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Propos recueillis par Jonathan Hamard.
Pourquoi avoir pris le nom de scène Nach et ne pas profiter de la notorité des Chedid ?
Anna Chedid devient Nach. Nach, c'est le pont entre Anna et Chedid. C'est le pont entre qui je suis et d'où je viens. Ce sont en même temps mes racines et ce que j'en fais individuellement.
N'est-ce pas aussi comme l'a fait HollySiz, une manière de se détacher d'un nom pour ne pas être systématiquement cataloguée ?
Ce n'est pas pour ça que je l'ai fait. Mais si ça peut me permettre de créer un personnage singulier, tant mieux. Je l'ai fait parce que j'aime bien ce nom. Je trouve que c'est graphique. Et puis, dans l'intimité, on m'appelle Nach depuis que je suis toute petite. C'est mon surnom.
Penses-tu que c'est un atout d'être fils de/fille de ou au contraire un handicap ?
En fait, je pense que ça dépend surtout de qui on est fils de ou fille de. J'imagine qu'être une fille de Serge Gainsbourg, ce n'est pas du tout la même chose qu'être une fille de Louis Chedid. Chaque histoire est très différente. Après, quand tu as la même passion que ton frère, ta sur ou ton père qui est célèbre
tu es un peu embêté !
(Sourire) Mais quand tu n'es animé que par ça, tu te dis tant pis et tu fonces. Je suis consciente que je suis bien née. J'ai une chance incroyable.
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C'est mon frérot. Matthieu et moi, nous avons 16 ans d'écart. Mes parents ont eu une première fournée, Matthieu et ma sur Emilie, puis une dizaine d'années plus tard Selim et moi. Matthieu, c'est mon grand-frère et, en même temps, il a pour moi un côté paternel. Il nous a beaucoup protégés et éduqués. C'est une personne exceptionnelle, très atypique et avec une personnalité très forte.
Tu as commencé ta carrière au côté de Matthieu, sur scène. Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller plus loin ? Quel a été le déclic ?
Je composais et j'écrivais des chansons avant de partir en tournée avec Matthieu. J'avais envie de faire ça déjà, mais je ne me l'autorisais pas. La tournée avec Matthieu m'a appris beaucoup de choses. Je l'ai beaucoup regardé. On a fait Bercy, 12 Olympia
C'était irréel ! Je sortais de ma chambre et je faisais Les Vieilles Charrues. (
Sourire) Matthieu, lui, il a commencé par chanter dans des petits endroits. C'est plus logique. Alors que commencer par les plus grandes salles, en quelque sorte, ce n'est pas l'ordre normal des choses. Alors il a fallu que je travaille énormément parce que je ne voulais pas être là simplement parce que je suis la sur de -M-. Je veux être là parce que je chante bien. Partir en tournée avec Matthieu, c'était la meilleure école de musique et de scène que je pouvais faire.
Sur ton premier album, tu es à la fois auteur et compositeur. Etait-ce nécessaire pour toi de commencer seule sans chercher à collaborer avec telle ou telle personne ?
Pour le premier, oui. J'avais vraiment cette envie d'assumer ce que je suis et ce que je fais. Cet album, c'est une présentation. Je ne suis pas parfaite mais sincère et honnête. Il n'y a qu'un seul morceau que j'ai co-écrit avec OrelSan. Il s'appelle "Ce qu'ils deviennent". Et il y en a un autre que j'ai co-composé avec mon frère Selim. Mais je suis ouverte à plein de possibilités. Je sais que tout ça évoluera par la suite.
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J'aime beaucoup la cérémonie des Victoires de la Musique dans le sens où mon frère Matthieu a reçu beaucoup de prix. Avec mon frère Selim, quand on était petit, on regardait Matthieu dans le public et on criait comme des malades. Dès qu'il gagnait, je pleurais de joie. Pour nous, il avait gagné le Prix Nobel !
(Sourire) Nous étions surexcités. Pour moi, les Victoires de la Musique, c'est une madeleine de Proust. Si par hasard, un jour je remporte un prix, bien sûr je serais contente. Mais ce n'est pas un objectif.
Que penses-tu du palmarès de la dernière cérémonie, qui a notamment consacré Christine and the Queens ?
J'adore
Stromae ! C'est un artiste qui me fascine scéniquement. C'est un grand comédien et metteur en scène. J'apprécie beaucoup Féloche aussi. Christine, je la connais depuis bientôt cinq ans. On a gagné un concours ensemble. Je ne suis pas surprise de son succès.
Stromae et Christine and the Queens évoluent tous les deux dans un univers atypique et cartonnent. J'ai l'impression qu'en ce moment le public est très demandeur de ces artistes qui font beaucoup de mise en scène. Tu penses te positionner sur ce créneau-là ?
Il y a un renouveau, c'est vrai. Il suffit de regarder les artistes qui fédèrent. Stromae, Christine et Benjamin Clémentine, ce sont des personnalités. C'est moins l'auteur-compositeur qu'on recherche aujourd'hui. On cherche le show, l'image
Pour moi, ce n'est pas une stratégie commerciale de faire ça. En ce qui me concerne, je fais moi-même le travail sur l'image. J'ai beaucoup bossé dessus. Je considère que, quand on fait de la musique, on fait du spectacle. On doit faire rêver les gens. Si l'aspect visuel peut apporter quelque chose de plus à la musique, c'est génial.
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Quand tu vois Winnie Harlow, mannequin très en vogue qui n'incarne pourtant pas les codes de la beauté, tu estimes que ça donne un sens à ton titre "Je suis moi" ?
Je ne fais pas du tout partie des canons de la beauté !
(Sourire) Je suis carrément loin de ça. "Je suis moi", c'est un morceau qui m'a fait beaucoup de bien. Il y a toujours eu beaucoup de pression sur les femmes. Dans les années 50, elles avaient toutes quatre épingles, corsetées
Elles n'arrivaient même pas à respirer. Pour moi, cette femme est très belle parce qu'elle s'assume. Elle s'incarne dans son corps et ce qu'elle est. C'est important de s'accepter pour se sentir bien, de rire de tous ces dictats. On est tous différent et c'est ce qui est super.
N'est-ce pas un manque de confiance en soi de chanter "Je suis moi" ?
Oui, bien sûr. Mais, en même temps, "Je suis moi", c'est une prise de confiance. Je raconte que j'essaie d'exister. Il y a beaucoup de légèreté dans ce titre. J'invite les gens à être ce qu'ils sont vraiment au fond d'eux-mêmes avant d'aller chercher à ressembler à untel ou untel.
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La première fois que j'ai entendu le titre "Cur de Pierre", j'ai pensé à cette artiste
On me le dit souvent. On m'a demandé si je n'avais pas écrit son morceau
"Dans la peau". Alors, non
(Sourire) Je pense qu'il y a effectivement quelque chose dans la voix. On a toutes les deux une voix un peu blues, on chante en français et on a un goût commun pour les mêmes artistes. Par exemple, elle travaille beaucoup avec Babx, que j'affectionne beaucoup aussi. La comparaison ne m'offusque pas. Cette fille-là, ce n'est pas comme si je n'aimais pas ce qu'elle faisait. Nous sommes quand même très différentes. Je sais que son énergie sur scène n'est pas du tout la même que la mienne.
Camélia Jordana a débuté dans un télé-crochet. Est-ce que toi, si tu n'avais pas eu la chance d'être portée par ta famille, tu aurais pu participer à ce genre d'émission ?
Je ne pense pas. Pas par snobisme ! Je suis quelqu'un qui a besoin de faire des concerts, de la musique. Je n'ai pas besoin d'être connue. L'été dernier, j'ai pris mon camion et je suis allée chanter dans des campings ou sur des places de marché. On me donne un petit cachet et à manger. Je fais ma musique. C'est ça qui me fait vivre. Je n'ai pas envie de passer à la télévision pour être jugée. Ce n'est pas ma conception de la musique.
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Paris, c'est l'histoire d'amour de ma vie. Je suppose que tu fais référence à la chanson
"Oh oui je t'aime". J'adore Paris et en même temps je la déteste. Il y a beaucoup de choses que je n'aime pas et qui ne me ressemblent pas. Il y a trop de gens, la mondanité, l'affluence, la violence
Des fois, j'ai envie de me barrer. Quand j'ai envie de m'oxygéner, je vais marcher à la montagne. Je suis allée dans les Cévennes dernièrement. Paris reste inspirant parce qu'il se passe beaucoup de choses.
Crédits photo : ABACA
Ah ! Le morceau
"Comme un seul homme" (Sourire). Quand l'attentat à
Charlie Hebdo est arrivé, on était en studio pour des répétitions avec Matthieu, mon père et Selim pour la tournée Chedid. Ça nous a tous bouleversés. Matthieu a fait un morceau dans la nuit et il a tout de suite voulu qu'on l'enregistre. Sur mon disque, j'ai moi aussi un morceau qui s'appelle "Toi mon étranger" et qui parle de tout ce qu'on ressent par rapport à tout ça. A la fois, mon cur est rempli d'espoirs et de lumière, alors que ces événements me font froid dans le dos.
Qu'est- ce qu'il reste de cet esprit du 11 janvier ?
On a vu que beaucoup de personnes se sont senties touchées. Les rassemblements ont énormément fédéré. J'ai l'impression que les gens ont plus l'envie et le besoin d'être soudés. J'espère que nous continuerons d'aller dans ce sens-là.
Crédits photo : affiche de la tournée de la famille Chedid
La tournée Chedid va commencer. Tu ne crains pas que ça court-circuite la sortie de ton album ?
Je fais effectivement une interruption dans ma tournée pour partir sur les routes avec ma famille. C'est un peu le seul moment où l'on pouvait le faire. Je ne voulais absolument pas rater ça. C'est un cadeau ! Ce sera positif pour nous quatre. Je ne pense pas que ça court-circuitera la sortie de mon album, sauf si j'ai peur que ce soit le cas. Il faut que je reste dans une démarche positive, où je me dis que tout ce qui est bon à prendre, je dois le prendre. Sur scène, on entendra du Nach, du -M-, du Louis et du Selim. On entendra même du Selim chanté par Louis et du Nach chanté par -M-. C'est beaucoup de travail, mais j'aime ça. Pour moi, le travail c'est du plaisir parce que je suis passionnée par ce que je fais.