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La veuve d'Alain Bashung raconte dans un livre les dernières heures du chanteur

Par Steven BELLERY | Rédacteur
Chloé Mons, la veuve d'Alain Bashung publiera le 2 mars prochain "Let Go". Un récit court. Choc. Elle y raconte les dernières heures du chanteur et la vie sans lui. Pure Charts vous propose de découvrir les bonnes feuilles en avant-première.
Crédits photo : ABACA
C'est un récit poignant. Dérangeant diront certains. Parce qu'il est parfois cru mais indéniablement fort. Chloé Mons, la dernière épouse d'Alain Bashung sortira le 1er mars "Let Go" (aux Editions Fetjaine) quasiment trois ans jour pour jour après le décès du chanteur d' "Osez Joséphine". Un texte court et choc. La comédienne et chanteuse qui a partagé douze ans de sa vie avec l'artiste revient sur les derniers moments du chanteur.

Soixante-deux pages pour raconter le "grand départ" d'Alain Bashung. Le grand public gardera en tête les Victoires de la musique 2009, le 28 février, comme l'ultime apparition du chanteur. Chloé Mons qui a été la dernière épouse du chanteur n'en parle pas. Son texte - sans pudeur mais sincère – débute par un aparté intitulé "L’Aventure de madame Muir", titre d'un film américain de 1947.

« Au début de notre rencontre, j’ai fait découvrir un de mes films fétiches à Alain : L’Aventure de madame Muir, de Joseph Mankiewicz. Durant toutes ces années de vie ensemble, Alain ne cessera de regarder ce film et de le regarder encore, des nuits entières. Il m’en parlait. C’était notre référence à nous, notre classique. L’amour au-delà de la vie. L’amour éternel. À la fin, il le regarde de plus en plus. Parfois trois fois dans la nuit. », écrit en préambule Chloé Mons avant d'ouvrir le premier chapitre sobrement intitulé "Semaine du 10 au 14 mars".

Mardi 10 mars

Alain a commencé à perdre la tête aujourd’hui. J’étais à Vélizy, en train de monter l’exposition de Myriam et il m’a appelée. Il m’a dit qu’il devait partir de l’hôpital cet après-midi et qu’il fallait organiser la mise en place de l’oxygène à la maison, qu’il fallait que je vienne vite. J’ai donc laissé tout en plan et je suis partie. En arrivant à l’hôpital j’ai croisé un médecin à qui j’ai demandé des détails. Il était étonné et m’a dit qu’il était hors de question qu’Alain sorte. Pas avant lundi.

Je suis donc allée dans la chambre et je l’ai trouvé agité et délirant. Je lui ai expliqué qu’il n’avait pas à sortir ce jour. Il était rassuré que je sois là. Il m’a dit : « C’était la Saint-Barthélemy cette nuit, t’as vu ? » J’ai dit : « Quoi ? » Lui : « Oui, ils interdisent aux jeunes d’acheter des cigarettes et de l’alcool. Oh toi, tu sais déjà que la France… T’es déjà plus ici et depuis longtemps. T’es loin. Tu me manques parfois, mais… ça va, ça va. » J’ai ri. Je lui ai demandé : « Où tu aimerais être, là ? Maintenant ? » Et lui : « À la campagne, dans une maison avec une grande baie, une très grande baie, et faire de la musique et être heureux les jours après les autres, le plus longtemps possible. » Et puis il m’a dit : « Le liturgique, bébé, il y a que ça de vrai ! Ça se finira comme ça ! » et il s’est mis à chanter "Oh my lord" en faisant comme s’il jouait du piano.

Je suis allée voir le docteur et lui ai dit qu’Alain avait des bouffées délirantes. Il m’a répondu qu’en effet il fallait programmer une IRM, vite. Je suis retournée près de lui, et lui ai demandé ce qu’il ressentait à l’intérieur. Il m’a montré sa poitrine et m’a dit « Là, c’est poubelle. Le reste ça va. Ils t’ont dit que c’était foutu ? » J’ai répondu : « Non. Ils veulent faire une IRM et voir. Et puis tu es un phénix, tu es capable de renaître comme tu l’as fait plusieurs fois. » Il m’a répondu : « Oh, il y a phénix et phénix. »


Pendant une dizaine de pages, Chloé Mons se remémore chaque instant de cette semaine interminable et douloureuse. Une semaine qu'elle ressent dès le début comme singulière. Elle se rappelle de la venue d'Arthur, le fils d'Alain, qu'il n'a pas vu depuis trois ans. L'IRM qui ne détectera rien de grave. Les docteurs et PSY qui défilent dans la chambre. Chloé Mons insiste aussi sur l'amour que portera Alain Bashung pour la musique, jusqu'à la fin.

Vendredi 13 mars

Je suis arrivée vers 14 heures. J’étais gaie en apparence, toutes mes forces rassemblées pour lui donner le meilleur. Il était très faible et moins conscient. Toujours cette respiration trop rare et occupant toute son attention, toute sa vie. J’avais des disques. J’ai mis Roy Orbison "You Got It". Il a fermé les yeux de plaisir, et on se serrait la main. Après le premier titre, il m’a dit « la plus belle chanson du monde », et on dansait un peu sur son lit. Ensuite je me suis allongée sur lui, la tête dans son cou, et ensuite la tête sur son cœur. Pendant environ une heure et demie, on est restés comme ça, tout en écoutant Richard Hawley et Jerry Lee Lewis. En entendant le piano de Jerry, il a bougé une jambe pour danser et il a fait le geste de jouer du piano. Sourires, rires, souvenirs.

[…]

En écoutant Richard Hawley, il a ajouté : « Ça nous fera des souvenirs. » Là, je me suis réjouie de le voir être si conscient au point d’évoquer une situation grave au travers d’une boutade, ce qui était vraiment une de ses spécialités. Et aussi de voir sa conscience si éveillée. Il savait exactement ce qui se passait. Je lui ai dit : « Coquin ! »… Il a souri. On se comprenait si bien.

Je lui ai dit que je devais partir pour jouer à Vélizy pour le vernissage de Myriam, et que j’allais chanter pour lui. Il m’a regardée fixement et je lui ai dit : « Tu ne bouges pas tant que je ne suis pas là, compris ? Tu m’attends, OK ? » Il a dit oui, ses yeux dans les miens.


Vient le jour du samedi 14 mars résumé en trois pages seulement qui débutent ainsi.

Samedi 14 mars

Je l’ai appelé vers 8 heures, et il dormait toujours. J’ai eu peur d’un coma. Vers 9 heures j’ai rappelé et l’infirmière a décroché. Elle m’a rassurée. Il faisait sa toilette. Vers 10 heures, je lui ai parlé. Il était agité. Il m’a dit qu’il était « enfermé ». Je l’ai rassuré, calmé et il m’écoutait doucement, avec des sursauts de panique. Je lui ai dit que j’allais venir, de m’attendre. De ne pas bouger tant que je n’étais pas là. Il m’a dit : « D’accord, lapin. T’inquiète pas. Oui, lapin. » Il m’a attendue.

15 heures 51

Alain vient de mourir. Il y a un quart d’heure. Il m’a attendue. J’étais avec Poppée et ma mère. En arrivant dans le couloir, j’ai vu des gens courir vers la chambre. Je leur ai dit : « Si c’est critique, je veux être là. S’il vous plaît, je veux être là. » Je suis restée derrière la porte, en alerte des pieds à la tête et je l’ai vu allongé avec quatre personnes autour et j’ai compris que ça n’allait pas. La porte s’est ouverte et on m’a dit : « Entrez, madame, il va partir. » Je lui ai pris la main et je l’ai inondé de mes je t’aime, et j’ai pleuré sur lui, mon visage tout contre le sien. Et doucement Alain s’est éteint, la vie s’en est allée. Je bénis le ciel pour avoir été là pour son passage.


Dans le second chapitre "Semaine du 14 au 20 mars", Chloé Mons raconte l'enterrement, la difficulté de vivre ce départ comme si elle ne comprenait pas ce qui se passait : « Dans la soirée, des avalanches de SMS et de sonneries de tous les téléphones de la maison m’apprennent que l’annonce officielle a été faite. J’observe la chambre encore imprégnée de lui, avec ses affaires laissées comme s’il allait tout retrouver. Je me couche épuisée dans un lit où il ne viendra plus. », écrit-elle.

Elle explique son choix de cérémonie et du lieu où reposera Alain Bashung :

Saint-Germain-des-Prés parce que c’est un bel endroit, et le Flore où nous allions avec bonheur manger des mille-feuilles est tout près. Inhumation et pas crémation. Alain a tant manqué d’ancrages. Il est grand temps qu’il s’enracine pour toujours. Et puis la terre est le souvenir, contrairement à la cendre qui est la dispersion. Important aussi que les gens qui l’ont tant aimé puissent venir lui rendre hommage. […] Beaucoup de monde dérape autour de moi au sujet de la cérémonie. Il y en a qui veulent lire quelque chose, ou chanter, ou jouer… Bref, tout le monde veut sa place et revendique un morceau de lumière. Je ferme les écoutilles comme Alain m’a appris à le faire, et comme il le faisait sur notre monde afin qu’on soit en paix. Je me concentre sur cette chose très belle et rare et sacrée qui est d’accompagner son homme en terre. Il faut que ce soit à son image : sobre, grand et juste .


La veuve d'Alain Bashung résume ensuite l'enterrement, son départ à Marrakech avec sa fille Poppée pour s'éloigner de Paris et sa rencontre avec le chanteur sur le tournage du clip de "La nuit je mens". Un texte intense en forme de lettre ouverte. Une manière pour Chloé Mons de tourner la page. Un "Let Go" qui mettra peut-être mal à l'aise certains fans.




Information et contenus exclusifs. Toute reproduction interdite sans la mention Pure Charts.fr et un lien vers cette page. Crédits photo : Delphine GHOSAROSSIAN.
"Let Go" de Chloé Mons. Sortie le 1er mars aux Éditions Fetjaine. Prix : environ 3€.

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