Marjorie (L5) en interview : "J'ai refusé de collaborer avec Pascal Obispo"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Sept ans après la fin de l'aventure L5, Marjorie est de retour avec un nouveau projet avec Alexandra. L'occasion pour la jeune femme, aujourd'hui âgée de 34 ans et mère de famille épanouie, d'évoquer avec le naturel qui la caractérise l'épopée "Popstars", les télé-crochets, le star-system et ses relations conflictuelles avec Louisy Joseph. Session nostalgie !
Crédits photo : Facebook officiel
Dans notre grand classement des singles les plus vendus en France depuis 2001, "Toutes les femmes de ta vie" occupe la 7ème position. 13 ans après, ça te fait quoi ?
Depuis l'époque des L5, on a toujours des fans qui nous suivent, des gens qui nous arrêtent dans la rue pour nous dire "C'est dommage que vous ayez arrêté !"... Mais c'est très difficile d'avoir du recul sur ces années-là et sur le potentiel des disques. A l'époque, la surmédiatisation y était pour beaucoup ! Donc arriver en 2014 et se retrouver dans le top 10, c'est génial.

On était 100% naturelles
Avoir un plus gros tube que Céline Dion, Garou, Johnny Hallyday... C'est très impressionnant quand on y pense. Comment tu expliques ce succès ?
Ça a marqué toute une époque ! Il faut dire que le titre est très bien produit, il a une super accroche... Quand je l'écoute encore aujourd'hui, je trouve qu'il n'a pas vieilli ! Le plus difficile dans ce métier, c'est d'arriver à perdurer. Alors que la chanson ait conservé le même capital sympathie et qu'on continue de travailler grâce à elle, c'est incroyable. Je me sens chanceuse !

Tu es nostalgique de cette époque ?
Ah oui, bien sûr ! Je n'ai que des bons souvenirs dans la tête. A chaque fois que je me replonge dans l'univers L5, que ce soit à travers le discours des gens, quelques photos trouvées sur Internet ou même des vidéos, j'ai un petit pincement au coeur. J'ai toujours plaisir à en discuter. Ça fait partie de mon histoire, de mon expérience. Y repenser me touche beaucoup.

"Popstars" a été le premier télé-crochet "nouvelle génération" diffusé en France. C'est peut-être pour cette raison que le grand public a tant accroché : il vous a vu naître, évoluer...
Je pense ! Forcément, nous étions privilégiées par la primeur de ce genre d'émission. Mais, après, on nous dit souvent que nous étions naturelles. Les gens ont aimé ce coté-là. C'est vrai qu'on ne savait pas du tout où on mettait les pieds ! On avançait au jour le jour, sans savoir ce qui allait nous arriver... Il n'y avait pas de calcul. Contrairement aux candidats qui se présentent aujourd'hui dans les télé-crochets, nous, on n'avait aucune stratégie. On était 100% vraies.

Si c'était à refaire, qu'est ce que tu changerais ?
Rien ! Ça a été une très belle expérience, telle qu'elle est.

On était des victimes consentantes question look !
Même pas le look ? Il y a de quoi être rancunière des stylistes et des coiffeurs de l'époque !
(Rires) C'est sûr qu'ils avaient mis le paquet à ce niveau-là ! Tellement que ça pouvait parfois être à la limite du ridicule, je suis bien d'accord. (Sourire) Moi à l'époque j'étais toute jeune, j'avais 21 ans : je trouvais ça fabuleux ! J'avais l'impression d'être une princesse. Aujourd'hui, on s'en est tapé des tranches de rire en regardant nos albums photos... Ça faisait partie de notre identité, aussi. Les gens nous ont identifiées comme ça, chacune avait sa personnalité vestimentaire.

Des victimes consentantes, donc.
Voilà, même si on s'est rebellé plus d'une fois !

Souvenez-vous du clip "Toutes les femmes de ta vie" :



Qu'est ce que tu dirais à la Marjorie d'il y a 13 ans, juste avant sa première audition ?
Et bien, pas grand chose au niveau du casting puisque j'y suis allée sans vraiment y croire. J'ai toujours été passionnée de chant mais j'avais beaucoup de lucidité sur le métier. Je ne pensais pas réussir... Je ne l'ai pas fait pour ça ! Je voulais avoir un jugement professionnel et c'est cette insouciance qui m'a emmenée jusqu'au bout. Donc mon conseil serait le suivant : sois toi-même.

Les télé-crochets d'aujourd'hui comme "The Voice" ou "Rising Star", ça t'inspire quoi ?
Que ces émissions ont continué, je trouve ça logique puisqu'il y a toujours eu une demande de la part du public. Mais c'est vrai que ça s'essouffle. Ils ont beau changer de concept, aujourd'hui les candidats savent à quoi s'attendre, comment il faut se comporter devant une caméra... Le côté commercial a vraiment pris le pas sur le côté artistique et c'est dommage.

J'ai récupéré une vie simple
Pourquoi un groupe de filles comme The Mess, issu aussi de "Popstars", n'a pas fonctionné ? Qu'est ce que vous, vous aviez de plus ?
La fraîcheur ! Et puis nous sommes arrivées à une époque où le disque se vendait encore très très bien. Le marché n'est pas comparable, c'est beaucoup plus compliqué de percer en 2014 et de s'adapter à toutes les mouvances de l'industrie, entre le digital, le streaming... C'est la crise ! Sociale, aussi. Les Français préfèrent investir leur argent dans autre chose.

C'est peut-être le concept de groupe qui est désuet, aussi...
Oui, il y en a trop eu. "Popstars 1", "Popstars 2", "Popstars 3", "Popstars 4"... Il aurait vraiment fallu trouver quelque chose d'innovant. C'est du vu et revu... ce qui n'enlève rien aux talents de ces jeunes filles !

Qu'est-ce qu'on ressent quand tout s'arrête ?
Moi, ça m'a fait beaucoup de bien. Les L5, ça a été très fort, très vite : le changement de vie a été brutal. Et puis maintenir pendant six ans une bonne cohésion de groupe, ça demande du boulot ! C'était parfois difficile de s'accorder à cinq et avec nos deux maisons de disques. On a dû prendre des décisions par défaut, faire des concessions. Gérer la pression médiatique aussi ! Pendant six ans, on a beaucoup bossé et on n'a jamais rien lâché. Je pense qu'on avait fait le tour de nos possibilités à cinq. Il était temps.

Soulagée donc ?
Un petit peu. Il fallait respirer, se retrouver. Moi, j'ai toujours vécu dans le sud de la France donc imagine, six ans à Paris ! J'avais besoin de revenir aux sources et de retrouver ma famille. J'ai pu récupérer une vie plus simple, loin de la notoriété.

J'ai refusé une offre de Pascal Obispo
Qu'est-ce que tu as fait depuis la séparation des L5, en 2007 ?
Pendant les deux premières années qui ont suivi, j'ai tenté une carrière solo. J'avais tout une équipe qui s'occupait de moi en banlieue parisienne, on a travaillé avec acharnement... Mais ça n'a pas pris. On a dépensé beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie ! Ça a été très difficile à vivre parce que les maisons de disques m'accueillaient avec plaisir au vue de ma notoriété, mais ne me suivaient pas derrière. C'est toujours la même histoire : les producteurs ont très peur de prendre des risques. Il fallait tout leur servir sur un plateau d'argent, pour récupérer des brouettes... Franchement, je n'avais pas envie de ça. De jeter tout ce travail.

L'étiquette a été dure à porter ?
Non, ce n'est même pas une histoire d'étiquette. C'est compliqué d'exister toute seule quand tu sors d'un groupe. J'avais pourtant une équipe de l'ombre pour m'épauler dans la composition, la production... Mais contrairement à Louisy, je n'ai pas eu la chance d'avoir quelqu'un d'influent comme Pascal Obispo pour prendre les choses en main... Bien que j'aurais pu le faire ! Mais j'ai refusé sa proposition.

Pourquoi donc ?
Il m'a proposé de travailler ensemble sur des titres, j'avais été à plusieurs rendez-vous. Mais musicalement, ça me correspondait pas. Je n'avais pas envie de sortir quelque chose pour sortir quelque chose, je voulais vraiment exprimer quelque chose qui me ressemble. On a pas réussi à se mettre d'accord. Donc, après, il est passé à Louisy Joseph. Tant mieux pour elle !

Crédits photo : Abaca
Parlons télévision. Jenifer, qui a été comme vous l'une des "pionnières" du télé-crochet, brille aujourd'hui dans "The Voice". Tu aurais aimé être à sa place, de l'autre côté du miroir ?
Oui, pourquoi pas ! C'est vrai qu'on a comme avantage, l'une comme l'autre, d'être passée par les phases de casting et donc de savoir comment ça se déroule. Après, ce n'est pas non plus un rêve.

Jenifer a su jouer avec la presse
Pourquoi est-elle plus légitime que vous à apparaître dans ce genre d'émissions ?
Parce qu'elle a eu une carrière plus suivie. A partir du moment où elle a commencé, elle n'a jamais arrêté, et elle continue d'ailleurs de sortir des albums. La différence avec nous, c'est que Jenifer a su s'entourer de personnes qui n'ont pas eu froid aux yeux concernant la gestion de sa carrière. C'est vrai que nous étions beaucoup plus rangées, plus sages. On ne pensait qu'au travail. Elle, elle a su jouer avec la presse, faire des choses qui continuaient d'alimenter son actualité.

Vous étiez enfermées dans un moule ?
C'est à dire que pour nous, ce n'était pas le but. Comme tout artiste en pleine notoriété, on nous a fait des propositions, on nous a invitées à des soirées people... Mais on n'avait pas envie de ça. On pensait que se focaliser sur nos chansons était une carte de valeur pour durer. On avait pas compris que ça faisait partie du métier ! Pour réussir, il faut savoir donner, se montrer, quitte à s'amuser avec des histoires, inventer des paparazzades. C'est ça le business aujourd'hui. Du coup, la presse nous a souvent accusées d'être trop lisses et fades.

C'est pour ça que tu as accepté de participer à "L'île des Vérités 4", avec Alexandra ?
Pas pour le côté notoriété, non ! Quand l'aventure L5 s'est arrêtée et qu'on a commencé à recevoir ce type de proposition chacune, on n'a pas voulu s'embarquer là-dedans en se disant que ça ne nous correspondait pas. On refuse une fois, deux fois, trois fois... Et puis on se dit que finalement, il n'y a plus d'émissions de variété comme à l'époque pour promouvoir l'actualité des artistes. Alors pourquoi pas ?

Ma carrière solo ? Une déception
Justement, ton actu musicale, c'est quoi ?
J'avais complètement arrêté après la déception de ma carrière solo. J'ai préféré me ranger, et puis j'ai repris la scène petit à petit. Je fais partie d'un orchestre depuis cinq ans maintenant, je suis toujours intermittente du spectacle. Jusqu'ici, ça me convenait très bien comme ça ! Mais quand on m'a rappelée pour me proposer "L'Île des vérités", on s'est dit avec Alex que c'était un signe car on avait un projet de single à deux dans les cartons.

Pourquoi pas avec les anciennes L5 ?
A quatre, c'est très compliqué. On a toutes envie de faire quelque chose ensemble mais on arrive pas à trouver la ligne directrice de ce nouveau concept. On a vieilli, on a changé de vie... Sur le papier, ça paraît simple. Mais dans les faits, c'est un casse-tête ! Avec Alexandra, c'est différent, on se côtoie tous les jours. Avant de partir pour "L'île des vérités", on avait déjà commencé à travailler sur un morceau. Donc là, on est en pleine préparation de tout ça et ça sortira prochainement sur iTunes. D'ici là, on fait patienter les fans avec des reprises !

Écoutez Marjorie et Alexandra reprendre "Chandelier" de Sia :



On a bien senti que les relations entre Louisy Joseph et les autres L5 sont tendues aujourd'hui. Mais que s'est-il passé réellement ?
Quand Louisy a eu l'opportunité de préparer sa carrière solo, plutôt que de nous en parler, elle a préféré faire ça dans notre dos. A l'époque, on était encore en tournée dans des régions de France, et un jour elle ne s'est pas présentée à un concert. Sans nous avertir... On n'a plus eu de nouvelles, plus jamais, comme si elle n'existait plus. On a eu des soucis par rapport à son absence. C'est évident que si vous signez un contrat à cinq et que vous vous pointez à quatre, ça le fait pas du tout ! Par la suite, les choses se sont tassées... Je l'ai recontactée pour la féliciter pour sa carrière et lui dire que je trouvais ça super qu'elle y soit parvenue. Elle a toujours voulu faire ça, bien plus que nous toutes ! Elle était vraiment accrochée à son rêve, coûte que coûte. Elle m'a remerciée et puis on devait se revoir, mais elle m'a plantée... Plus de nouvelles. Et puis j'ai vu dans la presse qu'elle ne parlait pas très bien du groupe, qu'elle essayait de faire oublier ce passage là alors que c'est son CV... J'ai trouvé ça dommage.

Louisy est prête à écraser les autres pour réussir
Ça t'a fait de la peine ?
Ça a été une grosse déception et une grosse remise en question. Au final, ça veut dire quoi, ça veut dire que pendant six ans, tout était faux ? Elle faisait semblant ? Je me souviens avoir demandé aux autres filles "Maintenant que c'est terminé, on ne va pas plus se revoir ? Tout ce qu'on a vécu, c'était du pipeau ?"... Heureusement, tout le monde m'a rassurée. Louisy, elle était comme ça dès le casting. Toujours une personnalité à part, vraiment prête à tout. C'est le genre de personne qui écrase pour exister. Après quand on le sait, faut juste faire avec... Elle n'est pas méchante pour autant.

Donc une tournée anniversaire, avec les L5 au complet, ce n'est pas envisageable ?
Non, ce n'est vraiment pas possible. Elle ne veut plus avoir affaire à nous, sa maison de disques non plus. J'ai eu des retours de personnes qui l'ont interviewée et qui m'ont rapporté qu'elle était très désagréable vis-à-vis des L5 et qu'elle devenait presque hystérique dès qu'on abordait le sujet ! L'affaire est classée, c'est mort. Il n'y a pas de tension, pas de dispute. C'est juste que c'est terminé. Elle a fait sa vie de son côté et nous de la nôtre. En revanche, l'idée d'un retour à quatre, avec Claire, Coralie et Alexandra, fait son chemin. On a toujours des événementiels, on est invitées régulièrement sur des émissions nostalgiques... Donc rien n'est encore joué, qui sait ? Enfin, il ne faut pas trop qu'on tarde parce qu'on commence à vieillir aussi ! (Rires)
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