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Dionysos en interview : "Le "Bird'N'Roll", c'est un appel à la joie internationale"

Un peu plus de quatre ans après "La mécanique du cœur", le groupe Dionysos est de retour avec un album conceptuel qui mêle la danse à la musique, l'image et le son. Imprégné par son dernier roman "Métamorphose en bord de ciel", le chanteur et leader Mathias Malzieu a changé ses plans pour repartir sur quelque chose de neuf : le "Bird'N'Roll". Il nous explique son projet, par forcément très facile à aborder.
Crédits photo : Rod Maurice
Il s'est écoulé presque cinq ans depuis "La mécanique du cœur". Entre temps, il y a eu des concerts et une compile acoustique. Est-ce quatre ans qui ont été nécessaires pour trouver de nouvelles inspirations et écrire de nouvelles chansons ? C'est aussi le temps nécessaire à chacun des membres pour évoluer en solo sur d'autres projets. Que s'est-il passé depuis "La mécanique du cœur" ? (Jonathan Hamard, journaliste)
Mathias Malzieu : C'est une envie profonde qui ne s'est jamais arrêtée. C'est juste qu'il y a eu quelques éléments jolis qui sont apparus comme ça pour plein de personnes différentes du groupe. A la fin de la tournée "La mécanique du cœur", s'est enclenché le début de la production du film. Là on est début 2008. Je commence à travailler sur le film, au niveau du script. Je signe pour quelque chose qui doit sortir fin 2010. C'est un peu intense et violent car j'écris le script en même temps que je poursuis la tournée avec le groupe. Mais c'est passionnant. On finit la tournée, on commence la production du film. Comme c'est un film d'animation, ça coûte vraiment très cher et c'est long. Même si l'on a un super producteur qui se nomme Luc Besson ! Et aujourd'hui, il est difficile d'avoir mieux en France. Il faut arriver à monter le truc. On trouve le studio. Pendant ce temps, Babet sort son deuxième album solo. Tout le monde travaille sur d'autres projets de son côté. C'est super car tout le monde s'enrichit. Pour ma part, j'écris "Métamorphose en bord de ciel". Au moment de l'écriture, on fait la bande originale d'un court-métrage, on fait de la musique. Et puis il y a cette tournée acoustique en plein milieu, en 2009, et l'on travaille sur une compilation avec des inédits, des live, des remixes. C'est un album qui demeure important pour nous, même si ce n'est pas un album de chansons originales. C'est quinze ans de petits trucs qui trainent sous le lit.
C'est un manifeste un petit peu absurde d'extrême artisan.


Est-ce que c'est inhérent au groupe Dionysos cette manière de travailler un temps ensemble, un temps chacun de votre côté ? Est-ce que ça pourrait être autrement ?
Le groupe a dix-neuf ans. Je pense que c'est le plus vital et le plus riche que chacun puisse aussi faire ce qu'il souhaite de son côté. Logistiquement, c'est un bordel sans nom. Il faut arriver à se retrouver pour tout enregistrer ensemble. Et puis savoir se reconnecter. Par contre, c'est génial d'avoir Babet qui fait un autre album. On a tous plus ou moins participé dessus. En ce qui me concerne, j'ai chanté dessus. Pareil pour le disque d'Olivia Ruiz. Il y a Rico qui est venu jouer de la batterie. Quand Babet joue au théâtre, elle joue Wendy dans "Peter Pan". On rencontre l'artiste qui joue La Fée Clochette qui devient la chorégraphe pour les pas du "Bird'N'Roll". Tout se connecte tout le temps. L'illustratrice avec laquelle j'ai travaillé sur le film "La mécanique du cœur" me fait la couverture de mon nouveau livre. Et en même temps, celui qui travaille sur les couleurs du film a fait toutes les illustrations de ma nouvelle pour iPad "L'homme volcan". Pour cette nouvelle, le groupe s'est aussi retrouvé pour faire la musique. Tu vois, tout s'interconnecte tout le temps. C'est vrai qu'on aurait dû reprendre plus vite. Mais encore une fois, le film devait sortir plus tôt.

Un film qui sortira fin 2013 aux dernières nouvelles. C'est définitivement fixé ?
C'est vrai que c'est assez compliqué. Parce qu'entre temps, le prestataire a déposé le bilan avec tous nos éléments. En gros, on n'avait plus rien. Besson nous soutient complètement. On a gagné le procès contre cette boite et nous avons récupéré tous les éléments. C'est comme si l'on se quittait après notre interview et qu'une personne te volait ton iPhone. Et là, on te dit que si tu veux le récupérer tu dois le repayer. Tu fais un procès et le juge te donne raison. On te rend ton iPhone mais entre-temps il n'y a plus rien dessus. Tu n'as plus tes contacts ni toutes tes applications. Il faut tout remettre à jour. Alors mets tout ça à l'échelle d'une image 3D avec toutes couches qu'il y a, le son, etc… C'est la grand bazar mais on va y arriver. A l'origine, il n'y avait pas de pause prévue du groupe. On n'a donc pas l'impression de se retrouver. L'album devait sortir après le film. Et c'est l'inverse : "Bird'N'Roll" est déjà là.



Pour beaucoup, il ne s'est rien passé depuis "La mécanique du cœur".
Je sais bien et je le comprends. Mais nous avons continué. Et à un moment, film ou pas film, il fallait qu'on sorte un album.

Un choix imposé ?
Non, pas du tout. C'était une envie. On ne pouvait plus se retenir.

Et puis il y a eu le roman "Métamorphose en bord de ciel", sur lequel "Bird'N'Roll" s'appuie beaucoup.
Ce n'est pas la même recette que pour "La mécanique du cœur".

Ça y ressemble beaucoup pourtant !
Ce n'est pas la même forme. Il n'y a pas les mêmes connexions. Tous les morceaux ne sont pas connectés de la même façon. On s'est dit que si l'on sortait encore un album en rapport avec un autre livre avant le film, le public ne comprendrait pas. On souhaitait donc rester sur "La mécanique", attendre la sortie du film et publier un album après. C'est ce qui était d'abord prévu. Mais comme ça à tardé et que l'on voulait retrouver la scène, il nous fallait un nouvel album. "La mécanique", c'est comme un gros Boeing à piloter. C'est un disque de plus d'une heure avec dix-huit morceaux, des arrangements assez lourds… On s'est dit que ce serait chouette un album de dix ou onze morceaux qui tienne sur un vinyle. On voulait un disque où il n'y ait que nous. A part des oiseaux et des chœurs de chanteuses des années 30, c'est la base rock du groupe. Avec cette idée, on a retrouvé une certaine excitation et beaucoup de fraicheur. Donc, c'était le bon moment.

"Bird'N'Roll", quoi que tu en dises, est quand même très ressemblant à "La mécanique du cœur" dans l'idée : le livre en juillet, les premiers visuels qui font référence au roman, le single "Cloudman", le clip… Difficile de dire que ce n'est pas inspiré de ton livre !
Oui, je vois ce que tu veux dire. On s'est posé la question de la manière dont tu la poses. Je me suis demandé si je voulais refaire la bande originale. D'un côté, ça nous embêtait de resservir la même recette. Mais en même temps, il y a un moment où je me suis dit : "Tout ce qui a un rapport avec le bouquin, je le vire". Et puis, j'avais envie. C'est dommage d'être dogmatique. Dans un sens comme dans l'autre. C'est bête de vouloir à tout prix faire coller des chansons à un livre, mais c'est aussi dommage de ne surtout pas vouloir écrire des chansons ayant le moindre rapport avec le livre. En fait t'as "Cloudman" qui est connecté, "Sex With A Bird", "Le grand cheval aux yeux gris" et "Dreamoscope", mais très légèrement. C'est tout.
Cette musique-là provoque encore plus d'endorphine.


Un titre sur quatre !
Oui. Mais, en plus, c'est connecté avec un élément qui n'est pas dans le livre : le "Bird'N'Roll". On a eu cette idée quand on a commencé à faire ces morceaux très rock'n'roll. On est reparti sur les bases du groupe avec des morceaux dansants. On s'est demandé pourquoi on ne créerait pas une danse qui irait avec ces morceaux. J'ai écrit un manifeste du "Bird'N'Roll". Je voulais une danse qui soit comme un médicament. L'idée : c'est une danse magique. Quand tu cours, quand tu fais l'amour ou tout autre effort physique, tu génères de l'endorphine et ça te fait du bien. Et cette musique-là provoque encore plus d'endorphine et donne lieu à certains effets secondaires assez marrants. C'est ça l'idée du "Bird'N'Roll". C'était une manière de connecter le personnage de "Cloudman" au disque avec la danse. Je t'avoue qu'on a eu une discussion avec la maison de disques. Si on ne balançait que le single "Cloudman" et le clip, tout le monde aurait pensé qu'on refaisait la même que "La mécanique du cœur". Ils m'ont dit de prendre patience et que ce n'était pas grave si les gens pensaient ça. J'ai alors soumis l'idée de balancer d'entrée de jeu le concept du "Bird'N'Roll". Ils m'ont dit que non, qu'il fallait attendre les concerts pour comprendre que tout n'était pas connecté mais relié par cette danse.

Regardez le clip "Cloudman" de Dionysos :


L'album sera donc indissociable du spectacle que vous présenterez sur scène. Y aura-t-il des connexions particulières ?
Comme toujours ! Pas plus ni moins que sur un autre disque. Mais je vois l'idée que tu t'es fait de tout ça. Même moi-même je me suis posé des questions quant à savoir si on pouvait sortir un disque relié en partie avec ce roman. C'était pour moi comme pour le reste du groupe une question de sincérité vis-à-vis de nous et du public. Mais on a aussi envie d'être libre. Mes livres, je passe deux ans avec. Si j'ai envie de m'en inspirer pour faire une chanson, je n'ai pas envie de me retenir sous prétexte que je fais la même recette. Ce serait bête de s'autocensurer. On aurait pu le faire et on l'aurait assumé. Mais ce n'est pas la cas. Là, on est plus dans un rapport comme "Monsters In Love". On a un fil rouge mais on ne rapporte pas tout au livre.

"Bird'N'Roll" est clairement un disque fait pour danser. J'ai donc envie de te demander comment tu définirais le rock'n'roll aujourd'hui après avoir travaillé sur ce disque ?
Le rock'n'roll, il faut le concevoir en terme de surprise. Le rock'n'roll, quand il est arrivé, c'était un truc qui décloisonnait tout. Tu avais la country jouée par les blancs et le blues joué par les noirs. Et c'était hyper cloisonné. Il y a un mec qui est arrivé et qui a commencé à mélanger les deux influences. C'est devenu populaire alors que beaucoup voyait cette musique comme celle du diable. Il y a donc eu cet effet de surprise et d'élan. Pour moi, le rock'n'roll c'est ça. Et ça l'est encore aujourd'hui. Ce n'est pas parce que tu mets une guitare que c'est du rock. Le rock peut être chez Miossec, chez Dominique A, dans certains groupes de hip hop... Le rock en France, à une époque, c'était NTM. Parce que c'était du risque ! Capacité de surprendre, risque, aventure : c'est ça le rock'n'roll pour moi. Ce n'est pas le riff et la petite mèche.

Est-ce que tu trouves "Bird'N'Roll" surprenant ?
J'espère en tout cas. Nous, on s'est surpris à le faire. Dans la mesure où les gens attendaient quelque chose de justement plus proche du roman. On a voulu un son beaucoup plus brut avec une ambiance sixties. On s'est amusé.



Je rebondis sur ce que tu disais à l'instant : le "Bird'N'Roll" est un remède. Penses-tu que le public soit d'humeur morose ?
Bien sûr ! C'est un manifeste un petit peu absurde d'extrême artisan. Notre métier, c'est travailler à notre rêve. Ce qui est une chance extraordinaire mais qu'il faut regagner tous les jours. On sait tous que ce n'est pas évident. Si on peut arriver à la partager comme c'est le cas sur un concert avec le public, c'est super. Chanter ou danser, ça fait du bien. Ce n'est pas nous qui l'inventons. Comme nous n'avons pas inventé le rock'n'roll. Mais si on peut inventer son petit monde à soi et qu'en plus il y ait de la surprise et de l'aventure, c'est déjà énorme. Pour moi, le "Bird'N'Roll", c'est exactement ça. C'est un appel à la joie internationale. C'est aussi dire "stop" à tout cloisonner. Ok, c'est la crise. Il faut parler d'immobilier tous les jours. Et mon imaginaire c'est enfantin. Tu dors toutes les nuits : tu rêves. Tu prends le métro : tu penses. Notre cerveau est fait pour ça. Donc pourquoi le cloisonner ? Ce qui m'amuse dans l'aventure du groupe, humainement et artistiquement, c'est que tout se mélange. Ça fait des accidents : le groupe, la musique, un livre, un film… et le public. Faire un disque, aller sur scène, imaginer des petits manifestes comme le "Bird'N'Roll", c'est se donner les moyens d'attraper ces petits moments impalpables. Ça ne prétend pas changer le monde !

"Le "Bird'N'Roll", c'est un appel à la joie inter-nationale".
Ça me fait penser à toutes ces études qui entendent démontrer que les Français sont ceux dont le moral est au plus bas. Plus bas encore que dans d'autres pays où les enfants meurent de la famine. "Bird'N'Roll" était indispensable ?
On ne souhaite pas se mettre cette pression-là. On n'a pas non plus cette prétention-là. Par exemple, mon premier roman qui parle du deuil, j'ai maintenant beaucoup de retours de personnes qui m'expliquent qu'il les a beaucoup touchés. On me demande si je l'avais écrit en pensant que ça pourrait aider des gens. Jamais de la vie. Je n'ai jamais eu cette prétention-là. Si je commençais à essayer d'écrire ceci ou cela pour rendre service à des gens, je suis sûr que je tomberais à côté. Par contre, si tu es sincère dans ce que tu dis et que tu essaies de le projeter sans code et sans intellectualité, ces bouteilles jetées à la mer reviennent parfois. Dans "Bird'N'Roll", on dit des choses essentielles mais il y a aussi un côté "second degré". On blague aussi. On a donné de nouvelles couleurs en excluant les cuivres et les cordes. Juste des chœurs de femmes et des sifflets harmonisés. Si certains ne s'arrêtent que sur une ou deux pistes, ce n'est pas grave. Mais si on arrive à organiser les championnats comme on le veut, et que des mecs viennent danser avec nous pour faire des conneries, ce serait juste génial. Mais ce n'est pas un concept enfermant. Il n'y a pas besoin d'apprendre à danser avant de venir nous voir en concert. C'est juste du possible, des choses qui peuvent arriver. Donc j'espère bien qu'il va se passer des choses, mais je ne fais rien en pensant à ce que le public attend de nous. C'est ça aussi l'excitation de la scène : se demander ce qu'il va bien pouvoir se passer. C'est pour cela que ça fait dix-neuf ans que ça dure et que nous ne sommes pas devenus des fonctionnaires du rock. C'est une nouvelle fusée qui part.

Au terme de cet entretien, j'ai envie de te demander si tu as conscience que vos inspirations sont en partie les mêmes que celles des Surréalistes ?
Oui. Bien sûr. Complètement. C'est un mouvement, par sa liberté, qui nous a beaucoup touchés. Tout comme le début du burlesque dans le cinéma. Parce qu'il y avait cette liberté de poésie dans la création. Et c'est ce qui nous donne notre énergie. On aime bien ce décalage. Un homme à tête d'oiseau ça m'intéresse. C'est pour cela que j'aime beaucoup les Belges. J'aime leur humour. Ils ont un rapport au surréalisme très naturel. Ils s'amusent ! Qu'est-ce que fait un musicien sur scène ? Il joue. Et ça, il ne faut pas l'oublier. Je ne veux pas dire qu'il faille toujours rire. On peut aborder des sujets plus durs, mais avec de l'élan.
Retrouvez toute l'actualité de Dionysos sur son site internet officiel et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "La mécanique du cœur" de Dionysos.

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