My Major Company à la conquête du monde, rencontre avec Laurent Bonnet
Par
Jonathan HAMARD
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Pris à partie par quelques médias et plusieurs artistes mécontents du travail réalisé autour de leur projet, le label My Major Company peut néanmoins se targuer d'être à l'origine de l'un des plus gros succès de ces derniers mois. La compilation "Génération Goldman" s'est écoulée à plus de 670.000 exemplaires. S'il ne compte pas l'exporter, le label communautaire a néanmoins d'autres projets sous le coude pour partir à la conquête du monde. Rencontre avec Laurent Bonnet, Directeur marketing My Major Company.
Crédits photo : montage Pure Charts
Depuis sa création en 2007, My Major Company a rencontré plusieurs succès : Grégoire a servi de levier pour que le label communautaire puisse vivre (2008), puis Joyce Jonathan a créé la surprise avec son premier album "Sur mes gardes" en 2010, avant que la chanteuse Irma ouvre la voie du partenariat grâce à son tube "I Know", repris pour une campagne publicitaire du navigateur Google Chrome.
Surprenant et attractif, le concept My Major Company a d'emblée séduit : miser sur des artistes pour produire leur premier album et récolter une partie des bénéfices, c'est effectivement très alléchant. Seulement, le succès va souvent de pair avec la critique, et quelques médias ainsi que plusieurs artistes se sont récemment plaints du fonctionnement du label, jugé opaque. Depuis 2012, My Major Company s'est ouvert à de nouvelles perspectives, multipliant les projets, aussi bien dans le domaine de la bande-dessinée que du cinéma, et souhaitant un quota d'artistes plus restreint dans la musique. Depuis peu, My Major Company produit même, sans la participation des internautes, ses propres projets. C'est le cas de la compilation "Génération Goldman" (2012). C'est aussi le cas des différents projets d'export qui anime la vie du label à l'étranger, mais aussi celle de Laurent Bonnet, spécialiste export.
Rencontre avec Laurent Bonnet, Directeur marketing My Major Company
L'album "Letter to the Lord" d'Irma est sorti il y a quelques semaines en Allemagne. Une sortie qui attire l'attention sur votre service export, qui en réalité existe depuis plusieurs années. Cette fois, avec Irma, vous visez les Etats-Unis. Ce n'est pas un peu risqué ?
Tout d'abord, je tiens à préciser qu'Irma n'est pas la seule artiste sur laquelle le label parie cette année. On a aussi l'album de Mani qui sort au Japon. On s'attend à un bel accueil là-bas. Grégoire est sorti au Canada l'an dernier. Ça a été un gros carton ! Idem pour la compil' "Génération Goldman" qui marche plutôt pas mal aussi. On a Joyce Jonathan qui est sorti en Chine il y a quelques temps... En fait, ce travail à l'export, on l'a commencé dès la création du label il y a cinq ans. Mais tout ce travail commence réellement porter ses fruits. Parce que c'est quelque chose de long ! On a rencontré des personnes au fil de nos projets, qui ont porté un intérêt sur certains d'entre eux. On les tient au courant au fur et à mesure de notre actualité. C'est une manière de nouer des liens avec des grandes majors internationales. Et puis, on s'appuie beaucoup sur le service export de Warner, qui nous donne un sérieux coup de main.
On fonctionne encore d'une manière artisanale
Comment choisit-on quel album pour quel pays ? Ça demande combien de temps de planifier la sortie d'un album à l'étranger ?
Pour Mani, ça fait un an qu'on est en discussion avec le Japon. Quelques semaines seulement après la sortie en France de son disque ! Et ça fait trois ou quatre mois que c'est vraiment concret. Mais, entre le moment où ils reçoivent l'album, et le moment où il sort dans un autre pays, il peut se passer finalement un an. Pour moi, c'était clair d'entrée de jeu que Mani pourrait plaire au Japon. Pour des raisons toutes simples ! Tout bonnement parce que c'est en anglais. Puis le garçon est plutôt beau gosse dans un style qui plait relativement aux Japonnais. Et puis, la musique est relativement efficace. Il y ce petit côté pop à la Maroon 5 qui n'a pas vraiment plu en France mais qui séduit beaucoup là-bas. Finalement on a eu raison parce que l'accueil est plutôt positif (sourire) ! En fait, on commence par se demander quels territoires sont pertinents en fonction de ce qui marche ou pas. On commence à prendre des contacts et en fonction de ça on voit qui réagit.
Ça laisse supposer que les artistes du label peuvent tous un jour être proposés dans d'autres pays ? Le fonctionnement même de My Major Company est-il réellement pensé à l'échelle mondiale, comme vous le laissez sous-entendre ?
Historiquement, My Major Company est lié à la vente à l'export. Nos partenariats avec la Suisse et la Belgique existent depuis la création du label. On est là pour développer nos artistes. Si ça peut passer par la France tant mieux, mais s'il faut passer par l'export, on le fera. Pour les artistes qui chantent en anglais, c'est bien souvent indispensable j'irais même jusqu'à dire. Oui, je suis assez d'accord avec cette idée que My Major Company est indissociable du principe d'exporter les artistes à l'international, même si on n'arrive pas encore à systématiser tout ça pour chaque projet. On n'est pas aussi puissant qu'une major qui arrive à sortir ses albums partout dans le monde. On fonctionne encore d'une manière artisanale. Tout est une question de coup de cur (sourire) !
Nos artistes français peuvent séduire l'Amérique
Et à l'inverse, My Major Company produit des artistes étrangers, dont les albums ne sortent dans un premier temps qu'en France. Je pense notamment à Ivyrise, que l'on retrouve d'ailleurs sur la compilation "Génération Goldman".
Effectivement, il y a toujours eu des artistes anglophones signés chez nous, mais Ivyrise, c'est le premier groupe anglais que l'on produit en France. On a un autre groupe anglais qui va sortir son premier album au mois de mai. Ce qui s'est passé avec Ivyrise, c'est qu'il ont été signés et financés par My Major Company UK, mais leur album est sorti en France via My Major Company France. C'est aussi produit par les internautes. Une bonne partie sont Anglais et il y a quelques Français aussi.
Si My Major Company n'a pas les tentacules d'une grande major, quel coût représente la sortie d'un album à l'international ?
Tout dépend du type de contrat en réalité. Proposer un album, jusqu'à s'occuper de la mise en rayon, ça on ne fait pas. Classiquement, on va plutôt proposer un contrat de licence ou de distribution améliorée. Les coûts, en règle générale, vont être imputés au label qui va s'occuper réellement de la sortie de l'album. Pour nous, ça implique quelques contraintes quand même. De temps en temps, on doit refaire des clips pour mieux correspondre au marché. Pour Joyce Jonathan, on avait dû refaire le clip en mandarin pour qu'il puisse passer sur les chaînes de télévision chinoise. Pour Mani, on a dû refaire par nous-mêmes une pochette. C'est le genre de coût qu'on doit potentiellement prendre en charge.
Regardez le clip "Pas besoin de toi" en mandarin de Joyce Jonathan :
On va repérer des artistes étrangers pour les signer en France
En tant spécialiste dans l'export, pensez-vous qu'un album comme "Bretonne" de Nolwenn Leroy, puisse fonctionner aux Etats-Unis ?
Oui. probablement. La B.O. du film "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain" avait vraiment bien marché là-bas. Ils aiment bien ce côté "France traditionnelle". On a bien eu Zaz qui a été choisie par Martin Scorsese pour travailler sur la bande originale de son film "Hugo Cabret" ! Elle aussi d'une certaine façon incarne cette "France traditionnelle". C'est bien le témoignage que nos artistes français peuvent séduire l'Amérique.
Vous ne croyez pas que le public français pourrait à plus long terme craindre que nos artistes, voyant le succès qu'ils rencontrent à l'étranger, puissent un jour abandonner le marché hexagonal ?
Bien sûr ! Mais je ne pense pas qu'on en soit encore là. On a déjà quelques artistes français qui marchent bien aux Etats-Unis. Il y a Daft Punk, qui a signé avec Columbia US avant de signer avec Columbia France. Mais ça reste quand même très marginal. Et puis, je pense que les Daft Punk se voient encore comme des ambassadeurs de la musique française dans le monde. Ça ne peut être qu'un bien pour ces artistes qui travaillent ainsi dans de meilleures conditions et avec plus de moyens. Et si on peut contribuer à leur succès, nous en serons vraiment très contents.
Quels sont les prochains disques que vous envisagez de sortir à l'international ?
On va continuer à faire ce qu'on fait depuis le début, c'est à dire à travailler sur le plus d'artistes possibles. Il y a Irma qui vient de sortir en Allemagne et c'est vrai qu'on voudrait voir sortir son album aux Etats-Unis avant la fin de l'année. Et puis, pérenniser nos liens avec nos contacts à l'étranger. De plus en plus, on va aussi essayer de repérer des artistes à l'étranger pour les signer en France. Ça va se mettre en place petit à petit parce que ce sont des critères culturels qu'on ne maitrise pas toujours.
Et "Génération Goldman" restera un disque uniquement destiné aux marchés francophones ?
Oui ! Maintenant, si on nous fait une proposition aux Etats-Unis, on sera très content d'accepter (rire) !