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mercredi 30 mai 2012 20:00

Alain Chamfort : "Je veux continuer sans être rejeté ni oublié"

L'interprète de "Manureva" fait son grand retour avec l'album "Elles & lui", désormais disponible chez les disquaires. Un projet de reprises de ses propres chansons avec des artistes féminines de la jeune génération. Un album publié chez Mercury, qui marque également le retour d'Alain Chamfort auprès d'une Major, auquel Jenifer, Inna Modja, Keren Ann ou encore Vanessa Paradis ont participé. L'artiste dépoussière ses titres les plus célèbres et s'offre en quelque sorte une cure de jouvence qu'il évoque pour Pure Charts. Rencontre.
Crédits photo : Dominique Gau
Votre nouvel album "Elles & lui" rime avec come-back mais aussi avec retour dans une Major. Votre contrat avec EMI a en effet été rompu il y a quelques années. Considérez-vous que ce soit une chance de pouvoir réintégrer une grand écurie ? (Jonathan Hamard, journaliste)
Alain Chamfort : Oui. Bien sûr. Mais ce n'est pas ça qui me motive. Tout peut arriver. C'est la vie. Quoi qu'il en soit, je reste toujours dans une perspective d'aller de l'avant, d'être dans l'énergie. Mon contrat avec EMI avait été rompu en 2004. Mais la vie ne s'arrête pas qu'à ça. D'autant que nous nous plaçons strictement d'un point de vue professionnel. La vie est une éternelle remise en question. Dans tous les domaines, nous sommes obligés de continuer, de rompre, de repartir, de recommencer… Ça ne me paraît pas spécifique à ma condition.

Comment l'idée de cet album est-elle arrivée à maturité ? Allait-elle de pair avec votre nouveau contrat ?
La vraie raison de cet album émane d'une proposition d'un jeune homme qui était responsable à l'époque de programmes sur M6 et qui a été transféré par la suite chez TF1. Au cours d'un déjeuner avec une personne de ce métier, il a confié son envie de me voir sortir un album de duos de mes chansons. Le message a été transmis par cette tierce personne. Je me suis dit : "pourquoi pas". J'ai rencontré ce garçon et puis finalement l'idée a été colportée comme ça. Elle est arrivée un jour jusqu'à Olivier Nusse, le directeur de Mercury. De là, elle s'est transformée en quelque chose de plus inspiré. L'idée de faire un duo avec uniquement des femmes est arrivée dans la foulée. Elle paraissait évidente pour tout le monde.

Il y a eu tellement d'albums de duos...
Et pourquoi seulement avec des femmes ?
Parce que ça nous semblait plus logique étant donné mon répertoire. Et puis ça donnait un concept plus original plutôt que de mélanger tout le monde sur un même disque. Ça se fait avec tout le monde : Michel Delpech, Hugues Aufray… Je ne sais plus… Il y a eu tellement d'albums de duos. Je trouvais donc ça bon d'arriver avec une position plus réfléchie et un peu plus adaptée à mon répertoire, à ce que je suis.

Parmi les artistes figurant sur ce disque, une grande partie est issue des castings des émissions musicales télévisées. Coïncidence ou choix délibéré ?
Quand on regarde les chanteuses de la nouvelle génération, elles sont souvent le produit de la télé-réalité. Les artistes que l'on voit actuellement sont principalement issues de ce type d'émissions. C'est le cas de Jenifer, Camélia Jordana… Et puis on a même poussé jusqu'à aller trouver des candidates de l'émission "X-Factor". Mais là, c'est une autre histoire. C'est Olivier Schulteis qui nous avait proposé l'idée. Il était comme vous devez le savoir juré pour l'émission et il a travaillé sur l'album. Il a réalisé les arrangements avec Jean-Pierre Pilot et William Rousseau. C'est lui qui m'a demandé si je voulais chanter avec Sarah Manesse et MARINA D'Amico. Et puis moi j'ai voulu aller plus loin encore en invitant une chanteuse encore inconnue du grand public. Je parle de Capucine qui chante "La fièvre dans le sang".

Ecoutez le duo d'Alain Chamfort et Camélia Jordana, "Bambou" :


Connaissiez-vous Sarah Manesse et MARINA D'Amico avant l'enregistrement de l'album ?
Je les ai découvertes au moment d'"X-Factor". Olivier m'avait invité pour une émission. C'était au moment du casting. Il fallait garder six sur douze candidates encore en lice. Si je me souviens bien, c'était pour une émission spéciale où chacun des jurés devait inviter un chanteur pour l'aider à choisir. On avait fait un voyage à Marrakech pour l'occasion. C'est donc au Maroc que je les ai rencontrées.

Je ne me vois pas démonter quelqu'un brutalement
Le projet d'album était-il en cours à ce moment-là ?
Oui. Il était en cours mais ce n'est pas à ce moment-là que l'idée est venue. On avait déjà commencé le casting des chanteuses pour l'album "Elles & lui" mais il n'était pas encore terminé. Il y a des chanteuses dont je tairais le nom qui ont tout simplement refusé le projet. Il n'y a aucune raison de leur en vouloir. Elles avaient sans doute de bonnes raisons de ne pas vouloir y participer.

Avez-vous suivi ces programmes de télévision ? Quel est votre avis sur ces castings qui sont pour certains artistes un vrai tremplin ? Pensez-vous que ce soit désormais le passage obligé pour faire décoller la carrière d'un artiste ?
Je pense que ça a permis à certains artistes d'exister et de pouvoir faire un album. Après, les albums ont été déterminants pour la suite de leur relation avec le public. Comme pour tous les artistes me direz-vous. Mais c'est encore plus vrai avec ces artistes à qui on a placé une grande notoriété entre les mains. Il ne faut pas se tromper sur l'album. Je remarque le cas d'Elodie Frégé qui est allée habilement demander à Benjamin Biolay de lui écrire des chansons. C'est pareil pour Olivia Ruiz qui a su faire des choix artistiques qui lui permettent de durer. C'est pareil pour Julien Doré ou Christophe Willem. Il y a quand même des artistes issus de la télé-réalité qui sont devenus des vedettes. Il faut savoir s'entourer, savoir faire les bons choix. Il y en a beaucoup qu'on ne voit plus. Mais c'est le risque aussi. Avant c'était les télé-crochets ou on envoyait sa cassette à une maison de disques. Tout ça a évolué.

Auriez-vous pu être coach pour "The Voice" ?
Je ne sais pas si j'en serais capable. Je ne me rends pas compte. Je serais resté celui que je suis. Je n'aurais pas pu jouer le jeu de la production. J'aurais été malheureux si on m'avait dit que je n'étais pas assez dur dans l'oreillette. J'avais été approché à l'époque par la production de "Nouvelle Star". Il m'avait proposé d'intégrer le jury et c'est la réponse que j'avais donnée : "Je ne me vois pas démonter quelqu'un brutalement. Ce n'est pas dans ma nature". Ils ne sont pas revenus vers moi. Je crois qu'ils voulaient pour leur émission quelqu'un qui soit prêt à jouer le jeu.



On a parlé du choix des artistes, mais pas du choix des titres. Les chansons ont-elles été choisies avec les artistes ou préalablement ? Avez-vous cherché à mettre en adéquation vos titres avec l'univers de telle ou telle chanteuse ?
Oui. C'est dans ce sens-là que le projet a été pensé. Le directeur artistique du projet avait lui-même fait une sélection de chansons qui me paraissait correspondre à ce projet. Je ne crois même pas avoir dû discuter les titres parce que tous me semblaient intégrer logiquement ce projet. Ce qui était intéressant, c'était tout le travail de concordance entre les titres sélectionnés et les artistes que l'on voulait. Qu'Alizée chante "Clara veut la lune" ou Elodie Frégé "L'ennemi dans la glace", ça me semble tout à fait adapté.

Qu'Alizée chante "Clara veut la lune" ou Elodie Frégé "L'ennemi dans la glace", ça me semble tout à fait adapté.
Quel type d'échange s'est produit avec ces artistes ? En avez-vous tiré quelque chose ? Un enseignement ou une nouvelle expérience ?
Je pense qu'elles ont toutes leur personnalité. Je crois qu'on les a toutes respectées. Nous n'avons pas cherché à les emmener quelque part ou à faire quelque chose qui ne leur correspondait pas. Elles ont leur façon de chanter, leur caractère, leur singularité... On a conservé tout ça. On les a simplement utilisées. Ça a été des échanges assez rapides parce que je n'ai pas imposé ma présence en studio aux artistes parce qu'ils n'étaient pas assez grands. Et puis c'était leur imposer une pression supplémentaire qui n'était pas utile. Je revenais à la fin de leur séance et je les remerciais.

Une fois les chansons enregistrées, qu'elle a été votre plus grande surprise ? Quelle rencontre a su aboutir à un résultat auquel vous ne vous attendiez pas ?
J'affectionne particulièrement "Traces de toi" avec Fredrika Stahl et puis "Géant" avec Keren Ann. Ce sont des chansons moins rythmées. Ce n'est pas gadget. Les chansons rythmées sont toujours un peu plus légères. Ces deux titres bénéficient d'orchestrations plus travaillées, même si le travail de production sur l'ensemble de l'album est très cohérent.

Parmi les chansons reprises pour l'album "Elles & lui", on remarque que deux de vos anciens disques sont plus particulièrement représentés : "Poses" et "Amour année zéro". Ce sont deux albums qui vous tiennent plus à cœur que les autres ?
Non, mais il semble que ce soit dans ces deux albums-là que l'on trouve les plus beaux succès. La popularité des titres faisait partie des critères de sélection aussi. "Elles & lui", c'est une sorte de best-of.

Comme vous le dîtes, c'est une "sorte de best-of". Ce projet est également l'occasion pour vous de faire découvrir votre univers à une nouvelle génération d'auditeurs. On le voit avec ce parti pris pour les arrangements et puis vous êtes aussi allé chercher de jeunes artistes populaires.
C'est l'idée. Pour l'instant, les réactions des médias le prouvent. Il y a des radios qui ne me jouaient plus et qui me réintègrent à leur programmation. Je pense que c'est en très grande partie dû à la présence de ces artistes féminines qui font partie de leur programmation. C'est un moyen de faire découvrir mon répertoire à un public plus jeune. Et puis ceux qui ont bien aimé les chansons au moment où elles sont sorties vont peut-être aussi accepter ces nouvelles versions. Ils vont peut-être les critiquer.

Regardez le clip "Souris puisque c'est grave" d'Alain Chamfort et INNA Modja :


Vous-être vous posé la question de savoir ce que l'on peut faire ou ne pas faire sur tel ou tel titre pour reprendre l'idée que le public connaissant déjà tous ces titres pourrait être déçu de ces nouvelles versions ?
Oui. Et c'est pour ça que je suis resté à l'écart de la production de l'album. Je ne me sentais pas suffisamment motivé pour retravailler ces chansons. Autant j'aime mener une chanson jusqu'au bout en partant de l'écriture jusqu'à l'enregistrement. Autant lifter une chanson, revenir dessus, je ne me sentais pas l'envie de le faire. C'est pour ça qu'on a fait appel à ce trio de réalisateurs. Il est vrai que la question s'est posée plusieurs fois de savoir si un titre devait être sorti totalement de sa version d'origine ou s'il fallait garder des éléments musicaux qui ont été marquants. Il y a des chansons dont la première réalisation est indissociable de la chanson elle-même. On a comme un ADN que l'on ne peut pas trop transformer. Et puis d'autres chansons se prêtaient plus facilement à une réécriture complète. Peut-être parce qu'elles ont connu moins de succès. Bien sûr qu'on aurait pu faire "Manureva" au ukulélé mais c'est un peu gratuit. C'est comme "Malaise en Malaisie", nous avons opté pour une production assez similaire alors que pour "Bambou", c'est une version totalement revisitée. "Géant" est beaucoup mieux mise en valeur par exemple. Nous avons réussi quelque chose d'un peu fragile. Le texte n'était pas défendu par un véritable interprète. Alors que là, le texte prend tout son sens. Nous incarnons plus les parents d'un petit enfant avec Keren Ann alors que je n'étais pas crédible dans le propos lorsque je chantais le titre tout seul.

Je ne me sentais pas suffisamment motivé pour retravailler ces chansons.
L'idée de best-of amène l'idée d'un regard tourné vers le passé. Comment percevez-vous votre carrière aujourd'hui ?
Je trouve ça chouette d'être encore là. Je suis amené à croiser des gens qui ont connu un succès éphémère et qui sont dans des situations très différentes de la mienne. Je n'ai jamais vraiment été en première ligne. Je n'ai jamais connu les acclamations d'un Bercy. L'intérêt, c'est de pouvoir continuer de faire mon activité sans être rejeté ni même oublié. C'est une situation que tout le monde n'a pas le privilège de vivre. Je pense que je m'en suis pas trop mal sorti. J'ai fait des choix artistiques avec une liberté que j'ai pu acquérir très tôt avec les contrats que j'ai signés. J'ai su constituer un patrimoine qui m'appartient. Tout le monde n'a pas fait ça. Chacun fait son chemin.
Pour en savoir plus, visitez alainchamfort.net ou son MySpace officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez tous les succès d'Alain Chamfort sur Pure Charts.

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