AnggunVariete Francaise » Variété française
lundi 02 avril 2018 15:00
Anggun en interview : "Un album en français ? Je ne sais pas si j'ai très envie"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
A l'occasion de la sortie de son album "8" en anglais, emmené par le titre "What We Remember", Anggun s'est confiée dans une interview pour Pure Charts. Dans une première partie, elle dévoile sa facette d'artiste engagée, qui lui vaut des menaces de mort, dénonce le jeunisme dans la musique et répond sur un potentiel album en français. Rencontre !
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves. En décembre dernier, vous avez sorti un nouvel album en anglais, "8", porté par le tube "What We Remember". Est-ce vous avez l'impression qu'il y a une Anggun pour la France et une Anggun à l'international ? Je vois ce que vous voulez dire. Je ne pense pas... J'aimais beaucoup à l'époque l'émission "Double Je" de Bernard Pivot, à laquelle j'ai participé d'ailleurs. Je reste la même personne, avec plusieurs subtilités. Dans les chansons, quand on passe de l'anglais, à l'indonésien en français, déjà les placements de la langue ne sont pas les mêmes. Le son change légèrement, et je trouve ça charmant. Finalement, c'est très féminin ! (Rires) J'ai l'impression qu'en France, on ne me connait pas bien Quelle image pensez-vous avoir en France ?C'est très étrange. J'ai l'impression qu'on ne me connait pas bien ici. Par exemple, quand on me reconnait dans la rue, on ne vient pas vers moi, on ne sait pas si c'est vraiment moi, on n'est jamais sûr que je sois sympa ! (Rires) Mais ça a changé depuis le dernier album en français ("Toujours un ailleurs", ndlr) avec le duo avec Florent Pagny ("Nos vies parallèles", ndlr). Dans le clip, je me montrais normalement, j'étais habillée normalement, on ne me voyait pas avec de grandes robes, donc les gens se sont dit tout à coup que j'étais sympa en fait ! Les tenues glamour ou sexy, c'est un blocage vous pensez ? Oui, on me voit souvent sur le côté glamour et les Français n'aiment pas... Alors que non, je souris tout le temps ! Il y a une espèce de barrière, mais ce n'est pas très grave. Je préfère ça que le contraire ou la présence des paparazzi qui sont là tout le temps... Je n'ai pas ce fléau-là. J'ai reçu des menaces physiques Vous êtes très connue en Asie. Est-ce que c'est différent là-bas ?En Indonésie, je prends beaucoup plus la parole politiquement. J'écris par exemple pour une plateforme littéraire où je parle des sujets qui me touchent. Il y a quelques années, j'avais fait une lettre ouverte au Président indonésien. J'ai toujours pris la parole sur la montée de l'intolérance, sur la cause LGBT... J'ai reçu des menaces physiques, des menaces réelles donc j'ai tout le temps des gardes du corps pour ma sécurité. C'est encore le cas aujourd'hui ? Oui... Le pays est en train de virer vers une direction que je ne comprends pas. C'est très inquiétant. C'est le plus grand pays musulman du monde. Je suis musulmane, j'ai été élevée dans une école catholique. Moi l'Indonésie que je connaissais, ce n'est pas ça, c'est la tolérance totale. Tout le monde s'habillait comme bon lui semble ! Le port du voile était interdit dans les écoles. Aujourd'hui, c'est plutôt le contraire. Dans certaines écoles, il y a des pressions auprès des étudiantes pour qu'elles portent le voile. On a tendance à élire des présidents dangereux Comment vous expliquez ça ?Je ne sais pas, je n'ai pas la prétention de savoir pourquoi. Mais dans l'album, il y a une chanson qui s'appelle "Righteous", et je parle de ça. On a cette tendance actuelle d'élire des présidents qui sont mauvais et dangereux. On ne sait plus qui sont nos amis ou nos ennemis. Il y a ce retour à cette idée d'appartenir... Que ce soit religieux ou autre. Il y a des discriminations qui se font naturellement. Si vous ne pensez pas pareil que nous, vous êtes forcément contre. C'est très inquiétant. Vous prenez souvent la parole en Indonésie. Est-ce que vous hésitez à le faire en France ? Je n'ai pas forcément cette image-là ici... Déjà, on ne me pose jamais ce genre de questions. Et puis peut-être qu'en France il y a la montée de l'intolérance comme partout, mais c'est un pays laïque. Je ne vais pas être le défenseur de la porte ouverte. En Indonésie, il faut souvent rappeler les choses. Découvrez "What We Remember", le nouveau clip d'Anggun : La notoriété, vous la vivez bien en règle générale ? Là-bas, ça va. J'ai l'habitude. Je n'ai jamais connu l'anonymat, j'ai commencé toute petite. C'était même rassurant pour moi. Je me disais que rien ne pouvait m'arriver. Aujourd'hui, c'est complètement l'inverse ! Je suis de la génération "Sex and the City" Parlons un peu du nouvel album, c'était quoi l'envie avec "8" ?En anglais, j'écris alors qu'en français, non. Je suis très très impliquée. C'est mon huitième album, donc je crois que l'écriture devient nécessaire maintenant. Je suis devenue essayiste et quand on passe à une chanson de 3 minutes, c'est un autre exercice, j'adore ça. La musique, c'est quand même mon ADN. Il y avait des histoires à raconter. Les chansons parlent souvent d'amour triste, ou elles sont liées à la fin d'une histoire... Ah ? Vous trouvez ? Il y en a beaucoup ? (Rires) Oui, par exemple "The Good Is Back", "No Promises"... On pourrait croire ça mais "No Promises", ce n'est pas vraiment sur ça. Je suis de la génération "Sex and the City", de ces femmes qui n'ont pas besoin d'hommes. Ni pour le statut social, ni pour l'argent, ni pour son identité. Si je suis avec quelqu'un, ce n'est pas parce que j'ai besoin mais parce que j'ai envie. Par exemple, en Asie, se marier c'est le but de tout. En France, on n'est pas obligé. Même politiquement, quand un homme politique trompe sa femme, c'est la fin de sa carrière, ici Mitterrand avec Mazarine, on s'en fiche complètement. Il y a des façons de penser différemment. Je voulais souligner mon indépendance. C'est plus une prise de position. Mais même "What We Remember", on me dit souvent que c'est une chanson super dark, mais je ne le vois pas comme ça. Vous écrivez les textes en anglais mais pas en français. Pourquoi ? Ce n'est pas ma langue maternelle. Je ne travaille pas sur un nouvel album en français Vous avez déjà essayé ?Non ! Mais je n'ai pas grandi avec le français. Mon père était un écrivain. Il m'a toujours dit que pour pouvoir écrire il faut lire des dizaines, des centaines de livres. Mais c'est surtout de connaître ce qui pourrait toucher. Je n'ai pas envie de me priver des talents d'auteurs avec qui je travaille, même si parfois, je peux me sentir un peu handicapée. (Rires) Vous travaillez sur un album en français ? Non, pas pour l'instant. Je ne sais pas si j'ai très envie. Je me concentre sur ma carrière ailleurs. Ce qu'il se passe en France, ce n'est pas très excitant en ce moment... Musicalement ? Oui... C'est très compliqué pour une chanteuse. Surtout comme moi, quand on ne sait pas dans quelle case musicale elle est. Peut-être parce que vous avez multiplié les styles... Oui mais je n'ai pas envie qu'on me mette dans une case. Quand j'ai fini ma tournée en France, qui a duré un an et demi, les gens venaient me voir en me disant : "Ah mais vous êtes rock ! Ah mais vous êtes drôle". Ils sont généralement surpris. Souvent faire un album, c'est un prétexte pour retrouver son public. Ça, j'aime bien. Et puis il y a de moins en moins d'émissions de télé pour chanter son single. Il y a du jeunisme aussi. C'est un peu effrayant quand on me dit : "Oui mais ce n'est pas très formaté". Mais je n'ai jamais été formatée ! Même les radios qui me suivaient jusque là... Tout le monde devient frileux. Mais j'ai beaucoup de chance car je peux encore faire des albums, des tournées... J'ai des actualités ici ou ailleurs. Mais peut-être qu'il faut que je laisse la France pour quelques temps. Dans la deuxième partie de notre interview, Anggun se souviendra de l'époque de son tube "La neige au Sahara", se confiera sur le succès avant d'évoquer le féminisme et le sexisme et de revenir sur l'Eurovision. Podcast
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