gagné en simplicité sans cet effet superflu par endroits. Mais on pardonne bien vite ces détails à l'artiste américaine, tant la proposition éblouit de maîtrise et d'élégance. "Ultraviolence" n'est pas l'usine à tubes de "Born To Die". Moins accessible, plus torturé, le projet peut même dérouter de prime abord. Mais en se laissant séduire par le blues-rock californien de Dan Auerbach, Lana Del Rey signe un disque à l'ambition folle, dont la délicatesse rayonne de mille feux. D'une beauté intemporelle.
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