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samedi 25 février 2023 10:25
Gala en interview : le succès de "Freed From Desire", le Qatar, ses prochains projets...
Par
Théau BERTHELOT
| Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Inoubliable interprète de "Freed From Desire", Gala a vu son tube revenir au premier plan grâce à la Coupe du Monde. En interview pour Purecharts, la chanteuse revient sur l'histoire de son titre culte, le succès qu'elle a mal vécu, le Qatar et ses prochains projets musicaux.
Crédits photo : Capture d'écran Purecharts
Propos recueillis par Théau Berthelot. Comment est née la chanson "Freed from Desire" ? J'ai déménagé à New York. J'étais étudiante, j'étudiais là-bas. La première chose que j'ai remarquée à New York, c'est l'énorme disparité entre les riches et les pauvres, les noirs et les blancs... On était au début des années 90. C'était bien avant que j'aille au lycée aux Etats-Unis, mais à New York en particulier j'ai remarqué cette grande inégalité. C'est quelque chose à laquelle j'ai toujours pensé. J'y pense littéralement tous les jours. Je ne sais pas si c'est le cas pour toi aussi mais je me demande : "Pourquoi cette personne est-elle dans la rue et cette autre personne a un jet privé ?". C'est une question qui je me pose souvent. Et à New York, c'était vraiment évident. Donc c'était la première impression que j'avais de cette ville qui a inspiré ma réflexion sur le bouddhisme, l'égalité pour les gens, pourquoi il y a tant de différence dans le monde... Et puis, quelque chose est arrivé à un niveau personnel. Quand je suis revenue en Europe, un docteur m'a interdit de danser. On m'a dit que je ne pourrai pas devenir une danseuse. Ce qui est le rêve de nombreuses filles qui disent : "Je veux être une danseuse, une ballerine". Pour moi, et je pense que je l'ai prouvé plus tard avec ma carrière, ça a été une sorte d'appel. Les docteurs m'ont dit que je ferais mieux de rester assise la plupart du temps et de me concentrer sur mes études. C'était l'un des plus gros chocs, un des plus gros traumatismes de ma vie. C'était mon identité personnelle : j'étais une danseuse, la musique était si importante pour moi et je voulais danser. Le player Dailymotion est en train de se charger...
Avec "Freed From Desire", je voulais me connecter aux gens Quand je suis allée à New York, j'étais un peu plus âgée, et j'ai commencé à prendre des cours de danse pour voir si mon corps pouvait le supporter, parce que j'avais de gros problèmes au dos. Et je me suis rendue compte que je pouvais bouger et danser sans avoir mal. Donc je suis allée voir un autre docteur à New York qui m'a dit que oui, je pouvais danser... mais que je devais le faire d'une certaine façon. Et ça a été un choc. Je me suis dit : "Oh mon dieu, j'ai gâché ma jeunesse à ne pas devenir danseuse". C'était un deuxième traumatisme. Je devais récupérer ma vie. Et je pense qu'aujourd'hui, alors que je suis en train de te parler, je suis toujours en train de la récupérer. Tu m'as interdit d'être qui je suis ? Maintenant je vais l'être pour le reste de ma vie. Et d'une façon amusante, j'ai fini par écrire une chanson qui a fait danser tout le monde.La troisième raison, c'est que je suis tombée amoureuse de quelqu'un à ce moment-là. C'était un danseur, bien sûr, qui représentait la danse à mes yeux. C'était un danseur sénégalais, il dansait le Sabar, qui est le premier style que j'ai appris quand je me suis remise à la danse. Toutes ces choses se sont connectées : mon amour, mon retour à la danse, retomber amoureuse de ma passion, mon amour du monde et ma conscience sociale. Tout s'est connecté dans cette chanson. Tu sentais son potentiel dès le départ ? J'ai senti le potentiel de mon énergie. J'ai senti que j'avais une énergie très forte que je voulais utiliser pour communiquer avec les gens. J'avais un gros désir de me connecter aux gens. Quand c'est arrivé, et même ce qui arrive aujourd'hui avec la chanson, ça ne me surprend jamais car je pense que la musique n'est pas qu'un produit qu'on écoute. La musique a une énergie. Et j'avais une énergie dans la résilience : si on me disait que je n'y arriverais pas ou que je ne serais pas qui je veux être, je le serais quand même ! Si le monde est injuste, je le rendrais juste... Toute cette énergie a infusé la chanson. Disons que je ne peux pas prédire l'avenir, mais quand ça arrive, ça ne me surprend pas. Tu te souviens de la première fois que tu l'as entendue à la radio ? Je ne me souviens pas quand j'ai entendu la chanson pour la première fois parce que j'avais sorti une chanson avant "Freed From Desire", qui avait été un tube en Italie et qui s'appelait "Everyone Has Inside". Donc je me rappelle plutôt quand cette chanson est passée à la radio. Je ne sais pas je me sentais très connectée... Ça ne me surprenait pas ! Pourquoi ? Parce que, comme je le disais avant, je ne peux pas prédire l'avenir. Je ne peux pas dire : "Cette chanson va être un tube". Alors quand c'est arrivé, je n'ai pas été surprise grâce à l'énergie et à mon désir de me connecter aux gens... J'avais cette énergie d'un tsunami. Je sentais que j'avais besoin de tenir un micro et de dire ce que j'avais à dire. Pas seulement à mes amis mais je voulais le crier au monde entier. Et en un sens, la radio était un reflet de ce désir de toucher tout le monde avec mon message. Je n'étais pas protégée ou aidée Comment as-tu vécu l'énorme succès du titre ? C'était assez effrayant car j'ai senti que je n'étais pas protégée ou aidée, je n'avais pas de management ou de famille. Beaucoup de grosses stars ont la famille avec eux, parents, cousins, frères ou époux, ils sont dans le business ou avec eux. Moi, je n'avais personne. La maison de disques n'était pas non plus avec moi. Je me souviens m'être retrouvée dans un avion en classe éco pour faire "Top of the Pops", ce gros show au Royaume-Uni, et il y avait une équipe scolaire autour de moi qui chantait ma chanson. Personne ne voyageait avec moi. Je me souviens qu'un jour, je marchais dans la rue en Italie, et deux gars louches, vraiment louches, passaient à côté de moi. Un des deux gars, qui ne m'avait pas remarquée, a dit à son ami : "Tu vois cet appartement ? C'est là où vit la chanteuse Gala". Je me suis enfuie... Je me suis dit : "Je déteste ça, je n'aime pas la célébrité, le succès...". Si tu regardes bien la pochette de "Come into My Life", je suis dans cette position [elle se cache le visage]... Donc on ne voit pas mon visage. Je n'ai jamais aimé le fait d'être reconnue. J'aurais aimé être transparente. Je préfère travailler, je préfère écrire des chansons... Tu sais, la plupart des chanteurs qu'on voit aujourd'hui, ou à l'époque, ils n'écrivent pas leur chanson. Ils dansent et c'est leur équipe qui écrit. Moi je suis auteure, donc j'aime écrire, être en studio et sur scène. Et j'aimerais être transparente le reste du temps (rires). Ça a été très fort d'un coup ! Je n'ai pas aimé ça car je ne me sentais pas protégée. Je n'avais personne à mes côtés, pas de manager, ni quelqu'un qui travaillait avec moi... Le label avec lequel nous nous battions, j'ai brisé mon contrat avec eux... J'étais très seule et effrayée. Et j'ai perdu ma voix. J'ai dû aller réapprendre à chanter avec des petits enfants qui ne pouvaient pas parler. Parfois, ça m'arrive quand je suis stressée. Mais je pense que je suis très sensible et il y a une grosse différence entre les gens qui écrivent et ceux qui n'écrivent pas. Si tu es juste un chanteur et que tu as une équipe qui fait tout pour toi, alors c'est ton boulot. Je suis une auteure, donc cette sensibilité qui me permet d'écrire ces chansons, c'est la même qui me rend la vie difficile. Par exemple, hier, j'étais à un atelier de danse et quelqu'un est venu me voir en disant "Excuse moi, tu es la chanteuse Gala ?". Je n'aime pas ça car je veux être seule dans mon espace, je veux danser... Certains aiment vraiment l'attention et c'est la partie que je n'aime pas beaucoup. A un moment, as-tu eu peur d'être réduite à une "one hit wonder" ? Tous les artistes n'aiment pas être appelés un "one-hit wonder" surtout parce que je n'en suis pas une. J'ai écrit d'autres chansons qui ont été classées dans les charts ! Si on ne vous entend pas à la radio, c'est la faute des connexions Il y a eu aussi "Let A Boy Cry"...Et "Come Into My Life" qui a été un gros succès en Espagne et au Brésil, "Suddenly" était dans le top 40... J'avais quatre singles sur le premier album qui étaient dans le top 40, dont trois dans le top 10. Mais j'ai continué à faire de la musique et les gens ne comprennent pas que s'ils ne vous voient pas dans les charts ou ne vous entendent pas à la radio, c'est aussi la faute des politiques, des connexions... Mais j'ai continué à faire de la musique non stop depuis tout ce temps. Vous pouvez trouver mes disques sur Spotify. Malheureusement, ils sont mélangés avec des disques que mon ancien label continue de sortir, ce qui n'est pas de mon contrôle. Mais mon label, Matriarchy Records, sort de la nouvelle musique depuis 20 ans. La France est un des pays où tu as eu le plus de succès. Quel est ton rapport à la France ? Je pense que le public français a une sensibilité similaire à la mienne. Je les trouve très compréhensifs. Ils sont sensibles, comparés à d'autres cultures. C'est une culture très sensible. Ils sont politiques, rebelles, ils guillotinent leur monarchie (sourire). Ils sont rebelles comme moi et sensibles comme moi. Et puis je suis différente car j'ai vécu en Amérique pendant 30 ans donc je me sens américaine, et je me sens italienne. Mais c'est un public avec lequel j'ai toujours eu une connexion particulière et j'adore jouer ici. J'ai continué à faire de la musique depuis tout ce temps 25 ans plus tard, "Freed from Desire" est revenu en grâce avec les Bleus : comment tu as découvert ça ?C'est arrivé pour vous cette année, mais pour moi c'est depuis 2016. La chanson a été utilisée par l'équipe nord irlandaise, puis par une équipe italienne, turque, suisse, polonaise... Ça a été utilisé par lÉquipe de France de rugby. Ça a été utilisé par une de mes boxeuses préférées, Claressa Shields, une boxeuse américaine originaire de Flint. Elle l'a utilisée et postée. Tyson Fury aussi... C'est une chanson qui se diffuse depuis 2016, depuis huit ans, dans le sport. Je suis tout ça et, pour moi, c'est magnifique car le sport et la musique ont beaucoup de choses en commun : ils rassemblent les gens, peu importe le genre, la couleur, la religion... Ce qui est mon état d'esprit. Le titre a pu être découvert par une nouvelle génération ! Oui ! Et c'est ça le truc : j'adore rassembler les gens à tous les niveaux. Les gens se rappellent des fêtes que je faisais au collège et au lycée. Ils me disent : "Oh je suis venu à une de tes fêtes !". Et il y a des gens de tous types : riches, pauvres, vieux, jeunes... C'est pour ça que j'adore New York. Je peux sortir et voir quelqu'un qui a 80 ans, qui est un ancien musicien, et un autre qui a la vingtaine... J'adore rassembler les gens de toutes générations. Parce que, en particulier aux Etats-Unis, et je ne sais pas comment ça se passe ici car je suis aux USA depuis longtemps, mais ils tiennent tellement à séparer les générations. "Oh tu es de la génération Z, Y..." Dans toutes les grandes philosophies, nous sommes les mêmes. Vous regardez l'époque médiévale, on avait les mêmes problèmes. Et c'est ce qui m'intéresse : ce qui fait de vous et moi les mêmes... Nous souffrons, nous tombons amoureux, nous voulons réussir, nous voulons aimer. C'est ce qui nous rassemble. J'adore que cette chanson soit chantée par la nouvelle génération, justement pour aller contre ce concept de "Tu viens de cette génération, tu ne peux pas avoir ci ou ça". Ça dépend de la personne. Aller chanter au Qatar, c'est une déclaration Tu es allée chanter le titre au Qatar, tu n'avais pas peur de faire polémique ? Peu importe ce qu'on fait, on va être critiqué. Si j'étais Beyoncé, peut-être que je dirais "Je ne vais pas au Qatar". Ça ferait les gros titres du New York Times ! C'est une déclaration. Si je n'y allais pas, j'aurais moins bien aidé que si j'y étais allée. En y allant, ça me permet d'être ici, de parler avec toi, et nous pouvons parler de ça. [Elle montre son t-shirt] Tu sais ce que ça va veut dire ? Moi non plus, mais c'est célèbre parce que cela représente le mouvement "Women Life Freedom" en Iran. Je peux porter ce t-shirt aujourd'hui à la télé car tu m'as invitée. Et parce qu'il y a eu des femmes emprisonnées, on peut parler de l'Iran et des choses horribles qui s'y produisent. J'ai parlé à des étudiantes en Iran sur Instagram, et elles m'ont envoyée des vidéos de ce qui se passe là bas. Elles me remercient de parler de ce qui se passe là-bas, de pouvoir être leur voix. En allant au Qatar, j'étais la seule femme programmée pour ce concert. Il y avait DJ Snake, Khaled et Post Malone. C'étaient que des mecs. Alors en allant là-bas et en étant la seule femme pour ouvrir le concert, c'est aussi une déclaration. Et je pense que c'en était davantage une d'y aller. Beaucoup d'artistes ont boycotté le Mondial comme Dua Lipa ou Rod Stewart, tu les comprends ? Dua Lipa c'est différent... C'est la chanteuse de l'année. Elle a d'autres façons de communiquer son message au monde, même si je ne sais pas quel est son message. Je suis une artiste complètement différente de Dua Lipa. Elle a commencé à 17 ans, avec un management et une équipe. J'ai été indépendante et, les gens ne le savent pas car la chanson est connue, j'ai brisé mon contrat avec mon label en 1993. Je suis une artiste indépendante depuis. Être une artiste indépendante qui peut aller au Qatar sur scène avec des artistes comme Post Malone ou DJ Snake, de gros noms que je soutiens, être là-bas en tant que artiste féminine indépendante par mes moyens, c'est une réussite pour les femmes, davantage que si j'étais restée chez moi. Dua Lipa, c'est différent, c'est une artiste et un package complètement différents. On ne peut pas comparer. On a parlé de Black Lives Matter, des femmes, des LGBTQ, et on ne parle pas assez de l'âgisme, on devrait en parler car personne n'a le droit se moquer de telle ou telle chose... Mais tout le monde se moque des gens âgés, dans les films ou les one-man shows. Beaucoup aux USA, moins ici... Et l'autre truc, c'est que nous devons commencer à parler d'une façon plus subtile. Tout est dramatiquement radical aujourd'hui : je crois ça et tu crois ça, tu es mauvais, tu es bon... Tu es allé au Qatar, ce n'est pas bien ! Vous ne voyez pas que la vie a tellement de couches. Pour moi, c'est un accomplissement d'aller là-bas. Pour Beyoncé ou Dua Lipa, c'est une volonté de ne pas y aller. Être indépendante, c'est une question de temps et d'argent Aujourd'hui, quels sont tes prochains projets ?Je viens de finir une chanson que j'adore à Londres, avec le producteur GRADES. Il a notamment produit H.E.R. J'ai vraiment aimé écrire cette chanson, et j'écris de nouvelles chansons, toujours. Et j'espère pouvoir les sortir bientôt car être une artiste indépendante, sans une grande maison de disques derrière moi pour m'aider, c'est une question de temps et, malheureusement, d'argent. Mais la musique est là, je continue à faire de la musique. C'est ce qui est un peu frustrant de ne pas pouvoir communiquer avec le public. Mais dans un sens, le fait d'être une artiste indépendante ne t'apporte pas une certaine forme de liberté artistique ? C'est très compliqué... La liberté, c'est aussi avoir la possibilité de voyager, d'aller à Londres, d'être en studio, de payer pour le studio, d'y retourner pour enregistrer les voix... La liberté, c'est un entre-deux. La liberté et les moyens pour faire ce que tu veux faire... Si tu ne le fais pas tout seul dans ta chambre avec un ordinateur ! Moi j'adore travailler avec d'autres gens. Mais les gens font parfois comme ça, car ils doivent vivre. D'avoir un peu de soutien, que ce soit de la part des fans ou d'un label, ça aide à faire de la musique. Tout exige du temps et de l'argent. L'argent que tu as touché grâce à "Freed From Desire", ça t'aide financièrement dans cette indépendance ? C'est une question très délicate... Tout ce que je peux dire, c'est que je n'ai pas eu le deal le plus favorable en tant que jeune femme. Dès que j'ai pu, j'ai brisé mon contrat. "Freed From Desire" a un message magnifique Est-ce que c'est le retour en grâce de "Freed from Desire" qui t'a donné envie de t'y remettre ou c'était déjà en préparation avant ça ?Absolument ! J'ai toujours eu ça en moi. Je pense que, et en ça je suis vraiment une artiste, je le fais parce que je dois le faire. Je dois écrire des chansons, peu importe qu'elles passent à la radio ou pas. Mais ça me donne lespoir que de nouvelles personnes s'intéressent à ma musique. Tu as peur que malgré des nouvelles chansons, on te ramène tout le temps à "Freed from Desire" ? Heureusement, "Freed From Desire" a un message magnifique. Un message qui ne change pas avec le temps. Je ne parle pas d'une expérience qui ne concerne que votre adolescence. Il y a des chansons qui très spécifiques à une époque et à une période de votre vie. Si dans 40 ans je dis "je t'ai envoyé un SMS avec mon iPhone 4", si tu écris ça, ce sera marqué dans le temps. "Freed From Desire" est un concept bouddhiste qui va durer pour toujours. Et c'est tellement un beau message que je suis heureuse de le chanter. Podcast
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