Roger Peyrefitte, l'écrivain “sulfureux”, intime d'Amanda Lear et de Sylvie Vartan

Par Mathieu Rosaz | Rédacteur
Antoine Deléry vient de publier aux éditions H&O la première biographie de l'écrivain Roger Peyrefitte (1907-2000), auteur du roman culte "Les amitiés particulières" paru en 1944.


Pourquoi parler de cette excellente biographie sur un site consacré à la musique ? Tout simplement parce que le grand amour de l'écrivain Roger Peyrefitte fut le jeune Alain-Philippe Malagnac (1951-2000), producteur du premier show à l'américaine de Sylvie Vartan au Palais des Congrès, en 1975. L'écrivain iconoclaste vouera une admiration à la chanteuse qu'il évoquera longuement dans son récit "L'enfant de cœur" (1978). Alain-Philippe Malagnac, qui deviendra le fils adoptif de l'homme de lettres, se mariera en 1979 à Las Vegas avec Amanda Lear, qui sera ainsi la belle-fille adorée de l'écrivain. Retour sur un destin, une époque et surtout sur un écrivain inclassable : "Roger Peyrefitte - Le sulfureux ".

Ecoutez Juliette Gréco, "Le monsieur et le jeune homme" - de Guy Béart (1963) :


Né en 1907 dans le Tarn, Roger Peyrefitte sera baptisé la même année en l'église Saint-Jacques de Villegoudou, à Castres… Issu d'un milieu bourgeois, il n'aura de cesse que de vouloir s'émanciper. Passionné dès son plus jeune âge par la Grèce et l'Italie, il publiera de nombreux livres retraçant la riche histoire de ces pays de la Vieille Europe. Il ne cachera jamais son homosexualité qu'il préfèrera nommer pédérastie, la pratiquant comme un art… Extrêmement cultivé, spirituel, ouvert et mondain, il fréquentera tous les milieux sociaux, notamment celui des ambassades et de la Carrière qu'il devra quitter suite à plusieurs scandales liés à ses mœurs.

En 1944, il sort son premier roman en partie autobiographique, "Les amitiés particulières", grand succès politiquement incorrect pour l'époque, qui lui ouvre les portes du monde littéraire. Il publiera plus d'une trentaine d’œuvres érudites ou plus légères, traduites en vingt langues, enchaînant les best-sellers tels que "Les ambassades", "Du Vésuve à l'Etna", "L’exilé de Capri", "Manouche", "Propos secrets", "La jeunesse d'Alexandre", "Roy", "La soutane rouge", etc.

Visionnez interview Roger Peyrefitte, "La vérité du scandale" :


Sa rencontre avec le grand amour de sa vie, Alain-Philippe Malagnac, a lieu en 1964. Le garçon alors âgé de douze ans et demi est figurant sur le tournage du film "Les amitiés particulières" tiré du roman de Peyrefitte. Ils tombent mutuellement en admiration l'un de l'autre, cet épisode a été relaté par Peyrefitte dans son roman "Notre amour", en 1967. Bien que l'écart d'âge entre les deux amoureux soit impressionnant voire choquant, ce livre est un hymne, une déclaration enflammée, défiant la morale, plus touchant au bout du compte que dérangeant. « Mais sous sa plume, cet amour entre un adolescent et un homme déjà âgé atteint une valeur universelle : notre amour est d'abord une magnifique histoire d'amour » souligne Antoine Deléry.

En 1971, Roger Peyrefitte publie "La coloquinte", retraçant son idylle avec une femme (car Peyrefitte aima aussi les femmes). Ce livre inspirera un texte de chanson au jeune auteur et chanteur Guy Bonnardot (1951-1990). Magali Noël chantera ce titre. C'est à cette occasion qu'Alain-Philippe Malagnac et Guy Bonnardot font connaissance. Les deux jeunes hommes s'aimeront sous l’œil approbateur du vieil écrivain. Grâce à Guy Bonnardot, Alain-Philippe Malagnac se trouve projeté dans le milieu du show-business qui le fascine et se met à fréquenter Sheila, Ringo, Claude Carrère, Claude François, Johnny Hallyday et… Sylvie Vartan. Une vraie complicité naît entre l'interprète de "La Maritza" et Alain-Philippe Malagnac qui décide de se lancer dans la production du premier grand show de Sylvie Vartan au Palais des Congrès en 1975. « Sylvie voit grand. Le spectacle est mis en scène par Walter Painter, chorégraphe des shows d'Elvis Presley. Il réunit seize danseurs et vingt-cinq musiciens, pour lesquels la chanteuse a commandé cent cinquante uniformes. Elle-même doit changer douze fois de tenue. La première représentation, le 4 octobre, est saluée par une presse unanime (…) Ce triomphe place Alain-Philippe sous les projecteurs. La presse du cœur, brodant sur les relations tumultueuses de la chanteuse avec Johnny, n'hésite pas à le présenter comme son fiancé » écrit Antoine Deléry.

Visionnez Sylvie Vartan live, "Toute ma vie" (Palais des Congrès 1975) :
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Production : Alain-Philippe Malagnac.

« Sans expérience, mal conseillé, Alain-Philippe a vu fondre les millions comme neige au soleil. Formidable succès public, le show de Sylvie Vartan s'est soldé par un désastre financier dont le jeune producteur ne s'est jamais remis » poursuit Antoine Deléry. Le tout s'achèvera par une tentative de suicide d'Alain-Philippe Malagnac. Roger Peyrefitte, garant de tout ce qui concerne Alain-Philippe Malagnac et de surcroit père adoptif du jeune homme d'à peine 24 ans, devra éponger pour le restant de ses jours les dettes de son protégé. Le récit de ces déboires se trouve très précisément relaté dans "L'enfant de cœur" qui paraîtra en 1978 et dans lequel Peyrefitte dresse malgré tout un très joli portrait de la chanteuse, allant même jusqu'à chroniquer à sa manière le double 33 tours de l'enregistrement public du spectacle dans ce livre qui mérite largement sa place au chevet de tout fan de la chanteuse ! A l'occasion d'une interview pour Pure Charts en novembre 2010, l'interprète de "La drôle de fin" se souviendra de l'élégance de l'écrivain.

Visionnez Sylvie Vartan live, "Changement de cavalière" (Palais des Congrès 1975) :
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En 1978, "Paris Match" propose à Roger Peyrefitte de couvrir le show d'Amanda Lear au Palace. Peyrefitte ne connaît pas la reine du disco mais ses jeunes amis ont dansé tout l'été sur son tube : "Follow Me". Ils le pressent d'accepter. Roger Peyrefitte fera un clin d’œil à la Muse de Dali et a son hit dans son roman californien : "Roy" (1979). « Commencée dans la voiture, l'interview se poursuit dans le réduit servant de loge à la chanteuse. Amanda Lear charme l'écrivain par son naturel (…) Après le spectacle, Peyrefitte revient la saluer avec Alain-Philippe, qu'il présente comme son fils adoptif. Séduite par le jeune homme, elle le revoit le lendemain (…) Quelques semaines plus tard, elle l'invitera à l'accompagner dans une tournée au Brésil et aux Etats-Unis » nous informe Antoine Deléry.



Amanda Lear se confiera à ce sujet à nos confrères de Pure People. « Je suis tombée amoureuse d'Alain-Philippe Malagnac, ce qui a bouleversé ma vie. Fabrice Emaer m'avait appelée pour que j'inaugure Le Palace. La peinture n'était pas sèche, il n'y avait pas de loge, mais c'était un événement, et "Paris Match" avait demandé à Roger Peyrefitte de m'interviewer. Le voilà qui débarque avec son fils adoptif, Alain-Philippe Malagnac - puisqu'à l'époque, lorsqu'on avait un petit ami, on l'adoptait. Et j'en tombe folle amoureuse ! D'ailleurs, je tombe souvent amoureuse de garçons homosexuels (...) Dali faisait la gueule. Roger Peyrefitte était ravi, il est devenu mon beau-père et, dès lors, je l'ai reçu tous les étés à la maison. Concernant la relation entre Roger Peyrefitte et Alain-Philippe, c'était de la pédophilie. Alain-Philippe était un petit giton. Il a croisé Josée Dayan au café de Flore, qui s'occupait du casting pour "Les amitiés particulières", l'adaptation du livre de Roger Peyrefitte. Il leur fallait de beaux petits mecs habillés en enfants de chœur. Et Peyrefitte, qui était sur le tournage et avait presque 60 ans, a ressenti un coup de foudre pour Alain-Philippe, qui en avait 14, et l'emmena à Capri, le grand tralala. Sa famille n'a rien dit ? Un jeune garçon avec un vieux monsieur, on se disait qu'il l'éduquait, on ne voyait pas cela sur le plan sexuel. Quand Alain-Philippe m'a raconté, j'étais choquée ».

Visionnez Amanda Lear et Roger Peyrefitte, "Ho fatto L'amore (con me)" (1980) :
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Roger Peyrefitte est décédé en 2000, à 93 ans, atteint de la maladie de Parkinson. Alain-Philippe Malagnac est mort dans l'incendie de la maison en Provence qu'il partageait avec son épouse Amanda Lear (retenue en Italie le jour du drame), quelques jours à peine après l'écrivain. Un double drame pour l'animatrice, comédienne, peintre et chanteuse qui montrera une grande classe et beaucoup de dignité face à cette lourde épreuve. Dans "Notre amour", Roger Peyrefitte parle d'un pacte d'amour passé entre Astolphe (nom donné à Malagnac dans le livre) et lui. Ils se promettaient de ne jamais se quitter et que la mort de l'un entraînerait celle de l'autre… Ce fut le cas.

A travers sa biographie intitulée "Roger Peyrefitte - Le sulfureux -", Antoine Deléry dresse le portrait haut en couleurs d'un amoureux de la beauté, libre-penseur, irrévérencieux, élégant, drôle et provocateur. C'est aussi l'occasion de revenir sur presque un siècle d'histoire de l'homosexualité, avec ses combats, ses victoires, l'avant “Marais”… Roger Peyrefitte est incontestablement un homme qui a fait avancer la cause des gays et dont l’œuvre éclectique mérite largement d'être réhabilitée aujourd'hui. Retrouvez dans cette biographie la vie et l’œuvre d'un avant-gardiste tiré à quatre épingles et qui sur son chemin croisa aussi, entre autres, deux icônes : la furtive Sylvie et la fidèle Amanda. Bravo à Antoine Deléry pour cet ouvrage passionné et passionnant !

Visionnez Amanda Lear, "Fashion Pack" (1979) :


NB : Le livre d'Antoine Deléry "Roger Peyrefitte - Le sulfureux-" sera présenté sur l'antenne de France 2, lors de la prochaine émission dominicale de Michel Drucker, dont l'invitée sera Amanda Lear.
Pour en savoir plus, visitez ho-editions.com, ou la page Facebook officielle.

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