vendredi 28 février 2014 11:07

Amel Bent : "Je pleurais en croyant que je n'y arriverais pas"

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Encore plus populaire depuis sa participation à "Danse avec les stars", Amel Bent est très demandée, que ce soit à la télévision ou en studio, comme pour l'enregistrement du duo "Quand la musique est bonne" pour la compilation "Génération Goldman 2". Personnalité médiatique, Amel Bent entend rester avant tout chanteuse et le prouve avec son cinquième album "Instinct" qui arrive cette semaine chez les disquaires. Porté par le single "Regarde-nous", ce nouvel opus est celui de la révélation pour la chanteuse.
Crédits photo : Sylvain Gautier
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Te voilà enfin de retour, alors que ton cinquième album était attendu plus tôt l'an dernier. Pourquoi avoir reporté sa sortie d'ailleurs ? Tu n'étais pas prête ?
Je crois que l'expérience "Génération Goldman" a un peu bousculé notre timing. Mon album était censé sortir en 2013 au départ. On s'était dit octobre 2013. En fin de compte, en acceptant d'enregistrer le premier single de "Génération Goldman 2", ça a beaucoup débordé. J'étais censée sortir un premier extrait de mon album au printemps 2013. Mais c'est à ce moment qu'on a tourné le clip de "Quand la musique est bonne". Du coup, comme je m'étais embarquée dans cette histoire, il fallait quand même continuer de défendre le projet "Génération Goldman". Mais mon album était déjà prêt à ce moment-là.

Est-ce que la version définitive de cet album, tel que les auditeurs le découvrent cette semaine, ressemble à ce que tu imaginais en commençant à travailler dessus ?
Il ne pouvait pas ressembler à ce que j'imaginais. Parce que je suis partie du principe qu'il fallait que je m'étonne moi-même et que je sorte de ma zone de confort. Je ne voulais pas refaire ce que j'avais déjà proposé par le passé. Je voulais quelque chose de différent. C'était une vraie envie. A partir de là, j'ai essayé différentes choses. Et je crois que j'ai véritablement découvert mon album quand j'ai enregistré toutes les voix à Paris au début de l'année 2013. C'est là que j'ai saisi le grand écart entre certains titres. Je n'ai pas du tout fait cet album comme les autres. J'ai maquetté partout. Je me suis baladée ici et là, alors que j'avais pris l'habitude de maquetter chez le compositeur de chaque morceau. C'est la première fois que je travaillais comme ça. Avant, tout venait à moi et je bossais dessus chez moi. Je me faisais aider parfois pour co-écrire mais c'était toujours très concentré dans l'espace et dans le temps. Là, ça m'a pris deux ans en tout. Comme je ne suis pas partie en tournée pour "Délit mineur", tout a été chamboulé.

J'aurais pu faire cet album depuis le début
Puis il y a eu "Danse avec les stars" aussi !
Avant d'embarquer pour "Danse avec les stars", j'avais déjà enregistré quatre titres. Mais pas avec des textes définitifs. "Ma chance" était le titre le plus avancé à l'époque. C'est pour ça que je l'ai sorti pour annoncer cet album que je commençais à enregistrer. J'ai l'impression d'avoir fait cet album par intérim. J'en ai fait un premier bout, puis j'ai dansé pendant trois mois... J'ai ressenti quelque chose que je ne connaissais pas en sortant de "Danse avec les stars". Parce qu'on m'avait vue à la télévision pendant trois mois, mais je n'avais pas chanté. Le public devait s'attendre à ce que je sorte mon album dans la foulée. Mais je n'étais pas du tout prête.

As-tu éprouvé des difficultés à travailler ainsi ? Est-ce que c'est une expérience qui, au bout du compte, a été salvatrice ?
Ça a été très dur pour moi ! Parce qu'on a besoin d'un certain cadre pour ne pas se perdre. Pendant deux mois, j'ai bossé sur une chanson. Puis pendant plusieurs semaines, je n'en ai fait aucune... Je n'étais plus du tout dedans quand je m'y remettais. C'était difficile de travailler sur cet album et surtout de l'imaginer fini. Je trouvais que ça partait un petit peu dans tous les sens et je me sentais un peu perdue. Je me suis posée beaucoup de questions. Je me suis demandée si cet album allait tenir la route au final. Il y a des fois où j'ai pleuré en studio en croyant que je n'y arriverais pas. C'était finalement juste une question d'habitude, de repères... Je ne trouvais pas de cohérence à tout ce que je faisais. C'était un peu comme un bordel... organisé quand même. Parce que, quand on prévoit des séances de studio, il faut être un minimum organisé. Et puis, je travaille avec une grosse maison de disques. Je ne faisais pas mon album toute seule comme une troubadour.

Écouter notre instinct, c'est ce qui peut nous sauver
L'album "Instinct" est effectivement différent. Ne crains-tu pas de dérouter ton public justement ?
De toute façon, on perd du public en chemin. Peu importe les choix qu'on fait ! On peut se dire que c'est une prise de risque de sortir un peu de sa zone de confort pour aller voir ce qu'il se passe ailleurs. Mais c'est aussi une prise de risque de refaire toujours la même chose.

C'est risquer de lasser son public...
Les gens peuvent se demander pourquoi ils iraient acheter cet album alors qu'ils en ont déjà plusieurs qui sont pareils. Pourquoi aller acheter le cinquième album d'Amel Bent si c'est le même que les autres ?

Ça ne t'effraie pas de penser que tu es là où on ne t'attend pas ?
Je ne pense pas être là où on ne m'attend pas ! Je suis d'accord de dire que cet album est différent, mais ce n'est pas non plus un virage artistique. Je n'arrive pas avec un album de jazz ou de hard rock. Ça reste moi ! C'est ma personnalité, mon caractère, mon énergie... C'est vrai que sur mes précédents albums, j'ai plutôt chanté ce que je ressentais. J'ai beaucoup chanté des titres qui traitaient des émotions. Mais on peut dire aussi que dans mes précédents albums, ça manquait du reste de ce que je suis. Ce n'est pas que la souffrance, que l'engagement personnel tout le temps. Ça m'arrive d'être très légère ! Un morceau comme "Regarde-nous", jamais je n'aurais pu le faire avant.

On est dans un autre registre, et pourtant, je trouve cet album beaucoup plus personnel au final. Faut-il croire qu'on découvre enfin la vraie personnalité d'Amel Bent ?
Effectivement ! Je crois que cet album, artistiquement, j'aurais pu le faire depuis le début. Mais, humainement, je n'avais pas la force. Je n'avais pas le courage de faire ça. J'ai toujours été comme ça. Sauf que le problème, quand on est découvert à la télé, et qui plus est très jeune, c'est qu'on garde une certaine pudeur et qu'on met une certaine distance. Puis, au fur et à mesure du temps qui passe, on prend confiance et on est plus à l'aise avec le public. On a envie de lui donner plus. Mais, allait-il me reconnaître si je donnais plus ? Alors, à chaque fois, je me suis dit que j'en mettrais plus dans l'album d'après. Et puis, finalement, l'album d'après reprenait des choses que j'avais déjà faites avant... A un moment, je me suis dit qu'il fallait le faire.

Crédits photo : Sylvain Gautier
Dans le titre "La lionne saigne", tu te présentes comme une femme forte, une personne qui n'a plus peur de se brûler les ailes. Qu'est-ce qui t'a fait souffrir par le passé pour que tu veuilles chanter ce texte aujourd'hui ?
Cette chanson, elle veut dire que même un lion, un animal qui a une grande force, peut lui aussi être blessé à un moment donné. C'est la vie. Il n'y a pas de surhomme. Il m'arrive parfois d'être blessée. Et heureusement ! Sinon, ça voudrait dire que je suis un robot. Je reste une lionne. Ce n'est pas parce que la lionne saigne qu'il faut creuser sa tombe.

Dans le titre "Instinct", tu dis que tu as peur des autres. Que faut-il comprendre ?
Ce que je veux dire avec cette chanson, c'est qu'il faut toujours regarder ce qu'il se passe autour de nous. On vit dans une société où la haine prend une plus grande place. Les exemples sont nombreux ! J'ai l'impression qu'il y a plus de haine aujourd’hui. On le voit entre les personnes, entre la nature et l'homme. Il y a beaucoup de confrontations. "Instinct", c'est se demander à qui et à quoi on peut faire confiance dans ce monde où tout part en vrille. Est-ce qu'il faut se recentrer sur soi et faire appel à son sixième sens pour s'en sortir ? Est-ce qu'on peut encore faire confiance au reste ? Ou est-ce qu'il ne faut pas devenir animal pour trouver notre voie ? Finalement, écouter notre instinct, c'est peut-être ce qui peut nous sauver.

Beyoncé, c'est une femme qui me fait rêver
Et pour cet album, as-tu uniquement fait confiance à ton instinct ?
Absolument (sourire) !

Aux talents de Beyoncé aussi ? Le single "Regarde-nous", pour sa rythmique et son clip, est comparé à ce que Beyoncé a produit par le passé. C'est flatteur, non ?
Forcément ! J'ai beaucoup d'admiration pour Beyoncé. Elle a quand même révolutionné le monde du show. Si on a envie de danser et de chanter, on se tourne vers qui pour avoir un modèle ? Ce n'est pas mon idole non plus. Mon idole, c'est Charles Aznavour. Sauf qu'il ne danse pas (sourire) ! A un moment donné, il a fallu trouver une référence pour se donner des objectifs. C'est vrai que Beyoncé, je pense que c'est un bon modèle à suivre. Après, entre suivre et copier, il y a un monde. Je ne copie pas Beyoncé. J'ai ma façon de chanter. Je ne danse pas comme elle. Je n'ai pas la prétention d'inventer quelque chose. Je reste une jeune femme qui a besoin de gens qui la font rêver. Et Beyoncé, c'est une femme qui me fait rêver.

"Danse avec les stars", ça m'a débloquée
Dans le clip de "Regarde-nous", tu affiches une attitude décomplexée qu'on ne connaissait pas. L'expérience "Danse avec les stars" y est pour quelque chose ?
L'expérience "Danse avec les stars" m'a surtout donné le courage de le montrer. Mais, ce qu'on voit dans mon clip, c'est la personne que je suis au quotidien. Quand je monte une tournée, je commence à l'imaginer dans ma chambre. Je mime ce que je ferais sur scène (sourire) ! "Danse avec les stars", ça m'a débloquée pour arriver à faire ce que je faisais toute seule dans ma chambre sur scène ou dans un clip. Il m'a fallu dix ans pour y parvenir.

Regardez le clip "Regarde-nous" d'Amel Bent :



Le titre "Sans toi" figure également sur cet album, mais pas dans sa première version pop. Tu as choisi d'intégrer la version acoustique. Pourquoi ?
Au début, il n'y avait que la version pop. Un jour, une radio est venue nous soumettre l'idée d'enregistrer une autre version, parce qu'ils aimaient bien le titre mais le trouvaient un peu trop fat. Je suis allée en studio avec mon pianiste et mon réalisateur pour préparer une version acoustique. Là, j'ai eu une révélation. J'ai trouvé la chanson encore plus forte. Pour le tournage du clip, je n'ai pas hésité longtemps avant d'opter pour la version acoustique, qui a véritablement révélé "Sans toi" selon moi. Comme quoi, rien n'est figé. Et on peut redécouvrir une chanson en la faisant un petit peu évoluer.

On retrouve sur cet album un featuring avec Ne-Yo. Que peux-tu nous dire sur l'histoire de cette rencontre ?
En fait, il y plusieurs années, j'ai rencontré un mec qui s'est présenté à moi en tant que cousin de Jay-Z. Il voulait me faire écouter des morceaux dans sa chambre d'hôtel. J'ai refusé. Il était intrigué par moi parce qu'une femme d'Universal lui avait dit que j'étais chanteuse. Il a insisté. J'étais avec des amis. Il nous a tous invités. Et c'est à ce moment-là que j'ai rencontré le manager de Rihanna, qui est aussi le producteur de Ne-Yo. Depuis, c'est devenu un ami. A chaque fois qu'il vient à Paris, il me passe un coup de fil. Il a proposé à Ne-Yo et à moi d'enregistrer un premier duo ensemble. Je suis allée en Angleterre. C'était pour la version française de son dernier album. Mais le titre n'a finalement pas vu le jour. Du temps a passé et j'ai revu ce manager sur le tournage de l'émission "La chanson de l'année" sur TF1. Rihanna y était venue pour chanter. On a mangé ensemble. Je lui ai parlé de mon album. Il m'a proposé d'enregistrer un titre avec Ne-Yo. Il l'a appelé. Et ça s'est fait comme ça. Il est venu rapidement à Paris. Il s'est montré très impliqué.

Emmanuel Moire m'a écrit des chansons
A quand le duo avec Emmanuel Moire ? Vous affichez une certaine complicité depuis que vos chemins se sont croisés sur la piste de "Danse avec les stars 3" il y a un peu plus d'un an.
Il m'a écrit des chansons (sourire). Ce sont des collaborations à venir. Là, l'album "Instinct" était déjà prêt. Et puis, après "Danse avec les stars", il a aussi suivi sa route. Il se concentre sur son album mais il a trouvé le temps de me faire deux chansons. Ce sont juste des actes manqués. On a très envie de chanter ensemble. C'est sûr que ça se fera un jour.

Vous auriez pu également enregistrer un duo ensemble sur les compilations "Génération Goldman", où vous figurez tous les deux...
C'est vrai qu'à chaque fois qu'on se voit, on se dit qu'il faut qu'on se fasse ce duo. On avait chanté "Sans toi" ensemble une fois sur un plateau. La chanson avait encore pris une autre dimension. Je lui avais proposé de venir la reprendre sur scène avec moi, mais ça ne s'est pas fait. On s'était aussi croisé sur l'émission hommage à Piaf sur TF1. Je l'aime profondément.

On te voit très régulièrement à la télévision, mais beaucoup plus souvent pour interpréter des reprises comme à l'occasion de l'émission "Ce soir on chante Piaf". Penses-tu comme Élodie Frégé que les producteurs de télé ne laissent pas assez de place aux nouveautés ? Autrement dit, n'es-tu pas frustrée de ne pas pouvoir chanter aussi souvent que tu le souhaiterais tes propres chansons ?
Elle n'a pas tort. C'est vrai qu'il y a de moins en moins d'émissions pour promouvoir ses propres disques. Mais tout dépend de la personnalité des gens. Moi, je sais que j'adore défendre mes albums. Mais ce que j'aime par dessus tout, c'est chanter. Il y a des émissions que je ne fais pas. Il m'arrive de décliner certaines propositions parce que je n'ai pas envie de chanter pour tous les artistes à qui l'on rend hommage. J'assiste aux émissions qui me plaisent et je rends hommage à des artistes et à des chansons que je trouve incroyables. Personne ne nous force à faire ces émissions.

Pour nourrir leurs enfants, certaines ont dû se prostituer
Il y a une compilation hommage à Renaud qui devrait sortir cette année. As-tu été contactée pour y participer ?
Je ne sais pas. Honnêtement. Peut-être que le moment venu on me contactera. Mais, en général, ils appellent toujours les mêmes (sourire).

Puisqu'on parle de télévision, j'ai envie de rebondir sur les propos de Myriam Abel, qui a récemment déclaré que tu aurais pu faire "Les Anges de la télé-réalité" en évoquant « une creusée du désert ». Qu'en dis-tu ?
Je ne vais pas m'en offusquer (sourire) ! Je ne pense que pas que j'aurais pu participer à cette émission. Ce n'est pas mon délire. Myriam, c'est une personne que j'aime beaucoup et qui a une très grande voix. Si, elle, elle s'est retrouvée dans une situation, où c'était peut-être une ouverture pour continuer à vivre de sa passion, je n'ai aucun jugement de valeur à porter là dessus. Je ne connais pas la vie des gens. Je ne sais pas ce qu'ils traversent. Elle est en train de dire que, même des chanteuses qu'on voit beaucoup à la télévision aujourd'hui, peuvent être amenées à faire des choix qui au départ n'étaient pas ceux qu'elles auraient voulu faire. On doit parfois faire les choix de "quelqu'un qui doit manger". Je respecte ça. Après, ce que moi je pense des "Anges de la télé-réalité", on s'en moque franchement. Tout de suite, je vais te dire que je ne ferais pas cette émission. Mais, on ne sait pas ce dont on est capable quand on se retrouve dans la merde. Pour nourrir leurs enfants, certaines ont dû se prostituer. Quand on est au pied du mur, on peut être amené à s'éloigner de ses valeurs. Donc je ne prends pas ça pour une insulte.

Et jurée de "Nouvelle Star" l'année prochaine, c'est envisageable ?
Jamais ! Je ne serai jamais jurée. Mais, encore une fois, tant qu'on peut faire ce qu'on aime sans faire trop de concessions, c'est sûr on dit non. Je doute que les gens le font uniquement parce qu'ils ont envie de le faire. Je pense qu'à un moment, on fait des choix pour d'autres raisons. C'est pour ça que, quand je dis que je ne serai jamais jurée, je ne dis pas ça parce que je trouve que c'est de la merde... Je dis juste que, aujourd'hui, ce n'est pas mon rôle. Je suis chanteuse. Je suis moi-même jugée par le public. Je me vois mal être de l'autre côté pour l'instant. Mais bon, on ne sait pas non plus ce que nous réserve l'avenir...
Pour en savoir plus, visitez amelbent.com et son Facebook officiel.
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