Airnadette : "Britney Spears, c'est la preuve que le playback existe"

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Ce soir, c'est la centième pour la troupe du spectacle musiculte "Airnadette" ! Le groupe se produit à l'Européen avant de partir à la conquête du continent américain. Bientôt sur la scène de Glastonbury, Moche Pitt et Château Brutal reviennent sur les débuts de cette aventure qui a commencé il y a six ans et annoncent la suite du programme. Alors qu'une adaptation anglo-saxonne a récemment vu le jour, le spectacle "Airnadette" fera prochainement l'objet d'un film.
Crédits photo : affiche du spectacle Airnadette
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Airnadette, c'est une aventure qui dure depuis plus six ans et qui se fait progressivement une place dans le paysage musical, mais qui n'a jamais été récompensée... Comment pourrait-on l'expliquer ?
Moche Pitt : Peut-être parce que c'est un projet un peu hybride... On est entre la comédie musicale, le théâtre et le cinéma. Le principe du show, c'est qu'on reprend les codes de la comédie musicale. Mais l'intégralité du spectacle est enregistrée en playback. Ce sont des dialogues qu'on a piochés un peu partout dans la culture populaire, notamment au cinéma, qu'on a détournés pour les mettre en scène. C'est une comédie musiculte. Je crois qu'avec cette expression, tout est dit. C'est 1 heure 20 de détournement ! C'est très rock'n'roll ! Ce spectacle était une blague au départ...

Nous n'avions aucune idée de ce que le public allait comprendre
Mais, si dans la forme on est face à quelque chose d'original, je vous l'accorde, on surfe encore une fois sur la vague de la nostalgie en regardant vers le passé, comme "Salut les Copains", "D.I.S.C.O." et "La Belle et la Bête". Finalement, vous êtes aussi tributaires d'une tendance...
Moche Pitt : Faire du neuf avec du vieux, ce que fait parfaitement "D.I.S.C.O.", on pourrait parfaitement le faire.
Château Brutal : Mais la comédie musicale est un genre qui a plutôt ses belles années derrière lui. Nous, aujourd'hui, on essaie de renouveler le genre en profondeur. Ce n'était pas l'objectif de départ, mais c'est ce qu'on est arrivé à faire (sourire). La comédie musicale, c'est une histoire, de la musique, de la danse et de la comédie... C'est tout ce qu'on distille aussi. J'ai envie de dire que c'est comme dans "Top Chef". Il y a une épreuve où tu dois faire un hamburger sans viande ni pain. Tu dois faire croire que s'en est un mais sans les ingrédients.
Moche Pitt : "Airnadette", c'est du croquant et du pep's. La cuisson est parfaite !

Je suppose que ce spectacle, c'est aussi une vraie performance physique. Vous comptez les calories que vous éliminez lors de chaque représentation ?
Moche Pitt : C'est très physique, c'est vrai. Parce que, si tout est déjà enregistré, on mime énormément. C'est un spectacle de mime aussi. Sauf que c'est synchronisé ! On fait tout exister sur scène. Que ce soit les bruits de pas et les portes qui claquent. Il y a forcément un engagement du corps qui est multiplié par dix par rapport à une comédie classique. Tout doit être joué, et parfois même surjoué, pour donner vie à un personnage, une chose ou un fait.
Château Brutal : C'est le cas notamment pour un instrument. Si on faisait de la batterie de manière classique, je ne vois pas quel intérêt il y aurait. Il faut faire plus fort. Il faut faire comme le batteur qui, à la fin du concert, fait un roulement de fou... C'est ça que le public a envie de voir ! Quand tu regardes un Grand Prix de Formule 1, tu veux simplement voir le premier virage où tout le monde se plante. Pendant le reste du Grand Prix, on s'ennuie. Ce n'est pas intéressant. Et bien, nous, ce n'est que des virages (sourire) !

Vous privilégiez le langage corporel plutôt que le langage parlé. Est-ce que ça ne vous manque pas aussi quelquefois de pouvoir communiquer oralement avec le public ?
Moche Pitt : Non. Pour dire vrai, c'est notre délire. C'est ce qu'on aime faire. On a poussé notre idée jusqu'au bout et ça a donné "Airnadette". On s'est enfermé pendant sept mois pour écrire ce truc. Évidemment, tout l'enjeu, c'était qu'il y ait une logique et que ce soit intelligible. Très franchement, le jour de la première, nous n'avions aucune idée de ce que le public allait comprendre. On s'est jeté là-dedans sans savoir si ça aboutirait un jour à quelque chose. Parce que c'est un code qui n'existait pas. Le mime existe. Le playback existe...
Château Brutal : Britney Spears en est un très bon exemple !
Moche Pitt : C'est un spectacle qui n'existait pas avant. Ça fait plusieurs années qu'on tourne avec et nous sommes toujours les seuls à le faire.
Château Brutal : Faut être un peu taré pour faire un truc comme ça de toute façon !

Il y a une vraie mode "Airnadette". Il y a des gens qui nous envoient leur vidéo
Vous pensez que vous pourriez inspirer d'autres metteurs en scène ou d'autres artistes ?
Moche Pitt : Certainement ! Ce qui est assez flatteur pour nous, c'est qu'on a remarqué qu'il y a de plus en plus de gens qui font du "Airnadette" à leur mariage. C'est à dire qu'ils prennent eux-mêmes des séquences. Il y au eu la mode du "Omar et Fred". Maintenant, il y a la mode "Airnadette". Il y a des gens qui nous envoient leur vidéo, fières d'avoir proposé un spectacle inspiré du notre. Ça nous touche vachement parce qu'on sent qu'on démocratise le truc.

J'imagine qu'il y a déjà eu des playbacks loupés et des spectacles qui se passent moins bien que d'autres.
Moche Pitt : Bien sûr ! Ça arrive presque tous les soirs (rire) ! Ce qui est amusant, c'est que c'est la bande son qui tire le spectacle. Une fois que l'ingé son a lancé la bande, le spectacle démarre. Et là, même si on est crevé où qu'on n'a pas envie de jouer, parce que ça peut arriver à tout le monde, on monte comme à bord d'un train, d'une machine qui avance sans jamais plus s'arrêter.
Château Brutal : Quand tu loupes un morceau de playback, ça va tellement vite que tu n'as pas vraiment le temps de t'arrêter pour remarquer que tu t'es planté. C'est comme si tu voyais la réplique qui te passe devant mais que tu ne peux jamais l'attraper.
Moche Pitt : Le spectacle, on l'a aussi adapté en anglais. Et il nous arrive parfois de jouer la version française et la version anglaise du jour au lendemain. Dans la version anglaise, forcément, il n'y a pas "Les bronzés font du ski". On a tout réadapté. La trame est la même, mais l'histoire est bien évidemment un peu différente. Il a fallu se plonger dans la culture anglo-saxonne. Quand on joue les deux versions en moins de 24 heures, on est dans des mécaniques intellectuelles complexes. Il y a des automatismes. Là, effectivement ça peut devenir vraiment très compliqué !

On bafouille rarement en playback !
Comment gérez-vous les fous rires ?
Moche Pitt : Ça rajoute un peu de piment !
Château Brutal : Disons qu'on bafouille rarement en playback (sourire) ! Généralement, nos erreurs, il n'y a que nous qui les voyons.

Étant donné qu'il existe une version anglaise, ne peut-on pas imaginer que des internautes du monde entier se prennent au jeu et que des vidéos personnelles fassent irruption sur la toile ? Ce serait un buzz planétaire...
Moche Pitt : On a effectivement adapté ce format au web. On a une web-série qui s'appelle "Dans ton culte". Ça marche plutôt bien. On est déjà à 4 ou 5 millions de vues.
Château Brutal : C'est quand même énormément de boulot. Je ne crois pas qu'on puisse faire ça comme ça, en peu de temps. Ce n'est pas juste une choré qu'on répète. On a vu des parodies de "Airnadette", des gens qui rejouent des sketchs, des séquences...

Regardez la vidéo du spectacle "Airnadette" au Montreux Comedy Festival (2013) :



Mais le succès de ce spectacle tient également à des personnalités fortes. Tout le monde y trouve sa place ?
Moche Pitt : On est sept sur scène. "Airnadette" représente l'univers de chacun des artistes. Par exemple, Château Brutal est plus inspiré par tout ce qui concerne les films des années 70. Il y a des personnes qui viennent voir le spectacle et font un focus sur l'un des personnages, puis qui reviennent une autre fois pour faire un focus sur un autre... Ceux-là viennent nous voir et nous demandent pourquoi on a changé 50% du spectacle entre les deux séances. En réalité, non. On n'a rien changé. C'est parce qu'il y a deux niveaux de lecture. Il y a le premier, où l'on comprend l'histoire et où l'on reconnait les phrases cultes. Puis le second, où l'on reconnaît d'autres références qui sont moins accessibles. C'est un peu comme la madeleine de Proust. Les gens viennent chercher les répliques.

On travaille sur une adaptation pour le cinéma
Vous sentez-vous prêts pour partir à la conquête du monde ? Dans combien de pays vous êtes-vous déjà produits ?
Château Brutal : Dans une dizaine !
Moche Pitt : On a fait le festival d’Édimbourg et l'on se prépare pour Glastonbury. On prévoit de partir à Montréal puis en Allemagne. On a aussi une option en Irlande, en Norvège...
Château Brutal : La Pologne, ça a été un moment magique.

Comment fait-on pour adapter un spectacle comme celui-là à la culture de chaque pays ?
Moche Pitt : On a travaillé avec deux Américains et une Anglaise, qui nous ont apporté l'aspect culturel et local. Il fallait trouver des expressions et des références qui correspondent à une sorte d'équivalent anglo-saxon de notre spectacle français, tant dans le fond que dans la forme. Je prends l'exemple de mes parents, qui ne sont pas férus de cinéma. Même s'ils n'ont pas tout de suite reconnu toutes les références, ils ont passé un bon moment. Pour la version anglo-saxonne, on a travaillé sur des références que les Américains ne comprendront pas nécessairement, mais plus claires pour les Anglais. Et inversement ! C'est la même chose pour les différentes tranches d'âge auxquelles on s'adresse. Les cinquantenaires vont davantage rire pour "Les tontons flingueurs" et les ados vont reconnaître Nabilla.

L'idée d'une adaptation pour le grand écran est en train de faire son chemin. "Airnadette" au cinéma, c'est pour bientôt ?
Moche Pitt : On travaille dessus, c'est vrai. Mais on travaille surtout sur l'idée d'adapter le concept pour le cinéma. Il faudrait arriver à transposer cette dimension du mime et du playback dans le film. On travaille avec les Productions du Trésor. C'est "Les petits mouchoirs" et "Police". Il y a un scénariste et un réalisateur qui sont entrés dans la boucle. On est en pleine phase d'écriture.
Château Brutal : Un film, c'est toujours un projet qui s'envisage sur le long terme. Dans notre cas, c'est d'autant plus vrai.

Ne craignez-vous pas que le spectacle "Airnadette" soit une simple mode et que le film arrive trop tard dans les salles ?
Château Brutal : Je ne crois pas. Je pense au contraire qu'on arrive au bon moment au bon endroit. Parce que, aujourd'hui, la technologie le permet. Et puis parce que notre spectacle qui, à la base, était quelque chose de rock'n'roll, est devenu un spectacle d'humour. C'est l'humour qui prime ! Donc, si le film est drôle, le public suivra.
Moche Pitt : Notre tourneur, c'est Auguri. Ils font de la musique. Ils bossent avec Matthieu Chedid et Vanessa Paradis... On a commencé avec cette boîte parce qu'on tournait dans des festivals musicaux comme Solidays. Aujourd'hui, on se rend compte qu'on est au-delà d'un concert. On est davantage dans la comédie. On s'est retrouvé à faire le Montreux Comedy Festival et on sera bientôt à Montréal pour le festival Juste Pour Rire. Pourquoi pas le cinéma maintenant !
Pour en savoir plus sur Airnadette, visitez leur site officiel et leur page Facebook.

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