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Mathias Malzieu évoque "Jack et la mécanique du coeur" : "C'était un fantasme !"

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Six ans après la parution de son roman et de l'album "La mécanique du cœur", Mathias Malzieu, toujours épaulé par la bande de Dionysos, fait ses premiers pas dans le septième art et prépare la sortie de son premier film d'animation co-réalisé avec Stéphane Berla, avec le soutien de Luc Besson. Le chanteur nous raconte cette aventure et se dit même déjà prêt à recommencer.
Crédits photo : ABACA
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Il s'est passé six ans depuis la parution de l'album "La mécanique du cœur". On dit que le cinéma prend du temps. Vous pensiez voir un jour le bout du tunnel ?
Surtout en ce qui concerne les films d'animation ! Et qui plus est en 3D. Il faut tout inventer, tout tout fabriquer, tout peindre, tout animer, produire les sons, les musiques… C'est entre la sorcellerie et le jardinage. Un jeu constant entre la passion et la patience. Un jour, un personnage commence à bouger, puis à parler, à s'émouvoir… Puis pendant de longs mois, on travaille sur des maquettes ultra-sommaires du film avant de voir pousser le résultat, le rendu. Puis tout s'emboite au final comme un puzzle. C'est un véritable travail d'équipe qui a concerné environ 150 personnes sur les six ans de production. J'ai toujours vu le bout du tunnel, c'est plutôt le tunnel que je n'ai pas vu, tellement l'expérience a été enrichissante. Même patienter, ça apprend des trucs.

Avez-vous craint de ne pas pouvoir mener le projet jusqu'au bout ? Sur qui avez-vous pu compter, de loin ou de près, pour réaliser ce film ?
Une aventure artistique et humaine comme celle-ci, c'est forcement risqué. C'est le principe même de l'aventure. Qui part pour une traversée de l'océan sait qu'il va devoir affronter des tempêtes, de la nuit du vide et du doute. Mais aussi du soleil, des courants porteurs et des vagues de bonheur complètement folles. Luc et Virginie Besson sont les parents de cœur du film. Avec Stéphane Berla, nous étions les frères accrochés au gouvernail de ce bateau pirate. Dans l'équipage, il y avait tout le groupe Dionysos. Mike, le guitariste du groupe, a officié au montage musique et au montage son en duo avec Guillaume Bouchateau, et Babet a fait la voix de son personnage Anna, ainsi que celui de la femme à deux têtes en modifiant sa voix.

En pensant et en écrivant ce roman, l'idée d'un album et du film était-elle déjà une évidence ?
C'était un fantasme ! Un rêve en forme de parti pris. J'ai écrit les chansons de l'album comme la bande originale du livre. Transposer l'écriture de l'histoire en version cinéma alimentait le style, les climats musicaux et l'aspect visuel et imagé de tels scènes ou personnages. C'est pourquoi le casting des voix du disque, avec Olivia Ruiz, Jean Rochefort, Grand Corps Malade, Arthur H, Rossy de Palma, Babet, Emily Loizeau et moi-même, s'est retrouvé sur le film. Je les imaginais déjà à l'époque incarner leurs personnages au-delà d'un feat. musical.

Je me sers de ma réalité pour ma petite cuisine créative
D'aussi loin que vous vous souvenez, où avez-vous puisé l'inspiration pour écrire cette histoire d'amour (presque) impossible ?
Il s'agit d'autobiographie émotionnelle. Une sorte d'auto-science-fiction si on peut dire. Je ne raconte pas ma vie, mais je me sers de ma réalité pour ma petite cuisine créative. J'ai assaisonné avec mes rêves pendant six ans après, et maintenant c'est prêt ! Je voulais traiter de passion amoureuse et de rapport à la différence car je trouve ces deux thèmes extrêmement liés. C'est une déclaration d'amour épique et inquiète pour celle qui a été la Muse évidente de toute cette histoire : Olivia/Miss Acacia.

Si je vous dis qu'on n'est pas si loin que ça de l'univers de Tim Burton, vous ne sortez pas la carabine ?
Je dirais que ce n'est pas faux ! Bien sûr le cousinage existe et j'assume avec le plus grand plaisir la filiation. Mais je trouve que le film a un caractère différent de ceux de Burton. C'est plus doux, plus féminin peut-être. Puis il y a la dimension aventure, voyage initiatique-western surréaliste qui se substitue à l'humour gothique de Burton. Il y a des points communs dans le coté Monstres amoureux, ce romantisme ludique matinée de mélancolie. Mais, au final, je vois aussi le film comme un western amoureux, une déclaration d'amour au cinéma de Chaplin et bien sûr Méliès avec la modernité d'un Spike Jones et la tendresse ludique d'un Gondry. Au moins autant qu'au cinéma de Burton, que j'adore en tous cas...

Comment passe-t-on du texte à la musique et à l'image ? Qu'est-ce que ça fait de se retrouver derrière la caméra ?
C'est Jean Gabin qui disait : « Un bon film, c'est premièrement une bonne histoire, deuxièmement une bonne histoire et troisièmement…Une bonne histoire ! ». Et voilà ce qui m'intéresse. Raconter une histoire. En chanson, en concert, dans un roman et aujourd'hui avec ce film qui permet d'assembler toute mes passions en une et d'essayer d'apprendre à les transcender. Passer de la musique du groupe à l'image est tout à fait jubilatoire. Nous rêvions de faire de la musique de film. Nous avons donc fait le film qui va avec. J'ai suivi des études de cinéma jusqu'en maitrise, où je travaillais sur un mémoire au sujet des films de Jim Jarmush. La musique, les livres et le cinéma ont toujours été intimement liés dans mon processus créatif, avant même d'oser rêver à la réalisation d'un long métrage.

Passer de la musique du groupe à l'image est tout à fait jubilatoire
"La mécanique du cœur", c'est l'œuvre de Dionysos ou de Mathias Malzieu ? C'est l'œuvre de votre vie ?
Les deux mon capitaine ! Je n'éprouve pas le besoin de cloisonner mon nom et celui de Dionysos dans l'élan de création. Les chansons du groupe me donnent envie d'écrire des livres et inversement. Je ne serais peut-être jamais devenu écrivain sans l'expérience humaine et artistique du groupe. Je n'aurais peut-être jamais fait de film non plus. Est-ce l’œuvre de ma vie ? A l'heure d'aujourd'hui, sans doute, car elle a mobilisé le plus de temps, d'énergie, d'apprentissage et de formes diverses et variées. Mais j'espère bien qu'il s'agit du début d'autre chose.

Jusqu'à quel niveau d'exigence avez-vous tenté d'amener votre travail sur le plan de l'image, compte tenu de votre expérience dans le domaine ?
Au maximum du fantasme que j'ai partagé avec Stéphane Berla, Luc et Virginie Besson, et grâce au travail de graphisme de Nicoletta Ceccoli, qui a largement contribué au style caractéristique du film. Puis au 120 autres graphistes qui ont travaillé des mois et des mois pour rendre le film réel au plus près du film imaginé. Un véritable travail d'équipe ! Mon expérience avec le groupe m'a beaucoup servi. Mon rôle était de garder le cap de l'esprit, de l'intention, du parti pris et de rester instinctif, sans se laisser écraser par la technique. J'étais très bien entouré !

Une B.O. sort en parallèle et reprend bien évidemment les titres qu'on connaissait déjà, plus d'autres inédits. Ont-ils été écrits spécialement ou existaient-ils déjà dans les cartons ? Vous ressentiez le besoin d'agrémenter la bande originale qui existait déjà ?
Deux chansons inédites ont été composées spécialement pour le film, ainsi que toutes les petites musiques additionnelles, thèmes et scores joués avec des verres en cristal et des boites à musique. Si l'album nous fournit 80% de la matière première musicale du film, certaines scènes méritaient des déclinaisons. Parfois les même thèmes joués avec d'autres arrangements pour coller au mieux à l'image. Pour le disque, on s'est beaucoup amusé à sélectionner des petits passages dialogués du film sur ces fameux thèmes instrumentaux pour fabriquer de nouvelles mini-chansons.

Découvrez le clip du nouveau single de Dionysos, "Jack et la mécanique du cœur" :



Tous les artistes qui avaient déjà collaboré sur l'album et le spectacle et que l'on retrouve en doublure dans ce film ont-ils été faciles à convaincre ? Je pense notamment à Grand Corps Malade et Olivia Ruiz …
Les gens que j'avais choisis pour le disque et qui avaient accepté de jouer le jeu l'ont refait avec le même naturel et le même enthousiasme. Tout le monde, comme une évidence, a suivi le projet. Les voix sont primordiales dans un film d'animation. Je suis très heureux du caractère très singulier que les voix donnent au film. Tout le monde a joué avec sa voix naturelle, le plus simplement possible et ça humanise beaucoup les personnages.

Je signe pour vingt ans de plus sans hésiter
Peut-on imaginer que vous remonterez sur scène pour un nouveau spectacle de "La mécanique du cœur" ?
Pourquoi pas ! Accompagner le film est forcement cohérent. L'idée de ciné-concert nous séduit. On va voir un peu comment on peut s'amuser avec tout ça. Il faudra savoir passer à autre chose à un moment donné aussi.

Peut-on aussi envisager que d'autres de vos romans soient un jour adaptés pour le grand écran ?
Oui. C'est le rêve d'après. Un film avec des acteurs en chair et en os. Avec Stéphane Berla, nous avons déjà quelques envies, idées, fantasmes... On verra ! Une chose après l'autre. Défendre ce film, savourer, digérer et se laisser pousser les envies avec un peu de recul sera nécessaire.

Si c'était à refaire, seriez-vous prêt à consacrer six années de votre vie à ce projet ?
Oui. Et même douze s'il le fallait ! C'est une chance extraordinaire que de pouvoir travailler à son rêve au jour le jour. C'est normal de travailler dur et longtemps.

Dionysos revient bientôt avec des nouvelles chansons ?
Bien sûr ! Nous ne savons pas encore exactement quand ni quelle forme ça aura. Là encore, il faut se laisser surprendre. Le film sort après six ans de travail. Le groupe vient de fêter ses vingt ans et nous arrivons tous à 40 ans. Je signe pour vingt ans de plus sans hésiter. Tout est possible ! A nous de continuer à nous ré-inventer.
Toute l'actualité de Dionysos sur son site internet officiel et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "La mécanique du coeur" sur Pure Charts.

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