mardi 01 mars 2011 17:32

Rencontre avec Thierry Chassagne, président des Victoires (vidéo)

Par Charles DECANT | Rédacteur
Président des Victoires de la Musique, qui se dérouleront ce mardi soir, et PDG de Warner Music France, Thierry Chassagne revient pour nous sur cette nouvelle édition des Victoires, mais aussi sur les offres de musique proposées sur le Net et leur évolution. Entretien.


Le nouveau Président des Victoires de la Musique, Thierry Chassagne, a voulu renouveler la cérémonie aux 25 ans d’existence. Après une première soirée, le 9 février dernier, où Ben l'Oncle Soul, Stromae, Gaëtan Roussel, Hindi Zahra ou Lilly Wood & The Prick ont notamment décroché un trophée, l’acte II attribuera mardi soir six trophées. Une volonté « d'être plus dynamique sur le programme » et moins long (2 heures 30 au lieu de 4 heures 10).

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Mardi soir se déroulera la seconde partie des Victoires de la Musique. Pourquoi cette division en deux cérémonies ?
On était arrivé au bout d’un cycle.
Thierry Chassagne : On s’était aperçu que sur les Victoires passées, on était arrivé au bout d’un cycle. C’était une émission qui durait très longtemps. La dernière cérémonie avait duré 4 heures 10, et comme on souhaitait être plus dynamique sur le programme, il fallait réduire le temps. Mais sans supprimer de Victoire, et surtout de performances d’artistes à la télé. Alors c’était une bonne occasion de le faire en deux parties. Et deux parties, c’est deux émissions de 2 heures 30 soit 5 heures, sans compter les rediffusions. Du coup, ça donne plus de visibilité aux artistes qui aujourd’hui ont du mal à être exposés à la télé.

Une autre cérémonie a beaucoup fait parler ces dernières semaines : les NRJ Music Awards. Peu d’artistes se retrouvent dans les deux cérémonies, pourquoi ?
C’est assez différent : les NRJ Music Awards, ce n’est pas une cérémonie d’une profession, c’est une cérémonie d’une radio. Donc de fait, on est plutôt sur les artistes qui sont joués sur cette radio. C'est-à-dire que si vous n’êtes pas sur cette radio, vous ne pouvez pas avoir accès aux NRJ Music Awards. NRJ est une radio importante, mais en même temps elle n’est pas la seule radio. Vous avez des radios comme France Inter, RTL, Skyrock, Fun Radio : toutes ces radios ont des formats différents, de façons très larges et donc c’est normal que des artistes qui vendent en France ne passent pas sur NRJ. D’ailleurs on l'a vu, il y a des artistes sur NRJ qui ont eu des prix cette année, et qui n’étaient pas forcément dans le succès objectivement de l’année, ce qui d’ailleurs n’en fait pas de mauvais artistes. Un bon artiste n’est pas forcément un artiste qui vend. En revanche, si on est dans une cérémonie, il faut au moins que ça corresponde à une photographie de ce qui s’est passé dans l’année.
Comme dans tout palmarès, il peut y avoir des oubliés. Cette année, il y en a peut-être un peu moins, mais il y en a quand même. Je parle d’artistes qui ont marqué l’année, soit en ayant fait beaucoup d’entrées en concert, soit en ayant vendu beaucoup d’albums. Je pense à Yannick Noah, il a joué au Stade de France et qu’il est la quatrième meilleur vente de l’année avec son album. Il était au première tour, il n’est pas au deuxième tour, je trouve ça dommage. Si on prend
Comme dans tout palmarès, il peut y avoir des oubliés.
David Guetta, je trouve ça dommage aussi. Si on prend la musique urbaine, c’est vrai qu’il y a eu une polémique sur Sexion d’Assaut et je pense qu’ils ont dû être affectés par le vote de l’académie là-dessus. En même temps, ils ont vendu plus de 300 000 albums et c’est un groupe qui existe et qui a vraiment marqué la musique urbaine cette année ; c’est dommage qu’ils soient au premier tour et pas au second. Vous avez également Véronique Sanson : elle était au premier tour, elle aurait pu être au deuxième, elle est en tournée, ça se passe bien. De toute façon dans toute cérémonie avec des prix, que ce soit en France ou à l’étranger, on trouvera toujours un ou deux artistes qui peut rester au bord de la route, c’est dommage mais ce sont les limites de l’exercice.

Qu'avez-vous pensé des polémiques autour des NRJ Music Awards, de Jenifer et M. Pokora notamment ?
Très honnêtement, si on prend le cas de M. Pokora, qui est un artiste que j’aime vraiment bien et qui au-delà de son expression artistique est quelqu’un de sympa, je trouve qu'on ne peut pas dire qu'il ait marqué l’année et ce n’est pas négatif contre Matt, parce que vraiment je l’aime bien.
On ne peut pas dire que M. Pokora ait marqué l’année
Et il serait chez moi (ndlr : Warner Music), ce serait exactement pareil, je dirais la même chose. On ne peut pas dire que cette année son album ait fait un carton, qu’il ait fait des tournées à guichets fermés etc. S’il avait été dans le cadre des Victoires, les gens auraient trouvé ça étonnant. Si on prend les artistes masculins de l’année, Aubert par exemple, n’a jamais sorti un album aussi bien, un album qui a beaucoup vendu. Lavilliers, c’est la première fois qu’il est récompensé et c’est son dix-huitième album et pourtant il a vraiment marqué la chanson française sur les trente dernières années.

Et en revanche pour Mylène Farmer, pas nommée cette année ?
Non, je crois que sur Mylène Farmer c’est différent. Elle ne rentrait pas dans les cadres. Vous savez il y a des dates, et elle ne rentrait pas dans les dates qui faisaient qu’elle ne pouvait pas être nommée aux Victoires.



Donc on peut l’imaginer nommée l’année prochaine ?
Personnellement en tant que Président des Victoires, je dois faire en sorte que toutes les musiques soient représentées et que le public qui est devant sa télé se dise pas « moi je le connais pas » ou « tiens, j’ai acheté le disque de Mylène Farmer et je ne la vois pas aux Victoires ». Donc si Mylène Farmer peut être aux Victoires, vraiment j’adorerais. Si ça doit être une invitation, avec grand plaisir. C’est une grande artiste qui remplit le Stade de France, on voit que ses ventes ont été exceptionnelles. En plus, elle a su s'entourer au niveau production, elle a pris des risques. Elle n'a plus rien à prouver, et pourtant elle se remet en question artistiquement. Et on voit en plus que ça fonctionne, donc forcément on aurait voulu que Mylène Farmer soit là mais au même titre que Yannick Noah ou David Guetta. Cette année, on a fait beaucoup de changements en peu de temps. Je ne suis pas le seul à décider, il y a un conseil d’administration, des diffuseurs, il faut arriver à faire en sorte que ces gens-là cohabitent. Tous n’ont pas forcément les mêmes attentes ou la même connaissance du marché. De fait, ça doit être piloté avec beaucoup de diplomatie et faire en sorte que l’ensemble des gens de cette profession qui abondent dans le sens des Victoires puissent avoir de la satisfaction. Pour moi, j’ai trois catégories de population qui à l’arrivée doivent être heureux : c’est avant tout les artistes parce que ce sont eux qui font les performances et c’est important qu’ils soient dans de bonnes conditions pour exposer leur art. Ensuite, les téléspectateurs parce que c’est important, c’est une émission de télé qui est en plus en deux parties. Les Victoires, si on rajoute le classique et le jazz, c’est 4 émissions de télé et c’est le but de cette association : exposer toutes les musiques sans laisser des gens au bord du chemin et faire en sorte que le public soit au rendez-vous et se dise « tiens, c’est une émission différente, en classique. Tiens c’est super ce qu’ils ont fait en variété. Tiens en jazz c’était cette année en extérieur à Juan-les-pins et c’était super ». C’est aussi notre responsabilité en tant qu’association des Victoires de la musique de proposer quelque chose de qualitatif, de différent et où le téléspectateur se retrouve. Et bien évidemment la troisième, ce sont les gens qui sont représentés au sein de l’association des Victoires et qui font partie de cette filière de façon très élargie. C’est la seule fois dans l’année où l’ensemble de la filière est ensemble derrière un projet, ce qui est important. Ce n’est pas toujours le cas, parfois on est en opposition. Là, l’idée c’est de faire une grande cérémonie où tout le monde est heureux et que ça se passe bien. Et donc tout le monde est heureux si effectivement l’ensemble de cette population est heureuse.

Selon vous, la musique payante est-elle aujourd'hui dépassée ?
Je ne pense pas que ce soit dépassé. Je pense qu’il y a différents formats qui existent. Le format gratuit déjà n’existe pas : vous allez acheter votre baguette, vous n’allez pas avoir votre baguette gratuite parce qu’il y a un panneau de pub au-dessus de la boulangerie, ça n’existe pas. Donc le vrai problème c’est la monétisation de la publicité. Cette publicité ne remplace absolument pas tout.
Le vrai problème de fond c’est comment produire de la musique ?
Le vrai problème de fond c’est comment produire de la musique ? C’est un coût. On sait aujourd’hui qu’il y a huit artistes sur dix qui perdent de l’argent et qu’à un moment donné, il faut bien les produire. Ils rapporteront peut-être de l’argent au deuxième ou troisième album mais en attendant ils en perdent. Produire un artiste ça coûte beaucoup d’argent, mais les gens ne s’en rendent pas compte. Pour eux, une fois que c’est sur Internet, ils n’ont pas l’impression qu’il y a eu tout un travail de studio avec des musiciens payés, des clips de réalisés, du marketing, de la distribution et des gens qui ont travaillé dessus, des employés, des gens passionnés en plus.

Le nouveau single de Lady Gaga, "Born This Way", s'est téléchargé 450 000 fois en trois jours aux USA, 60 000 fois en Angleterre et seulement 11 000 fois en France. Peut-on parler d'exception culturelle française ?
Non, on sait qu’en France, le digital se développe plus lentement que dans d’autres pays. Les pays dont vous parlez sont des pays d’une culture très musicale où le digital est beaucoup plus développé. Aux Etats Unis, c’est 50% du marché en digital. On a vu cette année que les sites de streaming ont beaucoup progressé. Voyez une offre très attractive entre Orange et Deezer ; aujourd’hui on est à plus de 500 000 abonnements, ce qui est énorme. D’autres acteurs arrivent sur le marché. On est vraiment à l’orée d’un vrai décollage du digital avec des formes de consommation différentes ce qui est vraiment intéressant pour le consommateur parce qu’il a le choix. Donc oui, aujourd’hui on n'est qu’a 16% de musique en digital mais on pense que ça peut très vite décoller. Et ce d’autant plus que la loi HADOPI va être appliquée de façon un peu plus intensive sur ce semestre.

Les Prêtres ou Nolwenn Leroy, avec son album "Bretonne", sont des succès qui s’adressent peut-être plus à un public plus âgé. Le public sénior est-il un eldorado pour l'industrie du disque ?
Je pense que si on se dit que le public sénior est l’eldorado, les producteurs de musique ne vont pas rester très longtemps ! En général, la musique a été très prescriptrice avec les jeunes : ils créent les mouvements. Après, vous avez certains types de musique, et notamment en période de fêtes, avec des ventes qui apparentent plus à des cadeaux. Et c'est ça qui fait en général une clientèle un peu plus sénior, mais tout au long de l’année, on voit que se sont les jeunes font les tendances et les modes. Ils peuvent s’approprier les vrais courants musicaux et je pense qu’un producteur de musique qui se dit « je ne m’adresse plus qu’aux séniors », est amené à disparaitre, à terme. Ce serait une mauvaise stratégie.

Cette interview a été amendée par Thierry Chassagne.
Pour en savoir plus, visitez lesvictoires.com.

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