Les Victoires de la Musique critiquées : les organisateurs répondent !

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
La 38ème édition des Victoires de la Musique, ce vendredi soir sur France 2, fait débat. Mêmes artistes en compétition, absence du rap ou de l'électro, accusations de triche... Les organisateurs répondent aux nombreuses critiques sur la cérémonie.
Crédits photo : Montage Pure Charts / Bestimage
« Tous les mêmes et y'en a marre » chantait Stromae en 2013. Certes, le maestro belge fait office de grand favori des 38èmes Victoires de la Musique, avec quatre chances de l'emporter ce vendredi soir. Mais à regarder de plus près la liste des nommés, ce sont, justement, tous les mêmes en compétition. De quoi faire dire à certains que ces Victoires de la Musique 2023 sont en réalité les Victoires de la Musique 2022. En effet, parmi les artistes les plus qualifiés, on retrouve Orelsan, Clara Luciani, Juliette Armanet et Angèle. Un quatuor déjà omniprésent l'an dernier et qui s'accapare, pour cette 38ème édition, 10 des 31 nominations. Au contraire, on peut même s'étonner, et le principal intéressé le premier, de ne pas retrouver Benjamin Biolay et son album "Saint-Clair", pourtant chouchou de la cérémonie. Une surreprésentation que les équipes de la cérémonie expliquent par une exploitation de plus en plus longue des albums, qui se fait maintenant sur deux ans avec des sorties de singles étalées sur la durée et le phénomène des rééditions.

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Clara Luciani nommée pour une chanson sortie... en 2021


Pour preuve, Angèle concoure en tant qu'Album de l'année pour la réédition de "Nonante-Cinq", tandis que la chanson "Coeur" de Clara Luciani, disponible depuis juin 2021, pourrait gagner un prix en ce mois de février 2023. « Un gros titre en radio peut parfois durer cinq à six mois. Un artiste important qui a quatre singles forts sur un même CD peut se retrouver à le promouvoir sur deux ans » explique à BFM TV Stéphane Espinosa, le président des Victoires, qui met donc en avant une promotion rallongée avec de grosses tournées : « Les artistes nommés dans la catégorie Album vont souvent signer le gros succès scénique de l'année suivante, et être de nouveau nommés dans la catégorie concert ». Les trois nommés dans la catégorie cette année ? Orelsan, Clara Luciani et Juliette Armanet, encore.

Comme le soulignent nos confrères de BFM TV, il semble y avoir un problème de "sur-nomination" des artistes ces derniers temps. Par exemple, Orelsan a déjà cumulé 17 nominations en 12 ans, contre 20 pour Etienne Daho sur 38 ans. L'autre gros bémol pointé du doigt, c'est la suppression des catégories de genres depuis 2019. Ces trois dernières éditions, les prix récompensant les albums rock, électro, de musiques urbaines ou musiques du monde ont tout simplement disparu. Un retrait que Stéphane Espinosa explique par des « incohérences » : « On entendait que les artistes électro retenus n'étaient pas vraiment électro, pareil pour les artistes rap. On s'est retrouvé avec des artistes qui remportaient une catégorie à laquelle ils n'appartenaient pas vraiment. Aujourd'hui, la musique est tellement mélangée; certains artistes n'ont pas envie de se retrouver "ghettoïsés" dans une catégorie ».




Il est vrai que voir Jeanne Added remporter le prix du Meilleur album rock pour un disque électro-pop à de quoi faire lever un sourcil. Mais cette disparition provoque un autre problème : la mise en retrait de deux des genres les plus populaires en France. D'un côté, l'électro, genre qui s'exporte le plus à l'étranger grâce à David Guetta, DJ Snake, Justice, Polo & Pan ou Laurent Garnier (et la liste est longue...). Suite à l'annonce des nommés, l'artiste électro Yuksek s'était désolé de l'absence de ses collègues platinistes et avait pointé du doigt les « petits arrangements » au sein de la cérémonie. De l'autre, le rap, le genre le plus populaire et écouté en France. D'où le coup de gueule de SCH l'an dernier, déçu de ne pas voir parmi les nommés Gazo, Laylow ou Jul qui figurent pourtant parmi les plus gros vendeurs du moment. Pourtant, il y a une petite amélioration cette année entre les prix de l'Album le plus streamé pour un chanteur et une chanteuse (cette année, Ninho et Angèle) et la présence de deux rappeurs parmi les révélations : Tiakola et Lujipeka.

"Le jeu est truqué"


« Franchement c'est cool, je pense que c'est bon signe. Le discours de SCH l'an dernier a dû marquer et porté ses fruits. Je pense que ça a eu un impact » affirme à notre micro Lujipeka, ancien membre du duo Columbine : « Mais ça aurait pu aller plus loin. J'ai pas la liste en tête, mais Gazo aurait totalement mérité sa place... J'espère que ça tend à se développer encore plus ». Même son de cloche pour Tiakola : « C'est important pour moi et même pour les générations d'après. Plus on performe dans la musique, plus on va avoir de la reconnaissance ». Les catégories Révélations restent quant à elle plutôt logiques au vu des nommés, même si on peut s'étonner de la présence de Jacques, qui a déjà deux albums à son actif, une petite communauté de fans et des concerts depuis 10 ans.



Interrogé par Le Parisien, Mathieu Dassieu, président de la Fédération nationale des labels indépendants (Félin), met les pieds dans le plat : « Le jeu est truqué. C'est une énorme opération commerciale orchestrée par la dizaine de plus grosses maisons de disques. C'est un petit milieu et les enjeux économiques sont énormes. (...) Même moi, qui suis dans le métier et ai interrogé plusieurs fois l'association, je n'arrive pas à savoir qui est dans le collège des votants. Il n'y a aucune transparence ». On comprend pourquoi certains artistes comme Lomepal, Mylène Farmer ou Indochine refusent d'être nommés....

Ainsi, face à ces Victoires de la Musique et à leur faible nombre de catégories (seulement 10 contre 91 pour les Grammy Awards par exemple), d'autres cérémonies alternatives sont créées comme le Prix Joséphine, attribué par des journalistes spécialisés à un album, en l'occurrence celui de November Ultra cette année, également en lice aux Victoires de la Musique. Mais aussi Les Flammes, première cérémonie rap française qui aura lieu le 11 mai avec pas moins de 21 catégories ! Face à ces nombreuses critiques et la création d'autres cérémonies concurrentes, les Victoires de la Musique peuvent-elles se réinventer ? « Naturellement, il reste encore du travail, tout bouge très vite pour la musique. Je pense qu'il y a plein de pistes qu'il faut réouvrir et auxquelles il faut réfléchir. Je ne suis fermé à aucune remarque » estime Stéphane Espinosa. Pourtant, entre la présence de plus de nommés (et plus seulement trois par catégories, exceptés Album et Chanson originale), le retour des catégories de genre et donc l'inclusion des rappeurs, les idées sont nombreuses pour ne pas se retrouver avec... tous les mêmes.

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